par le visage et par les yeux, ils lui arrachèrent | naient que Philotas chargeait et innocents et encore la confession de ce crime. Après, lui ayant ordonné de déduire l'ordre de la conjuration, il répondit << que, n'y ayant point d'apparence que le roi revînt sitôt de la Bactriane, il avait craint que son père, âgé de soixante et dix ans, qui avait une si belle armée et tant de millions en son pouvoir, ne vint cependant à lui manquer, et que, se trouvant dépouillé d'une si grande puissance, il n'y eût pas lieu d'exécuter leur dessein, et qu'à cette occasion il s'était hâté, pendant qu'il avait les forces en main; qu'au reste, il leur avait déclaré le tout de point en point; que s'ils croyaient néanmoins que son père eût participé à ces derniers conseils, il ne refusait pas encore la question, quoiqu'il ne fût plus en état de la souffrir. » Comme ils eurent conféré ensemble, jugeant qu'il en avait assez dit, ils furent trouver le roi, qui leur commanda « que le lendemain ils fissent lecture de la déposition de Philotas en pleine assemblée, et qu'on l'y apportât, parce qu'il ne se pouvait soutenir. » Etant demeuré d'accord de tout, on amène Démétrius, accusé d'avoir trempé dans la nouvelle conspiration; mais il le niait fort et ferme, et, avec un courage et une contenance assurée, il faisait des serments horribles qu'une telle manie ne lui était jamais entrée dans l'âme; même il insistait que, pour sa plus grande justification, il fût mis à la vorture, quand Philotas, tournant les yeux de tous côtés, aperçut près de là un certain Calys, et lui dit qu'il s'approchât. L'autre, tout troublé, n'en voulant rien faire, « Quoi! dit-il, tu souffriras que Démétrius mente de la sorte et que je sois encore tourmenté? » Calys était demeuré plus mort que vif, et les Macédoniens s'imagi que ejus everberarent, ut hoc quoque crimen confiteretur, expressere. Exigentibus deinde, ut ordinem cogitati sceleris exponeret; « quum diu Bactra retentura regem viderentur, timuisse respondit, ne pater LXX natus annos, tanti exercitus dux, tantæ pecuniæ custos, interim exstingueretur, ipsique, spoliato tantis viribus, occidendi regis causa non esset. Festinasse ergo se, dum præmium haberet in manibus. Repræsentare consilium, cujus patrem fuisse auctorem nisi crederent; tormenta, quanquam tolerare non posset, tamen non recusaret. » Illi, colloquuti satis quæsitum videri, ad regem revertuntur: qui postero die, et quæ confessus erat Philotas recitari, et ipsum, quia ingredi non poterat, jussit afferri. Omnia agnoscente eodem, Demetrius, qui proximi sceleris particeps esse arguebatur, producitur: multa affirmatione, animique pariter constantia, et vultu abnuens, quidquam sibi in regem cogitatum esse, tormenta etiam deposcebat in semet ipsum. Quum Philotas, circumlatis oculis incideret in Calin quemdam, haud procul stantem, propius eum jussit accedere. Illo perturbato, et recusante transire ad eum, << Patieris, inquit, Demetrium mentiri, rursusque me excruciari? » Calin vox sanguisque defecerant; et Macedones Philotam inquinare innoxios velle suspicabantur, quia nec a Nicomacho, nec ab ipso Philota, quum torque coupables, à cause que ce jeune homme n'avait point été nommé par Nicomachus ni même par Philotas dans la question. Néanmoins, quand il se vit environné des prévôts, il confessa que Démétrius et lui étaient du nombre des conjurés; tellement que, le signal donné, Philotas et tous les autres nommés par Nicomachus furent assommés à coups de pierre, selon la coutume du pays. Il est certain qu'Alexandre courut grande fortune non-seulement de la vie, mais de voir mutiner tout son camp, parce que Parménion et son fils étaient si puissants et en telle considération, qu'à moins que d'être convaincus, on ne les eût pas condamnés qu'il n'y eût eu