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Alexandre, bien informé, les alla charger avec | eunuque d'entre les captifs qui accompagnaient quelque peu des siens, et les ayant atteints comme la femme de Darius lui vint dire qu'elle tirait à ils se retiraient vers leur gros, en tua plusieurs, sa fin, et que peut-être elle n'était plus en vie. Cette prit les autres prisonniers, et fit avancer quelque princesse, accablée d'ennuis et du travail concavalerie, tant pour apprendre des nouvelles, que tinuel du chemin, était tombée évanouie entre les pour éteindre le feu que les Barbares avaient mis bras de la reine sa belle-mère et de ses filles, et par les villages car en s'enfuyant ils l'avaient bientôt après avait rendu l'esprit. On en reçut jeté à la hâte sur les toits des maisons et sur les la nouvelle en même temps, dont le roi, vivement monceaux de blé qui étaient à la campagne; si touché, ne témoigna pas moins de sentiment bien que, s'étant arrêté au haut, il n'avait pas que si on lui eût annoncé la mort de sa mère, et, encore gagné le bas. Lorsqu'on eut éteint le feu, versant des larmes autant qu'aurait pu faire Dail se trouva encore grande quantité de froment, rius, s'en alla au pavillon où était Sisygambis, et l'on commença aussi d'avoir abondance des assise auprès du corps. Ce fut là que sa douleur autres choses; ce qui rendit même les soldats se renouvela quand il vit cette vénérable princesse plus ardents à la poursuite de l'ennemi, parce couchée par terre, en qui ce dernier malheur rapque, brûlant et faisant le dégât devant eux, il se pelait le souvenir de tous ses malheurs passés. fallait hâter pour empêcher que le feu ne con- Elle avait auprès d'elle ses petites-filles, qui lui sumât tout. Ainsi la nécessité fit ce qu'eût fait la étaient à la vérité un grand soulagement dans raison; car Mazée, qui brûlait les villages à loi- leur affliction extrême, mais qui attendaient aussi sir avant qu'on lui donnât la chasse, se conten- d'elle réciproquement toute leur consolation. Elle tant alors de se sauver, laissa plusieurs choses voyait devant ses yeux son petit-fils, jeune enfant, entières à l'ennemi. Cependant le roi eut nouvel- d'autant plus misérable qu'il ne sentait pas enles que Darius n'était plus qu'à cent cinquante core la misère dont le plus grand faix retombait stades de là; tellement que voyant son camp lar- sur lui. gement pourvu, et regorgeant de toutes sortes de vivres, il séjourna quatre jours au même lieu. Après, on surprit des lettres de Darius, par lesquelles il sollicitait les soldats grecs de tuer le roi ou de le lui mettre entre les mains. Il fut en doute s'il en devait faire la lecture en pleine as-rémonies des Perses furent observées avec une semblée, ne s'assurant pas moins de l'affection et de la fidélité des Grecs que de celle des Macédoniens. Mais Parménion l'en dissuada, disant « qu'il était dangereux de donner connaissance aux soldats de semblables propositions; qu'il n'en fallait qu'un pour attenter à sa vie, et que l'avarice était capable de tout. » Il crut un si bon conseil et leva le camp. Sur sa route, un

quutus agmen refugientium ad suos, alios cecidit, alios cepit equitesque præmisit simul speculatum; simul ut ignem, quo Barbari cremaverant vicos, exstinguerent; quippe fugientes raptim tectis acervisque frumenti injecerant flammas: quæ quum in summo hæsissent, ad inferiora nondum penetraverant. Exstincto igitur igne, plurimum frumenti repertum est: copia aliarum quoque rerum abun dare cœperunt. Ea res ipsa militi ad persequendum hostem animum incendit; quippe, urente et populante eo terram, festinandum erat, ne incendio cuncta præriperet. In rationem ergo necessitas versa; quippe Mazæus, qui antea per otium vicos incenderat, jam fugere contentus, pleraque inviolata hosti reliquit. Alexander, haud longius centum quinquaginta stadiis Darium abesse compererat ; itaque ad satietatem quoque copia commeatuum instructus, quatriduo in eodem loco substitit. Interceptæ deinde Darii litteræ sunt, quibus Græci milites sollicitabantur, ut regem aut interficerent, aut proderent: dubitavitque, an eas pro con. cione recitaret, satis confisus Græcorum quoque erga se benevolentiæ ac fidei. Sed Parmenio deterruit; non esse talibus promissis imbuendas aures militum; patere vel unius

