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tera sur le bûcher indien, où, dégagée des terreurs de la mort, la tendresse d'une épouse monte comme sur un lit nuptial.

15. A tant de gloire j'opposerai l'infamie des femmes africaines, dont ce rapprochement fera mieux ressortir la turpitude. On voit à Sicca un temple de Vénus, où se réunissaient des femmes qui n'en sortaient que pour trafiquer de leurs charmes et s'amasser une dot au prix de la pudeur. Quel honteux moyen de s'assurer une alliance honorable!

16. Les Perses avaient une bien sage coutume: c'était de ne voir leurs enfants qu'après leur septième année, afin d'en supporter plus facilement la perte pendant les années antérieures.

17. Pourrait-on ne pas louer aussi les rois numides, qui, fidèles à un usage établi chez eux, ne donnaient le baiser à aucun mortel? Il convient, en effet, que tout ce qui est placé au faîte de la grandeur soit affranchi, pour être plus respecté, des coutumes vulgaires et communes.

CHAPITRE VII.

DE LA DISCIPLINE MILITAIRE, CHEZ LES ROMAINS.

J'arrive maintenant à ce qui fait la principale gloire de Rome, à ce qui a fondé son empire, dont une salutaire persévérance a perpétué la force et la grandeur; je veux parler des inflexibles liens de la discipline militaire, sous la protection de laquelle l'Etat se repose dans la sécurité d'une paix inaltérable et profonde.

15. Cui gloriæ, Punicarum feminarum, ut ex comparatione turpius appareat, dedecus subnectam. Siccæ enim fanum est Veneris, in quod se matronæ conferebant, atque inde procedentes ad quæstum, dotes corporis injuria contrahebant, honesta nimirum tam inhonesto vinculo conjugia juncturæ.

16. Nam Persarum admodum probabile institutum fuit, quod liberos suos non prius adspiciebant, quam septimum implessent annum, quo parvulorum amissionem æquiore

animo sustinerent.

17. Ne Numidiæ quidem reges vituperandi, qui more gentis suæ nulli mortali osculum ferebant; quidquid enim in excelso fastigio positum est, humili et trita consuetudine, quo sit venerabilius, vacuum esse convenit.

CAPUT VII.

DE DISCIPLINA MILITARI ORSERVATA A ROMANIS.

Venio nunc ad præcipuum decus, et ad stabilimentum Romani imperii, salutari perseverantia ad hoc tempus sincerum et incolume servatum, militaris disciplinæ tenacissimum vinculum; in cujus sinu ac tutela serenus tranquillusque beatæ pacis status acquiescit.

1. P. Cornélius Scipion, à qui la destruction de Carthage valut le surnom de son aïeul, fut, pendant son consulat, envoyé en Espagne pour réprimer l'orgueil excessif des Numantins, qu'avaient encore augmenté les fautes de ses prédécesseurs. A l'instant même de son entrée dans le camp, il porta un édit qui en fit rejeter et disparaître tout ce qui servait d'aliment au plaisir. Il en sortit, en conséquence, une foule de marchands et de vivandiers, avec deux mille prostituées. Ainsi purifiée de cette vile et infâme sentine, notre armée, qui, peu auparavant, avait craint la mort jusqu'à se déshonorer par une capitulation ignominieuse, retrouva tout à coup son courage et sa vigueur, consuma dans les flammes cette fière et audacieuse Numance, l'ensevelit sous ses ruines, et l'effaça de la terre. Ainsi, pour avoir négligé la discipline militaire, Mancinus subit honteusement la loi du vainqueur; et pour l'avoir maintenue, Scipion fut honoré du plus beau des triomphes (An de R. 619).

