son honneur; et la honte de la captivité vint succombé, lorsque toutes les forces de l'Orient s'ajouter pour lui a la honte de la defaite. LIVRE V. 1. Depuis deux ans (A. de R. 339-341) les Athéniens faisaient la guerre en Sicile soutenus par l'ambition plutôt que par le succès, lorsqu'Alcibiade, l'instigateur et le chef de cette expédition, fut accusé à Athènes d'avoir révélé les mystères de Cérès, dont le secret doit être gardé si religieusement. On le rappela pour le faire paraître devant ses juges; mais tourmenté par ses remords, ou entraîné par le désir de la vengeance, il s'exila en Élide. Depuis, ayant appris que nonseulement on l'avait condamné, mais que les prêtres avaient lancé l'anathème sur sa tête, il se rendit à Lacédémone, et y engagea le roi Agis (A). de R. 340) à déclarer la guerre aux Athéniens, encore affaiblis par les revers éprouvés en Sicile. Les peuples de la Grèce accourent à l'envi se joindre aux Spartiates, comme pour éteindre l'incendie qui les menaçait tous, tant les Athéniens s'étaient rendus odieux par leurs prétentions et leur orgueil. De son côté, Darius, roi de Perse, se rappelant la vieille haine de son père et de son aïeul contre cette république, fait alliance avec les Spartiates par l'entremise de Tissapherne, satrape de Lydie, et promet de payer tous les frais de la guerre. Mais cette alliance n'était qu'un prétexte; il craignait que les Spartiates, après avoir se liguaient contreelle pour l'écraser? Cependant sa résistance fut opiniâtre, et sa chute coûta des flots de sang. Elle combattit jusqu'à la dernière extrémité, vainquit quelquefois, et céda moins à la valeur de ses ennemis qu'aux caprices de la fortune. Dès le commencement de la guerre (A. de R. 332), tout le monde et ses alliés euxmêmes l'abandonnèrent : faiblesse trop commune aux hommes qui placent leur affection où le sort a placé ses faveurs. II. Alcibiade seconde le mouvement dirigé con tre sa patrie non pas avec le courage d'un simple soldat, mais avec toute la science d'un grand capitaine. Il accepte le commandement (A. de R. 342) de cinq vaisseaux, et, faisant voile vers l'Asie, il soulève, par l'autorité seule de son nom, toutes les villes tributaires d'Athènes. Elles savaient quelle était sa réputation dans sa patrie, et ne le crurent pas déchu depuis son exil; elles virent en lui moins un général enlévé aux Athéniens que donné aux Spartiates, et trouvèrent que sa nouvelle puissance compensait suffisamment celle qu'il avait perdue. Mais la gloire d'Alcibiade fut plus enviée que reconnue par les Spartiates. Leurs chefs, ses rivaux, lui firent tendre des embûches pour se délivrer de lui. Alcibiade, instruit du complot par la femme du roi Agis, qu'il avait séduite, se réfugia chez Tissapherne, satrape de Darius, et le gagna bientôt par la grâce de ses manières et son applica vaincu les Athéniens, ne tournassent leurs armes ❘tion à rechercher son amitié. A l'éclat de la jeucontre lui. Qui s'étonnerait, après cela, qu'une ré-nesse, à la beauté du visage, il joignait une élopublique aussi florissante qu'Athènes ait enfin | quence remarquable même chez les Athéniens; citu, a captivitate gladio et voluntaria morte se vindicat. Nicias autem, ne Demosthenis quidem exemplo, ut sibi consuleret, admonitus, cladem suorum auxit dedecore captivitatis. LIBER V. coeundi: re autem vera timebat, ne, victis Atheniensibus, ad se Lacedæmonii arma transferrent. Quis igitur miretur, tam florentes Atheniensium opes ruisse, quum ad opprimendam unam urbem, totius Orientis vires concurrerent? Non tamen inerti, neque incruento cecidere bello; sed præliati ad ultimum, victores etiam interdum, consumpti magis fortunæ varietate, quam vi victi sunt. Principio belli omnes ab his etiam socii desciverant, ut fit: quo se fortuna, eodem etiam favor hominum inclinat. 