008 citoyens romains, il ne laissa pas e poursuivre leur châtiment. Seulement, afin de rendre l'exé 537, 541). Quelle ne fut pas aussi l'indignation du sénat quand il apprit que, dans un combat contre les Ligures, où le consul Q. Pétilius avait | cution moins odieuse, il en fit battre de verges fait des prodiges de valeur, ses soldats l'avaient et frapper de la hache cinquante par jour, avec DE LA DISCIPLINE MILITAIRE, CHEZ LES sonniers, s'ils avaient voulu mourir avec hon- dono militiæ donaretur, aut in Italiam, donec hostes in ea essent, accederet: sic enerves animos odisse virtus solet. Age, quam graviter senatus tulit, quod Q. Petilium consulem fortissime adversus Ligures pugnantem occidere milites passi essent? legioni enim neque stipendium anni procedere, neque æra dari voluit; quia pro salute imperatoris, hostium telis se non obtulerant. Idque decretum amplissimi ordinis, speciosum et æternum Petilii monumentum exstitit, sub quo in acie, morte, in curia, ultione, clari cineres ejus acquiescunt. Consimili animo, quum ei Annibal sex millium Romanorum, quæ capta in castris habebat, redimendorum potestatem fecisset, conditionem sprevit; memor, tantam multitudinem arma. torum juvenum, si honeste mori voluissent, turpiter capi non potuisse. Quorum nescio utrum majus dedecus fuerit, quod patria spei, an quod hostis metus nihil in his reposuerit; hæc pro se, ille ne adversus se dimicarent, parvi pendendo. Sed quum aliquoties senatus pro militari disciplina severe excubuerit, nescio an tum præcipue, quum milites, qui Rhegium injusto bello occupaverant, mortuoque duce Jubellio, M. Cæsium scribam ejus sua sponte imperatorem delegerant, carcere inclusit, ac M. Fulvio Flacco trib. pl. denuntiante, ne in cives Romanos adversus morem majorum animadverteret, nihilominus propo 1. Cette conduite du sénat romain semblera de l'indulgence, si l'on considère la barbarie du sénat carthaginois, jugeant des opérations militaires. Les généraux qui, dans une campagne, avaient suivi de mauvais plans, lors mème que la fortune s'était déclarée pour eux, étaient punis du supplice de la croix. On attribuait leur succès à la protection divine; on leur imputait à crime 2. Cléarque, général des Lacédémoniens, maintenait la discipline parmi ses troupes par le pouvoir d'un mot admirable : il leur répétait sans cesse que le soldat doit craindre son général plus que l'ennemi. C'était leur déclarer ouvertement qu'ils perdraient dans les supplices une vie que leur valeur n'aurait pas su défendre sur le champ de bataille. Ce langage de leur chef n'étonnait point des hommes encore pleins du souvenir des mâles adieux de leurs mères, qui, en les envoyant au combat, leur disaient de ne reparaître devant elles que vivants, leurs boucliers en main, ou morts, sur leurs boucliers. C'était avec ce mot d'ordre, reçu dans le sein de leurs familles, que les soldats de Sparte marchaient à l'ennemi. Mais c'est assez de ce coup d'œil sur les exemples étrangers, puisque Rome peut se id perageretur, quinquagenos per singulos dies virgis cæsos, securi percuti jussit, eorumque corpora sepulturæ mandari, mortemque lugeri vetuit. DE DISCIPLINA MILITARI OBSERVATA AB EXTERNIS. 1. Leniter hoc patres conscripti, si Carthaginiensium senatus in militiæ negotiis procurandis violentiam intueri velimus; a quo duces bella pravo consilio gerentes, etiamsi prospera fortuna subsequuta esset, cruci tamen suffigebantur: quod bene gesserant, deorum immortalium adjutorio; quod male commiserant, ipsorum culpæ imputantes. 