Images de page
PDF
ePub

chéance puisse jamais être prononcée pour des condamnations | tion, alors de deux choses l'une: ou cette condamnation a pour à des peines de simple police; on ne peut guère supposer que selle ait été l'intention du législateur. Ces peines, en effet, n'ont été généralement attachées qu'à des infractions qui ne sont que l'effet de l'imprudence et de la négligence, et qui ne sauraient diminuer la considération dont un membre de l'ordre judiciaire doit être entouré. La suspension temporaire est donc la seule peine que la cour suprême doive infliger pour une condamnation de simple police, et encore faudrait-il, selon nous, qu'il

objet une peine afflictive ou infamante, ou elle a pour objet une peine qui n'a point ce caractère, c'est-à-dire une peine correctionnelle ou de simple police. Dans le premier cas, la suspension provisoire est remplacée par la destitution, qui, comme nous l'avons déjà dit, est la suite nécessaire de toute condamnation à une peine afflictive ou infamante; dans le second cas, il y a encore plusieurs distinctions à faire. En effet, le ministre de la justice, auquel la condamnation a dû être transmise, suivant le

s'agit d'une contravention que le caractère du juge rendrait plus | prescrit de l'art. 59, L. 20 avr. 1810, peut, si les faits lui

grave, et qui fût de nature à affaiblir d'une manière sensible ses titres à la considération des citoyens. Mais la cour de cassation pourrait, suivant les cas, prononcer soit la suspension, soit même la déchéance pour condamnation à une peine correctionnelle. « A cet égard, dit Carré, Org. et comp., art. 4, no 10, le législateur s'en est rapporté à la prudence de la cour suprême : it lui a confié le soin de distinguer entre les condamnations dont l'effet inévitable, à raison de la nature du délit, est d'imprimer une tache avilissante sur la personne de son auteur, et celles qui ne l'exposeraient qu'à un blâme momentané, sans lui faire perdre l'estime et la confiance publiques. >>>

paraissent suffisamment graves, dénoncer le juge condamné à la cour de cassation, afin qu'elle examine s'il y a lieu de le déclarer déchu ou suspendu de ses fonctions. Or, supposons qu'il n'use pas de ce droit, ou que, s'il en use, la cour de cassation ne croie pas devoir prononcer une peine disciplinaire, qu'adviendra-t-il de la suspension provisoire? Si la condamnation définitive emporte peine de simple police, la suspension devra cesser comme s'il y avait acquittement; si la condamnation est correctionnelle, la suspension provisoire durera tant que le juge sera sous les liens de cette condamnation, c'est-à-dire tant qu'il ne l'aura pas entièrement exécutée, puis après elle cessera. C'est là l'interprétation naturelle de l'art. 58, qui attache la suspension provisoire à la condamnation correctionnelle, mais non pas à celle de simple

137. Un juge condamné à une peine correctionnelle peut être suspendu de ses fonctions, encore qu'il les eût reprises après avoir subi sa peine. C'est ce qui résulte de l'arrêt de la cour de ❘ police. Supposons maintenant que le ministre de la justice ils exercent leurs fonctions, à peine de nullité et des dépens et dommages-intérêts. Le juge qui enfreindrait la défense faite par cet article compromettrait gravement la dignité de son caractère et par suite se rendrait passible de peines disciplinaires. C'est ce qui déjà était reconnu dans l'ancien droit, comme nous l'avons yu dans notre historique.

cassation déjà cité, du 27 juill. 1810, rendu sections réunies, aff. Peprax (V. infrà, no 191); en effet, dans l'espèce sur laquelle est intervenu cet arrêt, c'est seulement après que le condamné, ayant subi sa peine, avait repris l'exercice de ses fonctions que le procureur général Merlin avait requis l'exercice du pouvoir censorial dont la cour de cassation est investie par l'art. 82 du sénatus-consulte du 16 therm an 10; et la cour de cassation n'a pas jugé que ce fait de la reprise des fonctions fut un obstacle à l'application de la peine de la suspension. «En effet, disait à cet égard le savant procureur général, dont les observations sont reproduites par M. Carré, loc. cit., no 12, lorsqu'il est malheureusement constaté, par jugement passé en force de chose jugée, qu'un membre de l'autorité judiciaire a, dans sa personne, avili une magistrature instituée pour commander par l'exemple, pour être l'organe des mœurs et de la bonne foi, la reprise de ses fonctions ne peut être pour lui un droit nouveau de les continuer.>>>

138. Nous avons dit que la durée de la suspension devait toujours être déterminée. Mais cela ne s'applique point, on le comprend, à la suspension provisoire dont l'art. 58, L. 20 avril 1810, frappe tout juge qui se trouve sous les liens d'un mandat d'arrêt, de dépôt, d'une ordonnance de prise de corps, ou d'une condamnation correctionnelle. Cette suspension provisoire n'est pas prononcée par une décision du pouvoir disciplinaire, elle se produit de plein droit, comme un effet naturel et direct du mandat, de l'ordonnance, de la condamnation, sans qu'il intervienne aucun autre acte. Cependant elle ne peut pas se prolonger indéfiniment, puisqu'aux termes de la loi elle-même elle n'est que provisoire. Comment donc cesse-t-elle? - Si l'instance dans laquelle sont intervenus les actes auxquels l'art. 58 attache cet effet se termine par un acquittement, cet acquittement fait tomber de plein droit la suspension provisoire et rend au juge qui en était frappé le plein et entier exercice de ses fonctions.Si cette instance se termine, au contraire, par une condamna

(1) Espèce:-(Min. pub. C. trib. de Montbrison.) -En l'an 8, Georges Cheminal, agent de la commune d'Étienne-Lemolard, s'était permis d'intercaler, dans les registres de l'état civil de l'an 5, un feuillet, au moyen duquel il avait antidaté le mariage d'un sieur Guillon, à l'effet de le soustraire à la conscription militaire. - Le délit était constant, mais l'inculpé était père de cinq enfants; il avait paru ne céder qu'au désir d'obliger la famille du conscrit, bien qu'il en eût reçu de l'argent. Fléchis par ces considérations, les juges du tribunal spécial de Montorison l'avaient acquitté. Cette erreur n'avait atteint que les juges du tribunal civil. Quant aux juges du tribunal criminel (le tribunal spécial était composé des uns et des autres), ils avaient pensé que la peine aurait dû être appliquée. C'est à raison de cet acquittement que les juges du tribunal spécial de Montbrison ont été traduns à la barre de la cour de cassation. Ceux du tribunal criminel ont demandé d'être associés au sort de leurs collègues par un jugement indivisible; mais la cour, sur le réquisitoire de M. Mer

nonce la condamnation et que sur cette dénonciation la cour de cassation prononce la déchéance, cette nouvelle condamnation fera cesser immédiatement la suspension provisoire résultant de la condamnation antérieure et rendra vacantes les fonctions du juge condamné. Si elle prononce la suspension, cette peine ne fera point cesser la suspension provisoire si elle dure encore, mais elle ne commencera à courir que du jour où le juge aura subi sa première condamnation.