1. Dum Athenienses in Sicilia bellum per biennium cupidius, quam felicius gerunt, interim concitor et dux ejus Alcibiades absens Athenis insimulatur, mysteria Cereris Initiorum sacra, nullo magis quam silentio solennia, enuntiavisse. Revocatusque a bello ad judicium, sive conscientiam, sive indignitatem rei non ferens, tacitus in exsilium Elidem profectus est. Inde, ubi non damnatum se tantum, verum etiam diris per omnium sacerdotum religiones devotum cognovit, Lacedæmona se contulit; ibique regem Lacedæmoniorum impellit, turbatis Atheniensibus adverso Siciliæ prælio, ultro bellum inferre. Quo facto, omnia Græciæ regna, velut ad exstinguendum commune incendium, concurrunt. Tantum odii Athenienses immoderati imperii cupiditate contraxerant. Darius quoque, rex Persarum, memor paterni avitique in hanc urbem odii, facta cum Lacedæmoniis per Tissaphernem, præfectum Lydiæ, societate, omnem sumptum belli pollicetur. Et erat hic quidem titulus cum Græcisses, insignis: sed in conciliandis amicitiarum studiis, II. Alcibiades quoque motum adversus patriam bellum, non gregarii militis opera, sed imperatoris virtutibus adjuvat. Quippe acceptis quinque navibus, in Asiam contendit, et tributarias Atheniensium civitates, auctoritate nominis sui, ad defectionem compellit. Sciebant enim domi clarum, nec exsilio videbant factum minorem; nec tam ablatum Atheniensibus ducem, quam Lacedæmoniis traditum; partaque cum amissis imperia pensabant. Sed apud Lacedæmonios virtus Alcibiadis plus invidiæ quam gratiæ contraxit. Itaque quum principes velut æmulum gloriæ suæ interficiendum insidiis mandassent, cognita re, Alcibiades per uxorem Agidis regis, quam adulterio cognoverat, ad Tissaphernem, præfectum Darii regis, profugit: cui se celeriter officii comitate, et obsequendi gratia insinuavit. Erat enim et ætatis flore, et formæ veneratione, nec minus eloquentia, etiam inter Athenien éclatait entre eux, il serait appelé par l'un des deux partis. L'imminence du péril fut cause que les Athéniens sacrifièrent leur dignité à leur salut, et le peuple consentit à livrer au sénat son autorité. Mais l'orgueil naturel aux nobles, lesquels revendiquaient chacun pour soi le privilége de la tyrannie, leur ayant fait commettre des actes de cruauté contre le peuple, Alcibiade fut rappelé par l'armée et nommé commandant de la flotte. Il mande aussitôt à Athènes qu'il arrive du continent << avec une armée, et qu'il reprendra aux Quatre« Cents les pouvoirs du peuple, s'ils ne se décident « à les lui rendre. » Effrayés de cette menace, les grands essaient de livrer la ville aux Spartiates, et s'exilent, après une tentative inutile. Alcibiade, ayant délivré sa patrie de ses dissensions intestines, donna tous ses soins à l'armement de la flotte, et marcha contre les Lacédémoniens. mais il cachait de grands vices sous ces dehors | mandement des troupes, ou que si la discorde brillants, et il était plus habile à se faire des amis qu'à les conserver. Il persuade à Tissapherne • de ne pas fournir tant d'argent à la flotte de * Sparte, d'appeler les Ioniens à contribuer aux « charges de la guerre, puisqu'elle a été entreprise << pour les affranchir du tribut qu'ils payaient aux « Athéniens. » Il lui « conseille de ne pas seconder « trop activement les Spartiates. Ce serait ré<< server à d'autres les avantages d'une victoire << remportée avec ses troupes. Il faut ne leur en« voyer que les secours nécessaires pour entre« tenir la guerre. Tant que les Grecs seront divi<< sés, le roi des Perses décidera de la paix et de << la guerre, et vaincra par leurs propres armes « ceux qu'il ne pourra vaincre par les siennes ; << mais une fois la guerre terminée, il aura les << vainqueurs à combattre : qu'il faut donc ruiner << la Grèce par