« Et attendu que la permanence d'une réunion de plus de vingt personnes ne suffit pas pour lui imprimer le caractère d'association illicite ; « Que le fait d'association ne peut être incriminé, dans les termes de l'article 291 du Code pénal et de la loi du 10 avril 1834, que lorsqu'un lien, résultant d'un concert préalable et d'un mutuel engagement, unit les sociétaires entre eux et les rattache, non seulement à celui qui les dirige, mais les uns aux autres ; « Que cet élément essentiel de l'association prohibée ne se rencontre pas dans l'espèce, où le très jeune âge des enfants admis au patronage Saint-Joseph, dont cinq seulement sont âgés de 15 à 17 ans, est exclusif, pour eux, de toute entente et de tout pacte social, ainsi que de tout engagement réciproque pour une action commune et collective en vue d'une œuvre déterminée; « Que la réunion dont il s'agit, composée d'enfants qui se livrent deux fois par semaine aux jeux de leur âge, sous la surveillance de l'abbé Monjaux, et qui ne paient d'ailleurs aucune cotisation, ne constitue donc pas une association illicite, et qu'il y a lieu de confirmer la décision frappée d'appel; «Par ces motifs, << Sans s'arrêter à l'appel de M. le procureur général, confirme le jugement entrepris et ordonne qu'il sortira son plein et entier effet. >> L'affaire de Mouy Le 5 juillet 1892, le maire de Mouy (Oise) prenait un arrêté prohibant toute réunion du patronage Saint-Nicolas et interdisant au directeur de réunir les personnes qui en faisaient partie en n'importe quel endroit et de les mener en groupe sur le territoire de la commune. Le préfet de l'Oise s'empressait d'ordonner l'exécution immédiate dudit arrêté. Les sectaires croyaient que c'en était fini pour toujours du patronage et que les enfants allaient accourir en foule à la société de gymnastique patronnée par M. le maire et subventionnée par le conseil municipal. Ils se sont trompés. Mgr l'Évêque de Beauvais, au nom de M. le curé et de M. le vicaire de Mouy, s'efforça d'obtenir réparation du préfet et du ministre; toutes ses démarches furent vaines. Alors le vaillant et zélé directeur du patronage dissous n'hésita pas à s'adresser aux tribunaux ; l'arrêté du mairé était illégal et entaché d'excès de pouvoir; M. l'abbé Cavé le déféra au Conseil d'État. Enfin, après dix-huit mois, la justice s'est prononcée, à la grande confusion des anticléricaux. Le Conseil d'État, dans son audience du 12 février 1894, a annulé l'arrêté du maire de Mouy, « considérant que s'il appartenait au maire de prendre les mesures nécessaires pour amener le bon ordre et la tranquillité sur la voie publique, il ne pouvait, en interdisant toute réunion au patronage Saint-Nicolas, dans des habitations privées et en faisant défense au directeur de mener en groupe et sur le territoire de la commune les personnes qui en font partie, édicter toute une série de prohibitions équivalant à la suppression du patronage, qu'il a ainsi excédé les pouvoirs de police qui lui sont conférés par l'article 97 de la loi du 5 avril 1884. » Cette décision du Conseil d'État est d'une grande importance; elle montre que les maires ne peuvent intervenir en aucune façon pour mettre des entraves aux œuvres de patronage et que toutes les mesures prises par eux à cet effet doivent être considérées comme nulles et non ave nues. Il est peut-être bon de rappeler que la Cour de cassation a depuis longtemps déjà reconnu la légalité des patronages lorsqu'elle a décidé, le 1er juillet 1897, que les prohibitions portées par la loi contre les associations non autorisées ne sont pas applicables au prêtre qui réunit des apprentis et des jeunes gens, soit dans sa chambre, soit dans une maison qu'il a louée, afin de les empêcher de fréquenter les cabarets, en leur procurant gratuitement des divertissements et des jeux divers, alors surtout qu'il n'a existé aucun lien entre les personnes qui ont assisté à ces réunions et qu'il n'y avait ni règlement pour l'admission ou pour la non-admission à ces réunions, ni statuts, ni