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711.)

ton dormant dans son berceau. Informés de ce | outrage indigne d'une âme céleste? (An de R. prodige, les devins dirent « que rien n'égalerait la douceur des paroles qui sortiraient de sa bouche. » Mais, au lieu du mont Hymette tout parfumé de l'odeur du thym, ces abeilles, guidées par les Muses, choisirent, ce semble, les collines de l'Hélicon, séjour de ces déesses, et où fleurissent toutes les sciences, pour y composer leur butin, et distiller ensuite dans ce grand génie le suave aliment d'une sublime éloquence (Av. J.-C. 329.)

CHAPITRE VII.

DES SONGES, CHEZ LES ROMAINS.

Mais puisque j'ai fait mention des richesses de Midas et du sommeil éloquent de Platon, je parlerai de ces images où la vérité s'est souvent dévoilée aux hommes dans le calme des nuits.

1. Puis-je mieux commencer que par le nom sacré du divin Auguste? La nuit qui précéda la lutte des armées romaines dans les plaines de Philippes, son médecin Artorius vit en songe l'image de Minerve, qui lui prescrivit d'avertir ce prince, alors dangereusement malade, de prendre part, malgré l'état de sa santé, au combat du lendemain. Sur cet avis, César se fit transporter en litière sur le champ de bataille; et tandis que, avec une activité au-dessus de ses forces, il s'assurait la victoire, Brutus s'emparait de son camp. Pourrions-nous ne pas reconnaître ici la bienveillante intervention des dieux, qui ne voulaient pas qu'un homme déjà destiné par eux à l'immortalité reçût de la fortune un

2. Mais Auguste, outre sa pénétration naturelle, qui embrassait toute chose, puisait dans un exemple récent, et particulier à sa famille, une raison d'obéir au songe d'Artorius. Il savait, en effet, que Calpurnie, épouse du divin Jules son père, l'avait vu en dormant, la dernière nuit qu'il passa sur la terre, couvert de blessures et expirant dans ses bras; et qu'épouvantée de cette horrible apparition, elle n'avait cessé de le conjurer de ne point aller au sénat le lendemain; mais que César, ne voulant point paraître régler sa conduite sur le rêve d'une femme, n'avait pas laissé de se rendre à l'assemblée, où il tomba sous le fer des parricides. Il est inutile d'établir aucun parallèle entre César et son fils, aujourd'hui surtout qu'ils partagent tous deux les honneurs divins; mais l'un s'était déjà, par ses exploits, ouvert l'entrée du ciel, et l'autre avait encore à parcourir sur la terre un long cercle de vertus. Ainsi, les dieux immortels voulaient seulement avertir le premier que son apothéose approchait, et le second qu'il devait différer le moment de la sienne; César allait entrer de suite en possession de la gloire céleste; elle était promise à Auguste (An de R. 709).

3. Un autre songe, aussi étonnant que mémorable par l'événement qui le suivit, est celui que les deux consuls P. Décius et T. Manlius Torquatus, campés au pied du mont Vésuve, eurent la même nuit, dans la guerre formidable et meurtrière qu'ils soutenaient contre les Latins. Un inconnu leur apparut en songe, qui leur déclara « que le général de l'un des deux partis, et l'armée de l'autre, étaient réclamés par les dieux | croyait pas assez puni du mépris qu'il avait fait

labellis mel inserendo. Qua re audita, prodigiorum interpretes singularem cloquii suavitatem ore ejus emanaturam dixerunt. At mihi quidem illæ apes non montem Hymettum thymi flore redolentem, sed Musarum Heliconios colles omni genere doctrinæ virentes, dearum instinctu depastæ, maximo ingenio dulcissima alimenta summæ eloquentiæ instillasse videntur.

CAPUT VII.

DE SOMNIIS ROMANORUM.

Sed quoniam divitias Midæ, disertumque Platonis somnum attigi, referam, quam certis imaginibus multorum quies adumbrata sit.

