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le lui reprochait, disant que c'était mal servir les intérêts de la patrie que de ne pas laisser d'enfants. Or, le fils de Pélopidas était connu pour ses débauches. Épaminondas répondit?«< Prenez garde << de la servir encore plus mal en lui laissant un fils << tel que le vôtre. D'ailleurs je ne mourrai point « sans postérité; je laisse une fille qui me survivra, << une fille immortelle, la bataille de Leuctres. » A l'époque où les exilés, sous la conduite de Pélopidas, s'emparèrent de Thèbes et chassèrent de la citadelle la garnison lacédémonienne, Épaminondas ne sortit point de chez lui tant que dura le massacre des citoyens, ne voulant ni défendre les séditieux ni les combattre, de peur de rougir ses mains du sang de ses compatriotes, ou de ticiper à une victoire qu'il regardait comme funeste. Mais il parut au premier rang lorsqu'il fallut combattre les Lacédémoniens à la Cadmée. J'aurai assez parlé de ses exploits et de sa vie quand j'aurai dit (ce que personne ne contestera), savoir, qu'avant la naissance et après la mort d'Épaminondas, Thèbes fut toujours soumise à la domination étrangère, et que, pendant le temps qu'il gouverna la république, elle fut à la tête de toute la Grèce d'où l'on peut conclure qu'un homme comme lui valait plus à lui seul que toute une nation.

par

Bootios. Id postquam audivit : « Satis inquit, vixi; invictus enim morior. » Tum ferro extracto, confestim exanimatus est.

X. Hic uxorem nunquam duxit. In quo quum reprehenderetur (quod liberos non relinqueret) a Pelopida, qui filium habebat infamem; maleque eum in eo patriæ consulere diceret : « Vide, inquit, ne tu pejus consulas, qui talem ex te natum relicturus sis. Neque vero stirps mihi potest deesse; namque ex me natam relinquo pugnam Leuctricam, quæ non modo mihi superstes, sed etiam immortalis sit necesse est. » Quo tempore, duce Pelopida, exsules Thebas occuparunt, et præsidium Lacedæmoniorum ex arce expulerunt, Epaminondas, quamdiu facta est cæ des civium, domo se tenuit; quod neque malos defendere volebat, neque impugnare, ne manus suorum sanguine cruentaret namque omnem civilem victoriam funestam putabat. Idem, postquam apud Cadmeam pugnari cum Lacedæmoniis cœpit, in primis stetit. Hujus de virtutibus vitaque satis erit dictum, si hoc unum adjunxero, quod nemo eat inficias, Thebas et ante Epaminondam natum, et post ejus interitum, perpetuo alieno paruisse imperio; contra ea, quamdiu ille præfuerit reipublicæ, caput fuisse totius Græciæ ex quo intelligi potest, unum hominem pluris, quam civitatem fuisse.

PÉLOPIDAS.

SOMMAIRE.

CHAP. I. Exil de Pélopidas. II. Son retour secret à Thè bes avec douze jeunes gens bannis comme lui. — III. Massacre des tyrans; il rend la liberté à sa patrie. — IV. Ses autres exploits lui sont communs avec Épami nondas. V. Il périt dans un combat contre Alexandre de Phères.

I. Pélopidas est plus connu des historiens que du vulgaire. Je ne sais de quelle manière je dois raconter ses grandes actions. Je crains, si je m'y étends, de ne pas paraître écrire la vie d'un homme, mais l'histoire d'une époque; et si je me borne à indiquer les faits, de ne point donner une idée de ce grand homme aux lecteurs peu versés dans la littérature grecque. Je tâcherai d'éviter ces deux inconvénients, et de suppléer à l'ignorance du lecteur sans le fatiguer par des répétitions. Le Lacédémonien Phébidas, menant une armée à Olynthe, et passant par Thèbes, s'empara de la citadelle de la ville, qu'on nomme la Cadmée, cxcité par un petit nombre de Thébains qui, pour résister plus facilement à la faction contraire, favorisaient les Lacédémoniens. Ce général avait agi de sa propre autorité et sans l'ordre de son gou. vernement. Il fut privé du commandement et condamné à une amende. Mais les Spartiates n'en gardèrent pas moins la citadelle, jugeant qu'il serait dangereux de laisser la liberté aux Thébains après les ressentiments éveillés par cette surprise. PELOPIDAS.