2. A l'exemple de Scipion, le consul Métellus, quand il prit en Afrique, dans la guerre de Jugurtha, le commandement de l'armée romaine, corrompue par l'excessive indulgence de Sp. Albinus, déploya toute l'énergie du pouvoir pour faire revivre l'ancienne discipline des camps. Il ne la rétablit pas par degrés; il la remit d'un seul coup en vigueur. Dès le premier jour, il chassa de l'armée tous les vivandiers, et y interdit la vente de toute espèce d'aliment cuit. Dans les marches, il défendit au soldat d'employer les esclaves et les bêtes de somme au transport de sa nourriture et de ses armes, qu'il fallut porter

1. P. Cornelius Scipio, cui deleta Carthago avitum cognomen dedit, consul in Hispaniam missus, ut insolentissimos Numantinæ urbis spiritus, superiorum ducum culpa nutritos, contunderet, eodem temporis momento, quo castra intravit, edixit, ut omnia ex his, quæ voluptatis causa comparata erant, auferrentur ac submoverentur; nam constat, tum maximum inde institorum et lixarum numerum cum duobus millibus scortorum abisse. Hac turpi atque erubescenda sentina vacuefactus noster exercitus, qui paulo ante metu mortis, deformi se fœderis ictu maculaverat, erecta virtute recreataque, acrem illam et animosam Numantiam incendiis exustam, ruinisque prostratam, solo æquavit: itaque neglectæ disciplinæ militaris indicium, Mancini miserabilis deditio; servatæ merces, speciosissimus Scipionis triumphus exstitit.

2. Ejus sectam Metellus sequutus, quum exercitum in Africa, Jugurthino bello nimia Sp. Albini indulgentia corruptum consul accepisset, omnibus imperii nervis ad revocandam pristinæ disciplinam militiæ connisus est; nec singulas partes apprehendit, sed totam continuo in statum suum redegit; protinus namque lixas e castris submovit, cibumque coctum venalem proponi vetuit; in agmine neminem militum ministerio servorum jumentorumque, ut arma sua et alimenta ipsi ferrent, uti passus est; castrorum subinde locum mutavit : eadem, tamquam Jugurtha

ou que d'infliger le supplice infamant des verges à un homme qui porte votre nom et qu'une longue suite d'aïeux attache à la même origine, ou enfin que de déployer les sévérités de la censure contre la tendresse fraternelle? Un seul trait pareil dans l'histoire d'une nation même illustre, et elle pourrait passer encore pour avoir une belle part dans la gloire que procure la discipline miljtaire.

soi-même. Il changeait chaque jour l'emplace- | l'on a associé à sa famille et à son illustration, ment du camp, et il le fortifiait de fossés et de palissades avec autant de soin que si Jugurtha eût toujours été en présence. Et que lui valut ce retour à la frugalité, cet assujettissement au travail? de fréquentes victoires et de nombreux trophées, remportés sur ce même ennemi à qui le soldat romain, sous un général complaisant, n'avait jamais vu tourner le dos (An de R. 644). 3. La discipline militaire trouva encore d'énergiques soutiens dans ces généraux qui, brisant pour elle les liens de la parenté, n'hésitèrent pas à en poursuivre, à en venger les infractions aux dépens même de l'honneur de leur famille. Ainsi le consul P. Rupilius, dans la guerre qu'il fit, en Sicile, contre les esclaves fugitifs, apprenant que Q. Fabius, son gendre, avait laissé prendre, par sa négligence, la forteresse de Taurominium, lui envoya l'ordre de sortir de la province (An de R. 621).

4. C. Cotta avait confié à P. Aurélius Pécuniola, son parent, la conduite du siége de Lipari, tandis que lui-même allait à Messine prendre de nouveaux auspices. Il le fit battre de verges, et le réduisit au rang de simple fantassin, pour avoir, par sa faute, laissé brûler une redoute et presque enlever son camp (An de R. 501).