1. Quem locum unde potius exordiar, quam a divi Augusti sacratissima memoria? ejus medico Artorio somnum capienti nocte, quam dies insequutus est, quo in campis Philippicis Romani inter se exercitus concurrerunt, Minervæ species oborta præcepit, « ut illum gravi morbo implicitum moneret, ne propter adversam valetudinem proximo prælio non interesset. » Quod quum Cæsar audisset, lectica se in aciem deferri jussit: ubi dum supra vires corporis pro adipiscenda victoria excubat, castra ejus a Bruto capta sunt. Quid ergo aliud putamus, quam divino mu

nere effectum, ne destinatum jam immortalitati caput indignam cœlesti spiritu fortunæ violentiam sentiret?

2. Augustum vero præter naturalem animi in omnibus rebus subtiliter perspiciendis vigorem, etiam recens et domesticum exemplum, ut Artorii somnio obtemperaret, admonuit. Audiverat enim divi Julii patris sui uxorem Calpurniam nocte, quam is in terris ultimam egit, in quiete vidisse multis eum confectum vulneribus in suo sinu ja. centem; somniique atrocitate vehementer exterritam, rogare non destitisse, ut proxima die a curia se abstine ret: at illum, ne muliebri somnio motus id fecisse existimaretur, senatum, in quo ei parricidarum manus allate sunt, adire contendisse. Non est operæ inter patrem et filium ullius rei comparationem fieri, præsertim divinitatis fastigio junctos: sed jam alter operibus suis aditum sibi ad cælum instruxerat, alteri longus adhuc terrestrium virtutum orbis restabat. Quapropter ab hoc tantummodo impendentem mutationem status cognosci, ab illo etiam differri dii immortales voluerunt; ut aliud cælo decus daretur, aliud promitteretur.

3. Illud etiam somnium et magnæ admirationis et clari exitus, quod eadem nocte duo consules P. Decius et T. Manlius Torquatus, Latino bello, et gravi et periculoso. non procul a Vesuvii montis radicibus positis castris, vide runt. Utrique enim quidam per quietis speciem prædixit, Manibus Matrique terræ deberi: utrius autem dux copias hostium aggrederetur, superque eas esse ipsum devovis. set, victricem abituram. » Id luce proxima consulibus sacrificio vel expiaturis, si posset averti, vel, si certum deorum etiam monitu visum foret, exsequuturis, hostiarum exta somnio congruerunt; convenitque inter eos, cujus cornu prius laborare cœpisset, ut is patriæ fata capite suo lueret: quæ, neutro formidante, Decium deposce

infernaux et par la Mère commune; que les troupes dont le chef attaquerait le premier l'ennemi, et se dévouerait lui-même, remporteraient la victoire. » Le lendemain matin, les deux consuls firent un sacrifice, qui devait servir, ou d'expiation, si le présage pouvait se détourner, ou d'offrande préparatoire, si les dieux mêmes en exigeaient l'accomplissement. Les entrailles des victimes s'accordèrent avec le songe. Il fut alors convenu entre eux que le premier qui verrait plier l'aile soumise à son commandement assurerait par sa mort le salut de la patrie. Aucun d'eux ne redoutait l'épreuve; les destins demandèrent la vie de Décius (An de R. 413).

4. Le songe suivant intéresse également la religion publique. Un jour qu'on allait célébrer les jeux plébéiens, et avant que l'ouverture en fût proclamée, un père de famille avait traversé le cirque de Flaminius, en fustigeant un de ses esclaves, qu'il conduisait au supplice, la fourche au cou. Alors Jupiter apparut en songe à un homme du peuple, nommé Ti. Atinius, et lui ordonna « d'aller dire aux consuls qu'il n'était point content de celui qui avait ouvert les derniers jeux du cirque; et que si l'on n'expiait pas ce tort en les recommençant avec soin, Rome se verrait frappée des plus grands malheurs. >>> Atinius, craignant de jeter dans l'esprit des magistrats des scrupules dont ils lui feraient peut-être porter la peine, garda le silence. Bientôt son fils lui fut enlevé par une maladie violente et soudaine; et il vit de nouveau, dans son sommeil, le maître des dieux, qui lui demanda « s'il ne se

de ses ordres. » Atinius continua de se taire; il devint lui-même perclus de tout le corps. Alors enfin, cédant aux conseils de ses amis, il se fit porter en litière au tribunal des consuls, puis au sénat, rendit un compte exact de ce qui lui était arrivé, et, au grand étonnement de tout le monde, il recouvra l'usage de ses membres, et revint à pied chez lui (An de R. 264).