ARGUMENTUM.

CAP. I. In exsilium ejicitur. - II. Cum duodecim adolescentibus clam Thebas revertitur. III. Interfectis tyrannis, libertatem patriæ restituit. IV. Reliquæ ejus expeditiones communes cum Epaminonda. V. In prælio adversus Alexandrum Pheræum cadit.

I. Pelopidas, Thebanus, magis historicis quam vulgo notus. Cujus de virtutibus dubito quemadmodum exponam, quod vereor, ne, si res explicare incipiam, non vitam ejus enarrare, sed historiam videar scribere; si tantummodo summas attigero, ne rudibus litterarum græcarum minus lucide appareat, quantus fuerit ille vir. Itaque utrique rei occurram, quantum potero, et medebor quum satietati, tum ignorantiæ lectorum. Phoebidas Lacedæmonius, quum exercitum Olynthum duceret, iterque per Thebas faceret, arcem oppidi, quæ Cadmea nominatur, occupavit impulsu perpaucorum Thebanorum, qui, adversariæ factioni quo facilius resisterent, Laconum rebus studebant; idque suo privato, non publico fecit consilio. Quo facto eum Lacedæmonii ab exercitu removerunt, pecuniaque mulctarunt. Neque eo magis arcem Thebanis reddiderunt; quod, susceptis inimicitiis, satius ducebant eos obsideri, quam liberari. Nam post Pelopon. nesium bellum, Athenasque devictas, cum Thebanis sibi rem esse existimabant, et eos esse solos, qui adversus resistere auderent. Hac mente amicis suis summas potes

Depuis la guerre du Péloponnèse, ils regardaient les Thébains comme le seul peuple en état de leur résister. Ils firent donner à leurs partisans les plus hautes magistratures, et punir de mort ou envoyer en exil les chefs du parti contraire. De ce nombre était Pélopidas, dont j'écris la vie.

II. Presque tous ces bannis se retirèrent à Athènes, non pas pour y vivre dans l'inaction, mais pour profiter de la proximité, et saisir la première occasion qui se présenterait de délivrer leur patrie. Lorsque le moment leur parut arrivé, ils se concertèrent avec les amis qu'ils avaient dans la ville, et choisirent, pour accabler les tyrans et affranchir la république, un jour où les premiers magistrats avaient coutume de se réunir dans un festin. Il y a beaucoup d'exemples de grandes choses exécutées par un petit nombre d'hommes; mais on n'a jamais vu un pouvoir si bien établi, abattu par de si faibles moyens. Il n'y eut que douze jeunes gens qui se réunirent de tous ceux qui étaient exilés, et il n'y avait pas plus de cent conjurés pour s'exposer à de si grands périls. Il suffit de cette poignée d'hommes pour renverser la puissance des Lacédémoniens; car en faisant la guerre à leurs adversaires les conjurés attaquaient aussi les Lacédémoniens, qui dominaient alors sur toute la Grèce. Cette orgueilleuse puissance, ébranlée par ce coup, tomba bientôt à la bataille de Leuctres. Les douze exilés, ayant à leur tête Pélopidas, partirent d'Athènes pendant le jour, de manière à n'entrer dans Thèbes que le soir. Pour éloigner les soupçons pendant leur sortie, ils s'étaient vêtus en paysans, portaient des filets et avaient avec eux des chiens de chasse. Étant arrivés à l'heure convenue, ils se

tates dederant, alteriusque factionis principes partim interfecerant, alios in exsilium ejecerant : in quibus Pelopidas hic, de quo scribere exorsi sumus, pulsus patria carebat.