5. Q. Fulvius Flaccus, pendant sa censure, chassa du sénat son frère Fulvius, qui avait, sans l'ordre du consul, osé licencier une cohorte de la légion où il était tribun militaire (An de R. 579). De tels exemples mériteraient d'être exposés moins succinctement, si je n'avais hâte d'en rapporter de plus fameux encore. Qu'y a-til, en effet, d'aussi difficile que de condamner

6. Mais notre empire, qui a rempli l'univers entier d'exemples merveilleux en tous genres, vit des généraux rapporter de leurs expéditions des haches qu'ils avaient trempées dans leur propre sang, pour punir les atteintes portées à la discipline; spectacle aussi glorieux pour le personnage que triste pour l'homme, et qui laissa Rome incertaine si elle devait les féliciter ou les plaindre. Aussi hésité-je moi-même à rappeler votre souvenir et vos actions, vous, Postumius Tubertus et Manlius Torquatus, inflexibles gardiens des lois militaires; car je sens que, trop inférieur à la difficile tache de vous louer dignement, je réussirai plutôt à découvrir la faiblesse de mon talent qu'à bien peindre vos vertus. Toi, dictateur Postumius, tu avais dans A. Postumius un fils destiné à perpétuer ton nom et le culte de tes dieux domestiques; un fils dont l'enfance avait souri, sur ton sein, à tes caresses et à tes baisers; un fils que tu avais instruit tout jeune dans les lettres, et adolescent dans la guerre; un fils enfin vertueux, brave, aimant son père et sa patrie; mais pour avoir, sans ton ordre et de son propre mouvement, quitté son poste et battu l'ennemi, tu le condamnas vainqueur à être frappé de la ha

à un retour ignominieux dans sa patrie celui que | che; et ta voix paternelle trouva la force de

semper adesset, vallo fossaque aptissime cinxit. Quid ergo restituta continentia, quid repetita industria profecit? Crebras scilicet victorias, et multa tropæa peperit ex eo hoste, cujus tergum, sub ambitioso imperatore, Romano militi videre non contigerat.

propinquitatis serie cohærenti, virgarum contumeliosa verbera adhibere? aut censorium supercilium adversus fraternam caritatem destringere? Dentur hæc singula quamvis claris civitatibus: abunde tamen gloria disciplinæ militaris instructæ videbuntur.

3. Bene etiam illi disciplinæ militari adfuerunt, qui ne6. At nostra urbs, quæ omni genere mirificorum exemcessitudinum perruptis vinculis, ultionem vindictamque | plorum totum orbem terrarum replevit, imperatorum pro

læsæ, cum ignominia domuum suarum, exigere non dubi taverunt. Nam P. Rupilius consul eo bello, quod in Sicilia cum fugitivis gessit, Q. Fabium generum suum, quia negligentia Taurominitanam arcem amiserat, provincia jussit

decedere.

4. Jam C. Cotta P. Aurelium Pecuniolam, sanguine sibi junctum, quem obsidioni Liparitanæ ad auspicia repetenda Messanam transiturus præfecerat, virgis cæsum, militiæ munere inter pedites fungi coegit, quod ejus culpa agger incensus, et pæne castra fuerant capta.

5. Q. etiam Fulvius Flaccus censor, Fulvium fratrem, cohortem legionis, in qua tribunus militum erat, injussu consulis domum dimittere ausum, senatu movit. Non digna exempla, quæ tam breviter, nisi majoribus urgerer, referrentur. Quid enim tam difficile factu, quam copulatæ societati generis et imaginum, deformem in patriam reditum indicere? aut communioni nominis, ac familiæ veteris

prio sanguine manantes secures, ne turbato militiæ ordine vindicta deesset, e castris publice speciosas, privatim lugubres, duplici vultu recepit: incerta, gratulandi prius, an alloquendi officio fungeretur. Igitur ego quoque hæsitante animo vos bellicarum rerum severissim custodes, Postumi Tuberte, et Manli Torquate, memoria ac relatione complector; quia animadverto fore, ut pondere laudis, quam meruistis, obrutus, magis imbecillitatem ingenii mei detegam, quam vestram virtutem, sicut par est, repræsentem. Tu namque, Postumi dictator, A. Postumium, quem ad generis penetraliumque sacrorum successionem propagandam genueras, cujus infantiæ blandimenta sinu atque osculis foveras, quem puerum litteris, quem juvenem armis instruxeras, sanctum, fortem, amantem tui pariter ac patriæ, quia non tuo jussu, sed sua sponte præsidio progressus, hostes fuderat, victorem se(curi feriri jussisti; et ad hoc peragendum imperium pa