2. Clearchus vero, Lacedæmoniorum dux, egregio dicto disciplinam militiæ continebat, identidem exercitus sui auribus inculcando, a militibus imperatorem potius, quam hostem, metui debere. Quo aperte denuntiabat futurum, ut spiritum pœnæ impenderent, quem pugnæ acceptum ferre dubitassent; idque a duce præcipi non mirabantur, maternarum blanditiarum memores, quæ exituros eos ad præliandum monebant, ut aut vivi cum armis in conspectum earum venirent, aut mortui in armis referrentur. Hoc intra domesticos parietes accepto signo, Spartanæ acies dimicabant. Sed aliena prospexisse tantummodo satis est, cum propriis, multoque uberioribus et feliciori situm exsequutus est. Cæterum, quo minore cum invidia | bus exemplis gloriari liceat. glorifier d'en offrir de plus nombreux et de plus beaux. CHAPITRE VIII. DU DROIT DE TRIOМРНЕГ. La discipline militaire, maintenue avec sévérité, acquit à l'empire romain la suprématie dans l'Italie, lui assujettit une infinité de villes, des rois puissants, de valeureuses nations, lui ouvrit l'entrée du Pont-Euxin, lui livra, bientôt renversées, les barrières des Alpes et du Taurus, et fit de l'humble chaumière de Romulus le centre et l'appui du monde. Puis donc que la discipline a été la source de tous les triomphes, je dirai maintenant ce qui constituait le droit de triompher. 1. Des généraux, après de légers succès, demandèrent le triomphe. Afin de prévenir l'abus, une loi défendit de prétendre à cet honneur, à moins d'avoir tué cinq mille hommes dans une seule bataille. Ce n'était pas sur le nombre, mais sur l'importance des victoires, que nos ancêtres fondaient la gloire future de Rome. Toutefois, pour empêcher que l'appât du laurier triomphal ne rendît illusoire une loi si sage, L. Marius et M. Caton, tribuns du peuple, la fortifièrent par une autre, laquelle établissait des peines contre les généraux qui oseraient, dans leurs dépêches, en imposer sur le nombre des ennemis ou des citoyens tués dans le combat. Ils étaient obligés, dès leur entrée à Rome, de jurer, devant les questeurs de la ville, qu'ils avaient fait au sénat un rapport conforme à la vérité (An de R. 691). CAPUT VIII. DE JURE TRIUMPHANDI. Disciplina militaris acriter retenta, principatum Italiæ Romano imperio peperif; multarum urbium, magnorum regum, validissimarum gentium regimen largita est; fauces Pontici sinus patefecit; Alpium Taurique montis convulsa claustra tradidit, ortumque e parvula Romuli casa totius terrarum orbis fecit columen. Ex cujus sinu quoniam omnes triumphi manarunt, sequitur, ut de triumphandi jure dicere incipiam. 1. Ob levia prælia quidam imperatores triumphos sibi decerni desiderabant: quibus ut occurreretur, lege cautum est, ne quis triumpharet, nisi qui quinque millia hostium una acie cecidisset; non enim numero, sed gloria triumphorum, excelsius urbis nostræ futurum decus majores existimabant. Cæterum ne tam præclara lex cupiditate laureæ obliteraretur, legis alterius adjutorio fulta est, quam L. Marius et M. Cato tribuni pl. tulerunt: pænam enim imperatoribus minatur, qui aut hostium occisorum in prælio, aut amissorum civium falsum numerum, litte ris senatui ausi essent referre: jubetque, « eos, quum primum urbem intrassent, apud quæstores urbanos jurare, de utroque numero vere ab his senatui esse scriptum. >>> VALÈRE MAXIME. 2. Ces lois m'amènent naturellement à parler de ce procès fameux où deux illustres personnages se disputèrent avec acharnement le droit de triompher. Le consul C. Lutatius et le préteur Q. Valérius avaient détruit, sur les côtes de la Sicile, une nombreuse flotte carthaginoise. Le sénat, pour cet exploit, décerna le triomphe au consul Lutatius. Valérius prétendit à la même récompense; Lutatius soutint qu'on devait la lui refuser, parce que, disait-il, ce serait rendre les deux dignités égales, que de les confondre dans les honneurs du triomphe. La contestation n'ayant fait que s'animer, Valérius s'engagea, sous caution, à prouver à son adversaire que c'était sous sa conduite qu'on avait écrasé la flotte carthaginoise. Lutatius accepta le défi sans hésiter, et l'arbitre choisi par eux fut Atilius Calatinus. Valérius, plaidant.sa cause, dit que, pendant le combat, le consul était couché dans sa litiére, et hors d'état de se mouvoir; que lui, au contraire, avait rempli toutes les fonctions du commandement. Calatinus, sans attendre que le consul prît