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gissait de donner un successeur; mais le fardeau était trop pesant pour une seule tête; et, de fait, le seul nom d'Alexandre a fait des rois et des royaumes presque par toute la terre; et ceux-là même ont été célèbres, qui ont eu les moindres pièces du débris d'une si grande fortune.

aussitôt retiré vers eux, d'où il était venu. C'est pourquoi, ne nous restant de lui autre chose que ce qui n'est pas du partage de l'immortalité, tâchons de nous acquitter au plus tôt de ce que nous devons à son corps et à sa mémoire, et songeons en quelle ville nous sommes, au milieu de quels peuples, et quel roi et quel appui nous avons perdu. Ce que nous avons à faire, mes compagnons, c'est d'assurer nos victoires parmi ceux que nous avons vaincus. Pour cela, il nous faut un chef; un ou plusieurs, choisissez. Mais vous n'ignorez pas qu'une armée sans chef est un corps sans âme. Roxane est grosse de six mois; les dieux veuillent qu'elle nous donne un prince, qui gouverne quand il sera en âge! » Voilà ce que dit Perdiccas; à quoi Néarque repartit « qu'on ne doutait point que le sang d'Alexandre ne dût hériter du royaume; mais que d'attendre un roi qui n'était pas encore né et laisser celui qui l'é

VI. Mais, pour retourner à Babylone, d'où nous sommes partis, les gardes du corps convoquèrent, au logis du roi, les grands et les officiers de l'armée, suivis d'une multitude de soldats désireux de savoir qui succéderait à une si grande puissance. Plusieurs ne pouvaient aborder à cause de la foule, quand un héraut cria « que personne n'eût à entrer que ceux qui seraient appelés; » mais, comme il n'y avait plus de maître, on se moquait de ces défenses. D'abord ce fut un renouvellement de pleurs et de sanglots, qui durèrent quelque temps sans se pouvoir apaiser; puis, le soin des affaires arrêtant les larmes et faisant faire silence, Perdic-tait déjà, c'était ce que ne pouvait souffrir ni cas exposa en public la chaire royale, où était le diadème, le manteau et les armes d'Alexandre, et où il mit aussi l'anneau qu'il lui avait donné le jour de devant. A ces tristes objets, tout le monde se prit encore à pleurer et à jeter des cris comme à sa mort, jusqu'à ce que Perdiccas commença à dire : « Je vous remets l'anneau que le roi m'a consigné en mourant, avec lequel il scellait ses ordres et maintenait son autorité. Je ne pense pas que le ciel, en sa plus grande colère, nous puisse affliger d'une calamité pareille à la perte de ce prince; mais, à considérer la gran deur des choses qu'il a faites, il faut croire que les dieux l'avaient seulement prêté au monde pour y accomplir ces merveilles, puis l'avaient

quoque ejus et fama rerum in totum propemodum orbem, reges ac regna diffudit; clarissimi sunt habiti, qui etiam minimæ parti tantæ fortunæ adhæserunt.

VI. Ceterum Babylone (inde enim divertit oratio) corporis ejus custodes in regiam principes amicorum ducesque copiarum advocavere: sequuta est militum turba, cupientium scire, in quem Alexandri fortuna esset transitura. Multi duces, frequentia militum exclusi, regiam intrare non poterant; quum præco, exceptis, qui nominatim citarentur, adire prohibuit: sed precarium spernebatur imperium. Ac primum ejulatus ingens ploratusque renovatus est: deinde futuri exspectatio, inhibitis lacrymis, silentium fecit. Tunc Perdicca, regia sella in conspectum vulgi data, in qua diadema vestisque Alexandri cum armis erant, annulum sibi pridie traditum a rege in eadem sede posuit; quorum adspectu rursus oborte omnibus lacrymæ integravere luctum. Et Perdicca: « Ego quidem, inquit, annulum, quo ille regni atque imperii vires obsignare erat solitus, traditum ab ipso mihi, reddo vobis. Ceterum quanquam nulla clades huic, qua affecti sumus, par ab iratis diis excogi. tari potest, tamen magnitudinem rerum, quas egit, intuen. tibus credere licet, tantum virum deos accommodasse re. bus humanis, quarum sorte completa, cito repeterent èum suæ stirpi. Proinde, quoniam nihil aliud ex eo superest,