des guerres intestines pour ar<< rêter ses entreprises au dehors et égaliser les << forces des partis, en aidant les plus faibles; « que les Spartiates ne se reposeraient point << après la victoire, eux qui se sont vantés d'être « les vengeurs de la liberté de la Grèce. » Tissa- | pherne goûta ces avis. Aussi n'envoya-t-il aux Spartiates que quelques approvisionnements et une partie de la flotte royale, ne voulant ni leur assurer la victoire, ni les forcer à suspendre la guerre. III. Cependant Alcibiade se prévalait de cette habile politique auprès de ses concitoyens. Il promet aux députés qu'Athènes lui envoie l'amitié du roi des Perses, pourvu que le gouvernement passe des mains du peuple à celles du sénat; espérant ainsi, ou que les deux ordres réunis de la république l'appelleraient au com quam in retinendis, vir melior: quia morum vitia sub umbra eloquentiæ primo latebant. Igitur persuadet Tissapherni, « Ne tanta stipendia classi Lacedæmoniorum præberet. Vocandos enim in portionem muneris Ionios, quorum pro libertate, quum tributa Atheniensibus penderent, bellum susceptum sit. Sed nec auxiliis nimis enixe Lacedæmonios juvandos; quippe memorem esse debere, alienam se victoriam, non suam instruere; et eatenus bellum sustinendum, ne inopia deseratur. Nam regem Persarum, dissidentibus Græcis, arbitrum pacis ac belli fore; et quos suis non possit, ipsorum armis victurum; perfecto autem bello, statim ei cum victoribus dimican. dum. Domesticis itaque bellis Græciam atterendam, ne externis vacet; exæquandasque vires partium, et inferiores auxilio levandos. Non enim quicturos post hanc victoriam Spartanos, qui vindices se libertatis Græciæ professi sint. Grata oratio Tissapherni fuit. Itaque commeatus maligne præbere; classem regiam non totam mittere; ne aut victoriam totam daret, aut necessitatem deponendi belli imponeret. III. Interea Alcibiades hanc operam civibus venditabat: ad quem quum legati Atheniensium venissent, pollicetur his amicitiam regis, si respublica a populo translata ad senatum foret: sperans, ut aut concordante civitate, dux belli ab omnibus legeretur, aut discordia inter ordines IV. Mindare et Pharnabaze, leurs généraux, l'attendaient à Sestos avec leur flotte rangée en bataille. Le combat s'engagea (A. de R. 344), et la victoire resta aux Athéniens. Ils tuèrent la plus grande partie de l'armée ennemie et presque tous ses généraux ; ils prirent aussi quatre-vingts vaisseaux. Quelques jours après, les Spartiates, voulant combattre sur terre, furent vaincus une seconde fois. Accablés par cette double défaite, ils demandèrent la paix; mais les intrigues de ceux à qui la guerre était utile la leur firent refuser. Sur ces entrefaites, les Carthaginois ayant porté la guerre en Sicile, les Syracusains se détachèrent de la coalition, et, rappelant leurs troupes, affaiblirent d'autant les Spartiates. Alcibiade cependant va ravager l'Asie avec sa flotte victorieuse, livre partout des batailles, partout reprend facta, ab altera parte in auxilium vocaretur. Sed Atheniensibus, imminente periculo belli, major salutis, quam dignitatis cura fuit. Itaque, permittente populo, imperium ad senatum transfertur. Qui quum insita genti superbia crudeliter in plebem consuleret, singulis tyrannidis sibi impotentiam vindicantibus, ab exercitu Alcibiades exsul revocatur, duxque classi constituitur. Statim igitur Athenas mittit, « ex continenti se cum exercitu venturum, recepturumque a quadringentis jura populi, ni ipsi redderent. » Hac denuntiatione optimates territi, primo urbem prodere Lacedæmoniis tentavere : dein, quum id nequissent, in exsilium profecti sunt. Igitur Alcibiades, intestino malo patria liberata, summa cura classem instruit; atque ita in bellum adversus Lacedæmonios pergit. IV. Jam Sesti Mindarus