à son tour la parole, dit à Valérius : « Si vous eussiez été tous deux d'un avis contraire sur la nécessité de combattre, dites-moi, Valérius, lequel, du consul ou du préteur, aurait dû faire prévaloir sa volonté? >> « Point de doute, répondit Valérius, que le consul n'eût dû être obéi. » « Je suppose encore, dit Calatinus, que vous cussiez pris séparément les auspices et qu'ils eussent été opposés, auxquels s'en serait-on tenu de préférence ? » - « A ceux du consul, » répondit Valérius. - « Eh bien, reprit l'arbitre, puisqu'il ne s'agit, dans la contestation soumise à mon jugement, que du commandement et des auspices, 2. Post has leges judicii illius tempestiva mentio introducetur, in quo de jure triumphandi inter clarissimas personas et actum et excussum est. C. Lutatius consul et Q. Valerius prætor circa Siciliam insignem Pœnorum classem deleverant : quo nomine Lutatio consuli triumphum senatus decrevit. Quum autem Valerius sibi eum quoque decerni desideraret, negavit id fieri oportere Lutatius, ne in honore triumphi minor potestas majori æquaretur; pertinaciusque progressa contentione, Valerius sponsione Lutatium provocavit, Ni suo ductu Punica classis esset oppressa. Nec dubitavit restipulari Lutatius. Itaque judex inter eos convenit Atilius Calatinus: apud quem Valerius in hunc modum egit, « consulem ea pugna in lectica claudum jacuisse, se autem omnibus imperatoriis partibus functum. » Tune Calatinus, priusquam Lutatius causam suam ordiretur, « Quæro, » inquit, Valeri, a te, si, dimicandum necne esset, contrariis inter vos sententiis dissedissetis, utrum quod consul, an quod prætor imperasset, majus habiturum fuerit momentum? » Respondit Valerius, « non facere se controversiam, quin priores partes consulis essent futuræ. » « Age deinde, » inquit Calatinus, « si diversa auspicia accepissetis, cujus magis auspicio staretur? » Item respondit Valerius : « Consulis. judex, « Jam mehercule, » inquit, « quum de imperio et auspicio inter vos disceptationem susceperim, et tu utro. 39 » AL et que, de votre aveu, l'avantage appartient sur ces deux points à votre adversaire, je n'ai plus rien à examiner. Ainsi donc, Lutatius, quoique vous n'ayez rien dit encore, je vous donne gain de cause. » Décision admirable, en ce qu'elle empêchait de perdre du temps à discuter l'évidence. Mais, si on doit louer Lutatius d'avoir défendu avec persévérance les droits de la première dignité de l'empire, on ne peut blâmer Valérius d'avoir réclamé le prix d'une victoire due à son courage; prix que la loi lui refusait, mais dont il était digne (An de R. 512). 3. Que penser de Cn. Fulvius Flaccus qui dédaigna, qui repoussa l'honneur du triomphe, si ambitionné par les autres, et que le sénat lui avait décerné pour ses exploits? Déjà, sans doute, il prévoyait le sort qui l'attendait. En effet, à peine entré dans Rome, il fut soumis à un jugement criminel et condamné à l'exil, expiant ainsi l'outrage que son orgueil pouvait avoir fait à la religion (1) (An de R. 542). 4. Qu. Fulvius, vainqueur de Capoue, et L. Opimius, qui avait forcé les habitants de Frégelles à capituler, se montrèrent donc plus sages en demandant au sénat les honneurs du triomphe. Tous deux s'étaient signalés par de beaux faits d'armes: cependant ni l'un ni l'autre n'obtint ce qu'il avait demandé, non que les sénateurs fussent guidés par l'envie (cette passionne pénétra jamais dans cette auguste assemblée), mais ils tenaient à l'observation rigoureuse de la loi, qui accordait le triomphe pour des accroissements de territoire, et non pour des possessions recouvrées sur l'ennemi, et rendues au peuple romain. Car il y a aussi loin d'un don à une restitution, que d'un bienfait à la réparation d'une injustice (Ans de R. 542, 629). 