l'humeur des Macédoniens, ni l'état présent des affaires; que le roi avait un fils de Barsine; qu'il le fallait couronner. » Cette proposition ne plut à personne; si bien que frappant de leurs javelots sur leurs boucliers, selon leur coutume, chacun se mit à murmurer; et Néarque défendant son opinion avec trop de chaleur, les esprits s'échauffèrent, quand Ptolémée prit la parole. « A la vérité, dit-il, c'est une race bien digne de commander aux Macédoniens, que le fils de Roxane ou de Barsine, lesquels sont plus qu'à demi esclaves, et qu'on n'oserait avoir seulement nommés en Europe! Quoi! aurions-nous vaincu les Perses pour nous soumettre à leurs enfants, ce que n'ont jamais pu faire Darius et Xerxès, ces

quam quod semper ab immortalitate subducitur, corpori nominique quam primum justa solvamus; haud obliti, in qua urbe, inter quos simus, quali præside ac rege spo liati. Tractandum est, commilitones, cogitandumque, ut victoriam partam inter hos, de quibus parta est, obtinere possimus. Capite opus est: hocne uno, an pluribus, in vestra potestate est. Illud scire debetis, militarem sine duce turbam corpus esse sine spiritu. Sextus mensis est, in quo Roxane prægnans est. Optamus ut marem enitatur; cujus regnum diis approbantibus futurum, quando adoleverit interim, a quibus regi velitis, destinate. » Hæc Perdicca. Tum Nearchus, « Alexandri modo sanguinem ac stirpem regiæ majestati convenire, neminem ait posse mirari. Ceterum exspectari nondum ortum regem, et, qui jam sit, præteriri, nec animis Macedonum convenire, nec tempori. Verum esse e Barsine filium regis: huic diadema dandum. » Nulli placebat oratio: itaque suo more hastis scu. ta quatientes obstrepere perseverabant. Jamque prope seditionem pervenerant, Nearcho pervicacius tuente sententiam. Tum Ptolemæus : « Digna prorsus est soboles, inquit, quæ Macedonum imperet genti, Roxanes vel Barsina filius; cujus nomen quoque Europam dicere pigebit, majore ex parte captivi! Cur Persas vicerimus, ut stirpi eo. rum serviamus? quod justi illi reges Darius et Xerxes tot

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grands et légitimes rois, avec leurs armées prodigieuses de terre et de mer? Mon avis est qu'on dresse le tribunal du roi au palais, et que, lorsqu'il faudra délibérer des affaires, on y tienne le conseil composé de ceux qui avaient accoutumé d'y assister; que les résolutions passent par la pluralité des voix, et que les chefs et capitaines y obéissent. >>

Quelques-uns étaient du sentiment de Ptolémée, et peu de celui de Perdiccas. Mais Aristonus, se levant, dit « que lorsqu'on avait demandé à Alexandre à qui il laissait la couronne, il avait répondu Au plus homme de bien; et qu'il avait jugé Perdiccas le plus homme de bien, puisqu'il lui avait donné son anneau, car il n'était pas le seul qui avait été présent à sa mort; mais le roi, ayant jeté les yeux sur tous ceux qui étaient autour de lui, avait choisi celui-ci entre tous les autres, et qu'ainsi il l'avait désigné son successeur. »

On n'était point en doute qu'il ne dît la vérité, tellement qu'ils prièrent tous Perdiccas de s'avancer et de reprendre l'anneau. » Il hésitait entre le désir et la honte, s'imaginant que plus il ferait le froid, plus on le presserait de prendre ce qu'il eût déjà voulu tenir; de sorte qu'après avoir longtemps balancé, incertain de ce qu'il devait faire, enfin il se retira, et se tint debout derrière ceux qui étaient assis auprès de lui. Alors Méléagre, un des capitaines, prenant avantage de l'irrésolution de Perdiccas, s'écria: Quoi! la fortune d'Alexandre et le faix d'un si grand empire tomberait sur de si faibles épaules! Que les dieux seulement ne le souffrent point, car les hommes ne le souffriront pas ! Je ne parle point de ceux qui y ont plus de droits que lui,