139. Voyons maintenant, d'après la jurisprudence, quels sont les faits, soit de la vie publique, soit de la vie privée, par lesquels un juge compromet la dignité de son caractère, ou quelles sont les causes graves pour lesquelles sa conduite peut être déférée à la cour de cassation. - A cet égard il a été jugé, conformément du reste aux principes que nous avons antérieurement exposés: 1o que l'application de l'art. 50, L. 20 avr. 1810, ne doit pas être restreinte aux faits qui ne font que compromettre la dignité du caractère du juge, mais qu'elle doit être étendue à tous les faits plus graves qui pourraient en outre motiver des poursuites criminelles ou correctionnelles (Crim. cass., 25 fév. 1826, int. de la loi, V. n° 164-1°); - 2o Qu'ainsi, lorsque les reproches allégués contre un magistrat paraissent à la cour ou au tribunal constituer un délit ou un crime, et qu'en conséquence ils ordonnent qu'il soit procédé à son égard conformément au liv. 2, tit. 4, ch. 3, c. inst. crim., ils doivent aussi le suspendre de ses fonctions en vertu de l'art. 50, L. 20 avr. 1810 (même arrêt).

140. Il résulterait d'un arrêt de la cour de cassation que des juges qui acquittent un prévenu en se laissant fléchir par de simples considérations, lorsque, d'ailleurs, le délit est constant, sont passibles de censure; - Mais que les juges qui ont été d'un avis opposé à celui qui paraît à la cour de cassation mériter la censure peuvent ne pas être censurés, alors même qu'ils ont demandé que leur cause ne fût pas séparée de celle de leurs collègues (ch. réun., 15 prair an 11) (1). - Carnot, Discipl. jud.,

lin, a cru devoir décerner l'éloge aux uns et la censure aux autres. Arrêt (ap. délib.).

LA COUR; Juges du tribunal civil séant à Montbrison, vous avez commis une faute très-grave; et si elle ne doit pas être imputée à des intentions coupables, vous ne pouvez vous défendre du moins d'avoir montré une très-répréhensible faiblesse. -Vous avez oublié que le magistrat, dans l'exercice de ses fonctions, doit être semblable à la loi, qui ne consulte ni la pitié ni l'indignation, mais pour qui la justice est tout. - Vous avez fait céder vos devoir à une pitié mal entendue et à de fausses et vaines considérations. D'une part, les preuves du crime étaient évidentes pour tout homme de bonne foi; et de l'autre, l'espèce de délit sur lequel vous avez prononcé avait fait dans ces derniers temps les plus déplora bles ravages. - Vous ne l'ignoriez pas, et vous saviez encore que, pour arrêter le débordement de ce funeste crime de faux, il était devenu nécessaire de renforcer la sévérité des lois et des exemples. - C'est dans

p. 12, falt sur cet arrêt des observations que nous croyons utile | gieux qui sont de la compétence du tribunal dans le ressort duquel de reproduire en substance. Et d'abord comment avait-on pu s'assurer, par une voie légale, que tels ou tels juges avaient voté dans tel ou tel sens, tandis que tels et tels autres avaient voté dans tel autre? Pouvait-on s'en rapporter sur ce point à la déclaration des juges dont l'arrêt était émané? Les opinions individuelles des juges doivent rester impénétrables; lors même que le jugement n'aurait passé qu'à la majorité des voix, la loi le considère comme ayant été l'ouvrage du tribunal entier. Le même auteur ajoute: « Il serait à désirer sans doute qu'en instituant les juges on pût leur donner un brevet d'infaillibilité; mais c'est une chose qui n'est pas au pouvoir des hommes: et comment avoir la certitude que, quand même les juges se seraient trompés, ils Yauraient fait sciemment et de mauvaise foi? La présomption naurelle et de droit est, jusqu'à preuve contraire, que le juge a prononcé d'après les lumières de sa conscience, et il importe au maintien de l'ordre public de ne laisser planer aucun doute sur un point de cette importance... S'il y avait preuve que le juge eût prononcé contre sa conscience, ce ne seraient plus de simples peines de discipline qu'il aurait encourues, mais la forfaiture: son procès devrait lui être fait par la voie criminelle, des peines afflictives et infamantes devraient lui être appliquées, de sorte que, dans les principes du droit comme dans ceux de la morale publique, jamais un magistrat ne peut encourir des peines de discipline à raison du jugement qu'il a rendu, qu'il ant prononcé la condamnation ou l'acquittement d'un accusé ou d'un prévenu. » - Ces observations nous semblent justes. Cependant le dernier point ne nous paraît devoir étre admis qu'avec un tempérament. Ainsi nous pensons, avec M. Arm. Dalloz, Dict. gen., vo Discipline, no 18, qu'un magistrat pourrait manifester à l'audience une passion et une partialité qui, sans constituer une forfaiture, exigeraient une répression disciplinaire.

141. Le président d'un tribunal qui a connu de poursuites en expropriation forcée où son gendre était intéressé, et qui, lorsque le ministre de la justice lui écrit à ce sujet pour le reprendre et l'inviter à mieux se pénétrer à l'avenir de ses devoirs, lui répond qu'il eût été étonné si on lui eût dit que, dans un coin de l'Asie, il existait un pays où les commis avaient le droit de censurer le président d'un tribunal, mais qu'il ne l'aurait jamais cru dans un élat régulier de l'Europe, si une lettre partie du bureau des affaires criminelles 'ne lui eût été adressée,... viole les devoirs de ses fonctions, compromet la dignité de son caractère et encourt la censure de la cour de cassation (ch. réun., 9 fév. 1822) (1).

142. Aux termes de l'art. 1597 c. civ., les magistrats ne peuvent devenir cessionnaires des procès, droits et actions liti

de telles conjonctures que vous avez accordé l'impunité au faussaire convaincu d'avoir porté ses criminelles manœuvres sur les actes dépositaires de l'état des hommes; de les y avoir portées pour nuire; autant qu'il était en lui, à la conscription militaire, base sacrée sur laquelle repose la bonne composition de nos armées, et, par conséquent, le salut de la République; et de les y avoir portées encore à prix d'argent, ce qui rendait le crime plus vil et plus odieux. - Vous n'ètes donc pas excusables. Par ces considérations, la cour de cassation vous censure. Retournez à vos fonctions, et n'oubliez jamais que l'impunité des crimes est une calamité publique, et l'absolution d'un coupable un véritable attentat contre la sûreté sociale. Juges du tribunal criminel du departement de la Loire, la cour de cassation reconnaît et déclare que vous êtes sans reproche; continuez à rendre la justice avec courage et impartialité.