et Pharnabazus, Lacedæmoniorum duces, instructis navibus exspectabant. Prælio commisso, victoria penes Athenienses fuit. In eo bello major pars exercitus, et omnes ferme hostium duces cæsi : naves Lxxx raptæ. Interjectis quoque diebus, quum bellum Lacedæmonii a mari in terram transtulissent, iterato vincuntur. His malis fracti, pacem petiere: quam ne acciperent, opera eorum effectum est, quibus ea res quæstum præstabat. Interea et Syracusanorum auxilia illatum a Carthaginiensibus Siciliæ bellum domum revocavit: quibus rebus destitutis Lacedæmoniis, Alcibiades les villes qui s'étaient insurgées, en soumet plu- | l'objet de la haine ou de l'horreur de ses conci sieurs autres et augmente la puissance des Athéniens. Après avoir relevé la gloire de sa patrie sur mer, il y ajoute encore par ses victoires sur terre, et revient à Athènes, où il était impatiemment attendu. Deux cents vaisseaux pris et un butin considérable fut le résultat de cette expédition (A. de R. 346). Un peuple immense court au-devant de l'armée triomphante; on admire ces guerriers et surtout Alcibiade : tous toyens, fut reçu dans sa patrie. V. Cependant les Spartiates confient à Lysandre (A. de R. 346) le commandement de l'armée et de la flotte, et Darius donne à son fils Cyrus le gouvernement de l'Ionie et de la Lydie, en place de Tissapherne. Cyrus aida les Spartiates de ses soldats et de ses richesses, et leur rendit l'espoir de recouvrer leur première puissance. Avec ces nouvelles forces, ils marchent contre les yeux sont tournés vers lui; on le regarde, on | Alcibiade, qui était allé en Asie à la tête de cent vaisseaux; et, tandis que ses troupes, attirées par l'appât du butin, abandonnent leurs rangs sans crainte de surprise, et ravagent les campagnes qu'une longue paix avait fertilisées, ils fondent tout à coup sur les pillards, et en font un si grand carnage, que les Athéniens furent plus maltraités dans cette seule affaire qu'ils n'avaient gagné dans toutes les précédentes. Désespérés, les Athéniens destituent Alcibiade, et le remplacent par Conon. Ils attribuaient leur défaite à la perfidie du général plutôt qu'à l'inconstance de la fortune, croyant qu'Alcibiade les avait trahis, et que le ressentiment de ses anciennes injures l'emportait dans son cœur sur le souvenir des bienfaits dont on venait de le combler. Il n'avait, disaient-ils, vaincu les ennemis que pour leur montrer quel général ils avaient dédaigné, et leur faire acheter plus cher cette dernière victoire (A. de R. 346). On pouvait tout croire, en effet, d'un homme aussi habile et aussi corrompu qu'Alcibiade. Craignant la fureur du peuple, il s'exila une seconde fois. VI. Conon qui lui succède tâche de le remplacer par son activité; il se représente l'exemple d'Al le contemple comme un envoyé du ciel, comme la victoire elle-même; on exalte ce qu'il a fait pour la patrie; ce qu'il a fait contre elle, en exil, n'inspire pas moins d'enthousiasme; on excuse ses emportements, comme ayant été provoqués. Car quel pouvoir, disait-on, dans cet homme qui seul a renversé et relevé un si grand empire! La victoire, le suivait partout, et il semblait qu'il y eût entre lui et la fortune un merveilleux accord. On lui rend tous les honneurs divins et humains, et c'est à qui effacera la honte de son exil par l'éclat de son rappel. On porte au-devant de lui, pour le glorifier de ses triomphes, les statues de ces mêmes dieux qu'on avait conjurés contre lui; on voudrait élever jusqu'au ciel ce proscrit, naguère dépouillé de tout et voué à l'exécration des hommes. On expie ses injures par des honneurs, ses pertes par des présents, son anathème par des supplications. On ne parle point de ses malheurs dans la guerre de Sicile, mais de ses victoires en Grèce; des flottes qu'il a perdues, mais