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millium agminibus tantisque classibus nequidquam petiverunt. Mea sententia hæc est, ut, sede Alexandri in regia posita, qui consiliis ejus adhibebantur, coeant, quoties in commune consulto opus fuerit, eoque, quod major pars eorum decreverit, stetur; duces præfectique copiarum his pareant. » Ptolemæo quidam, potiores Perdiccæ assentiebantur. Tum Aristonus orsus est dicere, « Alexandrum consultum, cui relinqueret regnum, voluisse optimum deligi judicatum autem ab ipso optimum Perdiccan, cui annulum tradidisset. Neque enim unum eum assedisse morienti; sed circumferentem oculos ex turba amicorum de. legisse, cui traderet. Placere igitur, summam imperii ad Perdiccan deferri. » Nec dubitavere, quin vera censeret. Itaque universi, procedere in medium Perdiccan, et regis annulum tollere, jubebant. Hærebat inter cupiditatem pudoremque, et, quo modestius, quod exspectabat, appeteret, pervicacius oblaturos esse credebat. Itaque cunctatus, diuque, quid ageret, incertus, ad ultimum tamen reces. sit, et post eos, qui sederant proximi, constitit. At Meleager, unus e ducibus, confirmato animo, quem Perdiccæ cunctatio erexerat : « Nec dii siverint, inquit, ut Alexandri fortuna, tantique regni fastigium in istos humeros ruat: homines certe non ferent. Nihil dico de nobilioribus, quam hic est, sed de viris tantum; quibus invitis nihil

mais de tout ce qu'il y a ici de gens de cœur, malgré lesquels rien ne se fera. Et il importe peu que vous ayez pour roi le fils de Roxane en quelque temps qu'il naisse, ou Perdiccas, puisqu'aussi bien, sous ombre de la régence, il s'emparera du royaume. C'est pourquoi, de tous ceux qu'on propose, nul ne lui agrée que celui qui n'est pas encore au monde. Et maintenant qu'une juste impatience ou plutôt une auguste nécessité vous presse d'avoir un roi, lui seul nous renvoie aux couches d'une femme; même il devine déjà que ce sera un fils : et plutôt que cela ne soit, doutez-vous qu'il n'en suppose un? Certainement si Alexandre nous l'avait laissé pour son successeur, ce serait le seul de ses commandements auquel je serais d'avis qu'on n'obéît pas. O soldats! que ne courez-vous enlever ces trésors! l'armée hérite des richesses royales qui sont dans le camp. »

VII. Ayant dit cela, il passa au travers des troupes qui étaient là en bataille, et ceux qui lui avaient fait jour le suivaient, comme pour aller au pillage; de sorte qu'il s'était déjà amassé autour de lui un gros de soldats en armes, et la discorde allumait la sédition, lorsqu'un certain homme de la lie du peuple, qui n'était presque connu de personne, dit : « A quoi faire en venir aux mains et s'engager dans une guerre civile pour avoir un roi, puisque vous en avez un tout trouvé? N'avez-vous pas Aridée, fils de Philippe, frère d'Alexandre, son collègue aux saintes cérémonies et aux sacrés mystères, aujourd'hui son seul héritier, que vous oubliez? Et qu'a-t-il fait, de quoi l'accusez-vous, pour le frustrer de la commune disposition du droit des gens? Si vous

perpeti necesse est. Nec vero interest, Roxanes filium, quandoque genitus erit, an Perdiccan regem habeatis; quum iste sub tutelæ specie regnum occupaturus sit. Ita que nemo ei rex placet, nisi qui nondum natus est : et in tanta omnium festinatione, non justa modo, sed etiam necessaria, exactos menses solus exspectat, et jam divinat, marem esse conceptum; quem vos dubitatis paratum esse vel subdere? Si medius fidius Alexander hunc nobis regem pro se reliquisset, id solum ex iis, quæ imperasset, non faciendum esse censerem. Quin igitur ad diripiendos the sauros discurritis? harum enim opum regiarum utique po pulus est heres. » Hæc eloquutus per medios armatos eru. pit, et, qui abeunti viam dederant, ipsum ad pronunciatam prædam sequebantur.