On cût dit qu'Alexandre pleurait au milieu des siens, et qu'il était là plutôt pour se consoler luimême que pour consoler les autres. En effet, il s'abstint tout ce jour-là de manger, et fit faire à cette princesse des funérailles où toutes les cé

magnificence vraiment royale; en quoi, certes, il a mérité qu'encore aujourd'hui on rende à sa mémoire l'honneur qui lui est dû, et qu'on lui fasse recueillir le fruit de sa grande continence et de son extraordinaire bonté. Il ne l'avait vue en tout qu'une seule fois, qui fut le jour qu'elle fut faite prisonnière; et encore ne fut-ce pas elle qu'il alla voir, mais la mère de Darius : tellement

insidiis regem; nihil nefas esse avaritiæ. Sequutus consilii auctorem, castra movit. Iter facienti spado unus ex captivis, qui Darii uxorem comitabantur, deficere eam nunciat, et vix spiritum ducere. Itineris continui labore animique ægritudine fatigata, inter socrus et virginum filiarum manus collapsa erat, deinde et exstincta : id ipsum nuncians alius supervenit. Et rex, haud secus quam si parentis [suæ] mors nunciata esset, crebros edidit gemitus: lacrimisque obortis, quales Darius profudisset, in tabernaculum, in quo mater erat Darii, defuncto assidens corpori, venit. Hic vero renovatus est mæror, ut prostratam humi vidit; recenti malo priorum quoque admonita, receperat in gremium adultas virgines, magna quidem mutui doloris solatia; sed quibus ipsa deberet esse solatio. In conspectu erat nepos parvulus, ob id ipsum miserabilis, quod nondum sentiebat calamitatem, maxima ex parte ad ipsum redundantem. Crederes, Alexandrum inter suas necessitudines flere, et solatia non adhibere, sed quærere; cibo certe abstinuit; omnemque honorem funeri, patrio Persarum more, servavit dignus, hercule, qui nunc quoque tantæ mansuetudinis et continentiæ ferat fructum. Semel omnino eam

qu'on peut dire que cette beauté si excellente et si rare ne fut pas un attrait de volupté pour ce prince, mais plutôt une matière de gloire et un sujet de faire éclater davantage sa vertu.

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Dans le trouble et l'affliction où cette perte avait plongé tout le monde, un des eunuques de la reine, nommé Tyriotès, trouva moyen de se dérober par une porte qui, pour n'être pas du côté des ennemis, était gardée avec moins de soin que les autres, et se rendit au camp de Darius. Là, étant recueilli par les gardes, il fut mené tout en pleurs et ses habits déchirés à la tente du roi, qui ne l'eut pas sitôt aperçu, que, frappé de plusieurs appréhensions à la fois, sans savoir ce qu'il devait plutôt craindre, Ton visage, ditil, mon, ami, m'annonce quelque étrange désastre; mais, je te prie, ne me déguise rien, et ne pense pas m'épargner pour me voir affligé; car j'ai appris à être malheureux, et c'est bien souvent une espèce de consolation aux misérables de savoir jusqu'où va leur misère. Je me défie d'une chose que je n'ose dire. Ne serait-ce point que tu m'apportes la nouvelle des indignités que les miens ont reçues dans la prison? ce qui me serait plus sensible et à eux aussi, comme je crois, que tous les supplices du monde. - Tant s'en Tant s'en faut, seigneur, lui répondit Tyriotès, qu'il n'y a sorte d'honneurs et de respects que des sujets naturels puissent rendre à leur reine, qui ne leur aient été rendus par le vainqueur : mais la reine votre femme n'est plus au monde. »>