de grandes rumeurs dans l'armée. Aussi la recherche en était chatouilleuse et l'événement hasardeux ; car tant que Philotas dénia le crime, la procédure semblait injuste et pleine de cruauté; mais il ne l'eut pas plutôt confessé, qu'il ne trouva plus de compassion, même dans le cœur de ses amis. LIVRE SEPTIÈME. SOMMAIRE. I. Alexandre donne charge de tuer Lincestes, criminel de lèse-majesté. Il fait ensuite informer contre Amyntas et Simmias, amis de Philotas. Ils défendent leur innocence avec beaucoup de vigueur et de force. - II. Amyntas et ses frères rentrent en grâce. Le roi envoie Polydamas dans la Médie pour tuer Parménion; ce qui fut cause d'une mutinerie qui fut enfin apaisée. III. Alexandre subjugue quantité de peuples, et passe en dix-sept jours le Caucase avec son armée. - IV. Bessus met en délibération dans un festin à faire la guerre contre Alexandre, et ne peut acquiescer au sage conseil de Cobaris. Cependant Alexandre arrive dans le pays des Bactriens, retur, nominatus esset adolescens; qui, ut præfectos regis circumstantes se vidit, Demetrium et semetipsum id facinus cogitasse confessus est. Omnes ergo a Nicomacho nominatos, more patrio, dato signo, saxis obruerunt. Magno non modo salutis, sed etiam vitæ periculo liberatus erat Alexander: quippe Parmenio et Philotas, principes amicorum, nisi palam sontes, sine indignatione totius exercitus non potuissent damnari. Itaque anceps quæstio fuit: dum inficiatus est facinus, crudeliter torqueri videbatur; post confessionem Philotas ne amicorum qui dem misericordiam meruit. LIBER SEPTIMUS. ARGUMENTUM. CAP. I. Alexander Lyncestes, majestatis reus, interficitur. Deinde in Amyntam et Simmiam, Philotæ amicos, inquiritur, qui suam innocentiam gravi oratione tuentur. - II. Amynta et fratribus in gratiam receptis, Polydamas, a rege jussus, in Mediam celeriter profectus, Parmenionem interficit: unde indignatio et seditio, quæ tandem exstinguitur. III. Agriaspas, Arachosios, Parapamisadas où il reçoit nouvelle de la révolte des Grecs et de la mort de Satibarzane, qui avait été tué dans un combat singulier. - V. L'armée d'Alexandre passe avec adresse le fleuve Oxus. Bessus, ayant été pris par une ruse, est amené devant Alexandre, qui le donne à Oxathrès, frère de Darius, pour le mettre en croix. VI. Alexandre prend beaucoup de villes par l'affection des Barbares et des Macédoniens. Il fait bâtir Alexandrie auprès du fleuve Tanaïs, et achève cet ouvrage en peu de temps. - VII. Alexandre, encore malade d'une blessure, tient conseil avec les siens pour aller faire la guerre aux Scythes. Aristandre accommode à la volonté du roi les pré sages qu'il découvre dans les entrailles des victimes. Ménédème est défait et tué avec deux mille hommes de pied et trois cents de cheval macédoniens. Alexandre dissimule adroitement cette défaite. - VIII. Tandis que l'armée se prépare à la guerre, il arrive des ambassadeurs des Scythes, qui font à Alexandre un beau dis. cours touchant la paix. - IX. Alexandre, ayant renvoyé les ambassadeurs, passe le Tanaïs, fait la guerre aux Scythes et traite favorablement les vaincus. - X. Courage invincible des nobles de la Sogdiane. Punition de Bessus. L'armée d'Alexandre fortifiée par de nouvelles troupes. - XI. Alexandre oblige la ville de Pétra de se rendre, bien qu'elle soit forte, et presque imprenable par son assiette. I. Lorsque les traces du crime de Philotas étaient encore toutes fraîches, les soldats croyaient qu'il avait été puni justement; mais depuis qu'ils ne virent plus l'objet de leur haine, elle se convertit en pitié. Le mérite de la personne qu'on avait fait mourir à la fleur de son âge, et la vieillesse de son père qui voyait sa race éteinte au service du roi, les touchaient sensiblement. Ils plaignaient ce Parménion, qui le