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VII. Jamque armatorum circa Meleagrum frequens globus erat, in seditionem ac discordiam versa 'oncione, quum quidam, plerisque Macedonum ignotus, ex infima plebe : « Quid opus est, inquit, armis civilique bello habentibus regem, quem quæritis? Aridæus, Philippo genitus, Alexandri paulo ante regis frater, sacrorum ceremo→ niarumque consors modo, nunc solus heres, præteritur a vobis. Quo merito suo? quidve fecit, cur etiam gentium communi jure fraudetur? Si Alexandro similem quæritis, nunquam reperietis; si proximum, hic solus est. » His au

reprenant courage et traînant Philippe après soi,

cherchez un roi comme Alexandre, c'est ce que vous ne trouverez jamais; si le plus proche à suc-il força la porte du palais, criant « que l'âge vicéder, vous n'avez que celui-ci. » A cette proposition, tous se turent, comme si on leur eût imposé silence; puis tous ensemble se mirent à crier « qu'il fallait appeler Aridée, et que ceux-là méritaient la mort, qui avaient fait l'assemblée sans lui. » Mais Python tout en larmes commença à dire « qu'Alexandre était bien à plaindre de ce que la mort lui avait ravi le fruit de l'affection de tant de bons citoyens et de généreux soldats, si zélés pour son nom et pour sa mémoire, qu'ils ne regardaient qu'à cela. » Ces paroles n'étaient pas si couvertes qu'on ne vît bien qu'elles allaient à ce jeune prince à qui l'on destinait l'empire; mais elles attirèrent plus de haine sur Python que de mépris sur Aridée, pour lequel, au contraire, elles firent naître de la compassion, qui lui acquit la faveur de l'assemblée; tellement que ne cessant de crier « qu'ils ne souffriraient point qu'un autre régnât que celui-ci, qui était né dans cette espérance, » Méléagre, ennemi juré de Perdiccas, le mena sur l'heure même au palais, où il fut proclamé roi par les soldats sous le nom de Philippe.

C'était la voix du peuple, mais les grands n'étaient pas de cet avis; entre lesquels Python, exécutant ce qu'ils avaient résolu avec Perdiccas, nomma pour tuteurs de l'enfant qui devait naître de Roxane, Perdiccas et Léonnatus, tous deux du sang royal; déclara Cratère et Antipater directeurs des affaires de l'Europe, et fit en même temps prêter le serment qu'on reconnaîtrait pour roi ce rejeton d'Alexandre. Méléagre, craignant ce qu'il méritait, s'était retiré avec ses partisans; puis,

ditis, concio primo silentium velut jussa habuit: conclamant deinde pariter, Aridæum vocandum esse, mortemque meritos, qui concionem sine eo habuissent. Tum Pithon, plenus lacrimarum, orditur dicere, «< nunc vel maxime miserabilem esse Alexandrum, qui tam bonorum civium militumque fructu et præsentia fraudatus esset. Nomen enim memoriamque regis sui tantum intuentes, ad cetera caligare eos.» Haud ambigue in juvenem, cui regnum destinabatur, impensa probra; quæ magis ipsi odium, quam Aridæo contemptum attulerunt: quippe dum miserentur, etiam favere cœperunt. Igitur, non alium se quam eum, qui ad hanc spem genitus esset, regnare passuros, pertinaci acclamatione declarant, vocarique Aridæum jubent. Quem Meleager, infestus invisusque Perdiccæ, strenue perducit in regiam ; et milites Philippum consalutatum, regem appellant. Ceterum hæc vulgi erat vox; principum alia sententia. E quibus Pithon consilium Perdiccæ exsequi cœpit, tutoresque destinat filio ex Roxane futuro, Perdiccan et Leonnatum stirpe regia genitos. Adjecit, ut in Europa Craterus et Antipater res administrarent. Tum jusjurandum a singulis exactum, futuros in potestate regis geniti Alexandro. Meleager, haud injuria metu supplicii territus, cum suis secesserat. Rursus Philippum trabens se