Incontinent vous eussiez ouï par tout le camp, non pas des gémissements, mais des cris et des hurlements effroyables; et Darius ne mit point en doute qu'elle n'eût été tuée, pour n'avoir pas voulu souffrir l'opprobre et l'attentat fait à sa pudicité; si bien que, forcené de douleur, il s'éeria: «Eh! que t'ai-je donc fait, Alexandre, ou qu'ai-je fait aux tiens, pour en prendre une si

viderat, quo die capta est; nec ut ipsam, sed ut Darii ma. trem videret: eximiamque pulchritudinem formæ ejus non libidinis habuerat incitamentum, sed gloriæ. E spadoni bus, qui circa reginam erant, Tyriotes, inter trepidationem lugentium elapsus per eam portam, quæ, quia ab hoste aversa erat, levius custodiebatur, ad Darii castra pervenit exceptusque a vigilibus, in tabernaculum regis perducitur, gemens et veste lacerata. Quem ut conspexit Darius, multiplici exspectatione commotus, et, quid potissimum timeret, incertus : « Vultus tuus, inquit, nescio quod ingens malum præfert: sed cave miseri hominis auribus parcas; didici [enim] esse infelix: et sæpe calamitatis solatium est, nosse sortem suam. Num, quod maxime suspicor, et loqui timeo, ludibria meorum nunciaturus es, mihi, et, ut credo, ipsis quoque, omni graviora supplicio? » Ad hæc Tyriotes : « Istud quidem procul abest, inquit : quantuscumque enim reginis honor ab iis, qui parent, ha beri potest, tuis a victore servatus est: sed uxor tua paulo ante excessit e vita. » Tum vero non gemitus modo, sed etiam ejulatus totis castris exaudiebantur: nec dubitavit

cruelle vengeance? Tu me hais et tu me persécutes à tort; mais je veux que tu aies tous les sujets du monde de me faire la guerre, fallait-il pour cela t'attaquer aux femmes?» Là-dessus Tyriotès se mit à jurer par les dieux du pays « qu'il ne lui avait été fait aucun traitement qui fût indigne d'elle: qu'au contraire, Alexandre l'avait honorée de ses larmes, et n'en avait pas moins répandu que lui qui était son mari. » Mais ce discours fait à un homme éperdument amoureux de sa femme lui donna d'autres pensées, et lui remplit l'esprit de soupçons et de jalousie, s'imaginant que de si cuisants regrets pour une captive ne pouvaient procéder que des grandes privautés et de l'étroite communication qu'ils avaient eue ensemble. Tirant donc à part l'eunuque, et alors ne pleurant plus, mais soupirant, il lui dit : « Vois-tu, Tyriotès, il n'est plus question ici de mentir; si tu ne me confesses la vérité, les tourments m'en feront la raison : mais n'en venons point là, je t'en prie, et s'il te reste encore quelque respect pour ton roi, dis-moi, je t'en conjure, si Alexandre, et comme jeune et comme victorieux, n'aurait point tenté ce que je désire savoir et ce que j'ai honte de demander? » Sur cela Tyriotès offre son corps à la torture, et, avec des serments et des exécrations horribles, appelle les dieux à témoin qu'il ne s'était rien passé entre Alexandre et la reine qui ne fût plein d'honneur et de vertu.

Enfin Darius, ayant ajouté foi aux paroles de l'eunuque, se couvrit le visage et fut un long espace de temps à pleurer; et comme les larmes lui tombaient encore des yeux, ayant tiré sa robe de dessus sa tête, et levant les mains au ciel, il fit cette prière : « Dieux protecteurs de la couronne des Perses, je vous demande premièrement cette grâce, qu'il vous plaise me rétablir dans mon trône; mais si les destinées en ont autrement ordonné, et que ce soit fait de moi, au moins ne