11. Hi omnes fere Athenas se contulerant, non quo sequerentur otium, sed ut, quemque ex proximo locum fors obtulisset, eo patriam recuperare niterentur. Itaque quum tempus est visum rei gerendæ, communiter cum bis, qui Thebis idem sentiebant, diem delegerunt, ad inimicos opprimendos civitatemque liberandam, eum, quo maximi magistratus simul consueverant epulari. Magnæ sæpe res non ita magnis copiis sunt gesta; sed profecto nunquam ab tam tenui initio tantæ opes sunt profligatæ. Nam duodecim adolescentuli coierunt ex his, qui exsilio erant mulctati, quum omnino non essent amplius centum, qui tanto se offerrent periculo. Qua paucitate perculsa est Lacedæmoniorum potentia. Hi enim non magis adversariorum factioni, quam Spartanis co tempore bellum intulerunt, qui principes erant totius Græciæ: quorum imperii majestas, neque ita multo post, Leuctrica pugna, ab hoc initio perculsa, concidit. Illi igitur duodecim, quorum erat dux Pelopidas, quum Athenis interdiu exissent, ut vesperascente cœlo Thebas possent pervenire, cum canibus venaticis exierunt, retia ferentes, vestitu agresti, quo minore suspicione facerent

rendirent à la maison de Charon, qui leur avait indiqué le jour et l'heure.

III. Au risque d'interrompre mon récit, je ne puis m'empêcher de faire une réflexion : c'est que la confiance poussée trop loin amène toujours de grands malheurs. Les magistrats furent avertis presque aussitôt de l'arrivée des douze exilés thébains; mais, dans l'ivresse du festin, ils ne s'inquié tèrent pas de cette nouvelle, et ne daignèrent même pas prendre des informations. Un autre incident fit voir jusqu'où allait leur aveuglement. On apportait d'Athènes, de la part de l'hierophante Archias, une lettre pour Archias, alors le premier magistrat de Thèbes. Cette lettre, qui l'instruisait du départ des conjurés et l'invitait à se tenir sur ses gardes, lui fut remise pendant qu'il était à table. Au lieu de la lire, il la mit sous son coussin sans la décacheter, en disant : « A demain les affaires sérieu<< ses. Mais au milieu de la nuit tous les convives, assoupis par le vin, furent tués par les exilés, qui, après cette exécution, se répandirent dans la ville, appelant le peuple aux armes et à la liberté. Pélopidas était à leur tête. On se réunit de toutes parts; les habitants des campagnes viennent se joindre à ceux de la ville. On attaque la citadelle et l'on en chasse la garnison lacédémonienne. C'est ainsi que Thèbes fut délivrée de l'état de siége où la tenaient ses ennemis. Ceux qui avaient provoqué l'occupation de la Cadmée furent mis à mort ou exilés.

IV. Comme nous l'avons dit plus haut, Épaminondas resta dans sa maison tant que dura la lutte entre les citoyens. Ainsi l'honneur d'avoir délivré Thèbes appartient tout entier à Pélopidas. Presque tous les autres exploits lui sont communs

iter. Qui quum tempore ipso, quo studuerant, pervenissent, domum Charonis devenerunt, a quo et tempus et dies erat datus.

III. Hoc loco libet interponere, etsi sejunctum ab re proposita est, nimia fiducia quanta calamitati soleat esse. Nam magistratuum Thebanorum statim ad aures pervenit, exsules in urbem devenisse. Id illi, vino epulisque dediti, usque eo despexerunt, ut ne quærere quidem de tanta re laborarint. Accessit etiam, quod magis aperiret eorum dementiam allata est enim epistola Athenis ab Archia hierophante, uni ex his, Archiæ, qui tum maximum magistratum Thebis obtinebat: in qua omnia de profectione exsulum perscripta erant. Quæ quum jam accubanti in convivio esset data, sicut erat signata, sub pulvinum subjiciens : « In crastinum, inquit, differo res severas. » At illi omnes, quum jam nox processisset, vinolenti ab exsulibus, duce Pelopida, sunt interfecti. Quibus rebus confectis, vulgo ad arma libertatemque vocato, non solum qui in urbe erant, sed etiam undique ex agris concurrerunt, præsidium Lacedæmoniorum ex arce pepulerunt, patriam obsidione liberaverunt, auctores Cadmeæ occupandæ partim occiderunt, partim in exsilium ejecerunt.