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goureux de ce prince autorisait l'élection du peuple; qu'ils se souvinssent que c'était le sang de Philippe et le frère de deux rois; que c'était assez pour les obliger au moins d'en faire l'essai et d'en juger par eux-mêmes, et non pas par le sentiment d'autrui. » Il n'est point de mer qui excite plus d'orages ni qui roule plus de vagues qu'il s'élève de mouvements dans une multitude, quand elle se sent la bride sur le cou et qu'elle ne croit pas jouir longtemps de sa liberté. Peu s'attachaient à Perdiccas, qu'on venait de faire régent, et Philippe avait plus de voix qu'il n'en avait espéré. Ce n'était qu'irrésolution et que changements; ils voulaient, puis ne voulaient pas; et tantôt ils se repentaient de la résolution qu'ils avaient prise, et après ils se repentaient de s'être repentis; mais enfin ils s'arrêtèrent à la race royale. Aridée, redoutant l'autorité des princes, était sorti de l'assemblée, et sa retraite avait plutôt fermé la bouche aux soldats que ralenti leur affection; si bien que l'ayant rappelé, ils le revêtirent de la robe d'Alexandre, qui était sur sa chaire ; et Méléagre, ayant endossé la cuirasse et pris ses armes, le suivit comme son capitaine des gardes. La phalange frappait des piques contre les boucliers, et menaçait « d'exterminer ceux qui entreprendraient d'usurper une couronne qui ne leur appartenait point; qu'il fallait qu'elle demeurât dans la maison royale, sur la tête du légitime héritier; que le nom même de Philippe leur était vénérable, et qu'ils avaient accoutumé d'obéir aux princes qui le portaient; et que personne ne l'osait prendre, qui ne fût né pour régner. »

Perdiccas, bien étonné, s'enferme dans la salle

cum irrupit regiam, clamitans, « suffragari reipublicæ de novo rege paulo ante concepto robur ætatis; experirentur modo stirpem Philippi, et filium ac fratrem regum duorum; sibimet ipsis potissimum crederent. » Nullum profundum mare, nullum vastum fretum et procellosum tantos ciet fluctus, quantos multitudo motus habet; utique si nova et brevi duratura libertate luxuriat. Pauci Perdiccæ modo electo, plures Philippo, quam speraverat, imperium dabant. Nec velle, nec nolle quidquam diu poterant; pœni. tebatque modo consilii, modo pœnitentiæ ipsius. Ad ultimum tamen in stirpem regiam inclinavere studiis. Cesserat ex concione Aridæus principum auctoritate conterritus; et, abeunte illo, conticuerat magis, quam languerat militaris favor. Itaque revocatus vestem fratris, eam ipsam, quæ in sella posita fuerat, induitur. Et Meleager, thorace sumpto, capit arma, novique regis satelles sequitur. Phalanx hastis clypeos quatiens, expleturam se sanguine illorum, qui affectaverant nihil ad ipsos pertinens regnum, minabatur : in eadem domo familiaque imperii vires remansuras esse gaudebant; hereditarium imperium stirpem regiam vindi. caturam assuetos se nomen ipsum colere, venerarique, nec quemquam id capere, nisi genitum ut regnaret. » Igitur Perdicca territus conclave, in quo Alexandri corpus jace