Du 15 prair. an 11.-C. C., sect. réun.-MM. Regnier, gr. juge, pr.Brillat, rap.

(1) Espèce:-(Min. pub. C. Taillandier.)-Rose vend à Brard un domaine par acte de Leroux, notaire à Sens. - A l'échéance, défaut de payement, jugement du tribunal de Paris qui prononce la nullité de la vente. De son côté, Leroux poursuit pour le remboursement deses honoraires et avances de frais la vente du mème domaine. Rose arrive à Sens le jour de l'adjudication de l'immeuble, mais il ne peut obtenir un avoué pour le représenter, et le président refuse de lui en faire nommer un. Plus tard, l'adjudication est annulée par la cour royale. Rose veut se

143. Le magistrat qui, malgré l'ordre émis dans une lettre du ministre de la justice d'attendre, sous peine de désobéissance, une décision supérieure sur les libelles qu'il a publiés contre un autre magistrat, publie un nouvel imprimé où il énonce qu'il n'a pu s'empêcher d'ecrire parce qu'il a appris qu'il avait été sursis quant à présent à comprendre sa dénonciation dans le travail à présenter à sa majesté, peut être mandé et censuré par la cour de cassation.- Voici, après un arrêt du 12 sept., Req., qui sous la présidence de M. Régnier, grand juge, et conformément aux conclusions énergiques de M. Merlin, avait ordonné que M. Morisson serait mandé à comparaître devant la cour, en quels termes il a été statué: « La cour, après en avoir délibéré, a fait rentrer Morisson. Le grand juge, ministre de la justice, a prononcé en ces termes : La cour vous censure pour avoir désobéi aux ordres contenus dans la lettre du grand juge, ministre de la justice, du 27 fév. 1808, et pour avoir énoncé, dans un mémoire imprimé, des principes tendant à l'insubordination » (Du 12 sept. 1808, sect. req.-MM. Régnier, pr.-Vergès, rap..-Aff. Morisson).

144. L'arrêt d'une cour de justice criminelle qui déclare un juge convaincu d'avoir donné un faux certificat, qui le condamne à une amende et à une année d'emprisonnement, et qui a été rendu public par l'impression et l'affiche, est une des causes graves pour lesquelles, aux termes de l'art. 82 sénat.-cons. 16 therm. an 10, la suspension peut être prononcée par la cour de cassation (sect. réun., 8 déc. 1809, aff. Courcelles, V. Choso jugée, no 521). - Cette suspension, du reste, n'est pas une nouvelle peine du délit, mais elle est la conséquence nécessaire, tant de la condamnation qui a établi contre un juge une grave cause de suspicion, que de l'impression et de l'affiche de cette condamnation, qui lui ont enlevé la considération sans laquelle un juge ne peut utilement remplir ses fontions (même arrêt).

145. Un juge qui se permet de vivre publiquement, dans la ville même où siége son tribunal, avec une femme autre que sa légitime épouse, et qui, en outre, fait inscrire sur les registres de l'état civil, comme nés d'une union légale, des enfants réellement adultérins, se rend coupable, à raison de ces faits, d'une faute grave qui autorise sa suspension par mesure de discipline (ch. réun., 2 germ. an 13) (2).

146. Le magistrat qui, après avoir dénoncé, dans des pé

M. le procureur général dénonce à la censure de la cour de cassation, pour les faits qui précèdent et pour la lettre adressée au ministre de la justice, le président Taillandier. Après avoir ordonné sa comparution, la cour a rendu l'arrêt dont voici les termes.

LA COUR; -- Vu l'art. 82 de l'acte du gouvernement du 16 therm. an 10. Attendu que le sieur Taillandier a manqué, par sa lettre du 10 juill 1821, au respect qui est dû au chef de la magistrature; Allendu, en outre, qu'en connaissant des contestations survenues sur l'exécution de l'arrêt de la cour royale de Paris du 28 août 1821, sans avoir satisfait a l'art. 580 c. pr., le sieur Taillandiera violé les devoirs de ses fonctions et compromis la dignité de son caractère, censure le sieur Taillantier et le condamne aux frais de la citation, et à ceux du coût et de la signification du présent arrét.

Du 9 fév. 1822.-C. C., sect. réun.-MM. Desèze, 1er pr.-Vergès, rap. Mourre, proc. gén.

(2) Espèce:-(Min. pub. C. Campmas.) - En 1793, le sieur Campmas, nommé depuis juge au tribunal civil de G..., quitta sa femme légitime dont il avait un fils; il prit pour concubine la fille S..., la conduisit à Gaillac, s'y établit avec elle, et la présenta à ses parents, à ses amis, à tout le public, comme son épouse légitime. - L'an 7, l'an 9 et l'an 11, il fit successivement inscrire sur les registres de l'état civil trois enfants qu'il declara nés de son légitime mariage avec la fille S... Bientôt après, on découvrit que le sieur Campmas avait précédemment épousé une autre

mettre en possession, mais un locataire de la maison s'y oppose; l'huissier | femme encore vivante; on crut d'abord qu'il s'était rendu coupable to

qui était présent n'osant passer outre, l'assigne en référé, et le président Taillandier connaît du reféré, bien qu'il eût dù se récuser et que M. le ministre de la justice, en lui écrivant la lettre dont fait mention la notice qui précède, eût dù le rappeler à ses devoirs. L'opposition du locataire est éclarée valable contre toutes) es du droit et de l'équité.

bigamie: une instruction à cet effet fut dirigée contre lui, mais il resta démontré qu'il n'était pas engagé dans les liens d'un véritable mariage avec la fille S... - Il fut prouvé, d'un autre côté, qu'il en avait imposé à l'officier de l'état civil, en lui déclarant, à trois reprises dnférentes, Vre marié avec la fille S..., et en lui présentant des bâtards adultérins titions adressées à la chambre des députés et rendues publiques. I demandés qu'en promettant de ne les point révéler, ou de ne les signe de sa qualité de juge au tribunal, ou qui, par lettre ainsi | la cour supreme, encore bien qu'il n'ait point fait cette publicasignée, adhère à un article de ce journal contenant des doctrines ❘tion à raison de l'exercice de ses fonctions, et lors même que, inconciliables avec les devoirs de son état, et spécialement avec poursuivi devant la cour d'assises pour le même fait, il a été acle serment qu'il a prêté, encourt la censure avec réprimande de

l'existence de complots et machinations qui compromettraient la sûreté de l'État et dont il a affirmé connaître les auteurs, refuse ensuite de donner sur ces faits et sur leurs auteurs les renseignements propres à éclairer les recherches et à diriger l'action de la justice, encourt la censure attribuée à la cour de cassation par l'acte du 16 therm. an 10. - Ce magistrat ne peut justifier un tel refus, en alléguant un serment sur la foi duquel il ne serait devenu dépositaire des renseignements

commè nés d'une union légitime. Mais il était impossible de découvrir dans ces énonciations mensongères les caractères d'un délit prévu par le code pénal, et c'est par mesure de discipline que le procureur général près la cour de cassation en a poursuivi la répression en faisant traduire le sieur Campmas à l'audience du 2 germ. an 15, où celui-ci n'a point paru.