premier avait ouvert le passage de l'Asie, qui avait eu sub jugum mittit Alexander, cum exercitu Parapamisum superat, et in ejus radicibus Alexandriam condit. - IV. Bessus de bello adversus Alexandrum inter epulas consultat, sapientique Cobaris consilio minime acquiescit. Interim rex Bactra pervenit, ubi de Græcorum defectione, et Satibarzane singulari certamine occiso advenit ei nuncius. - V. Exercitus Alexandri, siti liberatus, Oxum amnem trajicit. Bessus dolo captus ad Alexandrum adducitur. A quo Darii fratri Oxathri crucifigendus traditur. - VI. Sogdiana subigitur et deficit. Cyropolis et aliæ urbes expugnantur. Alexandria ad Tanaim conditur. VII. De bello Scythis inferendo Alexander æger ex vulnere cum suis init consilium. Aristander vates regis voluntati extorum accommodat significata. Menedemus a Spitamene cum duobus met ccc equitibus interficitur: quod callide admodum dissimulat Alexander. - VIII. Dum exercitus ad bellum accingitur, Scytharum legati adveniunt, ac de pace ad Alexandrum orationem habent. - IX. Alexander legatis dimissis Tanaim trajicit: bellum Scythis infert, et cum victis benigne agit. Sacas se dedentes in fidem recipit; Spitamenem persequitur. -- X. Sogdiana recuperata. Sogdianorum nobilium invictus animus. Bessi supplicium. Novo milite auctus Alexandri exercitus. Urbes conditæ. - XI. Arimazæ petra, situ naturaque loci fere inexpugnabilis, ab Alexandro capitur. I. Philotam sicut recentibus sceleris ejus vestigiis jure affectum supplicio censuerant milites; ita postquam desierat esse, quem odissent, invidia in misericordiam vertit. Moverat et claritas juvenis, et patris ejus senectus at part à tous ses périls et toujours commandé une des ailes de sa bataille, favori de Philippe, et si affidé à Alexandre, qu'il n'employa que lui pour se défaire d'Attalus. L'image de ces choses leur repassait dans l'esprit, et les incitait à tenir des propos séditieux; on les rapportait au roi, qui ne s'en émouvait guère; mais comme il savait que il leur commanda de se rendre à la place du pales vices de l'oisiveté se dissipent par l'occupation, lais, où les voyant en grand nombre, il entra dans l'assemblée. D'abord Apharias, qu'il avait sans doute atitré, demanda qu'on eût à représenter Lyncestes, surnommé Alexandre, qui longtemps avant Philotas avait entrepris de tuer le roi, et depuis trois ans était détenu prisonnier, ayant été déféré par deux témoins. Il était aussi convaincu d'avoir trempé avec Pausanias dans le meurtre de Philippe; mais parce qu'il avait le premier salué Alexandre roi, son supplice fut plutôt sursis que son crime ne fut pardonné. D'ailleurs, les prières d'Antipater, son beau-père, avaient suspendu la colère du prince, qui, étant assoupie, se réveilla quand le danger présent le fit ressouvenir du passé. On amena donc Lyncestes de la prison; et lui qu'il eût eu trois ans à se préparer, si est-ce que, ayant été ordonné de déduire ses défenses, bien hésitant et tremblant, il ne dit que bien peu de telle sorte qu'il perdit et mémoire et jugement. ce qu'il avait prémédité, et, à la fin, se troubla de Tout le monde crut que ce désordre était plutôt un effet d'une mauvaise conscience qu'un défaut que orbitas. Primus Asiam aperuerat regi, omnium periculorum ejus particeps; semper alterum in acie cornu defenderat: Philippo quoque ante omnes amicus; et ipsi Alexandro tam fidus, ut occidendi Attalum non alio ministro uti mallet. Horum cogitatio subibat exercitum; seditiosæque voces referebantur ad regem; quis ille haud edicit, ut omnes in vestibulo regiæ præsto adforent; sane motus, satisque prudens, otii vitia negotio discuti, quos ubi frequentes adesse cognovit; in concionem processit. Haud dubie ex composito Apharias postulare cœpit, ut Lyncestes Alexander, qui multo ante quam Philotas regem