faire exécuter cette sentence; mais tes yeux, j'en suis certain, couverts alors de ténèbres, n'ont pu voir la grandeur de ton sacrifice (An de R. 322). Toi aussi, Manlius Torquatus, dans la guerre contre les Latins, faite pendant ton consulat, voyant ton fils revenir d'un combat singulier qu'il avait accepté, à ton insu, de Géminius Métius, général des Tusculans, et rapporter de brillantes dépouilles, glorieux trophée de sa victoire, tu le fis saisir par le licteur et immoler comme une victime; persuadé qu'un père doit faire le sacrifice d'un fils intrépide, plutôt que la patrie celui de la discipline militaire (An de R. 413).

7. Quelle énergie de caractère ne fallut-il pas au dictateur L. Quinctius Cincinnatus, lorsqu'après avoir vaincu les Eques, et les avoir fait passer sous le joug, il força L. Minucius à déposer le consulat, pour s'être laissé assiéger par eux dans son camp! Il regardait comme indigne du commandement suprême le général qui devait sa sûreté, non à son courage mais à des retranchements, et qui avait pu, sans rougir, voir une armée romaine trembler derrière des portes fermées sur elle. Ainsi les douze faisceaux du souverain pouvoir, dans lesquels se confondait la triple autorité du sénat, des chevaliers et du peuple, et dont le moindre signal faisait mouvoir le Latium et toutes les forces de l'Italie, tombèrent, dispersés et brisés, devant la justice dictatoriale; et, en réparation de l'outrage fait à l'honneur militaire, un consul, ce vengeur de toutes les fautes, fut puni de la sienne (An de R. 295). Dieu Mars, père de notre empire, tels étaient, pour ainsi dire, les sacrifices expiatoires par lesquels, après la violation de tes auspices,

ternæ vocis ministerio sufficere valuisti; nam oculos tuos, certum scio, clarissima in luce tenebris offusos, ingens animi opus intueri nequivisse. Tu item, Manli Torquate, Latino bello consul, filium, quod provocatus a Geminio Metio duce Tusculanorum ad dimicandum te ignaro descenderat, gloriosam victoriam et speciosa spolia referentem, abripi a lictore, et in modum hostiæ mactari jus sisti; satius esse judicans, patrem forti filio, quam patriam militari disciplina carere.

7. Age, quanto spiritu putamus usum L. Quinctium Cincinnatum dictatorem eo tempore, quo devictis Æquis et sub jugum missis, L. Minucium consulatum deponere coegit, quod castra ejus iidem hostes obsederant? Indignum enim maximo imperio credidit, quem non sua virtus, sed fossa vallumque tutum præstiterat; cuique verecundiæ non fuerat, arma Romana metu trepida clausis portis contineri. Ergo imperiosissimi xıı fasces, penes quos senatus, et equestris ordinis, et universæ plebis summum decus erat, quorumque nutu Latium, ac totius Italiæ vires regebantur, contusi atque fracti dictatoriæ se animadversioni substraverunt; ac ne inulta foret læsa gloria militaris, consul delicti omnis vindex punitus est. His, ut, ita dicam, piaculis, Mars imperii nostri pater, ubi aliqua ex parte a tuis auspiciis degeneratum erat, numen tuum pro

on apaisait ta divinité : l'opprobre infligé à des alliés, à des parents, à des frères; le supplice, à des fils; à des consuls, une dégradation ignominieuse.