Darius, quin interfecta esset, quia nequisset contumeliam pati, exclamatque amens dolore : « Quod ego tantum nefás commisi, Alexander? quem tuorum propinquorum necavi, ut hanc vicem sævitiæ meæ reddas? Odisti me, non quidem provocatus: sed finge justum intulisse te bellum; cum feminis ergo agere debueras? » Tyriotes affirmare per deos patrios, nibil in cam gravius esse consultum : ingemuisse etiam Alexandrum morti, et non parcius flevisse, quam ipse lacrimaretur. Ob hæc ipsa amantis animus in sollicitudinem suspicionemque revolutus est, desiderium captivæ profecto a consuetudine stupri ortum esse conjectans. Submotis igitur arbitris, uno duntaxat Tyriote retento, jam non flens, sed suspirans : « Videsne in te, Tyriote, locum mendacio non esse? tormenta jam hic erunt: sed ne exspectaveris per deos, si quid tui tibi regis reverentiæ est : num, quod et scire expeto, et quærere pudet, ausus est et dominus, et juvenis? » Ille quæstioni corpus obferre, deos testes invocare, caste sancteque habitam esse reginam. Tandem, ut fides facta est, vera esse, quæ affirmaret spado; capite velato, diu flevit : manantibusque adhuc la

permettez pas que l'empire de l'Asie tombe en d'autres mains qu'en celles d'un si juste ennemi et d'un si sage vainqueur!

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XI. C'est pourquoi, bien qu'il eût déjà par deux fois demandé la paix sans la pouvoir obtenir, et qu'il eût tourné toutes ses pensées à la guerre, si est-ce que, vaincu par la bonté de son ennemi, il envoya dix des principaux de ses parents pour lui proposer de nouvelles conditions. Alexandre ayant assemblé son conseil et fait introduire les ambassadeurs, le plus ancien d'entre eux commença à dire : «< Seigneur, ce n'est ni la force ni la nécessité qui contraint Darius de vous demander aujourd'hui la paix la troisième fois : votre justice et votre continence, je le proteste, sont les seuls motifs qui l'y portent. Il ne s'est aperçu de la captivité de sa femme et de ses enfants que par leur seule absence. Vous n'avez pas en moindre recommandation l'honneur de ces jeunes princesses que si vous étiez leur propre père. Vous les appelez reines, et leur laissez tout l'éclat de leur première fortune. Je vois même sur votre visage le même deuil que sur celui de Darius, quand nous primes congé de lui; et toutefois il pleure sa femme, et vous ne pleurez que celle de votre ennemi, qui vous aurait déjà sur les bras, si le soin de sa sépulture ne vous avait arrêté. Quelle merveille donc qu'il recherche encore de paix un prince qui lui témoigne tant de bonne volonté? Et à quel propos la guerre entre ceux qui ont éteint toute haine? Autrefois il avait assigné les bornes de votre empire à la rivière d'Halis, frontière de la Lydie; mais aujourd'hui il vous donne sa fille en mariage, avec toutes les terres qui sont entre l'Hellespont et l'Euphrate. Outre cela, il vous laisse son fils Ochus, et consent que vous le gardiez pour otage de sa foi

crimis, veste ab ore rejecta, ad cœlum manus tendens: «< Dii patrii, inquit, primum mihi stabilite regnum: deinde, si de me jam transactum est, precor, ne quis Asiæ rex sit, quam iste tam justus hostis, tam misericors victor! >>

XI. Itaque quanquam, pace frustra bis petita, omnia in bellum consilia converterat, victus tamen continentia hostis, ad novas pacis conditiones ferendas decem legatos, cognatorum principes, misit: quos Alexander, consilio advocato, introduci jussit. E quibus maximus natu, « Darium, inquit, ut pacem a te jam hoc tertio peteret, nulla vis subegit; sed justiția et continentia [tua] expressit. Matrem, conjugem, liberosque ejus, nisi quod sine illo sunt, captos esse non sensit : pudicitiæ earum quae supersunt curam haud secus quam parens agens, reginas appellas; speciem pristinæ fortunæ retinere pateris. Vultum tuum video, qualis Darii fuit, quum dimitteremur ab eo: et ille tamen uxorem, tu hostem luges. Jam in acie stares, nisi cura te sepulturæ ejus moraretur. Et quid mirum est, si tam ab amico animo pacem petit? quid opus est armis, inter quos odia sublata sunt? Antea imperio tuo finem destinabat Halyn amnem, qui Lydiam terminat. Nunc, quidquid inter Hellespontum et Euphraten est, in dotem filiæ

et de son amitié, à condition que vous lui rendiez sa mère et ses deux filles, pour la rançon desquelles il vous prie d'accepter trente mille talents d'or.