voluisset occidere, exhiberetur. A duobus indicibus, sicut supra diximus, delatus tertium jam annum custodiebatur in vinculis: eumdem in Philippi quoque quia primus Alexandrum regem salutaverat, supplicio cædem conjurasse cum Pausania, pro comperto fuit: sed, magis quam crimini fuerat exemptus. Tum quoque Antipatri, soceri ejus, preces justam regis iram morabantur. Ceterum recruduit soporatus dolor; quippe veteris periculi memoriam præsentis cura renovabat. Igitur Alexander ex custodia educitur, jussusque dicere, quam toto triennio meditatus erat defensionem, hæsitans et trepidus, pauca ex iis, quæ composuerat, protulit: ad ultimum non dubium, quin trepidatio conscientiæ indicium esset, non memoria solum, sed etiam mens eum destituit. Nulli erat memoriæ vitium; itaque ex iis, qui proxime adstiterant, obluctantem adhuc oblivioni lanceis confoderunt. Cujus corpore sublato, rex introduci jussit Amyntam et Sim de mémoire; et, comme il bégayait encore, et tachait de renouer les misérables pièces de sa harangue, ceux qui étaient près de lui le tuèrent à coups de javelot. Après qu'on eut enlevé le corps, le roi commanda qu'on amenât aussi Amyntas et ❘rées de leur mauvais dessein; que si ces choses peur que vous ne crussiez qu'avec des paroles << Revenons done au chef principal de l'accuflatteuses je voulusse couvrir les paroles crimi-sation. Je désavoue si peu l'amitié de Philotas, bement que s'il ne se désistait de sa poursuite, il lui montrerait à qui il avait affaire; enfin que ces discours insolents qu'ils tenaient à toute heure contre lui n'étaient que des marques trop assu Simmias; car Polémon, leur plus jeune frère, s'en était fui, lorsqu'il sut qu'on donnait la question à Philotas. De tous ses amis c'était ceux qu'il chérissait le plus, et qu'il avait avancés par son crédit, leur procurant des charges et des emplois honorables; et le roi se ressouvenait du soin qu'il avait eu de les mettre bien auprès de lui, de sorte qu'il ne doutait point qu'ils ne fussent de cette dernière conjuration. Il disait « que ce n'était pas d'aujourd'hui qu'il les avait pour suspects, sa mère l'ayant souvent averti qu'il s'en donnåt de garde; mais comme il ne se portait pas aisément à croire le mal, il les avait soufferts, jusqu'à ce que, forcé par des indices évidents, il les avait fait arrêter; qu'on savait assurément que le jour de devant que la trahison de Philotas fut découverte, ils avaient été en secrète conférence avec lui; et leur frère s'étant enfui durant la question, n'avait pas laissé à deviner la cause de sa fuite; que dernièrement, sous prétexte de faire les bons serviteurs, ils avaient éloigné leurs compagnons qui étaient en quartier, et assiégé ses côtés sans aucune occasion apparente; et comme il s'étonnait de ce que, n'étant pas de service, ils entreprenaient sur la charge des autres, il les avait vus trembler, ets'étant effrayé de leur frayeur, il s'était jeté au milieu de ses gardes; qu'outre cela, le jour de devant que Philotas fut pris, Antiphanes, commissaire de la gendarmerie, ayant sommé Amyntas de fournir des chevaux, selon la coutume, à ceux qui avaient perdu lesleurs, il lui avait répondu super miam: nam Polemon, minimus ex fratribus, quum Philotam torqueri comperisset, profugerat. Omnium Philotæ amicorum hi carissimi fuerant; ad magna et honorata ministeria illius maxime suffragatione producti: memineratque rex, summo studio ab eo conciliatos sibi; nec dubitabat, hujus quoque ultimi consilii fuisse participes. Igitur, «olim esse sibi suspectos matris suæ literis, quibus esset admonitus, ut ab his salutem suam tueretur. Ceterum se invitum deteriora credentem, nunc manifestis indiciis victum, jussisse vinciri. Nam pridie quam detegeretur Philotæ scelus, quin in secreto cum ipso fuissent, non posse