5. Au surplus, la loi que j'ai citée fut si religieusement observée que l'on ne décerna le triomphenià P. Scipion pour avoir reconquis les Espagnes, ni à M. Marcellus pour la prise de Syracuse, parce qu'on leur avait confié le soin de ces expéditions sans les revêtir d'aucune magistrature. Que l'on nous vante maintenant ces ambitieux d'honneurs à tout prix, qui, pour des rochers déserts et pour des brigantins surpris à des pirates, ont cueilli sans gloire, et d'une main empressée, quelques branches du laurier des vainqueurs. L'Espagne arrachée à l'empire de Carthage, et Syracuse, la tête de la Sicile, enlevée à ce corps mutilé, ne purent mettre en mouvement le char triomphal. Et pour quels hommes ? pour Scipion et pour Marcellus, dont les noms mêmes sont comme l'emblème d'un triomphe éternel. Mais le sénat, malgré le désir de contempler, sous leurs couronnes, ces illustres modèles d'une véritable et solide vertu, ces hommes qui portaient en eux les destins de la patrie, crut devoir les réserver pour un triomphe plus légitime et plus beau (An de R. 542). 6. J'ajouterai une particularité. L'usage était qu'à la veille de triompher, le général invitât les consuls au repas qu'il donnait, et qu'il les fit ensuite prier de ne point s'y rendre, afin de n'avoir à sa table, le jour de cette cérémonie, personne dont le pouvoir surpassât le sien. 7. Si brillants, si avantageux à l'État que fussent les succès obtenus dans une guerre civile, ils ne valurent à aucun général le titre d'imperator, ni le décret d'actions de grâces, ni l'ovation, ni le grand triomphe; parce que de telles victoires, fruit de la nécessité, ont toujours sem (1) On ne sait pas précisément à quel fait l'auteur fait ici allusion. que adversarium tuum superiorem fuisse fatearis, nihil est, quod ulterius dubitem; itaque, Lutati, quamvis ad huc tacueris, secundum te litem do. Mirifice judex, quod in manifesto negotio tempus teri passus non est. Probabilius Lutatius, quod jus amplissimi honoris constanter defendit; sed ne Valerius quidem improbe, quia fortis et prosperæ pugnæ, ut non legitimum, ita se dignum præmium petiit. 3. Quid facias Cn. Fulvio Flacco, qui tam expetendum aliis triumphi honorem, decretum sibi a senatu ob res bene gestas, sprevit ac repudiavit? Nimirum non plura præcerpens, quam acciderunt; nam ut urbem intravit, continuo ipse quæstione publica afilictus, exsilio multatus est, ut si quid religionis insolentia commisisset, pœna expiaret. 4. Sapientiores igitur Qu. Fulvius, qui Capua capta, et L. Opimius, qui Fregellanis ad deditionem compulsis, triumphandi potestatem a senatu petierunt. Uterque edi. tis operibus magnificus; sed neuter petitæ rei compos. Non quidem invidia patrum conscriptorum, cui nunquam aditum in curia esse voluerunt; sed summa diligentia observandi juris, quo cautum erat, ut pro aucto imperio, non pro recuperatis, quæ populi Romani fuissent, trium phus decerneretur. Tantum enim interest, adjicias aliquid, an detractum restituas, quantum distat beneficii initium ab injuriæ fine. 5. Quin etiam jus, de quo loquor, sic custoditum est, ut P. Scipioni ob recuperatas Hispanias, M. Marcello ob captas Syracusas, triumphus non decerneretur; quod ad eas res gerendas sine ullo missi erant magistratu. Probentur nunc cujuslibet gloriæ cupidi, qui ex desertis montibus, myoparonumque piraticis rostris, laudis inopes, laureæ ramulos festinabunda manu decerpserunt. Carthaginis imperio abrupta Hispania, et Siciliæ caput abscisum Syracusæ, triumphales jungere currus nequiverunt; et quibus viris? Scipioni et Marcello, quorum ipsa nomina instar æterni sunt triumphi; sed clarissimos solidæ veræque virtutis auctores, humeris suis salutem patriæ gestantes, etsi coronatos intueri senatus cupiebat, justiori tamen reservandos laureæ putavit. 6. His illud subnectam : moris erat, ab imperatore triumphum ducturo consules invitari ad cœnam; deinde rogari, ut venire supersedeant; ne quis eo die, quo ille triumpharit, majoris in eodem convivio sit imperii. 