IV. Hoc tam turbido tempore, sicut supra docuimus, Epaminondas, quod cum civibus dimicatum est, domi quietus fuit. Itaque hæc liberandarum Thebarum propria

avec Epaminondas. A Leuctres, où celui-ci commandait en chef, il conduisait le bataillon sacré, qui le premier culbuta la phalange lacédémonienne. Il prit part à toutes les expéditions de ce grand capitaine. Au siége de Sparte, il commandait une aile de l'armée; il fut député chez les Perses pour hâter le rétablissement de Messène. C'était enfin l'un des deux plus grands citoyens de Thèbes; mais il n'en était que le second, et venait immédiatement après Épaminondas.

V. Il eut à lutter contre la mauvaise fortune. Nous avons vu qu'il fut d'abord exilé. Plus tard, il voulut soumettre la Thessalie aux Thébains, et se croyait suffisamment protégé par son titre d'ambassadeur, titre sacré aux yeux de toutes les nations, lorsqu'il fut arrêté avec Isménias, et mis en prison par Alexandre, tyran de Phères. Épaminondas le délivra en portant la guerre chez ce prince. Pélopidas ne put oublier l'outrage qu'il avait reçu. Il persuada à ses concitoyens de marcher au secours des Thessaliens et de les délivrer de leurs tyrans. Chargé de la conduite de cette guerre, il partit avec une armée, et n'hésita pas à en venir aux mains, dès qu'il aperçut l'ennemi. Ayant reconnu Alexandre dans la mêlée, emporté par la colère, il lança son cheval contre lui; mais il s'était trop éloigné des siens, et tomba percé de coups. C'était mourir au milieu de la victoire, car l'armée des tyrans avait déjà fléchi. Toutes les villes de la Thessalie reconnurent les services de Pélopidas, en lui décernant, quoique mort, des couronnes d'or et des statues d'airain. On donna aussi à ses enfants des domaines considérables.

laus est Pelopidæ : ceteræ fere omnes communes cum Epaminonda. Namque Leuctrica pugna, imperatore Epami nonda, hic fuit dux delectæ manus, quæ prima phalangem prostravit Laconum. Omnibus præterea periculis affuit; sicut, Spartam quum oppugnavit, alterum tenuit cornu; quoque Messena celerius restitueretur, legatus in Persas est profectus. Denique hæc fuit altera persona Thebis, sed tamen secunda, ita ut proxima esset Epaminondæ.

V. Conflictatus autem est cum adversa fortuna: nam et initio, sicut ostendimus, exsul patria caruit ; et quum Thessaliam in potestatem Thebanorum cuperet redigere, legationisque jure satis tectum se arbitraretur, quod apud omnes gentes sanctum esse consuesset, a tyranno Alexandro Pheræo simul cum Ismenia comprehensus, in vincula conjectus est. Hunc Epaminondas recuperavit, bello persequens Alexandrum. Post id factum, nunquam is animo placari potuit in eum, a quo erat violatus. Itaque persuasit Thebanis, ut subsidio Thessaliæ proficiscerentur, tyrannosque ejus expellerent. Cujus belli quum ei summa esset data, eoque cum exercitu profectus esset, non dubitavit, simul ac conspexit hostem, confligere. In quo prælio, Alexandrum ut animadvertit, incensus ira, equum in eum concitavit, proculque digressus a suis, conjectu telorum confossus concidit. Atque hoc secunda victoria accidit: nam jam inclinatæ erant ty rannorum copiæ. Quo facto, omnes Thessalia civitates interfectum Pelopidam coronis aureis, et statuis neis, liberosque ejus multo agro donarunt.