dubitari; fratrem vero, qui, profugerit, quum Philotas torqueretur, aperuisse fugæ causam. Nuper præter consuetudinem, officii specie, amotis longius ceteris, admovisse semet ipsos lateri suo, nulla probabili causa: seque mirantem, quod non vice sua tali fungerentur officio, et ipsa trepidatione eorum perterritum, strenue ad armigeros, qui proximi sequebantur, recessisse. Ad hoc accedere, quod uod quum Antiphanes, scriba equitum, Amyntæ denunciasset, pridie quam Philotæ scelus deprehensum esset, ut ex suis equis more solito daret iis, qui amisissent suos, superbe respondisse, nisi incepto desis. étaient véritables, ils ne méritaient pas un meilleur traitement que Philotas; et si elles ne l'étaient point, qu'ils eussent à s'en justifier. >>> Après, Antiphanes, confronté avec Amyntas, lui soutint qu'il n'avait pas seulement refusé des chevaux, mais ajouté à ce refus de grandes menaces. Alors Amyntas ayant eu permission de se défendre, dit « que si cela n'importait de rien au roi, il le suppliait de lui faire ôter ses chaînes tandis qu'il parlerait, » ce qui lui fut accordé et à son frère; et comme il demandait encore qu'on lui rendît ses armes, il lui fit donner une javeline qu'il prit de la main gauche; et après s'être élaigné du lieu où avait été le corps de Lyncestes, it commença à dire : « A quoi que le ciel nous destine et quelque succès que puisse avoir cette affaire, nous avouons, seigneur, que s'il est heureux, nous vous en serons redevables; et s'il en arrive autrement, nous ne saurions l'imputer qu'à notre malheur. Vous ne nous condamnez point sans nous ouïr, et ne vous contentez pas de nous laisser libres en nos personnes, en nos défenses, vous nous remettez au même état auquel nous avons accoutumé de vous suivre. Après cela nous ne devons non plus douter de l'issue du jugement que de la justice de notre cause. Mais permettez-moi, seigneur, de commencer à nous défendre par où vous avez achevé de nous accuser. << Nos consciences ne nous reprochent point d'avoir tenu des discours contraires au respect qui vous est dû; et je dirais qu'il y a longtemps que vous êtes au-dessus de l'envie, si je n'avais teret, brevi sciturum, quis ipse esset. Jam linguæ violentiam, temeritatemque verborum, quæ in semet ipsum jacularentur, nihil aliud esse, quam scelesti animi indicem ac testem: quæ si vera essent, idem meruisse eos, quod Philotam; si falsa, exigere ipsum, ut refellant. >> Productus deinde Antiphanes, de equis non traditis, et adjectis etiam superbe minis, indicat. Tum Amyntas, facta dicendi potestate: « Si nihil, inquit, interest regis, peto, ut dum dico, vinculis liberer. >> Rex solvi utrumque jubet: desiderantique Amyntæ, ut habitus quoque redderetur armigeri, lanceam dari jussit. Quam ut læva comprehendit, evitato eo loco, in quo Alexandri corpus paulo ante jacuerat: « Qualiscumque, inquit, exitus nos manet, rex, confitemur, prosperum eventum tibi debituros, tristiorem fortunæ imputaturos. Sine præjudicio dicimus causam, liberis corporibus animisque; habitum etiam, in quo te comitari solemus, reddidisti. Causam non possumus; fortunam timere desinemus. Te quæso, permittas mihi id primum defendere, quod a te ultimum objectum est. Nos, rex, sermonis adversus majestatem tuam habiti nullius, conscii sumus nobis. Dicerem jam pridem, vicisse te invidiam, nisi periculum esset, ne alia maligne dicta crenelles qu'on nous impute. Que si par hasard il en est échappé quelqu'une un peu licencieuse à vos soldats, ou accablés des fatigues de la guerre, ou exposés à des périls continuels, ou bien étant malades, ou pansant leurs blessures dans leurs tentes, les services de tant de braves hommes méritent bien quelque indulgence, et que vous vouliez plutôt attribuer cela au chagrin quiaccompagne la misère, qu'à aucune sorte de