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Au reste, si ce n'était que je connais votre modération, je n'oserais vous dire que voici le temps et la conjoncture où vous ne devriez pas seulement accorder la paix, mais la rechercher. Considérez ce que vous laissez derrière vous et ce qui vous reste à conquérir. Souvenez-vous qu'un trop grand empire est un dangereux fardeau, et que c'est une erreur de penser étreindre plus qu'on ne peut embrasser. Ne voyez-vous pas ces grands corps de navires, comme ils sont malaisés à gouverner? Et d'où sont venues à Darius toutes les pertes qu'il a faites, que de ses richesses excessives, qui traînent après soi les grandes ruines? Il y a des choses qu'il n'est pas si aisé de conserver que d'acquérir; et combien est-il plus naturel et plus ordinaire à nos mains de prendre que de retenir? Enfin, ces puissances si vastes sont sujettes à se voir retranchées, et il n'est pas jusqu'à la mort de la femme de Darius qui ne vous en avertisse; car votre clémence ayant perdu en elle un si beau moyen de s'exercer, il s'en faut déjà cela, qu'elle n'ait autant de pouvoir qu'elle en

a eu. >>

Alexandre ayant fait sortir les ambassadeurs, demanda les avis; on fut longtemps que personne n'osait dire mot, ne sachant où l'inclination du roi se portait. Mais enfin Parménion rompant le silence dit « que ç'avait été son sentiment, dès le temps qu'il était à Damas, qu'on eût rendu les prisonniers à ceux qui les voulaient racheter, vu qu'il se pouvait faire un grand fonds de ce qu'on en eût tiré, et qu'étant d'ailleurs en grand nombre, ils occupaient beaucoup de braves hommes dignes

offert, quam tibi tradit : Ochum filium, quem habes, pacis et fidei obsidem retine : matrem et duas virgines filias redde: pro tribus corporibus triginta millia talentum auri precatur accipias. Nisi moderationem animi tui notam haberem, non dicerem hoc esse tempus, quo pacem non dare solum, sed etiam occupare deberes. Respice, quantum post te reliqueris : intuere, quantum petas! Periculosum est prægrave imperium: difficile est continere, quod capere non possis. Videsne, ut navigia, quæ modum excedunt, regi nequeant? Nescio an Darius ideo tam multa amiserit, quia nimiæ opes magnæ jacturæ locum faciunt. Facilius est quædam vincere quam tueri : quam, hercule expeditius manus nostræ rapiunt quam continent! Ipsa mors uxoris Darii te admonere potest, minus jam misericordiæ tuæ licere, quam licuit. » Alexander, legatis excedere tabernaculo jussis, quid placeret ad consilium refert. Diu nemo quid sentiret ausus est dicere, incerta regis voluntate. Tandem Parmenio, ante suasisse ait, « ut captivos apud Damascum redimentibus redderet; ingentem pecuniam potuisse redigi ex iis, qui multi vincti virorum fortium occuparent manus. Et nunc magnopere censere, ut unam anum et duas puellas, itinerum agminumque impe

d'un meilleur emploi; qu'encore maintenant il était d'opinion plus que jamais que le roi ne marchandát point à se défaire d'une vieille femme et de deux jeunes filles, qui n'étaient, à les bien nommer, qu'un vrai embarras d'armée et de chemins, pour mettre trente mille talents dans ses coffres. Qu'il considérât que, sans tirer l'épée, un si juste traité le rendait maître d'un des plus beaux royaumes du monde, et qu'alors il pourrait se vanter que jamais homme avant lui n'avait possédé tout ce qui est entre l'Ister et l'Euphrate, ni des provinces si éloignées l'une de l'autre ; qu'après cela, s'il en était cru, il tournerait les yeux vers la Macédoine plutôt que du côté de la Bactriane ni des Indes. »