· AGÉSILAS.

SOMMAIRE.

CHAP. I. Agésilas dispute la royauté à son neven. — II. Il observe religieusement la trève conclue avec Tissapherne. III. Il ravage la Phrygie, prend ses quartiers d'hiver à Éphèse, et y exerce ses troupes. Il trompe l'ennemi par une fausse marche; il est toujours vainqueur en Asie. - IV. Il est rappelé dans sa patrie; il défait les Béotiens et les épargne. V. Vainqueur dans la guerre de Corinthe, il regrette le sang qu'elle a coûté à la Grèce. VI. Il refuse d'aller à la bataille de Leuctres; stratagème unique par lequel il fait lever aux Thébains le siége de Sparte. . VII. II aide sa patrie de l'argent qui lui appartient. VIII. La difformité d'Agésilas et son extérieur commun le font mépriser des barbares. Il meurt dans le port de Ménélas.

I. Tous les historiens ont fait un grand éloge d'Agésilas, particulièrement Xénophon, son ami, disciple de Socrate. Il commença par disputer la royauté à Léotychide, son neveu. Par suite d'une ancienne coutume, les Spartiates étaient toujours gouvernés par deux rois, qui en avaient le titre plutôt que l'autorité. Ces deux rois appartenaient aux familles de Proclès et d'Eurysthènes, descendants d'Hercule, premiers rois de Sparte. L'une de ces deux familles ne pouvait être mise à la place de l'autre ; chacune conservait ses droits à part. Le roi qui mourait était remplacé par le plus âgé de ses fils, et s'il ne laissait point d'enfants mâles, on choisissait le plus proche parent. Le roi Agis avait laissé, en mourant, un fils nommé Léotychide, qu'il n'avait pas reconnu de son vivant, mais qu'il avait avoué à ses derniers moments. Léotychide voulut soutenir ses droits

AGESILAUS.

ARGUMENTUM.

CAP. I. Cum fratris filio de honore regni contendit Agesilaus. II. Pactas cum Tissapherne inducias reiigiose servat. III. Phrygiam depopulatur. Ephesi hiemat, et militem exercet. Alio it, alio se iturum simulat. Semper in Asia victor. IV. Domum revocatur. Bootios vincit, iisque parcit. - V. Bello circa Corinthum victor, miseratur cædem Græcorum. - VI. Ad pugnam Leuctricam ire recusat. Spartam a Thebanis oppugnatam singulari servat commento. VII. Patriam sublevat pecunia. - VIII. Corpore deformis, apparatuque utens vulgari, contemnitur a barbaris. In portu Menelai moritur.

I. Agesilaus, Lacedæmonius, quum a ceteris scriptoribus, tum eximie a Xenophonte Socratico collaudatus est co enim usus est familiarissime. Hic primum de regno cum Leotychide, fratris filio, habuit contentionem. Mos est enim a majoribus Lacedæmoniis traditus, ut duos haberent semper reges, nomine magis quam imperio, ex duabus familiis Proclis et Eurysthenis, qui principes ex progenie Herculis Sparta reges fuerunt. Harum ex altera in alterius familiae locum fieri non licebat. Itaque utraque suum retinebat ordinem. Primum ratio habebatur, qui maximus natu esset ex liberis ejus, qui regnans decessisset. Sin is virilem sexum non reliquisset, tum deligebatur, qui

contre Agésilas, mais il ne réussit pas. Agesilas fut préféré, grâce à l'appui de Lysandre, dont nous avons déjà parlé, et qui était un homme remuant, jouissant alors d'une grande influence.