Après avoir exposé l'affaire et avoir fait observer qu'il s'agissait d'un juge de première instance, M. Merlin, remplissant alors les fonctions du ministère public, s'est demandé si, nonobstant cette circonstance, la cour Stait réellement compétente pour connaître de l'affaire. - La réponse à cette question, a-t-il dit, doit se trouver dans l'art. 82 du sénatus-consulte du 16 therm. an 10. Cet article a deux parties: par la première, la cour de cassation, présidée par le grand juge ministre de la justice, est investie du droit de censure et de discipline sur les tribunaux d'appel et les tribunaux criminels; et il est dit par la seconde qu'elle peut, pour cause grave, suspendre les juges de leurs fonctions; les mander près du grand juge, pour y rendre compte de leur conduite. Quels sont les juges sur lesquels cette seconde partie attribue à la cour un pouvoir si délicat? Sont-co les juges des tribunaux criminels et d'appel dont il est parlé dans la première partie? ou bien les juges des tribunaux de première instance sont-ils, à cet égard, comme les juges des tribunaux supérieurs, justiciables de la cour? La seconde partie de l'article est-elle absolue et illimitée, ou n'est-elle que corrélative à la première? En un mot, le droit de suspendre les juges ou de les mander près du chef de la justice, est-il, par cet article, renfermé dans les mêmes bornes que le droit de censure et de discipline? - Le texte de l'article, il faut en convenir, n'est pas aussi clair qu'on pourrait le désirer. Cependant, il en dit assez pour qu'il ne reste la-dessus aucune difficulté sérieuse. II porte dans sa seconde partie sur les juges en général; c'est donc aux juges en général que nous devons l'appliquer dans sa seconde partie; et nous le devons d'autant plus, que ce mot juges est là, non-seulement isolé de toute expression restrictive, mais encore mis en opposition avec les tribunaux d'appel et les tribunaux criminels qui sont lobjet de la première partie de l'article; en sorte qu'évidemment la seconde partie doit être prise dans un sens indéfini, précisément parce que la première ne peut l'être que dans un sens limité. - D'ailleurs, en interprétant la loi autrement on lui prèterait une absurdité choquante. Il en résulterait que les magistrats des cours supérieures seraient seuls exposés à être pour cause grave suspendus de leurs fonctions ou mantes près du ministre; que les membres des tribunaux inférieurs ne pourraient jamais l'ètre, soit par la cour, soit par aucune autorité; il en résulterait, par conséquent, une distinction absurde entre les uns et les autres. Car il ne faut pas s'y tromper, si ce n'est pas par la cour de cassation que les membres des tribunaux de première instance peuvent être suspendus ou mandés, il n'y a aucune autre autorité qui ait sur eux ce pouvoir. Le grand juge, quand il est séparé de la cour de cassation, n'a, par l'art. 81, que le droit de les surveiller et de les reprendre; et l'art. 85 ne donne sureux, aux cours d'appel, qu'un droit de surveillance. On sent assez que le droit de surveiller et de reprendre n'emporte pas celui de mander, encore moins celui de suspendre; et le droit de surveiller seul comprend si peu l'un et l'autre, qu'il a été jugé que les tribunaux de première instance ne peuvent pas, en vertu de leur droit de surveillance sur les juges de paix, faire à ceux-ci des injonctions par jugement. Ainsi, où il faut aller jusqu'à dire que les juges des tribunaux de première instance, sont, mème pour les causes les plus graves, à l'abri de la suspension et du veniat, ou il faut reconnaître que la cour de cassation peut les suspendre ou les mander, comme elle peut suspendre ou mander les juges des cours supérieures (V. ce réquisit. au Rép., vo Censure). - Arret.

LA COUR; - Faisant droit sur la dénonciation portée audit réquisitoire, ordonne que ledit Campmas demeurera suspendu pendant cinq ans de ses fonctions de juge; lui fait défense de les exercer pendant ledit temps, à peine de faux; à l'effet de quoi, le présent arrèt sera signifié audit Campmas, et notifié au gresse du tribunal de première instance de Gaillac.

Du 2 germ. an 13.-C. C., sect. réun.-MM. Régnier, gr. juge, pr.-Dunoyer, rap.

(1) Espèce:- (Min. pub. C. Madier de Montjau.) - Sur le réquisitoire de M. le procureur général près la cour de cassation qui provoquait contre M. Madier de Montjau, conseiller à la cour de Nimes, l'exercice de pouvoir censorial, la cour suprême, le 12 juillet 1820, sections réunies,

révéler que dans un cas qui ne s'est pas encore réalisé. Les torts de ce magistrat sont aggravés par la publication qu'il fait, depuis sa citation à comparaître devant la cour de cassation, de rapports qu'en sa qualité de président de cour d'assises il a adressés au ministre de la justice; à ce ministre seul il appartient de juger si ces rapports doivent être publiés ou demeurer secrets (ch. réun., 30 nov. 1820) (1).

147. Un juge qui publie dans un journal une lettre qu'i

présidée par son excellence monseigneur le garde des sceaux, ordonna que le siner Madier de Montjau serait cité à comparaître en audience publique pour être entendu sur les faits énoncés au réquisitoire; une longue discussion s'était élevée sur la publicité de l'audience, et la décision fut prise à une grande majorité. -Appelé à l'audience du 28 nov. 1820, M. Madier de Montjau a présenté une requête tendant à ce qu'il lui fût permis de se faire assister d'un ou plusieurs conseils. «Attendu que M. Madier de Montjau devra sans doute répondre personnellement aux questions qu'il plaira à M. le président de lui faire au nom de la cour; mais que l'interrogatoire n'est pas la défense, et qu'après les réponses fournies, il restera à donner les explications et développements que pourront exiger tant le premier réquisitoire de M. le procureur général, que celui qui sera prononcé à la prochaine audience de la cour; attendu qu'il s'agit d'un droit naturel et positif assuré et garanti par toutes les lois à tous les citoyens, et dont M. Madier de Montjau (quoique magistrat) ne pourrait être privé sans injustice. >>> - Arret (ap. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; - Attendu que le sieur Madier de Montjau a été cité pour donner des explications sur des faits qui lui sont personnels et qui ont été énoncés dans un réquisitoire dont notification lui a eté faite, et sur lesquels lui seul peut et doit fournir ses réponses et sa défense, qu'il ne s'agit pas d'une instruction ni d'un débat sur un crime ou un délit; qu'il s'agit de l'exercice de la juridiction de discipline par des magistrals supérieurs: que dans l'exercice de cette juridiction, le magistrat cité a toujours présenté sa defense par lui-même, verbalement ou par écrit, et qu'en persistant dans cet usage constamment observé, la cour conserve d'ailleurs à ce magistrat tous les moyens de la défense légitime; Déclare qu'il n'y a lieu d'autoriser le sieur Madier de Montjau à être assisté par un avocat. Du 28 nov. 1820.-C. C., sect. réun.-MM. de Serre, min. de la just., pr.-Zangiacomi, rap.