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où reposait le corps d'Alexandre, suivi de six cents hommes d'élite; et Ptolémée s'était joint à lui avec toute la jeunesse de la cour. Mais tant de milliers d'hommes en armes n'eurent pas grand'peine à enfoncer les portes; tellement que le roi même y entra, environné d'une troupe de satellites dont Méléagre était capitaine. Cette violence ayant outré Perdiccas, il sortit de là, se faisant suivre par ceux qui gardaient le corps; et comme les autres tiraient sur lui et sur sa troupe et que plusieurs étaient blessés, les plus anciens ôtèrent leur casque pour se faire connaître, et prièrent ceux qui étaient avec Perdiccas de n'en venir point aux mains, et de céder au roi et au | parti le plus fort. Perdiccas mit bas les armes le premier, et, après lui, tous les autres; mais Méléagre leur voulant persuader de ne point quitter le corps d'Alexandre, ils se défièrent de quelque embûche, et, sortant par une fausse porte, gagnèrent l'autre côté de l'Euphrate. La cavalerie, composée de toute la noblesse, se rangea auprès de Perdiccas et de Léonnatus, et était d'avis de sortir de Babylone et de tenir la campague; mais Perdiccas, qui ne perdait pas l'espérance que l'infanterie ne le suivît aussi, demeura dans la ville, de peur qu'on ne crût qu'ayant emmené la cavalerie, il se fût séparé du reste des troupes.

VIII. Cependant Méléagre ne cessait d'inciter le roi à faire mourir Perdiccas : « que c'était le seul moyen de s'assurer la couronne; qu'il fallait prévenir cet esprit ambitieux, qui se souvenait comme il avait traité le roi, et qu'on n'est pas volontiers fidèle à celui qu'on redoute. » Le roi souffrait plutôt ce conseil qu'il ne l'approuvait. Néanmoins Méléagre, prenant son silence pour un

bat, obserari jubet. Sexcenti cum ipso erant spectatæ virtutis Ptolemæus quoque se adjunxerat ei, puerorumque regia cohors. Ceterum haud difficulter a tot millibus armatorum claustra perfracta sunt. Et rex quoque irruperat stipatus satellitum turba, quorum princeps erat Meleager : iratusque Perdicca, hos, qui Alexandri corpus tueri vellent, sevocat; sed qui irruperant, eminus tela in ipsum jaciebant: multisque vulneratis, tandem seniores, demptis galeis, quo facilius nosci possent, precari, qui cum Perdicca erant, cœpere, ut absisterent bello, regique et pluribus cederent. Primus Perdicca arma deposuit; ceterique idem fecere. Meleagro deinde suadente, ne a corpore Alexandri discederent; insidiis locum quæri rati, diversa regiæ parte ad Euphraten fugam intendunt. Equitatus, qui ex nobilissimis juvenum constabat, Perdiccan et Leonnatum frequens sequebatur; placebatque excedere urbe, et tendere in campis. Sed Perdicca ne pedites quidem sequu. turos ipsum desperabat : itaque, ne abducendo equites abrupisse a cetero exercitu videretur, in urbe substitit.

VIII. At Meleager regem monere non destitit, « jus imperii Perdiccæ morte sanciendum esse ni occupetur impotens animus, res novaturum. Meminisse eum, quid de rege meruisset, neminem autem ei satis fidum esse,

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commandement, envoya des gens à Perdiccas, de la part du roi, pour le faire venir, avec ordre de le tuer au moindre refus. Perdiccas, averti de l'arrivée de ces satellites, n'ayant pour tout avec lui que seize gentilshommes de la compagnie royale, les attendit de pied ferme, sur la porte de son logis; et, après les avoir fort maltraités de paroles et appelés cent fois « bourreaux et esclaves de Méléagre, » il les étonna tellement par la fermeté de son courage et de ses regards, qu'ils prirent la fuite tout éperdus. En même temps il fit monter à cheval cette jeunesse, et, l'accompagnant encore de quelques-uns de ses amis, vint trouver Léonnatus, où il se vit en état de se défendre, si on l'attaquait. Le lendemain, les Macédoniens trouvèrent fort étrange qu'on eût fait courre fortune à Perdiccas, et résolurent de lui faire raison de la témérité de Méléagre; si bien qu'ils vinrent en tumulte demander au roi « s'il avait commandé qu'on se saisit de Perdiccas? » Il répondit que oui; « mais que ç'avait été à la persuasion de Méléagre; qu'au reste, ils ne se devaient point émouvoir pour cela, parce que Perdiccas était plein de vie, et n'avait reçu aucune blessure. » Les ayant renvoyés de la sorte, Méléagre était bien effrayé, principalement de ce que la cavalerie lui avait tourné le dos; et ne sachant quel parti prendre, à cause qu'il se voyait tombé dans le piége qu'il avait tendu à son ennemi, il fut près de trois jours à consulter en soi-même ce qu'il devait faire.

