forme qu'elle se manifeste, est éminemment respectable. Mais il ne faut pas qu'elle veuille s'imposer. Que ce soit la croyance aux dogmes d'une religion connue ou la croyance personnelle de l'homme, nous devons nous incliner devant elle, mais nous n'avons pas à subir ses lois. Respectons la croyance d'autrui, mais exigeons qu'on respecte la nôtre. Tel est notre devoir, et tel est notre droit. Je résumerai d'un mot la recommandation à faire à mon jeune lecteur : Garde fermement ta foi ou ta conviction, mais admets qu'on ait une foi ou une conviction différente. Ne fais rien, ne dis rien qui puisse blesser la croyance d'un autre homme. C'est chose intime de la conscience humaine, si délicate qu'on la froisse en l'effleurant. La tolérance est un devoir. La fraternité, la bienveillance qu'on doit aux hommes ne sont pas seules à l'imposer. Est-ce que la raison, le bon sens même n'en font pas une loi? Qu'on regarde autour de soi, l'on verra les gens qu'on aime et qu'on estime le mieux, les intelligences les plus belles, les caractères les plus droits partagés entre des croyances diverses, pratiquant des religions différentes. Cherchez parmi les plus puissants cerveaux du dernier siècle. Que trouvez-vous? Au milieu de tant d'autres, on peut citer Laplace qui était un incrédule, tandis que Pasteur était un croyant, un fervent catholique. Et Victor Hugo, qui n'acceptait les dogmes d'aucune religion, fait cette profession de foi spiritualiste, cet appel à Dieu devant le tombeau de ses fils: «Dans notre crépuscule, nous qui sommes le relatif, nous nous heurtons à tâtons à vous qui êtes l'absolu, et ce n'est pas sans meurtrissure que nous faisons la rencontre obscure de vos lois..... Vous êtes nécessairement juste, puisque vous êtes; et que ni le mal ni la mort n'existent. Vous ne pouvez pas être autre chose que la bonté au haut de la vie et la clarté au fond du ciel. Nous ne pouvons pas plus vous nier que nous ne pouvons nier l'infini..... L'homme ne peut que bégayer à jamais un essai de vous comprendre. » Aux problèmes multiples de la vie et de la destinée humaines, les religions et les philosophies apportent leurs solutions. Choisissons entre elles, et laissons à chacun le soin de choisir de même. CHAPITRE VIII. CULTURE INTELLECTUELLE. Le jeune homme doit se préoccuper, en premier lieu, de la culture et du développement de ses facultés morales, parce que ce sont celles qui importent le plus à la formation de son individualité, parce que ce sont celles aussi dont notre enseignement public se soucie le moins. Au second plan peut-être, mais parallèlement à la culture morale, viendra la culture intellectuelle, qu'il ne saurait négliger sans grand dommage pour luimême et pour la société. Ce serait omettre de tirer, d'un élément de force que la nature a mis en lui, tout le parti et tout le profit possibles. Ce serait manquer à l'un des devoirs essentiels de l'homme envers soi, qui consiste à se développer, intellectuellement comme moralement, à se perfectionner, à s'élever. L'enseignement reçu dans l'enfance et dans l'adolescence, si exclusivement qu'il ait été consacré au développement de l'intelligence et à l'acquisition de connaissances positives, n'a pas tout fait; il s'en faut de beaucoup. Il a donné, en général, avec un premier développement intellectuel, les rudiments C'est un instrument, forgé bien ou mal, utilisable en tout cas, et qui vaut seulement par l'emploi qu'on en sait faire. Ne pas s'en servir, l'abandonner à la rouille et à la lente destruction, c'est gaspiller un bien chèrement payé; c'est rayer de sa vie, comme dépensées en pure perte, plusieurs années de jeunesse. Il n'est donc pas permis d'arrêter à la fréquentation de l'école le développement de l'intelligence et la formation du savoir. Au moment où notre volonté a pris conscience d'elle-même, où nous pouvons apprendre sans autre maître que notre raison, le travail devient fructueux comme il ne le fut jamais. Les connaissances ainsi acquises sont celles que nous possédons vraiment. Nous pénétrons ce que nous n'avions fait qu'effleurer; nous comprenons ce que nous nous étions contentés d'apprendre. Où nous n'avions vu que des mots, nous découvrons des pensées; quand nous étions restés à la forme, nous allons au fond. Ce travail désintéressé, cette culture de soi peuvent être poursuivis dans quelque situation que se trouve le jeune homme, ses études secondaires terminées. Presque toujours, il se prépare à l'exercice d'une profession, s'il ne commence aussitôt à en exercer |