7. Verum quamvis quis præclaras res, maximeque utiles reipublicæ civili bello gessisset, imperator tamen co nomine appellatus non est, nec ullæ supplicationes decretæ sunt; neque aut ovans, aut curru triumphavit : quia blé lugubres, comme étant achetées au prix d'un | camps pardes lois inflexibles, je dois maintenant sang non pas étranger, mais romain. Aussi est-ce avec douleur que Nasica massacra la faction de Ti. Gracchus, et Opimius celle de C. Gracchus. Q. Catulus, après avoir exterminé son collègue M. Lépidus et ses troupes séditieuses, ne laissa voir qu'une joie modérée à son retour dans Rome. C. Antonius, vainqueur de Catilina, fit essuyer les épées avant de les rapporter dans le camp. L. Cinna et C. Marius s'étaient largement abreuvés du sang des Romains; mais ils n'allèrent pas de suite en remercier les dieux dans leurs temples et au pied de leurs autels. Enfin, L. Sylla, qui remporta tant de victoires sur ses concitoyens et montra dans ses succès tant d'orgueil et de cruauté, voulut, quand il eut assis et consolidé sa puissance, se donner les honneurs du triomphe, et il y fit porter les images d'un grand nombre de villes de la Grèce et de l'Asie; mais on n'y vit celles d'aucune ville romaine. Il m'est pénible et douloureux de rappeler les malheurs de la république. Pour finir, je dirai que jamais le sénat n'accorda le laurier triomphal, et que jamais un citoyen n'en réclama l'honneur, pour une victoire qui plongeait dans les larmes une partie de l'État. Mais faut-il décerner la couronne civique à qui sauva des citoyens; les mains des sénateurs se portent avec reconnaissance vers ce chêne qui donne au palais des Césars la glorieuse apparence d'un perpétuel triomphe (1.) CHAPITRE IX. DE LA SÉVÉRITÉ DE LA CENSURE. De la discipline rigoureuse établie dans les (1) L'auteur veut, dit-on, parler d'un chêne qui était devant la passer à la censure, la maîtresse et la gardienne de la paix intérieure. Tandis que la valeur des généraux s'employait à l'immense développement de la puissance romaine, le regard sévère de la censure veillait sur les vertus civiles; et cette tâche n'est pas moins utile et moins belle que les exploits militaires. Que sert en effet le courage au dehors, si au dedans règne la corruption? L'on a beau prendre des villes, subjuguer des nations, envahir des royaumes; si le devoir et l'honneur sont des choses inconnues au forum et au sénat, ce colosse de puissance, élevé jusqu'au ciel, n'aura qu'une base fragile. Il importe donc de connaître et de se rappeler sans cesse les actes émanés du pouvoir des censeurs. 1. Les censeurs Camille et Postumius obligèrent ceux qui avaient vieilli célibataires à verser une somme d'argent dans le trésor public, à titre d'amende. Ces vieillards auraient mérité une. seconde peine, s'ils avaient osé murmurer contre un règlement si juste, et lorsqu'un magistrat leur tenait ce langage sévère : « La nature, en vous donnant l'être, vous a fait une loi de le transmettre à d'autres; vos parents, en prenant soin de votre enfance, vous ont imposé une obligation que l'honneur vous commandait de remplir, celle d'élever une postérité. La fortune même vous a laissé le temps d'acquitter cette dette; et cependant vous avez passé vos jours sans porter les noms d'époux et de père. Allez donc et dénouez vos bourses avares au profit de la grande famille » (An de R. 301). ut necessariæ istæ, ita lugubres semper existimatæ victoris rationis diligens observatio admonet me, ut ad censu riæ sunt, ut pote non externo, sed domestico partæ cruore: itaque et Nasica Ti. Gracchi, et Opimius C. Gracchi factiones mæsti trucidarunt; Q. Catulus, M. Lepido collega suo cum omnibus seditiosis copiis exstincto, tantum moderatum præ se ferens gaudium, in urbem revertitur; C. etiam Antonius Catilinæ victor abstersos gladios in castra retulit; L. Cinna et C. Marius hauserant quidem avidi civilem sanguinem; sed non protinus ad templa deorum et aras tetenderunt: item L. Sulla, qui plurima bella civilia confecit, cujus crudelissimi et insolentissimi successus fuerunt, quum consummata atque constricta potentia sua triumphum duceret, ut Græciæ et Asiæ multas urbes, ita civium Romanorum nullum oppidum vexit. Piget tædetque per vulnera reipublicæ ulterius proce. dere. Lauream nec senatus cuiquam dedit, nec quisquam sibi dari desideravit, civitatis parte lacrymante. Cæterum ad quercum pronæ manus porriguntur, ubi ob cives servatos corona danda est; qua postes Augustæ domus sempıterna gloria triumphant. CAPUT IX. DE CENSORIA SEVERITATE. 