5. Autre songe qu'il ne faut pas non plus passer sous silence. Cicéron, banni de Rome par les intrigues de ses ennemis, s'arrêta dans une maison de plaisance de la campagne d'Atina. S'y étant abandonné au sommeil, il lui sembla qu'errant par les plaines désertes d'un pays sauvage, il rencontra C. Marius, revêtu des insignes de la dignité consulaire, et qui lui demanda << pourquoi il allait ainsi marchant à l'aventure et d'un air triste; » qu'instruit de ses malheurs, Marius l'avait pris par la main et remis à son premier licteur, pour le conduire vers un édifice élevé par ses soins, en lui disant qu'il y trouverait un sort plus heureux. Cette promesse se réalisa,. puisque ce fut dans le temple de Jupiter, bâti par Marius, que le sénat rendit le décret du rappel de Cicéron (An de R. 695).

6. Le sort affreux dont C. Gracchus était menacé lui fut clairement révélé par un songe. Il vit, dans son sommeil, l'ombre de son frère TiGracchus, qui lui dit : « Tu périras sans pouvoir l'éviter, comme je péris moi-même quand je fus repoussé du Capitole. » Gracchus, avant de prendre possession du tribunat qui lui valut le destin de son frère, raconta ce songe à plusieurs

« ex altera acie imperatorem, ex altera exercitum, diis | lectica ad tribunal consulum, et inde ad senatum perlatus,

runt.

4. Sequitur æque ad publicam religionem pertinens somnium. Quum plebeiis ludis quidam paterfamilias per circum Flaminium, priusquam pompa induceretur, servum suum verberibus mulcatum, sub furca ad supplicium egis set, Ti. Atinio homini ex plebe Jupiter in quiete præcepit, ut consulibus diceret, sibi præsultorem ludis Circensibus proximis non placuisse : quæ res nisi attenta ludorum instauratione expiata esset, sequuturum non mediocre urbis periculum. Ille veritus, ne cum aliquo incommodo suo religione summum implicaret imperium, silentium egit e vestigioque filius ejus subita vi morbi correptus interiit. Ipse etiam per quietem ab eodem deo interrogatus, an satis magnam pænam neglecti imperii sui pependisset, in proposito perseverans, debilitate corporis solutus est: ac tum demum ex consilio amicorum,

ordine totius casus sui exposito, magna cum omnium admiratione, recuparata membrorum firmitate, pedibus domum rediit.

5. Ac ne illud quidem involvendum silentio : inimicorum conspiratione urbe pulsus M. Cicero, quum in villa quadam campi Atinatis deversaretur, is animo in somnum profuso, per loca deserta et invias regiones vaganti sibi C. Marium consulatus ornatum insignibus putavit obvium factum, et interrogantem eum, quid ita tam tristi vultu, incerto itinere ferretur: audito deinde casu, quo conflictabatur, comprehendisse dexteram suam, ac se proximo lictori in monumentum ipsius deducendum tradidisse, quod diceret, ibi esse lætiorem status spem repositam : nec aliter evenit: nam in æde Jovis Mariana senatusconsultum de reditu ejus est factum.

