LA VOLONTÉ ET LE CARACTÈRE. 31 diter, et puiser dans ces réflexions et cette méditation une nouvelle vigueur de caractère, de nouvelles le combat de la vie. forces pour Car, dans l'inévitable lutte pour l'existence, l'homme de volonté énergique réussit mieux que tout autre. Il est armé pour travailler à son profit, au profit des siens, pour grandir, s'élever, réaliser ses ambitions. Le caractère contribue à la prospérité et au bonheur, bien autrement que ne le peuvent l'intelligence ou la fortune. A qui veut réussir dans la vie et qui en est digne, il faut souhaiter un caractère fortement trempé; le reste lui viendra par surcroît. C'est un souhait de même nature qu'on doit faire à son pays qu'il possède en grand nombre des hommes de caractère! Que les jeunes générations lui en préparent, par la culture de la volonté, du courage, de toutes les vertus viriles! Chez les nations en décadence, les hommes d'intelligence ne manquent pas, au contraire, pourraiton dire; mais ce sont les hommes de caractère qui disparaissent. La France n'en est, heureusement, pas là encore. Qu'on y prenne garde, cependant. Déjà, dans la vie publique, on suspecte et on redoute les caractères. Passe encore pour les intelligences et les talents; on parvient à les supporter un temps. Les hommes de volonté et d'énergie sont écartés, quand ils ne s'écartent pas d'eux-mêmes. Inutile d'insister sur le danger que de telles mœurs politiques feraient naître. Le peuple anglais a une autre conception que nous de la valeur de l'homme. C'est le caractère qu'il prise plus que tout. Il suffit de voir ce qui se passe dans une école de France et dans une école de la Grande-Bretagne quand il s'agit de décerner un prix exceptionnel. Dans l'école française, le prix est accordé à l'élève réputé le plus intelligent; dans l'école anglaise, on l'attribue à celui que désigne la supériorité de son caractère. Incontestablement, ce n'est pas nous qui avons raison. Il y a dans l'homme, dans le Français en particulier, puisque c'est lui que je vise, les éléments d'une volonté ferme, il y a une énergie, un ressort qui, par manque de soins et de culture, restent inemployés, inertes et comme inexistants. L'homme physiquement le mieux doué voit ses muscles s'atrophier, son corps s'affaiblir, s'il les laisse sans exercice et sans travail. N'en est-il pas de même des facultés morales ? Nous cultivons notre intelligence, au moins pen LA VOLONTÉ ET LE CARACTÈRE. 33 dant la jeunesse, quand formons-nous notre caractère ? Il est temps, pour les jeunes hommes auxquels je m'adresse, de travailler à cette formation, à ce développement moral de leur personne. Ce doit être leur premier et principal souci. Pour arriver à un résultat, pour apprendre à vouloir, il faut s'y attacher avec résolution et avec constance. Il faut exercer sa volonté sans trêve, sans repos, l'appliquer à son propre perfectionnement en même temps qu'à tous les actes de l'existence. Le but est de faire de soi un homme de caractère, maître de lui, capable de diriger sa vie, de régler ses actions, d'être l'artisan de son propre bonheur et du bonheur des autres, de servir utilement et d'honorer son pays. Si tu es décidé à atteindre ce but, jeune homme qui me lis, rappelle-toi les premiers mots de ce chapitre : Sache vouloir! LIVRE DE MES FILS. 3 CHAPITRE II. LE DEVOIR. Je suppose remplie cette première et indispensable condition : l'homme est maître de lui. Sa volonté dégagée, exercée, affermie, est devenue le caractère. A quoi va-t-il s'appliquer ? Que va-t-il vouloir? Il voudra, de toute son énergie, faire ce qui est bon et raisonnable, ce que lui dictent sa raison et sa conscience. Il voudra faire son devoir dans la vie. C'est le moment de lui répéter: Fais ce que dois!... maintenant que tu sais vouloir. La volonté n'est que l'instrument, instrument nécessaire, de première importance, mais qui vaut seulement par ce qu'il peut produire. Que produira-t-il? Le bien; c'est-à-dire ce qui doit être fait, ce qui est le devoir. Faire son devoir! - Y a-t-il rien de plus beau que ces mots, rien de plus noble que la chose? L'expression sonne gravement; on la sent pleine de sérénité, de courage, et, à l'occasion, de sacrifice. Pas plus, du reste, qu'il n'est possible d'utilement définir le devoir. Nous en trouvons le sentiment en nous, et les définitions n'y ajoutent rien. Dire avec l'École que le devoir est « ce à quoi on est obligé par la loi ou par la conscience », ou bien que c'est un « commandement catégorique de la raison, un principe d'action basé sur la loi morale »>, ce n'est rien ajouter à ce que le seul mot de «devoir » exprime clairement et hautement. L'idée du devoir est innée chez l'homme. Elle est aussi naturelle, aussi ancrée en lui, au plus profond de son être, que le sentiment de l'amour. L'homme de bien, l'homme de caractère est prêt toujours à faire son devoir. Mais on a coutume de dire qu'il est plus facile, dans bien des situations, de faire son devoir que de le connaître. Cela est vrai souvent. Il faut donc apprendre à discerner son devoir. Il est, pour une part, inscrit dans les lois; pour le reste, c'est la raison et la conscience qui le dictent. Les devoirs que la loi prescrit sont les devoirs élémentaires, essentiels, ceux dont l'accomplissement est nécessaire à l'existence de la société. |