Parmi ces désordres, il restait encore quelque image de la cour. Les ambassadeurs s'adressaient au roi, qui leur donnait audience en public; les capitaines se rangeaient auprès de sa personne, et les soldats faisaient garde aux avenues et à

quem metuat. << Rex patiebatur magis, quam assentiebatur. Itaque Meleager silentium pro imperio habuit, misitque regis nomine, qui Perdiccan arcesserent: iisdem mandatum, ut occiderent, si venire dubitaret. Perdicca, nunciato satellitum adventu, sexdecim omnino pueris regiæ cohortis comitatus, in limine domus suæ constitit; castigatosque, et Meleagri mancipia identidem appellans, sic animi vultusque constantia terruit, ut vix mentis compotes fugerent. Perdicca pueros equos jussit conscendere, et cum paucis amicorum ad Leonnatum pervenit; jam fir miore præsidio vim propulsaturus, si quis inferret. Postero die indigna res Macedonibus videbatur, Perdiccan ad mortis periculum adductum; et Meleagri temeritatem armis ultum ire decreverant : atque ille, seditione provisa, quum regem adiisset, interrogare eum cœpit, an Perdiccan comprehendi ipse jussisset: ille «< Meleagri instinctu se jussisse » respondit. « Ceterum non debere tumultuari eos; Perdiccan enim vivere. » Igitur, concione dimissa, Meleager, equitum maxime defectione perterritus, inopsque consilii (quippe in ipsum periculum reciderat, quod inimico paulo ante intenderat), triduum fere consumpsit incerta consilia volvendo. Et pristina quidem regiæ species manebat: nam et legati gentium regem adibant, et copia.

l'entrée du palais. Mais on voyait une consternation générale sur les visages, comme dans un dernier désespoir. Ils se défiaient tous les uns des autres, à un point qu'on n'eût osé parler ensemble, ni s'être accosté de personne; tellement qu'ils étaient contraints de s'entretenir avec leurs pensées, et de n'en laisser sortir aucune de leur sein. Ce roi, comparé avec celui qu'ils venaient de perdre, en rendait la perte plus sensible, et ils cherchaient en vain où était ce prince sous qui ils avaient triomphé de toute la terre. Ils se considéraient comme abandonnés à la merci de ces nations indomptables qu'ils avaient pour ennemies, et qui ne manqueraient pas, à la première occasion, de se venger des outrages qu'ils leur avaient fait souffrir. Comme les esprits étaient dans cette agitation, on leur vint dire que la cavalerie qui suivait Perdiccas arrêtait les blés qu'on amenait à la ville; de sorte qu'il y eut bientôt de la disette, et après vint la famine, qui les fit résoudre de s'accommoder avec Perdiccas, ou de le combattre.

Il était arrivé que les gens des champs, craignant les ravages des gens de guerre, s'étaient retirés dans la ville, et que plusieurs de la ville en étaient sortis faute de vivres, chacun croyant être mieux chez ses voisins que chez soi. Les Macédoniens, qui appréhendaient l'émeute des habitants, s'assemblèrent au logis du roi, et lui proposèrent d'envoyer des députés à la cavalerie, pour traiter et faire poser les armes. Le roi dépêcha aussitôt Pasas, Thessalien, et Amissas, Mégalopolitain, avec Périlaus, qui, après avoir exposé leur commission, rapportèrent qu'ils ne désarmeraient point qu'on ne leur eût mis entre