2. Cet exemple de sévérité fut suivi par les cenporte du palais de César, et où l'on prenait les branches destinées à faire les couronnes civiques. ram, pacis magistram custodemque, transgrediar. Nam ut opes populi Romani in tantum amplitudinis imperatorum virtutibus excesserunt, ita probitas et continentia censorio supercilio exanimata est. Opus effectu par bellicis landibus; quid enim prodest foris esse strenuum, si domi male vivitur? Expugnentur licet urbes, corripiantur gentes, regnis injiciantur manus; nisi foro et curiæ officium ac verecundia sua constiterit, partarum rerum æquatus cælo cumulus sedem stabilem non habebit: ad rem igitur pertinet nosse, atque adeo recordari acta censoriæ potestatis. 1. Camillus et Postumius censores, æra pœnæ nomine eos, qui ad senectutem cælibes pervenerant, in ærarium deferre jusserunt: iterum puniri dignos, si quo modo de tam justa constitutione queri sunt ausi; quum in hunc modum increparentur : « Natura vobis, quemadmodum nascendi, ita gignendi legem scribit; parentesque vos alendo, nepotum nutriendorum debito (si quis est pudor) alligaverunt. Accedit his, quod etiam fortuna longam præstand. hujusce muneris advocationem estis assecuti; quum inte. rim consumpti sint anni vestri, et mariti, et patris no mine vacui. Ite igitur; et nodosam exsolvite stipem utilem posteritati rumerosæ. >> 2. Horum severitatem M. Valerius Max. et C. Junius Castrensis dise plinæ tenacissimum vinculum et milita- Bubulcus Brutus censores in consimili genere animadver seurs M. Valérius Maximus et C. Junius Bubulcus | exemple, en achetant dix livres pesant d'argenBrutus, qui dépouillèrent L. Antonius de la dignité de sénateur, pour avoir, sans consulter aucun de ses amis, répudié sa femme toute jeune encore; conduite peut-être plus coupable que celle des célibataires dont j'ai parlé; car ceux-ci n'avaient fait que dédaigner les liens sacrés du mariage, celui-là les avait outragés. C'est donc par une décision pleine de sagesse que les censeurs le déclarèrent indigne de siéger au sénat (An de R. 646). 3. M. Porcius Caton raya aussi du rôle des sénateurs L. Flamininus, parce qu'ayant, dans son gouvernement, condamné un homme au supplice de la hache, il avait pris pour l'exécution l'heure fixée par sa maîtresse, afin de lui en donner le spectacle. Caton aurait pu avoir égard à la dignité consulaire dont Flamininus avait été revêtu, et au crédit (1) de son frère T. Flamininus, honoré aussi du consulat; mais Caton devait à la censure, il se devait à lui-même, ce double exemple de sévérité. Il ne pouvait que noter d'infamie celui qui, par une si odieuse complaisance, avait souillé la majesté du commandement suprême; celui qui n'avait pas craint que, parmiles images de sa famille et à côté du roi Philippe vaincu et suppliant (2), on vît une courtisane se repaissant avec délices de la vue du sang humain (An de R. 569). 4. Que dirai-je de la censure de Fabricius Luscinus? Tous les siècles ont raconté, tous les siècles raconteront que Cornélius Rufinus, après deux consulats et une dictature des plus glorieuses, se vit exclu par lui du rang des sénateurs, comme ayant affiché un luxe du plus dangereux (1) Les lettres V. C. signifient, selon les uns, viri clarissimi; selon les autres, viri consularis. - (2) T. Flamininus, frère de celui-ci, avait soumis la Grèce, et vaincu Philippe de Macédoine. terie. En vérité, la langue de ce siècle-ci est comme étonnée de prêter son ministère au récit d'une pareille sévérité; elle semble craindre que les faits qu'elle retrace ne paraissent étrangers à l'histoire de notre pays. Comment croire, en effet, que dix livres d'argenterie aient été un excès de richesse dans la même ville où ils passent aujourd'hui pour un excès d'indigence? (An de R. 478.) 