cotisations. Le droit du curé de faire le patronage Un patronage ou cercle catholique de jeunes gens peut-il sans difficulté, avec le consentement du curé, qui accepte, être établi dans la cour du presbytère, propriété communale ? L'autorisation du maire est-elle absolument nécessaire ? Le conseil de fabrique peut-il s'opposer à la chose ? En cas de refus du maire et du conseil de fabrique, peuton, pour établir le patronage, faire une construction, et la faire adopter ensuite comme annexe du presbytère ? Y a-t-il à craindre enfin que l'autorité civile ne vienne fermer cet établissement ou s'en emparer? Et alors ne serait-il pas plus pratique d'acheter un petit terrain pour construire au nom d'une personne connue ladite maison, quoique la surveillance en puisse devenir difficile ? A ces questions, un jurisconsulte qui prête son concours à la Commission des Patronages a fait les réponses sui vantes : L'idée émise à la fin de ce petit questionnaire nous parait très sage, et sa réalisation couperait court à toute difficulté dans le présent et dans l'avenir: il serait en effet plus simple d'acheter un terrain et de dresser sur ce terrain les constructions destinées à l'œuvre de jeunesse. Là, le directeur aurait toute latitude; il serait seul propriétaire sans avoir besoin de consulter et de demander des autorisations à qui que ce soit; il garderait la faculté de donner plus tard son immeuble à qui bon lui semblerait: cure, fabrique, commune même, société civile ou individu, aux conditions qu'il lui plairait d'imposer. Et sur ce point, nous ne saurions trop l'engager à ne pas disposer légèrement, sans s'entourer des plus sérieux conseils. Quant à la surveillance de l'œuvre qui, par ce moyen, deviendrait difficile, nous ne pensons pas qu'il faille s'arrêter à cette objection. Un patronage et un cercle sont œuvres si importantes au point de vue du bien des âmes, qu'un curé comprenant son devoir saura dominer quelques difficultés pour procurer ce bien. Pour ce qui est de construire dans la cour ou le jardin du presbytère, la propriété de l'immeuble appartenant à la commune, il faut, pour en pouvoir ainsi disposer, que le curé qui construit soit le curé de l'endroit; un prêtre étranger n'aurait aucune qualité pour toucher au presbytère, et, s'il voulait exécuter lui-même son projet, il aurait besoin de l'autorisation et du nu-propriétaire qui est la 1. Cf. le Patronage, juillet 1896. commune, et de l'usufruitier qui est le curé (la fabrique n'ayant rien à voir dans l'espèce). Doué de la bienveillance personnelle la plus grande, sans une autorisation préfectorale, le maire mème n'aurait pas qualité pour autoriser directement cette construction; il devrait se couvrir d'une délibération du conseil municipal et d'une autorisation préfectorale, car il ne peut laisser seul s'établir une servitude sur un immeuble communal. Mais ce que ni la fabrique, ni le maire, ni le conseil municipal ne peuvent faire ou autoriser, le curé, seul, à titre d'usufruitier, le peut en cette circonstance, en vertu des articles 598 et 599 du Code civil. « L'usufruit est, en effet, le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance. >> Le curé, usufruitier du presbytère, à l'instar du propriétaire qui est la commune, a le droit d'élever et de faire dans la cour et dans le jardin, dans les dépendances, une tonnelle, un jeu de boules, un hangar, une salle de billard, en un mot tout aménagement et construction et y recevoir qui bon lui semble, pour y manger, y jouer, y faire des conférences, etc. Ce que le propriétaire peut y faire, le curé peut l'y faire également rien de tout cela ne modifie la substance du presbytère, et le propriétaire (la commune) ne peut par son fait (article 599), ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l'usufruitier (le curé). Toutefois, le curé, qui n'a que l'usufruit de son presbytère, lorsque vient à cesser cet usufruit, ne peut réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu'il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût aug : |