mauvaise volonté. Quand nous souffrons, nous sommes tous criminels, chacun s'émancipe de parler; nous faisons bien davantage, nous tournons nos mains violentes contre nous-mêmes, qu'on ne peut pas dire que nous haïssons; et durant cette fâcheuse humeur si les enfants rencontraient leurs pères, ils ne les regarderaient pas; à peine les pourraient-ils souffrir. Au contraire, tout nous vient-il à souhait, sommes-nous honorés de présents, revenons-nous chargés de butin; on ne peut durer avec nous, un transport d'allégresse nous saisit et nous met hors des bornes. Ni la co que je confesse de l'avoir recherché et d'en avoir tiré de grands fruits : et trouvez-vous étrange que nous ayons fait la cour à celui qui possédait presque toute la faveur, et qui était fils de Parménion, votre bras droit ou plutôt votre seconde personne? Que s'il en faut dire la vérité franchement, c'est vous, c'est vous qui nous avez tendu ce piége, seigneur : car qui a fait que tous ceux qui voulaient vous plaire ont couru à lui, si ce n'est vous-même? C'est de sa main que nous vous avons été donnés, et que nous avons été élevés au rang que nous tenions dans votre bienveillance. Vous l'aviez fait si puissant, que nous avions sujet de désirer son amitié et de redouter ses mauvaises grâces. Mais n'avonsnous pas juré entre vos mains, en la forme que vous nous avez dictée, que nous serions amis de vos amis, et ennemis de vos ennemis? Liés par un serment si solennel, pouvions-nous ne pas adorer un homme que vous préfériez à tous les autres, que vous faisiez l'arbitre de nos fortunes? lère ni la joie du soldat ne sont jamais modérées; ❘ Certainement si c'est là un crime, peu en sont toutes nos passions nous emportent avec violence; nous blámons, nous louons, nous sommes touchés de pitié, d'indignation, enflammés de courroux, selon les divers objets qui nous meuvent. Aujourd'hui, nous ne parlons que d'aller conquérir les Indes et l'Océan; et demain, l'amour de la patrie, de nos femmes, de nos enfants nous rappelle. Mais toutes ces pensées, tous ces murmures se dissipent au premier son de trompette; alors nous courons chacun en nos rangs, et tout ce que nous avons conçu de colère et de dépit dans nos tentes, nous l'allons décharger sur la tête des ennemis. Et plût à Dieu que Philotas en fût demeuré dans les termes de simples paroles! deres blanda oratione purgari. Ceterum etiamsi militis, tui, vel in agmine deficientis et fatigati, vel in acie periclitantis, vel in tabernaculo ægri, et vulnera curantis, aliqua vox asperior esset accepta; merueramus fortibus factis, ut malles ea tempori nostro imputare, quam animo. Quum quid accidit tristius, omnes rei sunt: corporibus nostris, quæ utique non odimus, infestas admovemus manus; parentes, liberis si occurrant, et ingrati et invisi sunt. Quum donis honoramur, quum præmiis onusti revertimur, quis ferre nos potest? quis illam animorum alacritatem continere? militantium nec indignatio nec lætitia moderata est. Ad omnes affectus impetu rapi mur; vituperamus, laudamus, miseremur, irascimur, ntcumque præsens movit affectio. Modo Indiam adire et Oceanum libet; modo conjugum, et liberorum, patriæque memoria occurrit. Sed has cogitationes, has inter se colloquentium voces, signum tuba datum fiuit : in suos ordines quisque currimus, et quidquid irarum in tabernaculo conceptum est, in hostium effunditur capita. Utinam Philotas quoque intra verba peccasset! Proinde ad id revertar, exempts, et j'oserai dire personne; car tous ont voulu être des amis de Philotas: mais ne l'était pas qui voulait; de sorte que si vous ne distinguez point ses amis d'avec les coupables, vous ne mettrez point aussi de différence entre ses amis et ceux qui ont désiré de l'être. << Quelle preuve donc ou quel indice y a-t-il contre nous? Est-ce