Immédiatement après cet arrêt, la cour a entendu le rapport de l'affaire. Et M. le president a procédé à l'interrogatoire de M. Madier de Montjau. Cet interrogatoire achevé, M. le procureur général a pris la parole. Il a rappelé d'abord l'origine de la censure des magistrats qu'il rattache au pouvoir que l'ordre des avocats exerce sur ses membres. reprend successivement chacun des faits reprochés à M. Madier de Montjau, puis arrivant aux griefs les plus considérables, il continue en ces termes:-La dénonciation de M. Madier porte sur trois chefs importants.

-11

Impunité des assassinats commis en 1815 dans le département du Gard, Organisation secrète de la garde nationale de Nimes, au mépris de l'ordonnance du roi du mois de juillet 1818, qui l'a dissoute; Existence d'un gouvernement occulte, indépendant de l'autorité du roi, agissant sans sa volonté, contre sa volonté. - Si ces faits sont vrais, M Madier en doit la preuve; toutes les subtilités, tous les serments, toutes les conditions systématiques, ne peuvent rien contre un devoir sacré. Le premier chef de la dénonciation de M. Madier de Montjau est, comme nous l'avons dit, l'impunité des assassinats commis, en 1815, dans le département du Gard. - M. le procureur général rend compte des efforts de l'autorité pour obtenir la punition des assassinats du midi; Revenant à l'objet de la plainte, il s'occupe d'abord de la prétendue réor. ganisation de la garde notionale de Nimes, dissoute par l'ordonnance du roi du mois de juillet 1818. Il rappelle qu'interpellé de fournir des preuves, M. Madier a répondu : « Qu'il n'objecterait pas en avoir été instruit pat une des personnes qui lui avaient fait connaître les circulaires, et que la nommer pour prouver le conciliabule relatif à la garde nationale, ce se rait la nommer pour les circulaires; qu'il se bornerait à dire qu'il était de notoriété publique à Nimes, et qu'on y avait toujours ete generalement persuadé que la garde nationale, quoique légalement dissoute, existait en réalité. » - Ainsi l'homme à qui l'on demande, au nom de la loi, de mettre la justice sur les traces du crime qu'il a dénonce, renvoie le commissaire instructeur à la notoriété publique. Mais cette notoriete publique (en supposant son existence), quel est son poids? On poursuit à la clameur publique, mais cette clameur n'est pas la même chose que la notoriété. Que la notoriété publique fasse croire au délit mais si elle n'indique pas les coupables, que peut faire le juge? Il y a plus; quand même la notoriété publique indiquerant les coupables, elle ne suffirait pas au magistrat pour priver un citoyen de sa liberté. La police judiciaire (dit la loi) recherche les crimes, les delits et les contraventions, en rassemble les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux: il faut donc des preuves; et, quoique l'histoire conserve le souvenir de quelques con damnations déplorables, il n'en existe aucune qui ait été prononcée d'après la notoriété publique. M. Madier a donc fait une réponse dérisoire indigne d'un citoyen, plus notablement encore indigne d'un magistrat. M. le procureur général passe au second chef de la plainte relatif au gouvernement occulte dont M. Madier a dénoncé l'existence, et aux deux circulaires qu'il a désignées sous les no 34 et 35. Il fait sentir d'abord la gravité d'une pareille dénonciation; il s'attache ensuite à montrer que M. Madier de Montjau n'a pu se dispenser de nommer les personnes qui

quitté par le jury (ch. réun., 30 mai 1832) (1).

de semblables capitulations... Peut-être me trompé-je; mais je n'aime point à lutter avec ma tête contre mon cœur; je n'aime point à établir de combat entre la dialectique et l'honneur. Dès qu'un scrupule s'élève dans mon âme, quand je sais ma parole engagée, quand j'ai promis surtout sous la foi du serment, jo ne sais point me dégager de mes promesses par des restrictions mentales et des distinctions jésuitiques. Pour moi, cette

lui avaient révélé les complots par lui dénoncés à la chambre des députés | question n'est qu'une thèse d'honneur, de conscience et de sentiment. Je 148. Le fait de la part d'un magistrat, d'un juge, par | testation, contenant les énonciations suivantes: « C'est qu'en exemple, d'avoir signé un article de journal, en forme de proparlant des troubles de Lyon des 13 et 14 avril 1834, ils n'étaient

et à toute la France. - Et de quel droit, continue-t-il, un citoyen vientil dicter des lois à un gouvernement, et fait-il dépendre l'accomplissement d'un devoir, des conditions qu'il impose? Quel que soit le caractere de ces conditions, bonnes ou mauvaises en elles-mêmes, licites ou illicites, utiles ou dangereuses, elles se courbent et s'anéantissent devant le devoir le plus absolu. Nous l'avons dit; quand il s'agit de contrats ou de testaments, on examine la nature des conditions, parce que la loi laisse le droit d'en apposer, et qu'elle prohibe seulement celles qui sont contraires à l'ordre public, aux bonnes mœurs, ou qui sont impossibles; mais ici la loi et l'ordre public commandent au citoyen; et, lorsqu'il n'est pas le maître de faire ou de ne pas faire, il n'est pas le maître non plus de n'offrir qu'une obéissance conditionnelle. - Parlerons-nous de ce serment extraordinaire par lequel M. Madier a prétendu qu'il était lié? Un magistrat qui s'enfonce dans de ténébreuses confidences! qui jure comme jurent les conspirateurs! ce serment ne lie pas. Juramentum non ob hoc fuisse institutum ut esset vinculum iniquitatis. Telle est la maxime qu'on ne trouve pas seulement dans les lois canoniques, mais dans tous les livres du droit public.