rum duces aderant, et vestibulum satellites armatique compleverant. Sed ingens sua sponte moestitia ultimæ desperationis index erat suspectique invicem non adire propius, non colloqui audebant, secretas cogitationes intra se quoque volventes; et ex comparatione regis novi desiderium excitabantur amissi. Ubi ille esset, cujus imperium, cujus auspicium sequuti erant, require. bant destitutos se inter infestas indomitasque gentes, expetituras tot cladium suarum pœnas, quandoque oblata esset occasio. His cogitationibus animos exedebant, quum annunciatur, equites, qui sub Perdicca essent, occupatis circa Babylonem campis, frumentum, quod in urbem invehebatur, retinuisse. Itaque inopia primum, deinde fames esse cœpit; et qui in urbe erant, aut reconciliandam gratiam cum Perdicca, aut armis certandum esse, censebant. Forte ita acciderat, ut, qui in agris erant, popula. tionem villarum vicorumque veriti, confugerent in urbem; oppidani, quum ipsos alimenta deficerent, urbe excederent, et utrique generi tutior aliena sedes, quam sua videretur. Quorum consternationem Macedones veriti, in regiam coeunt; quæque ipsorum sententia esset, exponunt. Placebat autem, legatos ad equites mitti de finienda discordia, armisque ponendis. Igitur a rege legatur Pasas Thessalus, et Amissas Megalopolitanus, et Perilaus : qui

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les mains les auteurs de la division. Sur cette réponse, les soldats courent aux armes, de leur mouvement; et Philippe, à ce bruit, sortant du palais, se présente à eux, et leur dit : « A quoi bon nous entre-couper la gorge, afin que ceux qui nous verront faire aient le prix du combat? D'ailleurs, souvenez-vous que vous avez affaire à vos citoyens, et que de leur retrancher d'abord toute espérance de grâce, c'est se précipiter dans une guerre civile. Essayons plutôt de les ramener par une seconde députation; peut-être que n'ayant pas encore rendu les derniers devoirs au roi, ce commun office de piété nous pourra réunir. Pour ce qui est de mon intérêt, j'aime mieux renoncer à l'empire que de répandre le sang de mes concitoyens; et, s'il ne tient qu'à cela que les affaires ne s'accommodent, je vous prie d'en élire un autre qui vaille mieux que moi. » En même temps, les larmes lui tombant des yeux, il s'ôte le diadème de la tête, et, étendant la main dont il le tenait, l'offre à qui croira le mériter mieux que lui.

Ce sage discours fit concevoir une grande espérance de ce prince, dont le mérite était demeuré jusque-là offusqué par l'éclat de la gloire de son frère; si bien qu'ils le pressèrent tous d'exécuter ce qu'il avait proposé. Il renvoya donc les mêmes députés vers Perdiccas et Léonnatus, les prier de recevoir Méléagre pour troisième chef; ce qu'ils obtinrent aisément, car Perdiccas ne demandait pas mieux que de retirer Méléagre d'auprès du roi, et il savait bien qu'un seul ne suffirait pas pour faire tête aux deux autres; de sorte que Méléagre sortant avec la phalange, Perdiccas vint au-devant de lui à la tête

quum mandata regis edidissent, non aliter posituros arma equites, quam si rex discordiæ auctores dedidisset, tulere responsum. His renunciatis, sua sponte milites arma capiunt; quorum tumultu e regia Philippus excitus : « Nihil, inquit, seditione est opus; nam inter se certantium præmia, qui quieverint, occupabunt. Simul mementote, rem esse cum civibus; quibus spem gratiæ cito abrumpere, ad bellum civile properantium est. Altera legatione an mitigari possint, experiamur : et credo, nondum regis corpore sepulto, ad præstanda ei justa omnes esse coituros. Quod ad me attinet, reddere hoc imperium malo, quam exercere civium sanguine et si nulla alia concordiæ spes est, oro quæsoque, eligite potiorem. » Obortis deinde lacrimis, diadema detrahit capiti, dextram, qua id tenebat, protendens, ut, si quis se digniorem profiteretur, acciperet. Ingentem spem indolis, ante eum diem fratris claritate suppressæ, ea moderata excitavit oratio. Itaque cuncti instare cœperunt, ut, quæ agitasset, exsequi vellet. Eosdem rursus legat petituros, ut Meleagrum tertium ducem acciperent. Haud ægre id impetratum est : nam et abducere Meleagrum Perdicca a rege cupiebat; et unum duobus imparem futurum esse censebat. Igitur Meleagro cum phalange obviam egresso, Perdicca equitum turmas antecedens occurrit. Utrumque agmen, mutua sa

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