II. Dès qu'Agésilas fut en possession du gouvernement, il persuada aux Lacédémoniens d'envoyer une armée en Asie et de faire la guerre au roi de Perse, leur démontrant qu'ils avaient plus d'avantage à combattre en Asie qu'en Europe. Le bruit s'était répandu qu'Artaxerxès équipait une flotte et rassemblait une armée pour envahir la Grèce. Agésilas ayant été autorisé à agir, déploya tant d'activité, qu'il était en Asie avec son armée avant que les satrapes eussent connaissance de son départ. Aucun n'était préparé et en état de se défendre. A la nouvelle de son arrivée, Tissapherne, le premier des généraux persans, lui demanda une trève, sous prétexte de travailler à un accommodement, mais en effet pour rassembler des troupes. Il obtint une suspension d'armes de trois mois. L'un et l'autre jurèrent de l'observer. Agésilas tint fidèlement sa promesse, mais Tissapherne n'employa ce temps qu'à se préparer à la guerre. Agésilas s'apercevait bien de cette perfidie; mais il ne voulut pas commencer les hostilités, disant qu'il acquerrait par là un grand avantage sur Tissapherne, qui, par son parjure, irritait les dieux et indisposait les hommes; tandis que lui, en gardant sa foi, augmentait la confiance de son armée, qui se verrait assurée de la protection des dieux, et se conciliait la faveur des hommes, toujours portés pour ceux qui remplissent fidèlement leurs promesses.

proximus esset propinquitate. Mortuus erat Agis rex, frater Agesilai; filium reliquerat Leotychidem, quem ille natum non agnorat, eumdem moriens suum esse dixerat. Is de honore regni cum Agesilao, suo patruo, contendit; neque id, quod petivit, consecutus est. Nam Lysandro suffragante, homine, ut ostendimus supra, factioso, et his temporibus potente, Agesilaus antelatus est.

II. Hic, simul atque imperii potitus est, persuasit Lacedaemoniis, ut exercitum emitterent in Asiam, bellumque regi facerent, docens satius esse in Asia, quam in Europa dimicare. Namque fama exierat Artaxerxem comparare classes, pedestresque exercitus, quos in Græciam mitteret. Data potestate, tanta celeritate usus est, ut prius in Asiam cum copiis pervenerit, quam regii satrapæ eum scirent profectum. Quo factum est, ut omnes imparatos imprudentesque offenderet. Id ut cognovit Tissaphernes, qui summum imperium tum inter præfectos habebat regios, inducias a Lacone petivit, simulans se dare operam, ut Lacedæmoniis cum rege conveniret; re autem vera, ad copias comparandas: easque impetravit trimestres. Juravit autem uterque, se sine dolo inducias conservaturum; in qua pactione summa fide mansit Agesilaus : contra ea Tissaphernes nibil aliud, quam bellum comparavit. Id etsi sentiebat Laco, tamen jusjurandum servabat, multumque in eo se consequi dicebat, quod Tissaphernes perjurio suo et homines suis rebus abalienaret, et deos sibi iratos redderet; se autem, servata religione, confirmare exercitum, quum animadverteret deorum numen facere CORNELIUS NÉPOS.

III. Cependant la trève étant expirée, Tissapherne, qui avait la plus grande partie de ses possessions dans la Carie, considérée alors comme la plus riche province de l'Asie, y concentra toutes ses forces, ne doutant point que l'ennemi ne débutât par l'envahir. Mais Agésilas marcha d'abord sur la Phrygie et la dévasta, avant que Tissapherne eût fait un mouvement. Après quoi il ramena ses soldats, chargés de butin, à Ephèse, pour passer l'hiver. Il y établit des ateliers d'armes et s'occupa activement de ses préparatifs de guerre; et, pour que les soins de l'armement et de l'équipage fussent un objet d'émulation pour le soldat, il institua des prix pour ceux qui se distingueraient dans cette partie du service. Il fit la même chose pour tous les genres d'exercices, accordant de grandes récompenses aux plus habiles. Il parvint ainsi à se créer une armée brillante et exercée. Lorsqu'il crut le moment venu de faire sortir ses troupes de leurs quartiers, il comprit que s'il annonçait de quel côté il voulait se diriger, l'ennemi ne le croirait pas, et lui soupçonnant d'autres projets, porterait ses forces sur d'autres points. C'est ce qui arriva. Il avait dit qu'il irait à Sardes, mais Tissapherne crut devoir protéger la Carie; puis se voyant trompé et vaincu en habileté, il courut au secours des siens : il était trop tard. Lorsqu'il arriva, Agésilas avait déjà forcé plusieurs places et enlevé un grand butin. Reconnaissant la supériorité de la cavalerie ennemie, il ne s'exposa jamais en rase campagne, et n'en vint aux mains que dans les lieux où l'infanterie avait l'avantage; ce qui lui donna la