En terminant, M. le procureur général a appelé l'attention de la cour sur un écrit imprimé sous le titre de Pièces et documents que M. Madier de Montjau a publié depuis sa citation à comparaître devant la cour de cassation, et dans lequel il revient sur l'existence de ce gouvernement occulte qui a fait l'objet de sa dénonciation. - Dans ses pétitions, M. Madier n'avait parlé que de l'impunité des excès de 1815; mais, dans cette dernière brochure, il révèle que la même impunité existe pour des crimes récents; et, à cet égard, il rend publics les rapports par lui adressés en qualité de président des cours d'assises des départements du Gard et de Vaucluse, au ministre de la justice; il publie aussi ses dénonciations contre des jurés, dont il désigne plusieurs par des lettres initiales. Que M. Madier ait cru que les jurés avaient manqué de courage, et que leur lâcheté avait laissé les crimes impunis: qu'il l'ait cru et qu'il l'ast dit au ministre de la justice, c'est une confidence dont personne n'a le droit de se mêler; mais que M. Madier accuse devant la France entière tel et tel jury nommément, tels et tels jurés assez clairement désignés, d'avoir menti à leur conscience, d'avoir laissé crier le sang des victimes, c'est une diffamation qui n'a pas d'exemple. De quel droit M. Madier se rend-il juge de la conscience des jurés, se croit-il le maître de disposer de leur réputation? C'est un tort qui aggrave tous ceux que nous avons à lui reprocher.-... Conclusion à la suspension.

M. Madier de Montjau a répondu dans ces termes: - « J'ai dit la condition qui m'avait été imposée, les efforts que j'avais faits pour en être affranchi, et l'insistance que les révélateurs avaient mise à ma rappeler le serment sous lequel je leur avais promis de taire leurs noms et leurs preuves, jusqu'à ce que le ministère public eût prouvé lui-même par sa vigueur à poursuivre le crime de la note secrète, la vigueur qu'il saurait mettre à poursuivre les nouveaux crimes dont les mêmes hommes s'étaient rendus coupables; j'ai gardé mon serment. Mais, me dit-on, vous ne deviez pas promettre ce secret; vous ne deviez pas prêter serment de le garder. Je l'ai déjà dit, il me fallait opter entre une révélation en partie conditionnelle et un silence absolu. Dans ce dernier cas, je n'aurais rien su, absolument rien, et je ne vois pas ce que la justice et le gouvernement y auraient gagné; au lieu qu'en acceptant la condition, j'obtenais au moins le droit de porter le fait principal à la connaissance du gouverne

} ment. Sans doute, dans cette hypothèse, je ne faisais pas connaître les criminels, mais je faisais connaître le crime; j'avertissais de son existence; je mettais le gouvernement sur ses gardes; enfin, je lui indiquais, dans la condition mème, le moyen d'acquérir, s'il le voulait, les preuves dont la production était subordonnée à cette condition. Quel est le citoyen qui, entendant dire que le roi serait assassiné tel jour, s'il allait à tel spectacle, ne s'empresserait pas d'accueillir une telle révélation, lors même qu'elle serait accompagnée de restrictions sur le nom des criminels ou sur les preuves matérielles du crime? Il s'empresserait d'écrire comme autrefois le sénat romain à Pyrrhus: Tu, nisi caveas, jacebis. Le roi serait averti, l'attentat serait prévenu, le crime ne serait pas puni peutêtre; mais l'État serait-il moins sauvé? Voilà ce qui m'a fait penser qu'en prétant le serment de garder le secret sur certaines circonstances, pour lesquelles on l'a exigé de moi, j'ai cru encore servir mon prince et mon pays. Qu'on me dise à présent que ma promesse a été vaine et mon serment nul; que j'ai pu m'en dégager, et que la conscience doit se taire en présence de la raison d'état. - Je réponds que je n'admets point

consens cependant à en faire une thèse de droit, et à examiner si, dans le cas donné, la prétendue raison d'état a pu me dégager de mes serments. Cette thèse de droit n'est pas nouvelle. Plus d'une fois le ministère public a essayé de la faire consacrer par la jurisprudence; plus d'une fois aussi ses efforts sont restés impuissants. Entre plusieurs arrêts que je pourrais citer, je me contenterai d'en rappeler un seul, parce qu'il est émané de vous, et que votre jurisprudence passée m'est un garant de votre jurisprudence actuelle.-M. Madier invoque un arrêt, duquel il résulte qu'un prêtre appelé comme témoin en justice, ne peut être contraint à déposer sur des faits dont il n'a acquis la connaissance qu'en sa qualité de confesseur.

Opposerait-on que là il ne s'agissait que d'un vol, au lieu que, dans mon affaire, il s'agirait d'un crime d'état? - Ici, ma défense va devenir plus glorieuse encore. Le plus noble des exemples, la plus imposante des autorités vont servir à la décision du procès. Cet exemple, je le trouve dans la vie de Lamoignon; cette autorité sera celle de Louis XIV. - Ici M. Madier de Montjau cite l'exemple rappelé vo Dépôt, no 4, puis il termine ainsi : « Voilà ma cause, vous pouvez désormais me juger. Votre arrêt fera connaître si les principes ont changé avec le temps, et sı un magistrat de cour souveraine a pu encourir votre censure, parce qu'il aura pensé qu'il était de son honneur de tenir à sa parole et de garder ses serments! >>>

LA COUR; Vu l'art. 82 de l'acte du gouvernement du 16 therm. an 10;-Attendu que le sieur Madier de Montjau, dans des pétitions adressées à la chambre des députés, a dénoncé l'existence d'un gouvernement occulte qui contrariait par des manœuvres ténébreuses l'action du gouvernement légitime; qu'il a dénoncé particulièrement une circulaire sous le no 34, qui aurait eu pour objet d'organiser l'assassinat dans la ville de Nimes; qu'il a affirmé, dans ces pétitions, connaître les auteurs de cette circulaire; qu'il y a aussi dénoncé des concilabules qui se seraient tenus à Nimes, dans la nuit du 7 au 9 janvier, pour l'inspection secrète de la garde nationale qui était alors dissoute par l'autorité du gouvernement, pour y remplacer les officiers décédés, et enfin pour arrêter un plan d'attaque et de calomnie contre la garnison, à l'effet d'en obtenir la translation; qu'appelé devant la justice pour donner sur ces faits et sur leurs auteurs les renseignements qui seuls pouvaient diriger l'action des magistrats chargés de la poursuite des crimes, il a refusé de les faire connaître; que, pour motiver ce refus, il a allégué un prétendu serment, dont il n'avait jusque-là parlé dans aucun de ses écrits, par lequel il se serait lié envers ceux qui lui avaient révélé les crimes par lui dénoncés; que, sur les questions qui lui ont été faites devant la cour, il a persisté à soutenir l'existence d'un prétendu gouvernement occulte, celle des circulaires émanées de lui, il a déclaré de nouveau connaître les noms de ceux qui avaient rédigé ces circulaires, et qui faisaient partie de ce gouvernement; qu'il a également allégué le prétendu serment par lui prété, pour justifier son refus de les faire connaître à la justice; mais qu'un serment prêté volontairement, hors la nécessité de fonctions civiles ou religieuses, ne peut être un motif légitime de refuser à la justice les révélations qu'elle requiert dans l'intérêt de la société; que le refus de M. Madier te Montjau de répondre a donc été une infraction à la loi, une désobéissance a la justice; que si, dans l'erreur de sa conscience, il croyait que le serment qu'il dit avoir prêté devait avoir pour lui plus d'autorité que la volonté de la loi et l'intérêt de la chose publique, il devait s'abstenir de publier des crimes dont il voulait aussi refuser de produire les preuves, en même temps qu'il affirmait les avoir en main; que sa conduite a été d'autant plus répréhensible, que son caractère de magistrat en rendait l'exemple plus dangereux; qu'il a aggravé ses torts depuis la citation qui lui a été donnée pour comparaître devant la cour, par la publication d'écrits propres à entretenir les méfiances et les haines parmi les citoyens, par la publication surtout de rapports faits, en sa qualité de président de cours d'assises, au chef de la justice, à qui seul il appartient de juger s'ils devaient être publiés ou demeurer secrets; que, par tous ces faits, le sieur Madier de Montjau a manqué essentiellement aux devoirs que lui imposait la dignité de ses fonctions et gravement compromis celle de la cour dont il est membre; Par ces motifs, censure avec réprimande le sieur Madier de Montjau et le condamne aux frais de la citation, ainsi qu'à ceux de la notification et expédition du présent arrêt.