de celles qu'il a conquises. Syracuse est oubliée, on ne se rappelle que l'Ionie et l'Hellespont. C'est ainsi qu'Alcibiade, tour à tour | cibiade, et équipe en peu de temps une nouvelle cum classe victrici Asiam vastat: multis locis prælia facit: ubique victor recipit civitates, quæ defecerant : nonnullas capit, et imperio Atheniensium adjicit: atque ita prisca navali gloria vindicata, adjecta etiam laude terrestris belli, desideratus civibus suis Athenas revertitur. His omnibus præliis ducentæ naves hostium, et præda ingens capta. Ad hunc redeuntis exercitus triumphum effusa omnis multitudo obviam procedit, et universos quidem milites, præcipue tamen Alcibiadem mirantur : in hunc oculos civitas universa, in hunc suspensa ora convertit: hunc quasi de cœlo missum, et ut ipsam Victoriam contuentur : laudant quæ pro patria, nec minus admirantur quæ exsul contra gesserit, excusantes ipsi, iratum provocatumque fecisse. Enimvero tantum in uno viro fuisse momenti, ut maximi imperii subversi et rursum recepti auctor esset; et unde stetisset, eo se victoria transferret; fieretque cum eo mira quædam fortunæ inclinatio. Igitur omnibus non humanis tantum, verum et divinis eum honoribus onerant; certant secum ipsi, utrum contumeliosius eum expulerint, an revocaverint honoratius. Ipsos illi deos gratulantes tulere obviam, quorum exsecrationibus erat devotus; et cui paulo ante omnem humanam opem interdixerant, eum, si queant, in cælo posuisse cupiunt. Explent contumelias honoribus, detrianenta muneribus, exsecrationes precibus. Non Siciliæ illis adversa pugna in ore est, sed Græciæ victoria: non clas ses per illum amissæ, sed acquisitæ, nec Syracusarum, sed Ioniæ Hellespontique meminerunt. Sic Alcibiades nunquam mediocribus, nec in offensa, nec in favore, studiis suorum exceptus est. V. Dum hæc aguntur, a Lacedæmoniis Lysander classi belloque præficitur; et in locum Tissaphernis Darius, rex Persarum, filium suum Cyrum Ioniæ Lydiæque præposuit: qui Lacedæmonios auxiliis opibusque ad spem fortunæ prioris erexit. Aucti igitur viribus Alcibiadem cum centum navibus in Asiam profectum, dum agros longa pace divites securius populatur, et prædæ dulcedine sine insidiarum metu sparsos milites habet, repentino adventu oppressere: tantaque cædes palantium fuit, ut plus vulneris eo prælio Athenienses acciperent, quam superioribus dederant: et tanta desperatio apud Athenienses erat, ut ex continenti Alcibiadem ducem Conone mutarent; arbitrantes, victos se non fortuna belli, sed fraude imperatoris: apud quem plus prior offensa valuis. set, quam recentia beneficia. Vicisse autem eum priore bello ideo tantum, ut ostenderet hostibus, quem ducem sprevissent, et ut carius eis ipsam victoriam venderet. Omnia enim credibilia in Alcibiade vigor ingenii, et morum luxuria faciebat. Veritus itaque multitudinis impetum, denuo in voluntarium exsilium proficiscitur. VI. Itaque Conon Alcibiadi suffectus, habens ante ocu los, cui duci successisset, classem maxima industria flotte (A. de R. 347). Mais il manquait de | des armes avait tenues jusque là dans l'obeissance, soldats, les plus braves ayant été tués dans l'expédition d'Asie. Cependant on arme les vieillards, les enfants; on complète les cadres d'une armée, mais d'une armée sans force et incapable de tenir la campagne. Des soldats si âgés se rendent à lui, et il ne reste au pouvoir des Athéniens que leurs seules murailles. A cette triste nouvelle, tous sortent de leurs maisons et courent épouvantés par la ville; ils s'interrogent les uns les autres, et se demandent avec anxiété et si peu propres au métier de la guerre, n'en ❘ quel est l'auteur de la nouvelle. Les enfants ounouveaux convois. Epuisée par une longue disette et par la perte de ses habitants, Athènes demanda la paix (A. de R. 