6. C. autem Graccho imminentis casus atrocitas palam atque aperte per quietem denuntiata est: somno enim pressus, Ti. Gracchi fratris effigiem vidit, dicentis sibi, Nulla ratione eum vitare posse, ut eo fato non periret, quo ipse propulsus e Capitolio occidisset. Id ex Graccho prius, quam tribunatum, in quo fraternum exitum habuit, iniret, multi audiverunt. Cælius etiam, certus Romanæ historiæ auctor, sermonem de ea re ad suas aures illo adhuc vivo pervenisse scribit.

personnes; et Célius, historien romain digne de ❘ étant introduits dans l'arène, du côté où était foi, déclare en avoir entendu parler du vivant même du tribun (An de R. 626).

7. Il y avait quelque chose de plus terrible encore dans l'apparition que voici. Après la défaite et la ruine de M. Antoine à Actium, Cassius de Parme, un de ses partisans, se réfugia dans Athènes. Vers le milieu de la nuit, le sommeil ayant enfin gagné son esprit dévoré d'inquiétude et de chagrin, il lui sembla qu'il voyait venir à lui un homme d'une taille gigantesque, le teint noir, la barbe négligée, les cheveux en désordre; que lui ayant demandé qui il était, le fantôme répondit en grec : « Ton mauvais génie. » Épouvanté de cette affreuse vision et de ce nom horrible, il appela ses esclaves, et s'enquit d'eux « s'ils n'avaient pas vu entrer dans sa chambre, ou en sortir, un homme dont il leur peignit l'aspect. >> << Personne, répondirent-ils, n'a pénétré

ici. » Cassius se recoucha et se rendormit. Le même spectre lui apparut de nouveau. Alors, renonçant au sommeil, il fit apporter de la lu. mière, et défendit à ses esclaves de s'éloigner. Cette nuit-là fut suivie de bien près du supplice auquel il fut condamné par César (An de R. 733). 8. Il s'écoula moins de temps encore entre le songe d'Atérius Rufus, chevalier romain, et l'événement qu'il présageait. Se trouvant à Syracuse pendant les jeux de gladiateurs, il crut voir, en dormant (1) un rétiaire, le percer de son épée. Le lendemain, au spectacle de ces jeux, il raconta son rêve à ceux qui étaient près de lui. Dans ce moment même, un rétiaire et un mirmillon (2)

(1) Nom d'une espèce de gladiateurs armés d'un filet dont ils cherchaient à envelopper leur adversaire, pour le frapper ensuite plus sûrement. - (2) Autre gladiateur, qui portait sur son casque un poisson (μορμύρος, poisson ).

7. Vincit hujusce somnii dirum adspectum, quod sequi tur. Apud Actium M. Antonii fractis opibus, Cassius Parmensis, qui partes ejus sequutus fuerat, Athenas confugit: ubi concubia nocte, quum sollicitudinibus et curis mente sopita in lectulo jaceret, existimavit ad se venire hominem ingentis magnitudinis, coloris nigri, squalidum barba, et capillo demisso : interrogatumque, quisnam esset, respondisse κακοδαίμονα. Perterritus deinde tam tetro visu, et nomine horrendo, servos inclamavit, sciscitatusque, si quem talis habitus aut intrantem cubiculum, aut exeuntem vidissent. Quibus affirmantibus, neminem illuc accessisse, iterum quieti et somno se dedit: atque eadem animo ejus obversata est species. Itaque fugato somno, lumen introferri jussit, puerosque a se discedere vetuit. Inter hanc noctem et supplicium capitis, quo eum Cæsar affecit, paullulum admodum temporis intercessit.

8. Propioribus tamen, ut ita dicam, lineis Aterii Rufi, equitis Romani, somnium certo eventu admonitum est: qui, qunm gladiatorium munus Syracusis ederetur, inter quiętem retiarii se manu confodi vidit : idque postero die in spectaculo consessoribus narravit. Incidit deinde, ut proximo ab equite loco retiarius cum mirmillone introduceretur: cujus quum faciem vidisset, idem dixit, ab

assis le chevalier, celui-ci, à la vue du premier, s'écria : « Voilà le rétiaire par qui j'ai cru être tué; » et il voulut se retirer aussitôt. Ses voisins parvinrent à le rassurer, et causèrent ainsi la mort de ce malheureux. En effet, le rétiaire poussa le mirmillon vers cet endroit, l'y terrassa, et, en voulant le frapper, traversa Rufus de son glaive et le tua.