Du 30 nov. 1820.-C. C., sect. réun.-MM. de Serre, min. de la just Zangiacomi, rap.-Nicod, av.

(1) Espèce:- (Min. pub. C. Fouquet.) - La Gazette de France, or gane du parti légitimiste, publia, le 28 mars 1832, une déclaration de ses doctrines politiques. M. Fouquet, juge au tribunal de la Seine, envoya une lettre d'adhésion qui fut insérée dans le numéro du 24 avril. La tettre portait, en substance, «que la France ne trouverait le repos, le bonheur et Ja gloire gloire qu'en revenant aux principes dont elle s'est si malheureusement éloignée; que, dans les cahiers de 1788 seulement, se trouve la solution au problème de l'alliance du pouvoir et de la liberté; qu'un retour vers Je passé effacera les maux qui accablent la France, comme cela était déjà arrivé durant seize années, malgré bien des fautes; que c'était un devoir pour quiconque aime son pays, de faire tout pour l'amener, par sa propre conviction, à changer lui-même son sort. >> Des poursuites furent dirigées devant la cour d'assises contre M. Fouquet et le gérant de la Gazette, l'un à raison de la déclaration de principes, l'autre à raison de son adhesion, en même temps la conduite de M. Fouquet fut déférée à la censure de la cour de cassation par le ministre de la justice. - Les jurés, en condamnant le gérant du journal, acquittèrent M. Fouquet; mais il n'en a pas moins été cité à comparaitre devant la cour, par forme de mesure discilinaire.

M. Dupin, procureur général, dit que le système commun de toutes ces gazettes à titre suranné, en tête desquelles on remarque la Gazette dite de France, a été de décrier le présent, de vanter le passé, de prédire la chute de l'un et de choyer le retour de l'autre. - « Cependant on a senti qu'il ne fallait pas laisser flotter les esprits dans le vague; on a voulu, pour fixer l'incertitude du parti, lui proposer une sorte de symbole que chacun pût croire et enseigner. On sait quel sera le roi légitime, le roi jure divino! Ce sera le duc de Bordeaux sous le titre de Henri V; mais quelle sera la forme du gouvernement qui viendra à sa suite? Rassurezvous, vieux royalistes, ce ne sera pas même la charte de 1814, blessante pour les uns, parce qu'elle fut octroyée, odieuse aux autres, parce qu'elle était une dérogation à l'ancien régime; ce sera cet ancien régime pur, exprimé par les états généraux! Voilà ce qu'on appelle l'ancienne constitution française, la constitution qui est, qui n'a pas cessé d'étre, à laquelle rien n'a pu déroger depuis quarante ans. On ment à l'histoire ellemême; on oublie, on feint de méconnaître que cette prétendue constitution fut, dans tous les temps, la chose la plus contestée. Ouvrez Montlosier, de la Monarchie française : selon lui, la France n'a jamais eu de constitution véritable que la constitution féodale avec ses parlements de barons, ses Champs-de-Mai, et le jugement par pairs, constitution battue en brèche depuis le siècle de saint Louis, et démembrée par une foule d'innovations successives, où les lois se montrèrent souvent en opposition avec les vieilles mœurs. Selon Lanjuinais, Histoire des constitutions de la nation française, «ce qu'on a vu s'écrouler en 1789 n'était pas l'ancienne constitution française, mais la dernière des formes incertaines du despotisme et de l'anarchie, substituées à l'ancien gouvernement représentatif. >>>> Quoi qu'il en soit, la Gazette de France met au jour sa prétendue constitution; elle la réduit en articles, elle la promulgue comme ayant été délibérée par un grand nombre de royalistes présents à Paris, et elle provoque les adhésions des hommes de son parti. Les gazelles de province se hâtent de déclarer que cette constitution leur plaît infiniment; qu'elle est la seule vraie, la seule qui ne soit pas une déception; elles déclarent y adhérer avec empressement; elles parlent même au nom de leurs abonnés.

.... La lettre d'adhésion de M. Fouquet a été insérée dans la Gazette de France, à la date du 24 avril, six jours avant l'échauffourée de Marseille, elle est signée en sa qualité de juge au tribunal de Paris. - Aussitôt M. le garde des sceaux vous a deféré la conduite de ce magistrat, pour exercer à son égard la juridiction de haute censure attribuée à la cour de cassation. Un incident est venu suspendre cette poursuite. Le procureur néral a fait renvoyer devant la cour d'assises le gérant de la Gazette de France, et M. Fouquet. Fouquet. Le gérant s'est défendu en disant qu'il s'était renfermé dans les limites du raisonnement, en ne s'adressant qu'aux intelligences qu'il voulait convaincre ;... que le mouvement qu'il provoquait devait s'accomplir par l'effet de la raison et non par des secousses et des violences;... que répondre, en esset, si la France le voulait ainsi? >>-Quant à M. Fouquet, accusé de complicité, sans répéter les raisonnements de l'accusé principal, il a seulement déclaré qu'il s'y référait. - Il a fait remarquer ensuite qu'il y avait eu beaucoup d'adhésions autres que la sienne; que cependant il était le seul qu'ont eût poursuivi par une sorte de préférence; que c'était apparemment parce qu'il était magistrat, mais qu'en cette qualité il était déjà déféré à la cour de cassation. «Ainsi, Messieurs, disait-il aux jurés, celui-là qui serait descendu du siége où l'on juge, sur le banc où l'on est jugé, ne peut, en sortant de cette enceinte, obtenir de votre équité qu'une inculpabilité suspensive, une absolution provisoire. >>> - On intéressait ainsi le jury à l'acquittement en lui présentant une accusation subsidiaire constituant une sorte de bis in idem.