8. Il faut mettre au même rang le trait qui suit. Pendant la dictature de Papirius, Q. Fabius Rullianus, maître de la cavalerie, avait, au mépris des ordres du dictateur, livré bataille aux Samnites; et, quoiqu'il fût rentré victorieux dans son camp, celui-ci, sans considérer ni sa valeur, ni son succès, ni sa noblesse, fit préparer les verges et mettre nu le coupable. Spectacle terrible! un Rullianus, un maître de la cavalerie, un vainqueur, les vêtements déchirés, le corps dépouillé, victime promise aux coups des licteurs, et dont les blessures, rapportées du combat, allaient, en se rouvrant sous des verges noueuses, laisser tomber des flots de sang sur les trophées de sa récente et glorieuse victoire! Tandis que l'armée supplie le dictateur, Fabius s'échappe, et se réfugie à Rome, où il implore en vain la protection du sénat. Papirius n'en persiste pas moins à exiger son châtiment. Alors le père de Fabius, qui s'était vu naguère revêtu de la dictature et trois fois du consulat, est réduit à en appeler au peuple, et à demander, en suppliant, l'intercession des tribuns en faveur de son fils. La sévérité de Papirius demeure inflexible. Enfin, cédant aux prières de tous les citoyens et des tribuns eux-mêmes, il déclare qu'il accorde la grâce du coupable, non à Fabius, mais au peuple romain et à la puissance tribunitienne (An de R. 429).

9. Dans la guerre que le consul L. Calpurnius Pison fit en Sicile contre les esclaves fugitifs, C. Titius, commandant de cavalerie, s'étant laissé

pitiabatur, affinium et cognatorum et fratrum nota, filiorum strage, ignominiosa consulum ejuratione.

8. Ejusdem ordinis est, quod sequitur : Papirius dictator, quum adversus imperium ejus Q. Fabius Rullianus, magister equitum, exercitum in aciem eduxisset, quamquam fusis Samnitibus in castra redierat, tamen neque virtute ejus, neque successu, neque nobilitate motus, virgas expediri, eumque nudari jussit. O spectaculum admirabile, et Rullianus, et magister equitum, et victor, scissa veste, spoliatoque corpore, lictorum verberibus lacerandus: ut in acie exceptorum vulnerum nodosis ictibus cruore renovato, victoriarum, quas modo specio. sissimas adeptus erat, titulos respergeret. Precibus deinde suis exercitus occasionem Fabio confugiendi in urbem dedit; ubi frustra senatus auxilium imploravit. Nihilominus enim Papirius in exigenda pæna perseveravit. Itaque coactus est pater ejus, post dictaturam tertiumque consulatum, rem ad populum devocare, auxiliumque tribunorum plebis supplex pro filio petere. Neque hac re severitas Papirii refrenari potuit; cæterum, quum ab universis civi. bus, et ipsis tribunis plebis rogaretur, testatus est, non pænam illam se Fabio, sed populo Romano et tribunitiæ concedere potestati.

9. L. quoque Calpurnius Piso consul, quum in Sicilia

pas survivre à cette lutte, triomphèrent à la fois du désavantage de leur position et du nombre des ennemis. Ainsi, le plus sûr aiguillon de la faiblesse humaine, c'est la nécessité (An de R. 612).

investir et désarmer par un gros d'ennemis, voici par quelles marques d'infamie il le châtia. Il l'obligea de se tenir, couvert d'une toge dégarnie de franges, d'une tunique sans ceinture, pieds nus, du matin au soir, à la tête du camp, pendant toute la durée de la campagne; il lui interdit même tout commerce avec ses compagnons d'armes, ainsi que l'usage des bains. Quant ❘ peuple indomptable, dut faire violence à l'exces

aux escadrons qu'il avait sous ses ordres, il leur ôta leurs chevaux, et les incorpora dans des compagnies de frondeurs. Pison se fit beaucoup d'honneur en réparant ainsi celui de sa patrie. Grâce à une telle mesure, des soldats à qui l'amour de la vie avait fait livrer leurs personnes, pour servir de trophées à des rebelles mille fois dignes de la croix; des soldats qui n'avaient pas rougi de laisser imposer sur leurs têtes libres, par des mains d'esclaves, un joug ignominieux, éprouvèrent toutes les amertumes de la vie, et furent réduits à désirer en hommes une mort qu'ils avaient redoutée comme des femmes. (An | de R. 620).