349). Les Spartiates et leurs alliés délibérèrent longtemps s'il convenait de la lui accorder. Plusieurs voulaient qu'on anéantît jusqu'au nom d'Athènes et qu'on incendiât la ville; mais les Spartiates refusèrent, disant « qu'il ne fallait pas arracher à la Grèce « un de ses yeux, >> et promirent la paix aux Athéniens, à condition qu'ils abattraient les « murs qui joignaient la ville au Pirée, qu'ils li⚫ vreraient le reste de leurs vaisseaux, et qu'ils ⚫ recevraient des alliés trente magistrats pour les << gouverner. » La ville accepta ces conditions, et Lysandre fut chargé de les faire exécuter. Cette année fut mémorable (A. de R. 350) par la prise d'Athènes, la mort de Darius, et l'exil de Denys, tyran de Syracuse. L'état des citoyens d'Athènes change avec celui de la république. Les trente magistrats nommés pour la gouverner en deviennent les tyrans. Ils commencent par se créer une garde de trois mille hommes, nombre supérieur peut-être à celui des citoyens survivant à tant de désastres; et, comme si cette garde était insuffisante pour contenir la ville, ils obtiennent encore des alliés sept cents soldats. Ils préludent ensuite au meurtre des citoyens par la mort d'Alcibiade, de peur qu'il ne s'empare de nouveau d'Athènes, sous prétexte de rompre ses fers: sachant qu'il se rendait près d'Artaxerxès (A. de R. 350-388), roi des Perses, ils envoient des gens pour lui couper la retraite; mais, n'osant l'attaquer, ceux-ci entourent sa maison à force ouverte, et le brûlent vif dans la chambre où il dormait. supportent pas longtemps les fatigues; aussi tombent-ils çà et là sous le glaive de l'ennemi; et tel fut le nombre des prisonniers et des morts, que la puissance et jusqu'au nom d'Athènes semblèrent entièrement anéantis. Sans ressources et sans espérance, les Athéniens sont réduits à la honteuse nécessité, pour relever leurs forces militaires, de donner le droit de citoyens aux étrangers, la liberté aux esclaves et leur grâce aux condamnés. De cet amas confus ils forment une armée, et ce peuple, naguère le maître de la Grèce, peut à peine défendre son indépendance. Il se détermine cependant à tenter la fortune sur mer, assez audacieux pour espérer encore la victoire, après avoir désespéré de son salut. Mais il n'y avait plus là de soldats qui soutinssent le renom d'Athènes, ni de troupes habituées à vaincre, ni de science de la guerre chez des hommes qui avaient vécu dans les fers et non dans les camps. Tout fut tué ou fait prisonnier; et Conon, qui seul échappa au carnage, redoutant la vengeance des Athéniens, se réfugia avec huit vaisseaux chez Évagoras, roi de Chypre. VII. Fier de ses succès, le général lacédémonien insulte aux malheurs des vaincus. Il envoie à Lacédémone les vaisseaux qu'il a pris, chargés de butin et ornés pour la pompe d'un triomphe; les villes tributaires d'Athènes, que l'incertitude exornat: sed navibus exercitus deerat, fortissimis qui busque in Asiæ populatione amissis. Armantur tamen senes, aut impuberes pueri, et numerus militum sine exercitus robore expletur. Sed non magnam bello moram ætas fecit imbellis: cæduntur passim, aut fugientes capiuntur: tantaque strages, aut occisorum, aut captivorum fuit, ut Atheniensium deletum non imperium tantum, verum etiam nomen videretur. Quo prælio perditis et desperatis rebus, ad tantam inopiam rediguntur, ut consumpta militari ætate, peregrinis civitatem, servis libertatem, damnatis impunitatem darent. Ex qua colluvione hominum conscripto exercitu, domini antea Græciæ, vix libertatem tuebantur. Iterum tamen fortunam maris experiendam decernunt. Tanta virtus animorum erat, ut, quum paulo ante salutem desperaverint, nunc non desperent victoriam. Sed neque is miles erat, qui nomen Atheniensium tueretur; neque eæ vires, quibus vincere consuerant; neque