DES SONGES, CHEZ LES ÉTRANGERS.

1. Annibal eut aussi un songe dont le présage fut aussi sûr que fatal au nom romain; tant les veilles de cet ennemi, tant son sommeil même étaient hostiles à notre empire! Ce rêve, en effet, répondait bien à ses projets et à ses vœux. II crut voir un jeune guerrier d'une taille plus qu'humaine, et que lui envoyait Jupiter, pour le guider dans l'invasion de l'Italie. D'abord, selon le conseil de ce guide, il le suivit sans détourner les yeux d'aucun côté, bientôt, cédant à ce penchant qui nous porte à vouloir pénétrer ce qu'on nous cache, il regarda en arrière, et aperçut un serpent immense, qui, dans ses bonds impétueux, écrasait tout ce qui se trouvait sur son passage: derrière lui, des nuages qui crevaient avec un grand bruit de tonnerre,

et un affreux mélange de lumière et de ténèbres. Annibal étonné demanda ce que c'était que ce prodige et ce qu'il annonçait. « Tu vois, lui dit son guide, la dévastation de l'Italie; mais garde le silence, et, pour le reste, laisse faire à de secrets destins. >>>

2. Pour avertir le roi Alexandre de Macédoine de mieux veiller à la sûreté de ses jours, que fallait-il de plus que la vision qu'il eut dans son

illo se retiario trucidari putasse, protinusque inde discedere voluit. Illi, sermone suo metu ejus discusso, causam exitii misero attulerunt. Retiarius enim in eum locum compulso mirmillone et abjecto, dum jacentem ferire conatur, trajectum gladio Aterium interemit.

DE SOMNIIS EXTERNORUM.

1. Hannibalis quoque, ut detestandum Romano sanguini, ita certæ prædictionis somnium: cujus non vigiliæ tantum, sed etiam ipsa quies hostilis imperio nostro fuit. Hausit enim proposito et votis suis convenientem imaginem, existimavitque missum sibi ab Jove mortali specie excelsiorem juvenem, invadendæ Italiæ ducem: cujus monitu primo vestigia nullam in partem motis sequutus oculis, mox humani ingenii prona voluntate vetita scrutandi pone respiciens, animadvertit immensæ magnitudinis serpentem, concitato impetu, omne, quidquid obvium fuerat, proterentem: postque eam magno cum cæli fragore erumpentes nimbos, lucemque caliginosis involutam tenebris. Attonitus deinde, quidnam esset monstri, et quid portenderet, interrogavit. Hic dux, Italiæ vides, inquit, vastitatem : proinde sile, et cætera tacitis per mitte fatis.

2. Quam bene Macedoniæ rex Alexander per quietem

sommeil, si la fortune eût aussi voulu l'armer de prudence contre le danger? Un songe lui avait appris à redouter la perfide main de Cassandre avant l'expérience qu'il en fit par sa mort; car il s'était cru assassiné par cet homme, qu'il n'avait jamais vu. Quelque temps après, lorsque Cas

l'autre par une rare activité et par les avantages extérieurs, était destiné à lui succéder; il crut le voir expirer sous le fer. Sa sollicitude paternelle prit donc toutes les précautions imaginables pour prévenir le cruel malheur que lui annonçait un tel songe. Jusque là, il avait envoyé ce jeune

sandre parut devant le roi, ce dernier reconnut | prince à la guerre; il le retint dans son palais : il

en lui l'image qui avait troublé son sommeil; mais, apprenant qu'il était le fils d'Antipater, il cita un vers grec sur la vanité des songes; et, quand déjà était préparé le poison que l'on croit lui avoir été donné par Cassandre, il bannit de son esprit tout soupçon de ce genre (Av. J.-C. 323).