secum; hominesque sibi conciliari amiciores, quod his studere consuessent, quos conservare fidem viderent.

III. Postquam induciarum præteriit dies, barbarus, non dubitans, quod ipsius erant plurima domicilia in Caria, et ea regio his temporibus multo putabatur locupletissima, eo potissimum hostes impetum facturos, omnes suas copias eo contraxerat. At Agesilaus in Phrygiam se convertit, eamque prius depopulatus est, quam Tissaphernes usquam se moveret. Magna præda militibus locupletatis, Ephesum hiematum exercitum reduxit; atque ibi, officinis armorum institutis, magna industria bellum apparavit; et, quo studiosius armarentur, insigniusque ornarentur, præmia proposuit, quibus donarentur, quorum egregia in ea re fuisset industria. Fecit idem in exercitationum generibus, ut, qui ceteris præstitissent, cos magnis afficeret muneribus. His igitur rebus effecit, ut et or natissimum et exercitatissimum haberet exercitum. Huic quum tempus esset visum, copias extrahere ex hibernaculis, vidit, si, quo esset iter facturus, palam pronuntiasset, hostes non credituros, aliasque regiones præsidiis occupaturos, nec dubitaturos aliud esse facturum, ac pronuntiasset. Itaque, quum ille Sardis iturum se dixisset, Tissaphernes eamdem Cariam defendendam putavit. In quo quum eum opinio fefellisset, victumque se vidisset consilio, sero suis præsidio profectus est: nam quum illo venisset, jam Agesilaus, multis locis expugnatis, magna erat præda potitus. Laco autem, quum videret hostes equitatu superare, nunquam in campo sui fecit potestatem, et

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victoire dans toutes les rencontres, quoique ses ennemis fussent beaucoup plus nombreux. Enfin il se conduisit avec tant d'habileté en Asie, qu'il en fut généralement regardé comme le vainqueur. - IV. Il allait pénétrer en Perse, et attaquer le roi lui-même, lorsque les éphores lui envoyèrent un courrier pour lui annoncer que Thèbes et Athènes avaient déclaré la guerre aux Lacédémoniens. On lui ordonna de revenir sur-le-champ. C'est ici qu'on doit admirer sa vertu comme citoyen, après avoir admiré ses talents comme général. Chef d'une armée victorieuse, à la veille de conquérir le royaume de Perse, et loin des magistrats qui lui commandaient de revenir, il obéit comme un simple particulier dans l'assemblée du peuple à Lacédémone. Plût aux dieux que nos généraux eussent suivi cet exemple! Mais je reviens à mon récit. Agésilas préféra l'estime de ses concitoyens à un puissant empire, et trouva qu'il était plus glorieux de se soumettre aux lois de sa patrie que de conquérir l'Asie. Il fit repasser l'Hellespont à ses troupes, et marcha si rapidement, qu'il fit en un mois le chemin que Xerxès n'avait fait qu'en un an. Comme il approchait du Péloponnèse, les Athéniens et les Béotiens essayèrent de l'arrêter à Coronée il les défit dans la célèbre bataille de ce nom. Voici le trait qui honora le plus sa victoire. La plupart des fuyards s'étaient réfugiés dans un temple de Minerve on vient lui demander ce qu'il voulait qu'on en fit. Quoiqu'il eût reçu plusieurs blessures dans le combat, et qu'il parût fort irrité contre les ennemis, il sacrifia son ressentiment à la religion, et défendit de les maltraiter. Ce ne fut pas seulement dans la Grèce qu'il fit res

his locis manum conseruit, quibus plus pedestres copiæ valerent. Pepulit ergo, quotiescunque congressus est, multo majores adversariorum copias, et sic in Asia versatus est, ut omnium opinione victor duceretur.