10. Q. Métellus ne montra pas moins de sévérité que Pison. A l'affaire de Contrébie, cinq cohortes auxquelles il avait confié la garde d'un poste s'en étant laissé chasser par les forces ennemies, il leur commanda d'y retourner surle-champ. Il n'espérait pas qu'elles reprendraient cette position perdue, mais il voulait les punir de la lâcheté de leur première défense par le péril manifeste d'un nouveau combat. Il ordonna même de tuer, comme ennemi, quiconque s'en échapperait pour revenir au camp. Sous le coup de cet ordre impitoyable, les soldats, malgré leur fatigue et la certitude désespérante de ne

11. Dans la même province (1), Q. Fabius Maximus, voulant abattre et humilier l'orgueil d'un

sive douceur de son caractère et renoncer quelque temps à la clémence, pour déployer une sévérité cruelle. Il fit couper les mains à tous ceux des transfuges de l'armée romaine qu'il avait repris, afin que la vue de leurs bras mutilés épouvantat les troupes sur les suites de la désertion. Ces mains rebelles, séparées des corps et éparses sur la terre ensanglantée, apprirent au reste de l'armée à ne pas suivre un pareil exemple (An de R. 612).

12. Personne n'égala en bonté le premier Africain. Cependant, pour affermir la discipline militaire, il crut devoir emprunter quelque chose de cette cruauté, si éloignée de son naturel. S'étant fait livrer, après la soumission de Carthage, tous ceux des nôtres qui avaient passé dans les rangs ennemis, il sévit plus rigoureusement contre les transfuges romains que contre les latins. Il punit les premiers du supplice de la croix, comme déserteurs de la patrie, et il frappa les autres de la hache, comme de perfides alliés (An de R. 552). Je ne m'étendrai pas davantage sur ces rigueurs, et parce qu'elles sont de Scipion, et parce qu'il ne faut pas insulter à des citoyens romains condamnés, quoique avec raison, au supplice des esclaves. Nous pouvons d'ailleurs passer à des faits dont le récit ne rouvre pas les blessures de la patrie.

bellum adversus fugitivos gereret, et C. Titius, equitum præfectus, fugitivorum multitudine hostium circumventus arma iis tradidisset, his præfectum ignominiæ generibus affecit. Jussit eum toga laciniis abscissis amictum, discinc taque tunica indutum, nudis pedibus, a mane in noctem usque ad principia per omne tempus militiæ adesse. In terdixit etiam ei convictum hominum, usumque balnearum: turmasque equitum, quibus præfuerat, ademptis equis in funditorum alas transcripsit. Magnum profecto dedecus patriæ magno Pisonis decore vindicatum est: quoniam quidem id egit Piso, ut qui, cupiditate vitæ ad ducti, cruce dignissimis fugitivis tropæa de se statuere concesserant, libertatique suæ servili manu flagitiosum imponi jugum non erubuerant, amarum lucis usum experirentur, mortemque, quam effeminate timuerant, viriliter optarent.

10. Nec minus Pisone acriter Q. Metellus: qui quum apud Contrebiam res gereretur, collocatas a se in quadam statione quinque cohortes, atque ex ea viribus hostium depulsas, repetere eamdem stationem e vestigio jussit: non quod speraret ab iis amissum locum recuperari posse, sed ut præteritæ culpam pugnæ, insequentis certaminis manifesto periculo puniret; edixit etiam, ut si quis ex his fugiens castra petiisset, pro hoste interficeretur: qua severitate compressi milites, et corporibus fatigatis, et

(1) Dans la Celtibérie, où était située Contrébie.

animis desperatione vitæ implicatis, loci tamen iniquitatem, multitudinemque hostium superarunt. Humanæ igitur imbecillitatis efficacissimum duramentum est necessitas.