Ce discours déplut au roi, qui, prenant aussitôt la parole, « Et moi aussi, dit-il, je préférerais l'argent à la gloire, si j'étais Parménion; mais étant Alexandre, je ne crains pas de devenir pauvre; et, si je ne me trompe, je suis roi, et non pas marchand, car je n'ai rien à vendre, et moins ma fortune que toute autre chose. Mais si l'on juge à propos de rendre les prisonniers, il sera bien plus honorable et de meilleure grâce de les donner en pur don que d'en recevoir de l'argent. » Puis ayant fait rentrer les ambassadeurs, il leur fit cette réponse : « Dites à votre maître que les remerciments sont superflus entre gens qui se font la guerre, et que si j'ai usé de clémence et de courtoisie envers les siens, ce n'a été que pour me satisfaire moi-même, et non pour aucune affection que je lui porte. Je ne fais point la guerre aux misérables, je ne m'attaque ni aux prisonniers ni aux femmes, je n'en veux qu'à ceux qui ont les armes à la main et qui sont en état de se défendre. Encore si c'était de bonne foi qu'il me demandât la paix, j'aviserais à ce que j'aurais à faire; mais puisqu'il ne cesse par lettre et par argent de solliciter mes soldats de me trahir, et mes domestiques de me tuer, je suis résolu dimenta, triginta millibus talentis auri permutet. Opimum, regnum occupari posse conditione, non bello: nec quemquain alium inter Istrum et Euphraten possedisse terras ingenti spatio intervalloque discretas. Macedoniam quo. que respiceret potius, quam Bactra et Indos intueretur. »> Ingrata oratio regi fuit. Itaque, ut finem dicendi fecit : « Et ego, inquit, pecuniam quam gloriam mallem, si Parmenio essem. Nunc Alexander, de paupertate securus sum: et me non mercatorem memini esse, sed regem. Nihil quidem habeo venale; sed fortunam meam utique non vendo. Captivos si placet reddi, honestius dono dabimus, quam pretio remittemus. » Introductis deinde legatis, ad hunc modum respondit : « Nunciate Dario, me, quæ fecerim clementer et liberaliter, non amicitiæ ejus tribuisse, sed naturæ meæ. Bellum cum captivis et feminis gerere non soleo armatus sit oportet quem oderim. Quod si saltem pacem bona fide peteret, deliberarem forsitan, an darem verum enimvero, quum modo milites meos litteris ad proditionem, modo amicos ad perniciem meam

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de le poursuivre à outrance, non plus comme un juste ennemi, mais comme un empoisonneur et un assassin. Pour les conditions que vous me proposez, si je les acceptais, elles le rendraient victorieux.

a Il me donne, dites-vous, tout ce qui est au delà de l'Euphrate : et où est-ce que vous me parlez? Ne trouvez-vous pas que j'y suis déjà? et à ce compte, n'ai-je pas franchi les bornes de ce grand dot qu'il me promet et que vous faites sonner si haut? Chassez-moi premièrement d'ici, si vous voulez que j'avoue que ce que vous me donnez est à vous. Avec cette même libéralité, il m'offre une de ses filles en mariage, comme si je ne savais pas que c'est un parti réservé pour quelqu'un de ses esclaves; et à la vérité il me fait beaucoup d'honneur de me préférer à Mazée pour être son gendre! Allez, et dites à Darius que tout ce qu'il a perdu et tout ce qui lui reste doit être le prix d'une bataille; que c'est àelle à décider des limites de nos royaumes, et que chacun aura pour son partage ce que la journée de demain lui adjugera. Dites-lui que je ne suis pas venu en Asie afin que l'on me donne, mais pour don ner aux autres; et que s'il se contentait d'être le second, sans vouloir aller de pair avec moi, peut-être que je me porterais à lui accorder ce qu'il me demande : mais que, sans une horrible confusion de toutes choses, le monde ne peut être gouverné par deux soleils ni souffrir deux puissances souveraines ; qu'ainsi il choisisse ou de se rendre aujourd'hui ou de combattre demain, et qu'il ne se promette pas un meilleur succès que celui qu'il a eu par le passé. »