que le jour de devant il nous a entretenus en particulier, et que nous avons eu une longue conférence ensemble? Cela serait bon, et nous n'aurions pas de quoi nous laver, si nous n'avions toujours vécu ainsi avec lui; mais n'ayant rien fait ce jour-là que nous n'eussions accoutumé de faire tous les autres jours, notre coutume est notre justification. Oui, propter quod rei sumus. Amicitiam, quæ nobis cum Philota fuit, adeo non eo inficias, ut expetisse quoque nos, magnosque ex ea fructus percepisse confitear. An vero Parmenionis, quem tibi proximum esse voluisti, filium, omnes pæne amicos tuos dignatione vincentem, cultum a nobis esse miraris? Tu hercule, si verum audire vis, rex, hujus nobis periculi causa es. Quis enim alius effecit, ut ad Philotam decurrerent, qui placere vellent tibi? Abillo traditi ad hunc gradum amicitiæ tuæ ascendimus. Is apud te fuit, cujus gratiam expetere, et iram timere possemus. Annon propemodum in tua verba tui omnes, te præeunte, juravimus, eosdem nos inimicos amicosque habituros esse, quos tu haberes? hoc sacramento pietatis obstricti aversaremur scilicet, quem tu omnibus præferebas! Igitur si hoc crimen est, (tu) paucos innocentes habes; imo hercule neminem. Omnes enim Philotæ amici esse voluerunt; sed totidem, quot volebant esse, non poterant: ita si a consciis amicos non dividis, nec ab amicis quidem separabis illos, qui idem esse voluerunt. Quod igitur conscientiæ affertur indicium? ut opinor, quia pridie familiariter et être plus de danger à me taire qu'à parler? Mais en arrive ce qui pourra! si j'ai à vous déplaire, seigneur, j'aime mieux que ce soit en me justifiant qu'en passant pour coupable. mais j'ai refusé des chevaux à Autiphanes, et il se trouve que c'est justement la veille du jour que Philotas fut arrêté. S'il pense nous rendre suspects pour ne lui avoir pas voulu donner des chevaux, qu'a-t-il à dire pour lui-même, qui en a voulu avoir? Certes, le soupçon est égal des deux côtés, autant contre celui qui demande que contre celui qui refuse; si ce n'est que la cause est toujours meilleure de celui qui ne veut pas donner ce qui lui appartient, que de l'autre qui demande ce qui n'est pas à lui. Au reste, je n'avais en tout que dix chevaux, dont Antiphanes en avait déjà distribué huit à ceux qui avaient perdules leurs. Il ne m'en restait que deux, que cet insolent, et je puis dire le plus déraison-zèle qu'il ne m'était expédient. J'ai tiré de là un nable des hommes, voulait emmener à toute force: pouvais-je les laisser aller, à moins que de vouloir combattre à pied dans la cavalerie? Je ne nie pas que je n'aie parlé à lui, comme un homme de cœur et de ma condition peut parler au plus lâche homme de la terre, et qui n'a point de meilleur emploi dans l'armée que de fournir les chevaux d'autrui à ceux qui veulent combattre. Mais ne suis-je pas bien malheureux qu'il me faille, d'une même excuse, satisfaire et Alexandre et Antiphanes? « Néanmoins la reine votre mère vous a écrit que nous étions vos ennemis. Je suis marri que les soins qu'elle a pour son fils ne soient accompagnés de plus de prudence, et qu'elle vous remplisse l'esprit de ces vaines terreurs. Comment a-t-elle oublié de vous mander le sujet de sa crainte? Comment n'a-t-elle point nommé son auteur, ni spécifié ce que nous avons fait ou dit qui l'ait mue à vous écrire des lettres si effrayan « Vous savez si ce que je vais dire est vrai; et il vous souviendra, s'il vous plaît, que lorsque vous m'envoyâtes en Macédoine pour y lever des troupes, vous me dîtes qu'il y avait force jeunes gens propres à porter les armes qui se cachaient dans le palais de la reine, de peur d'aller à la guerre. Là-dessus, vous me commandátes de ne regarder que vous, et de vous amener, à quelque prix que ce fût, cette jeunesse