ea scientia militaris in his, quos vincula, non castra continuerant. Itaque omnes aut capti, aut occisi. Quum dux Conon eo prælio superfuisset solus, crudelitatem civium metuens, cum octo navibus ad regem Cyprium concedit Evagoram. VII. At dux Lacedæmoniorum, rebus feliciter gestis, fortunæ hostium insultat; captivas naves cum præda bellica, in triumphi modum ornatas mittit Lacedæmona; ac blient leur insouciance, les vieillards leurs infirmités, les femmes la faiblesse de leur sexe; tous sont accablés des malheurs de la patrie. On se rassem ble sur la place publique; on y passe la nuit à verser des larmes sur l'infortune d'Athènes : les uns pleurent leurs frères, leurs fils ou leurs pères; les autres leurs parents ou des amis plus chers encore, et confondent dans leurs gémissements les malheurs publics et les malheurs privés, s'écriant « qu'ils vont périr et la patrie avec <<< eux, et que les moins à plaindre sont ceux qui « ont perdu la vie dans les combats: ils vont être « assiégés; il leur faudra subir la famine, l'or<< gueilleuse tyrannie d'un ennemi vainqueur, la <<< ruine et l'incendie de leur ville, l'esclavage et « ses effroyables effets. La première destruction <<< d'Athènes fut moins désastreuse, les pierres « seules en souffrirent; on n'eut pas à pleurer sur << les pères et les enfants. Aujourd'hui, au con«traire, ils n'ont ni vaisseaux pour leur servir « d'asile, ni armée pour les défendre, et leur per<< mettre de relever un jour de plus magnifiques << remparts. >> VIII. Au milieu de cette consternation (A. de R. 348), l'ennemi arrive, bloque la ville, et affame les habitans. Il savait que les vivres qu'on y avait fait entrer touchaient à leur fin, et il avait pris ses mesures pour intercepter de tributarias Atheniensium civitates, quas metus dubiæ belli fortunæ in fide tenuerat, voluntarias recipit; nec aliud ditionis Atheniensium præter urbem ipsam relinquit. Quæ cuncta quum Athenis nuntiata essent, omnes, relictis domibus, per urbem discurrere pavidi: alius alium sciscitari; auctorem nuntii requirere: non pueros imprudentia, non senes debilitas, non mulieres sexus imbecillitas domi tenet: adeo ad omnem ætatem tanti mali sensus penetraverat! In foro deinde coeunt: atque ita perpeti nocte fortunam publicam questibus iterant. Alii fratres, aut filios, aut parentes deflent; cognatos alii, alii amicos cognatis cariores; et cum privatis casibus querelam publicam miscent : « Jam se ipsos, jam ipsam patriam perituram, miserioremque incolumium, quam amissorum fortunam judicantes : sibi quisque ante oculos obsidionem, famem, et superbum victoremque hostem proponentes : jam ruinam urbis et incendia, jam omnium captivitatem et miserrimam servitutem recordantes: feliciores prorsus priores urbis ruinas ducentes, quæ, incolumibus filiis parentibusque, tectorum tantum ruina taxatæ sint. Nunc autem non classem, in quam, sicuti pridem, confugiant, superesse; non exercitum, cujus virtute servati pulchriora possent mænia exstruere. >>> VIII. Sic defletæ ac prope perditæ urbi hostes superveniunt, et obsidione circumdatos fame urgent. Scicbant set, vivus in cubiculo, in quo dormiebat, crematus est. IX. Liberati hoc ultoris metu tyranni, miseras urbis reliquias cædibus et rapinis exhauriunt. Quod quum displicere uni ex numero suo Therameni didicissent, ipsum quoque ad terrorem omnium interficiunt. Fit igitur ex urbe passim omnium fuga, repleturque Græcia Atheniensium exsulibus. Quod etiam ipsum auxilium quum miseris eriperetur (nam Lacedæmoniorum edicto civitates exsules recipere prohibebantur); omnes se Argos et Thebas contulere. Ibi non solum tutum exsilium egerunt, verum etiam spem recuperandæ patriæ receperunt. Erat inter exsules Thrasybulus, vir strenuus, et domi nobilis, qui audendum aliquid pro