Les ambassadeurs lui repartirent « que puisqu'il était résolu à la guerre, c'était en user franchement que de ne les point abuser d'une vaine espérance de paix; qu'ils le priaient seulement de les renvoyer au plus tôt vers leur roi, afin que de son côté il se préparât aussi à la bataille. »

pecunia sollicitet, ad internecionem mihi persequendus est, non ut justus hostis, sed ut percussor [et] veneficus. Conditiones vero pacis, quas fertis, si accepero, victorem eum faciunt. Quæ post Euphraten sunt liberaliter donat : ubi igitur me affamini? nempe ultra Euphraten sum: summum ergo dotis, quam promittit, terminum castra mea transeunt. Hinc me depellite, ut sciam vestrum esse quod ceditis. Eadem liberalitate dat mihi filiam suam; nempe quam scio alicui servorum suorum nupturam : multum vero mihi præstat, si me Mazaro generum præponit! Ite, nunciate regi vestro, et quæ amisit, et quæ adhuc habet, præmia esse belli : hoc regente utriusque terminos regni, ic quemque habiturum, quod proximæ lucis assignatura fortuna est. » Legati respondent, quum bellum in animo sit, facere eum simpliciter, quod spe pacis non frustraretur; ipsos petere, quamprimum dimittantur ad regem : eum quoque bellum parare debere. Dimissi nunciant adesse certamen.

XII. Ille quidem confestim Mazæum cum tribus milli

XII. Etant congédiés de cette sorte, ils annoncent la guerre à Darius, qui envoie aussitôt Mazée avec trois mille chevaux se saisir des avenues. Alexandre, après avoir achevé de rendre les derniers honneurs à la reine, et laissé dans son camp sous une légère garde l'attirail le plus incommode, marcha contre les ennemis. Il avait disposé son infanterie en deux colonnes et jeté la cavalerie sur les ailes, et le bagage suivait en queue. Après il commanda à Ménidas d'aller avec la cavalerie des Scythes reconnaître où était Darius; mais ayant appris sur le chemin que Mazée était campé assez près de là, il revient tout court, sans rapporter autre chose, sinon qu'on n'entendait que bruit d'hommes et que hennissements de chevaux. Mazée aussi, découvrant de loin les coureurs, se retire vers son armée, et publie la venue de l'ennemi.

mée. Phradate venait après, avec les bandes caspiennes, à la tête de cinquante chariots de guerre. A la queue des chariots étaient les Indiens et toutes ces autres nations voisines de la mer Rouge, qu'on pouvait nommer un vain épouvantail, plutôt qu'un véritable secours. Il y avait ensuite cinquante autres chariots armés de faux, avec les troupes auxiliaires suivies des Arméniens, qu'ils appellent d'Arménie la Mineure, des Babyloniens, des Bélites, et de ceux qui habitent les montagnes des Cosséens. Après venaient les Gortues, peuples de l'Eubée, qui suivirent autrefois les Mèdes, mais qui s'étaient abâtardis, et ne tenaient plus rien de la valeur ni des mœurs de leurs ancêtres. Ils étaient soutenus par les Phrygiens et par les Cataons et enfin ceux de la Parthiène, habitants de la contrée qu'occupent aujourd'hui les Parthes, venus de la Scythie, étaient les derniers de toute cette multitude. C'était là l'ordonnance de l'aile gauche.