3. Les dieux montrèrent bien plus de bienveillance au poëte Simonide, en lui donnant en songe un avis salutaire, et, de plus, la résolution de le suivre. Sur un rivage où il venait d'aborder, il trouva un cadavre gisant sans sépulture, et il l'inhuma. Averti par l'ombre du mort de ne point se mettre en mer le lendemain, il resta sur la côte. Ceux qui s'embarquèrent furent assaillis par une tempête et engloutis à ses yeux. Il s'applaudit alors d'avoir confié sa vie à la foi d'un songe plutôt qu'à un vaisseau; et, en reconnaissance du bienfait, il immortalisa cette ombre par un admirable poëme, lui érigeant ainsi, dans la mémoire des hommes, un monument plus durable et plus beau que celui dont il l'avait honoré sur une plage déserte et inconnue (Av. J.-C. 464).

1

4. Un autre songe trop fidèlement accompli, est celui qui causa d'abord tant d'alarmes et ensuite tant de douleur au roi Crésus. Il avait deux fils, dont l'un, nommé Atys, supérieur à

avait un vaste arsenal rempli d'armes de toute espèce; il le fit transporter loin de sa résidence : des gardes l'escortaient l'épée au côté; il leur fut fait défense de trop s'approcher de son fils. Mais la nécessité sut bien donner accès au malheur. Un énorme sanglier ravageait les riches campagnes du mont Olympe, et en faisait périr un grand nombre d'habitants. On vint implorer le secours du roi contre ce terrible monstre. Atys, impatient d'aller le tuer, en arracha la permission à son père, et d'autant plus aisément que c'était le fer et non des coups de dents que l'on redoutait pour lui. Mais tandis que tous les chasseurs se disputaient l'honneur de tuer le sanglier, le sort, s'acharnant à la perte d'Atys, détourna sur lui une lance dirigée contre l'animal, et choisit pour cet horrible meurtre la main même à laquelle le père avait confié la garde de son fils; cette main déjà souillée d'un homicide involontaire, et que Crésus, dans la crainte des dieux hospitaliers, avait purifiée, suppliante, par un sacrifice expiatoire (1) (Av. J.-C. 550).

5. Le premier Cyrus offre aussi un mémorable exemple de l'invincible pouvoir du destin. Astyage, son aïeul maternel, averti, par deux songes, de la naissance future d'un petit-fils destiné

(1) Cct Adraste, chassé de Phrygie après le meurtre involontaire de son frère, s'était réfugié chez Crésus. Il se tua sur le tombeau d'Atys.

visa imagine præmonitus erat, ut vitæ suæ custos esset | bus præstantiorem, imperiique successioni destinatum diligentior, si eum cavendi etiam periculi consilio fortuna instruere voluisset! namque Cassandri pestiferam sibi dexteram somnio prius cognovit, quam exitu sensit : existimavit enim ab illo se interfici, quum eum nunquam vidisset. Interposito deinde tempore, postquam in conspectum venisset, nocturni metus patefacta imagine, ut Antipatri filium esse cognovit, adjecto versu græco, qui fidem somniorum elevat, præparati jam adversus caput suum veneficii, quo occidisse Cassandri manu creditur, suspicionem animo repulit.

3. Longe indulgentius dii in poeta Simonide, cujus salutarem inter quietem admonitionem consilii firmitate roboraverunt. Is enim quum ad litus navem appulisset, inhumatumque corpus jacens sepulturæ mandasset, admonitus ab eo, ne proximo die navigaret, in terra remansit. Qui inde solverant, fluctibus et procellis in conspectu ejus obruti sunt. Ipse lætatus est, quod vitam suam somnio, quam navi, credere maluisset. Memor autem beneficii, elegantissimo carmine æternitati consecravit; melius illi et diuturnius in animis hominum sepulcrum constituens, quam in desertis et ignotis arenis struxerat.