patria et pro salute communi, etiam cum periculo, ratus, adunatis exsulibus, castellum Phylen Atticorum finium occupat: nec deerat quarumdam civitatum, tam crudeles casus miserantium, favor. Itaque Ismenias, Thebanorum princeps, etsi publicis non poterat, privatis tamen viribus adjuvabat: et Lysias Syracusanus orator, exsul tunc, quingentos milites, stipendio suo instructos, in auxilium patriæ communis eloquentiæ misit. Fit itaque asperum prælium. Sed, quum hine pro patria summis viribus, inde pro aliena dominatione securius pugnaretur, tyranni vincuntur: victi in urbem refu 417 IX. Délivrés de leurs craintes par la mort d'Alcibiade, et sûrs de pouvoir tout oser impunement, les tyrans, à force de meurtres et de rapines, achèvent d'épuiser cette ville. Théramène, l'un d'eux, ayant condamné ces violences, ils le font périr, pour épouvanter les autres. La terreur saisit les habitants; de tous côtés on abandonne la ville, et la Grèce se remplit d'Athéniens fugitifs. La fuite elle-même leur étant interdite par un décret des Spartiates qui défendait aux villes de la Grèce de les recevoir, ces malheureux se retirent à Argos et à Thèbes. Là, ils trouvèrent nou-seulement un refuge, mais l'espoir de recouvrer un jour leur patrie. Au nombre des exilés était Thrasybule. Doué d'un courage intrépide, né d'un sang illustre, il tente, au péril de ses jours, de rendre la liberté à sa patrie. Ayant rassemblé ses compagnons, il s'empare de Phylé, château-fort situé sur les frontières de l'Attique. Quelques villes, touchées du malheur d'Athènes, la soutiennent de leurs vœux. Isménias, le premier citoyen de Thèbes, ne pouvant l'aider des forces de l'État, lui fournit des secours à ses frais; et l'orateur Lysias, alors exilé de Syracuse, lève cinq cents soldats, les paye deses propres deniers, et les envoie pour concourir à l'affranchissement de cette mère de l'éloquence. La première bataille fut terrible; mais ceux qui défendaient les tyrans durent céder devant ceux qui combattaient pour la patrie. Les tyrans vaincus se sauvent dans la ville et désarment les habitants. Après les avoir décimés, ils finissent par les chasser, ne pouvant compter sur eux, et leur ordonnent d'aller s'établir dans l'espace compris entre la ville et les murailles qu'on avait abattues. Délivrés des enim, neque ex advectis copiis multum superesse, et, ne novæ advehi possent, providerant. Quibus malis Athenienses fracti, post longam famem, et assidua suorum funera, pacem petivere: quæ an dari deberet, diu inter Spartanos sociosque deliberatum. Quum multi delendum Atheniensium nomen, urbemque incendio consumendam censerent, negarunt se Spartani, « ex duobus Græciæ oculis alterum eruturos; » pacem polliciti, « si demissa Piræeum versus muri brachia dejicerent, navesque, quæ reliquæ forent, traderent; resque publica ex semet ipsis xxx rectores acciperet. » In has leges traditam sibi urbem Lacedæmonii formandam Lysandro tradiderunt. Insignis hic annus et expugnatione Athenarum, et morte Darii regis Persarum, et exsilio Dionysii Siciliæ tyranni fuit. Mutato statu Athenarum, etiam civium conditio mutatur. Triginta rectores reipublicæ constituuntur, qui fiunt tyranni: quippe a principio tria millia sibi satellitum statuunt, quantum ex tot cladibus prope nec civium su perfuerat; et quasi parvus hic ad continendam civitatem exercitus esset, septingentos milites a victoribus accipiunt. Cædes deinde civium ab Alcibiade auspicantur, ne iterum rempublicam sub obtentu liberationis invaderet. Quem quum profectum ad Artaxerxem, Persarum regem, eemperissent, citato itinere miserunt, qui eum intercipe-giunt, quam, exhaustam cædibus, suis etiam armis spo rent: a quibus occupatus, quum occidi aperte non pos JUSTIN. liant. Deinde, quum omnes Athenienses proditionis suspec |