Ici M. Dupin fait observer que M. Fouquet ayant été acquitté, la décision du jury a force de chose jugée et qu'il ne peut plus être question du délit, lequel, à son égard, est réputé ne point exister. Mais « il n'en ept pas moins certain, dit-il, qu'il a manqué a tous ses devoirs du magisoud en publiant sa lettre du 24 avril, et qu'il demeure, à ce titre, TOME XV.

passible de peines dont l'application est réservée au pouvoir censorial. >> Ici empressons-nous de rectifier une fausse interprétation donnée à la poursuite. On veut distinguer entre le citoyen et le magistrat, et soutenir que le magistrat est inattaquable, s'il n'a fait que ce que pouvait faire tout autre citoyen. Mais on fait en cela une confusion manifeste. Sans doute la qualité de magistrat ne porte pas atteinte aux droits du citoyen; le magistrat, comme tout autre citoyen, peut user de la presse, mais toujours à la charge, dont nul n'est affranchi, de ne point dépasser les limites posées par la loi. Et c'est ainsi que, dans l'espèce même, M. de Fleury, simple citoyen, a trouvé sa condamnation. - Mais la proposition que nous examinons ici est fausse surtout dans ce qu'elle a d'absolu et de trop général. Non, il n'est pas exact de dire qu'un magistrat peut se permettre impunément tout ce qu'un simple citoyen pourrait faire sans en courir de répression. Le citoyen qui reçoit le titre de magistrat n'en revêt pas seulement les prérogatives; il contracte aussi des obligations. Il prête serment; il doit y rester fidèle; il ne doit rien faire, rien dire, rien publier qui compromette l'independance ou la dignité de son caractère, et qui soit en opposition avec les devoirs spéciaux qu'il est appelé à remplir. Sous ce rapport, it a moins de liberté que les autres citoyens.Un simple citoyen, avec ce qu'il appellera ses convictions, n'offre ni pour l'exemple, ni pour l'entrainement le danger d'un fonctionnaire, délégataire d'une portion de la puissance publique, qui la paralyse ou qui la combat, et qui emploie a saper et à détruire le gouvernement la force qui ne lui a été donnee que pour défendre et préserver l'ordre public.

» Il est vrai que M. Fouquet s'est fait des idées à part sur le serment qu'il a prété au gouvernement de juillet. Mais le serment imposé par la loi ne dépend pas des interprétations de la subtilité, des restrictions mentales d'une fausse conscience, ou des dispenses que se donne trop souvent la mauvaise foi. Qu'est-ce à dire que cette phrase que j'extrais littéralement de la défense de M. Fouquet? « J'ose le croire, Messieurs les jurés, sous l'empire des circonstances et des principes qui régissent aujourd'hui la France, le serment qui me lie, ainsi que tous les fonctionnaires publics, n'est pas empreint du même caractère qu'autrefois. » - Le serment d'aujourd'hui n'est plus empreint des mêmes caractères qu'autrefois! Eh quoi! le serment n'est-il plus une chose sacrée ? N'est-il plus un engagement où l'on prend Dieu à témoin des promesses que l'on fait aux hommes ? et ne croit-on plus aux peines réservées aux parjures?-Réduit même à une question de mots, à une interprétation littérale, le sens des termes a-t-il donc changé? Quoi! le serment de fidélité à Louis-Philippe, roi des Français, ne signifie pas la même chose que fidélité à Louis XVIII ouharles X? Obéissance à la charte de 1830 et aux lois de l'État n'a pae même sens que fidélité à la charte de 1814 et aux lois du royaume?

Sans doute il ne s'agit pas de cette fidélité purement individuelle qui se croit obligée de suivre des princes en pays étrangers; de cette obséquiosité passive, personnelle, et qui tient des maximes féodales de la domesticité: de telles obligations ne peuvent pas de nos jours résider au fond d'un serment politique. Mais, dans le serment constitutionnel de 1830, il s'agit incontestablement pour tous les hommes de bonne foi, de fidélité au chef monarchique de l'ordre constitutionnel, au gardien héréditaire de nos institutions, au roi à qui nous sommes tenus d'obéir selon les lois, au même titre qu'il a droit de commander lui-même au nom des lois. - Fidélité à l'ancienne dynastie signifiait très-clairement qu'on ne pouvait pas travailler à son renversement pour en substituer une autre à sa place; mais fidélité à Louis-Philippe, élevé sur le trône de juillet, n'empêche pas qu'on ne puisse rappeler le duc de Bordeaux sous le titre de Henri V! - Fidélité à la charte de 1814 signifiait très-distinctement qu'on ne pouvait pas remettre en vigueur les constitutions de l'an 3 et de l'an 8, avec un directoire ou des consuls; mais fidélité à la charte de 1830 n'empêche pas qu'on ne puisse invoquer toute autre constitution antérieure même à nos quarante années de révolution, et en appeler, par exemple, aux états-généraux? La preuve que c'est ainsi que M. Fouquet entend le serment qu'il a prété au gouvernement de juillet, c'est que, par sa lettre, il adhère au rappel de l'ancienne dynastie; il adhere à la prétendue constitution de la Gazette, à cette constitution deliberee par un grand nombre de royalistes présents à Paris; en un mot, il adhere tout ce qui, bien loin d'être l'ordre de choses actuel, en serait évidem ment le renversement le plus complet. Et que M. Fouquet ne dise pas qu'en jugeant son écrit sous ce point de vue, on rentre dans les termes de l'accusation dont il a été libéré par le jury; car lui-même l'a dit aux jurés : « Ce n'est pas pour avoir manqué à la dignité de ma profession, ce 'n'est pas pour une prétendue violation de serment que je parais devant vous; celle question est restée en dehors du procès qui vous est soumis; vous n'avez, Messieurs, à juger en moi que le citoyen.>>> Et ceci était essentiel à bien constater: car, après avoir éludé le jury en alléguant qu'on était traduit devant vous comme magistrat, on voudrait aussi éluder votre juridiction, en se prévalant de ce qu'on a déjà été traduit devant le jury comme citoyen. -Eh bien! cette question que le jury n'avait pas à juger, cette question dont la solutior vous est réservée, pourriez-vous balancer à la décider contre M. Fouquet? Pensez-vous que ce magistrat

82

« PrécédentContinuer »