4. Efficax et illa quietis imago, quæ Cræsi regis animum maximo prius metu, deinde etiam dolore confecit.

Atym, existimavit ferro sibi ereptum. Itaque quidquid ad evitandam denuntiatæ cladis acerbitatem pertinebat, nulla ex parte patria cura cessavit avertere. Solitus erat juvenis ad bella gerenda mitti; domi retentus est : habebat armamentarium omnis generis telorum copia refertum; id quoque amoveri jussit: gladio cinctis comitibus utebatur; vetiti sunt propius accedere. Necessitas tamen aditum luctui dedit. Quum enim ingentis magnitudinis aper, Olympi montis culta, crebra cum agrestium strage vastaret, innsitatoque malo regium imploratum esset auxilium: filius a patre extorsit, ut ad eum opprimendum mitteretur; co quidem facilius, quod non dentis, sed ferri sævitia in metu reponebatur. Verum dum acri studio interficiendi snem omnes sunt intenti, pertinax casus imminentis violentiæ, lanceam petendæ feræ gratia missam, in eum detorsit: et quidem eam potissimum dexteram nefariæ cædis crimine voluit adspergi, cui tutela filii a patre mandata erat, quamque Cræsus imprudentis homicidii sanguine violatam, hospitales veritus deos, supplicem sacrificio expiaverat.

5. Nec Cyrus quidem superior invictæ fatorum necessitatis parvulum argumentum est; cujus ortus ad imperium totius Asiæ spectantis, maternus avus Astyages, duos præ nuntios somnii frustra discutere tentavit: Mandanen fi.

Nam e duobus filiis, et ingenti agilitate, et corporis doti- | liam suam, quod in quiete viderat urinam ejus omnes voir et pour lui rendre hommage : « Voilà, cria-telle aussitôt, voilà celui que j'ai vu en songe. » Le tyran, informé de ce fait, ne manqua pas de la faire périr (Av. J.-C. 405).

à l'empire de toute l'Asie, essaya en vain d'en | Himère, au milieu de la foule accourue pour le empêcher l'accomplissement. Comme il avait rêvé que Mandane, sa fille, inondait de son urine toutes les nations asiatiques, il craignit, en lui faisant épouser un personnage distingué parmi les Mèdes, que la dignité royale ne passât dans sa famille, et il l'unit à un Perse d'une médiocre condition. A peine Cyrus fut-il né, qu'il le fit exposer, parce que, dans un autre songe, il avait cru voir une vigne sortant du sein de Mandane et s'accroissant toujours, jusqu'à ombrager toutes les régions de son empire. Mais il ne mit que lui en défaut, en voulant s'opposer, par les conseils de la prudence humaine, aux destinées que la volonté des dieux assurait à son petit-fils (Av. J.-C. 594).

6. Quand Denys de Syracuse n'était encore que simple particulier, une femme de la ville d'Himère, d'une naissance distinguée, rêva qu'elle était montée au ciel, et que, visitant la demeure de tous les dieux, elle voyait au pied du trône de

7. La mère de ce Denys eut un songe qu'elle paya moins cher. Quand elle le portait encore dans son sein, elle crut mettre au monde un petit satyre. Le devin qu'elle consulta répondit que son enfant serait le plus illustre et le plus puissant des Grecs; prédiction que l'événement justifia.

8. Amilcar, général des Carthaginois, assiégeant Syracuse, crut entendre, pendant son sommeil, une voix qui lui disait : « Tu dîneras demain à Syracuse. >>> Plein de joie, et assuré d'une victoire que les dieux semblaient lui promettre, il disposa son armée pour le combat. Mais, profitant d'une querelle survenue entre les Siciliens (1) et les Carthaginois, les Syracusains firent une sortie, s'emparèrent de son camp, et l'emmenèrent lui-même prisonnier dans leur ville. Ainsi