11. In eadem provincia Q. Fabius Max. ferocissimæ gentis animos contundere et debilitare cupiens, mansuetissimum ingenium suum, ad tempus deposita clementia, sæviore uti severitate coegit: omnium enim, qui ex præsidiis Romanis ad hostes transfugerant, captique erant, manus abscidit, ut trunca præ se brachia gestantes defectionis metum reliquis injicerent: rebelles itaque manus a corporibus suis distractæ, inque cruentato solo sparsæ, cæteris, ne idem committere auderent, documento

fuerunt.

12. Nihil mitius superiore Africano: is tamen, ad firmandam disciplinam militarem, aliquid ab alienissima sibi crudelitate amaritudinis mutuandum existimavit. Siquidem devicta Carthagine, quum omnes, qui ex nostris exercitibus ad Pœnos transierant, in suam potestatem redegisset, gravius in Romanos, quam in Latinos transfugas animadvertit. Hos enim tamquam patriæ fugitivos crucibus affixit, illos tamquam perfidos socios, securi percussit. Non prosequar hoc factum ulterius, et quia Scipionis est, et quia Romano sanguini, quamvis merito perpesso, servile supplicium insultare non attinet; quum præsertim transire ad ea liceat, quæ sine domestico vulnere gesta | tamque gravi, propter immane reipublicæ damnum etiam narrari possunt.

13. Le second Africain, après la destruction de l'empire carthaginois, exposa aux bêtes, dans les spectacles qu'il donna au peuple, les étrangers déserteurs des armées romaines (An de R. 607).

14. Aussi sévère que lui, L. Paullus, après la défaite du roi Persée, fit fouler aux pieds des éléphants les soldats étrangers, coupables du même crime; exemple que j'appellerai nécessaire, s'il m'est toutefois permis, sans encourir le reproche de témérité, d'exprimer humblement mon avis sur les actions de nos grands hommes. La discipline militaire a, en effet, besoin de chatiments durs et prompts, parce que la force de l'empire est dans le soldat, qui, une fois affranchi des règles du devoir, devient oppresseur, s'il n'est réprimé (An de R. 586).

aucune considération, tirée ou de ce désastre ou de ce service, ne put, aux yeux des sénateurs, prévaloir sur la discipline (An de R. 541). Ils se rappelaient l'énergique sévérité déployée par leurs aïeux dans la guerre de Tarente, qui avait abattu, épuisé les forces de l'empire. Le roi Pyrrhus leur avait, de lui-même, renvoyé un grand nombre de leurs concitoyens devenus ses prisonniers. Ils décrétèrent que ceux d'entre eux qui avaient servi dans la cavalerie seraient enrôlés dans l'infanterie; que les fantassins passeraient dans les rangs des frondeurs auxiliaires, et qu'aucun d'eux ne pourrait reposer sous un abri dans l'intérieur du camp, ni fortifier de fossés ou de palissades le lieu qui leur serait assigné au dehors, ni avoir une tente couverte de peaux. Une seule voie fut laissée à chacun pour regagner le rang qu'il occupait dans l'armée: c'était de rapporter la dépouille de deux ennemis. Tel fut l'effet de ce châtiment, que ces soldats, don humiliant de Pyrrhus, en furent, par la suite, les ennemis les plus redoutables (An de R. 475). Le sénat s'arma de la même rigueur contre ceux qui, à la journée de Cannes, avaient abandonné la cause de Rome. Il les bannit par un décret terrible, qui les réduisait à une condition pire que la mort. Ayant même reçu de M. Marcellus une lettre par laquelle il demandait à les employer au siége de Syracuse, il répondit qu'ils étaient indignes d'entrer dans un camp; qu'il lui était toutefois permis de faire, à cet égard, ce qu'il jugerait utile à la république, à condition qu'aucun