5. Les censeurs M. Antonius et L. Flaccus chassèrent Duronius du sénat, parce qu'il avait, étant tribun du peuple, abrogé une loi qui mettait des bornes à la somptuosité des repas. Le fait qui motiva cette flétrissure est, en vérité, incroyable. Quelleimpudence, en effet, que de monter, comme Duronius, à la tribune, pour tenir ce langage : << Romains, l'on vous a imposé un frein que vous ne devez point souffrir; vous êtes attachés, enchaînés au joug d'un insupportable esclavage : on vous a fait une loi de la sobriété. Brisons cette chaîne déjà rongée par la rouille d'une sauvage antiquité. Que sert la liberté, si l'on ne peut pas, quand on le veut, mourir d'intempérance?» (An de R. 654.) 6. Montrons maintenant deux hommes qui s'avancèrent, comme sur le même char, dans la carrière des vertus et des honneurs, mais que divisait une ardente et haineuse rivalité. Quelles rigueurs Claudius Néron et Livius Salinator, ces inébranlables remparts de l'État pendant la seconde guerre Punique, ne déployèrent-ils pas ensemble dans l'exercice de la censure! Ils passaient en revue les centuries des chevaliers, dont leur âge et leur santé robuste leur permettaient encore de faire partie. Quand le tour de la tribu tentum non esse. Ipsæ medius fidius mihi litteræ seculi nostri obstupescere videntur, quum ad tantam severitatem referendam ministerium accommodare coguntur, ac vere sionis imitati, L. Antonium senatu moverunt, quod, quam virginem in matrimonium duxerat, repudiasset, nullo amicorum in consilium adhibito. At hoc crimen nescio an superiore majus: illo namque conjugalia sacra spretari, ne non nostræ urbis acta commemorare existimentur : tantum, hoc etiam injuriose tractata sunt. Optimo ergo judicio censores indignum eum aditu curiæ existimave runt. vix enim credibile est, intra idem pomerium decem pondo argenti, et invidiosum fuisse censum, et inopiam haberi contemptissimam. 5. M. autem Antonius, et L. Flaccus censores Duronium senatu moverunt, quod legem de coercendis convi 3. Sicut M. Porcius Cato L. Flamininum, quem e numero senatorum sustulit, quia in provincia quemdam damnatum securi percusserat, tempore supplicii ad arbi-viorum sumptibus latam tribunus plebis abrogaverat. Mi rifica notæ causa; quam enim impudenter Duronius rostra conscendit, illa dicturus: << Freni sunt injecti vobis, Quirites, nullo modo perpetiendi: alligati et constricti estis amaro vinculo servitutis; lex enim lata est, quæ vos esse frugi jubet: abrogemus igitur istud horridæ vetustatis ru trium et spectaculum mulierculæ, cujus amore tenebatur, electo. Et poterat inhiberi respectu consulatus, quem is gesserat, atque auctoritate fratris ejus V. C. T. Flaminini: sed et censor, et Cato, duplex severitatis exemplum, eo magis illum notandum statuit, quod amplissimi honoris majestatem tam tetro facinore inquinaverat, nec pensi | bigine obsitum imperium. Etenim quid opus libertate, si duxerat, iisdem imaginibus adscribi meretricis oculos humano sanguine delectatos, et regis Philippi supplices ma nus. 4. Quid de Fabricii Luscini censura loquar? narravit omnis ætas, et deinceps narrabit, ab eo Cornelium Rufinum, duobus consulatibus et dictatura speciosissime functum, quod decem pondo vasa argentea comparasset, per inde ac malo exemplo luxuriosum, in ordine senatorio re volentibus luxu perire non licet? >>> 6. Age, par proferamus æquali jugo virtutis honorumque societate junctum, instrictum autem æmulationis hamo dissidens. Claudius Nero, Liviusque Salinator, secundi Punici belli temporibus firmissima reipublicæ latera, quam destrictam simul egerunt censuram? Nam quum equitum centurias recognoscerent, et ipsi propter robur ætatis etiam nunc eorum essent e numero, ut est ad Pol |