fainéante; ce que j'ai fait peut-être avec plus de Gorgias, un Hécatée et un Gorgate, qui vous rendent de si bons services. « Qu'y a-t-il donc de plus injuste que de me faire mourir pour vous avoir obéi, puisque j'aurais mérité la mort si je ne l'avais pas fait? car, après tout, nous ne sommes persécutés de la reine votre mère que pour avoir préféré votre service à ses bonnes grâces. Je vous ai amené dix mille hommes de pied macédoniens et six cents chevaux, dont une partie ne m'aurait pas suivi pour peu que je me fusse relâché de vos ordres. Si ce n'est donc que pour cela que la reine nous en veut, c'est à vous, seigneur, à faire notre paix, puisque c'est vous qui nous avez mis en butte à sa colère. » II. Pendant qu'Amyntas poursuivait ainsi, ceux qui avaient atteint son frère Polémon comme il s'enfuyait arrivèrent et le ramenèrent lié. A peine put-on empêcher que la multitude animée ne l'assommât sur l'heure à coups de pierre, tes? A quoi en suis-je réduit, qu'il n'y a pas peut-comme on avait accoutumé; mais sans donner sine arbitris loquutus est nobiscum? At ego purgare non possem, si pridie quidquam ex vetere vita ac more mutassem. Nunc vero, si ut omnibus diebus, illo quoque, qui suspectus est, fecimus, consuetudo diluet crimen. Sed equos Antiphani non dedimus? et, pridie quam Philotas detectus est, hæc mihi cum Antiphane res erat? qui si nos suspectos facere vult, quod illo die equos non dederimus, semet ipsum, quod eos desideraverit, purgare non poterit. Anceps enim crimen est inter retinentem et exigentem; nisi quod melior est causa suum non tradentis, quam poscentis alienum. Ceterum, rex, equos decem habui, é quis Antiphanes octo jam distribuerat iis, qui amiserant suos. Omnino duos ipse habebam: quos quum vellet abducere homo superbissimus, certe iniquissimus, nisi pedes militare vellem, retinere cogebar. Nec inficias eo, liberi hominis animo loquutum esse me cum ignavissimo, et hoc unum militiæ suæ usurpante, ut alienos equos pugnaturis distribuat. Huc enim malorum ventum est, ut verba mea eodem tempore et Alexandro excusem et Antiphani. At hercule mater de nobis inimicis tuis scripsit. Utinam prudentius esset sollicita pro filio, et non inanes quoque species anxio animo figuraret! Quare enim non adscribit metus sui causam? Denique non ostendit auctorem, quo facto dictove nostro mota tam trepidas tibi literas scripsit. O miseram conditionem meam, QUINTE-CURCE. cui forsitan non periculosius est tacere quam dicere! Sed ut cumque cessura res est, malo tibi defensionem meam displicere, quam causam. Agnosces autem, quæ dicturus sum; quippe meministi, quum me ad perducendos ex Macedonia milites mitteres, dixisse te, multos integros juvenes in domo tuæ matris abscondi. Præcepisti igitur mi. hi, ne quem præter te intuerer; sed detrectantes militiam perducerem ad te. Quod equidem feci, et liberius, quam expediebat mihi, exsequutus sum imperium tuum. Gorgiam, Hecateum et Gorgatam, quorum bona opera uteris, inde perduxi. Quid igitur iniquius est, quam me, qui, si tibi non paruissem, jure daturus fui pœnas, nunc perire, quia parui? Neque enim ulla alia matri tuæ persequendi nos causa est, quam quod utilitatem tuam muliebri præposuimus gratiæ. Sex millia Macedonum peditum et ne equites adduxi, quorum pars sequutura me non erat, si militiam detrectantibus indulgere voluissem. Sequitur ergo, ut, quia illa propter hanc causam irascitur nobis, tu mitiges matrem, qui iræ ejus nos obtulisti. >>> II. Dum hæc Amyntas agit, forte supervenerunt, qui fratrem ejus Polemonem, de quo ante dictum est, fugientem consequuti, vinctum reducebant. Infesta concio vix inbiberi potuit, quin protinus suo more saxa in eum jaceret. Atque ille sane interritus, « Nihil, inquit, pro me deprecor; modo ne fratrum innocentiæ fuga imputetur mea. 17 |