15. Mais il est temps d'exposer aussi ce qui a été fait, non par nos généraux individuellement, mais par le corps entier du sénat, pour fonder et maintenir la discipline des armées. L. Marcius, tribun militaire, après avoir, avec un courage admirable, rassemblé les débris dispersés des deux armées de P. et de Cn. Scipion, détruites en Espagne par les armes carthaginoises, reçut des soldats le titre de général, et commença par ces mots la lettre qu'il écrivit, à ce sujet, au sénat: L.MARCIUS, PROPRÉTEUR. Les sénateurs désapprouvèrent l'usurpation de cette qualité, parce que la nomination des généraux appartenait au peuple et non aux soldats. Dans une conjoncture si pressante et si grave, après l'horrible échec | d'eux ne cesserait d'être sous les armes, ne rece

éprouvé par la république, on devait ménager même un tribun militaire, puisqu'aussi bien il avait relevé seul les affaires de tout l'État. Mais

vrait de récompense militaire, et ne paraîtrait en Italie, tant que les ennemis y seraient: tant le courage a de haine pour la lâcheté! (An de R.

13. Nam posterior Africanus, everso Punico imperio, exterarum gentium transfugas, in edendis populo spectaculis, feris bestiis objecit.

14. Et L. Paullus Perse rege superato, ejusdem generis et culpæ homines elephantis proterendos substravit; uti lissimo quidem exemplo, si tamen acta excellentissimorum virorum humiliter æstimare sine insolentiæ reprehensione permittitur : aspero enim et absciso castigationis genere militaris disciplina indiget; quia vires armis constant: quæ ubi a recto tenore desciverunt, oppressura sunt, nisi opprimantur.

tribunus militum adulandus erat, quoniam quidem ad statum totius civitatis corrigendum unus suffecerat; sed nulla clades, nullum meritum, valentius militari disciplina fuit; succurrebat enim illis, quam animosa severitate Tarentino bello majores eorum usi fuissent; in quo quassatis et attritis reipublicæ viribus, quum magnum captivorum civium suorum numerum a Pyrrho rege ultro missum recepissent, decreverunt, ut ex iis qui equo meruerant, peditum numero militarent, qui pedites fuerant, in funditorum auxilia transcriberentur; neve quis eorum intra castra tenderet, neve locum extra assignatum vallo aut fossa cingeret, neve tentorium ex pellibus haberet; recursum autem iis ad pristinum militiæ ordinem proposuerunt, si quis bina spolia ex hostibus tulisset: quibus suppliciis compressi, ex deformibus Pyrrhi munusculis acerrimi hostes exstiterunt. Parem iram adversus illos senatus destrinxit, qui apud Cannas rempublicam deseruerant; nam quum eos gravitate decreti ultra mortuorum conditionem relegasset, acceptis a M. Marcello litteris, ut eo. rum sibi opera ad expugnationem Syracusarum uti liceret, rescripsit, indignos esse, qui in castra reciperentur; cæterum se ei permittere, ut faceret, quod expedire reipu

15. Sed tempus est, eorum quoque mentionem fieri, quæ jam non a singulis, verum ab universo senatu pro militari more obtinendo defendendoque, administrata sunt. L. Marcius, tribunus militum, quum reliquias duorum exercituum P. et Cn. Scipionum, quos arma Punica in Hispania absumpserant, dispersas mira virtute collegisset, earumque suffragiis dux esset creatus, senatui de rebus actis a se scribens, in hunc modum orsus est: M. MARCIUS PROPR.: cujus honoris usurpatione uti eum patribus conscriptis non placuit; quia duces a populo, non a militibus creari solerent; quo tempore tam angusto, I blicæ judicasset, dum ne quis ex eis munere vacaret, aut

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