Jupiter un homme des plus vigoureux, les che-trompé, plutôt dans son espoir que par son rêve, il

veux blonds, le visage parsemé de taches rousses, le corps emprisonné dans des chaînes de fer. « Quel est ce captif? » demanda-t-elle au jeune guide qui lui faisait les honneurs du ciel : « C'est, lui dit-il, le mauvais destin de la Sicile et de l'Italie; une fois déchaîné, il portera la désolation dans bien des villes. » Le lendemain, elle raconta ce songe à plusieurs personnes. Lorsqu'ensuite la fortune, conjurée contre la liberté de Syracuse et contre la vie d'une multitude d'innocents, tira Denys de sa prison céleste, et le lança, comme la foudre, au sein de la paix et de la tranquillité, cette femme l'aperçut, à son entrée dans

dina à Syracuse, mais en captif et non en vainqueur, comme il s'en était flatté (Av. J.-C. 309).

9. Alcibiade vit aussi, dans son sommeil, la fidèle image du triste sort qui l'attendait: car le manteau de sa maîtresse, dont il s'était cru couvert en songe, servit, quand il fut tué, à envelopper son corps, laissé sans sépulture (Av. J.-C. 404).

Asiaticas gentes inundasse, non Medorum excellentissimo, ne in ejus familiam regni decus transferretur, sed Persarum modicæ fortunæ viro collocando, natumque Cyrum exponi jubendo: quia similiter quietis temporibus existimaverat, genitali parte Mandanes enatam vitem eo usque crevisse, donec cunctas dominationis suæ partes inumbraret. Sed frustratus est se ipse, nepotis felicitatem, cœlestium judicio destinatam, humanis consiliis impedire conando.

6. Intra privatum autem habitum Dionysio Syracusano adhuc se continente, Himeræ quædam non obscuri generis femina, inter quietem opinione sua cælum conscendit, atque ibidem deorum omnium lustratis sedibus, animadvertit prævalentem virum flavi coloris, lentiginosi oris, ferreis catenis vinctum, Jovis solio pedibusque subjectum: interrogatoque juvene, quo considerandi cæli duce fuerat usa, quisnam esset ? audiit, illum Siciliæ atque Italiæ dirum esse fatum, solutumque vinculis, mullis urbibus exitio futurum: quod somnium postero die sermone vulgavit. Postquam deinde Dionysium inimica Syracusarum libertati, capitibusque insontium infesta fortuna cœlesti custodia liberatum, velut fulmen aliquod, otio ac tranquillitati injecit; Himeræorum mænia inter effusam ad officium et ad spectaculum ejus turbam intran

10. Le songe suivant, bien que le récit en soit un peu plus long, annonça trop clairement la vérité pour être omis dans ce recueil. Deux Arcadiens, amis intimes et voyageant ensemble,

(1) Les Siciliens faisaient partie de son armée.

tem ut adspexit, hunc esse, quem in quiete viderat, vociferata est. Id cognitum tyranno, curam tollendæ mulieris dedit.

7. Tutioris somnii mater ejusdem Dionysii : quæ quum eum conceptum utero haberet, parere visa est Satyriscum: consultoque prodigiorum interprete, clarissimum ac potentissimum Graii sanguinis futurum, certo cum eventu cognovit.

8. At Carthaginiensium dux Hamilcar, quum obsideret Syracusas, inter somnium exaudisse vocem credidit nuntiantem, futurum, ut proximo die in ea urbe cœnaret. Lætus igitur, perinde ac divinitus promissa victoria, exercitum pugnæ comparabat: in quo inter Siculos et Pœnos orta dissensione, castris ejus Syracusani subita irruptione oppressis, ipsum intra mænia sua vinctum pertraxerunt. Itaque magis spe, quam somnio, deceptus, cœnavit Syra cusis captivus, non, ut animo præsumpserat, victor.

9. Alcibiades quoque miserabilem exitum suum haud fallaci nocturna imagine speculatus est. Quo enim pallio amicæ suæ dormiens opertum se viderat, eo interfectus, et insepultus jacens, contectus est.

10. Proximum somnium, etsi paulo est longius, propter nimiam tamen evidentiam ne omittatur impetrat. Duo familiares Arcades iter una facientes, Megaram venerunt :

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