Darius, qui désirait combattre en rase campagne, commande aussitôt à ses gens de prendre les armes, et les conduit en ordre de bataille. A la gauche marchaient quelque mille chevaux Bactriens, autant de Dahes, et quatre mille ou Arachosiens ou Susiens. Cent chariots garnis de faux venaient ensuite, puis Bessus avec huit mille chevaux aussi Bactriens, et deux mille Massagètes qui fermaient ces troupes. L'infanterie suivait, composée de plusieurs nations, non pas confuses ni mêlées, mais chacune sous ses enseignes. Ariobarzane et Orobate menaient les Perses avec les Mardes et les Sogdiens en deux corps séparés, qu'Orzine commandait en chef. Ce prince était issu de la race des sept Perses, et rapportait même son origine à Cyrus, le plus illustre de tous les rois. Ils étaient suivis de plusieurs peuples, à peine connus du reste de l'armées qui s'élèvent la nuit durant les plus gran

En la droite étaient d'abord les Arméniens d'Arménie la Majeure avec les Cadusiens, puis les Cappadociens et les Syriens, ensuite les Mèdes, qui avaient aussi cinquante chariots garnis de langues de fer. Tout cela faisait deux cent mille chevaux et huit cent mille hommes de pied, lesquels étant rangés en cet ordre s'avancèrent de dix stades; et ayant commandement de faire halte, ils attendirent les ennemis sous les armes. Mais il s'épandit tout à coup une frayeur si étrange dans le camp d'Alexandre, sans aucun sujet apparent, que les soldats commencèrent tous à frémir, une secrète horreur leur troublant l'esprit et s'emparant de leurs courages. Il paraissait en l'air des lueurs, comme de ces exhalaisons enflam

oriundus, ad Cyrum quoque nobilissimum regem originem sui referens. Hos aliæ gentes, ne sociis quidem satis notæ, sequebantur. Post quas, quinquaginta quadrigas Phradates magno Caspianorum agmine antecedebat. Indi ceterique Rubri maris accolæ, nomina verius quam auxi.

bus equitum ad itinera, quæ hostis petiturus erat, occupanda præmisit. Alexander, corpori uxoris ejus justis persolutis, omnique graviore comitatu intra eadem muni- | menta cum modico præsidio relicto, ad hostem contendit. In duo cornua diviserat peditein, in utrumque latus equite circumdato impedimenta sequebantur agmen. Præmis-lia, post currus erant. Claudebatur hoc agmen aliis falca

sum deinde concitis equis Menidan jubet explorare, ubi Darius esset. At ille, quum Mazæus haud procul conse disset, non ausus ultra procedere, nihil aliud, quam fremitum hominum hinnitumque equorum exaudisse nunciat. Mazacus quoque, conspectis procul exploratoribus, in castra se recipit, adventus hostium nuncius. Igitur Darius, qui in patentibus campis decernere optabat, armari militem jubet, aciemque disponit. In lævo cornu Bactriani ibant equites, mille admodum; Daliæ totidem : et Arachosii Susiique quatuor millia explebant. Hos quinquaginta falcati currus sequebantur; proximus quadrigis erat Bessus cum octo millibus equitum, item Bactrianis. Massagetæ duobus millibus agmen ejus claudebant. Pedites his plurium gentium non mixtas, sed suæ quisque nationis, junxerant copias. Persas deinde, cum Mardis Sogdianisque, Ariobarzanes et Orobatas ducebant. Illi parti. bus copiarum, summæ Orsines præerat, a septem Persis

tis curribus quinquaginta: quis peregrinum militem adjunxerat. Hunc Armenii quos Minores vocant; Armenios Babylonii; utrosque Belitæ, et qui montes Cossæorum incolebant, sequebantur. Post hos ibant Gortuæ, gentes quidem Euboica, Medos quondam sequuti; sed jam degeneres, et patrii moris ignari. Applicuerat his Phrygas et Cataonas. Parthorum deinde gens, incolentium terras, quas nunc Parthi, Scythia profecti, tenent, claudebant agmen. Hæc sinistri cornu acies fuit. Dextrum tenebat natio majoris Armeniæ, Cadusiique, Cappadoces, et Syri, et Medi; his quoque falcati currus erant quinquaginta. Summa totius exercitus, equites quadraginta quinque millia pedestris acies ducenta millia expleverat. Hoc modo instructi decem stadia procedunt: jussique subsistere, armati hostem exspectabant. Alexandri exercitum pavor, cujus causa non suberat, invasit : quippe lymphali trepidare cœperunt, omnium pectora occulto metu per

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