IV..Hic quum jam ànimo meditaretur proficisci in Persas, et ipsum regem adoriri, nuntius ei domo venit epho rorum jussu, bellum Athenienses et Bocolios indixisse Lacedæmoniis; quare venire ne dubitaret. In hoc non minus ejus pietas suspicienda est, quam virtus bellica: qui, quum victori præesset exercitui, maximamque haberet fiduciam regni Persarum potiundi, tanta modestia dicto audiens fuit jussis absentium magistratuum, ut si privatus in comitio esset Sparta. Cujus exemplum ulinam imperatores nostri sequi voluissent! Sed illuc redeamus. Agesilaus opulentissimo regno præposuit bonam existimationem, multoque gloriosius duxit, si institutis patriæ paruisset, quam si bello superasset Asiam. Hac igitur mente Hellespontum copias trajecit, tantaque usus est celeritate, ut, quod iter Xerxes anno vertente confecerat, fic transierit triginta diebus. Quum jam haud ita longe abesset a Peloponneso, obsistere ei conati sunt Athenienses et Bootii, ceterique eorum socii, apud Coroneam : quos omnes gravi prælio vicit. Hujus victoriæ vel maxima fuit laus, quod, quum plerique ex fuga se in templum Minervæ conjecissent, quærereturque ab eo, quid his fieri vellet, etsi aliquot vulnera acceperat eo prælio, et

pecter les temples des dieux, i protegeait aussi les autels et les idoles chez les barbares. Il disait souvent qu'il s'étonnait qu'on ne mît pas au nombre des sacriléges quiconque n'épargnait pas celui qui l'invoquait au nom des dieux, et qu'on ne punit pas les atteintes portées à la religion aussi rigoureusement que la spoliation des temples.

V. Après la bataille de Coronée, la guerre se concentra autour de Corinthe; c'est pour cela qu'on la nomma la guerre de Corinthe. Agésilas attaqua les ennemis et leur tua dix mille hommes dans un seul combat, ce qui les affaiblit considérablement. Loin de s'enorgueillir de sa victoire, Agésilas gémit sur la perte de tant de soldats enlevés à la Grèce par la faute de ses adversaires. « Sans notre aveuglement, disait-il, <«< ces dix mille hommes auraient pu nous venger des Perses.» Ayant forcé l'ennemi de se renfermer dans ses murailles, on le pressait d'assiéger la ville. Il s'y refusa, en disant «< que ce serait

une action indigne de lui; que sa mission était << de ramener à leur devoir ceux qui s'en étaient « écartés, et non pas d'emporter d'assaut les villes « les plus illustres de la Grèce. Anéantir ceux qui « nous ont aidés à combattre les barbares, ajou tait-il, c'est nous détruire nous-mêmes sous « les yeux de nos ennemis, qui, paisibles specta«teurs de la lutte, viendront ensuite nous anéan« tir à notre tour. »

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VI. La journée de Leuctres, si fatale aux Lacédémoniens, vint mettre un terme à leurs prospérités. Agésilas n'assistait point à la bataille, quoique ses amis l'en eussent pressé; il semblait qu'il devinât l'issue de la guerre : mais il se mon

iratus videbatur omnibus, qui adversus arina tulerant, tamen antetulit iræ religionem, et eos vetuit violari. Neque vero hoc solum in Græcia fecit, ut templa deorum sancta haberet; sed etiam apud barbaros summa religione omnia simulacra arasque conservavit. Itaque prædicabat mirari se, non sacrilegorum numero haberi qui supplicibus eorum nocuissent, aut non gravioribus pœnis affici, qui religionem minuerent, quam qui fana spoliarent.

V. Post prælium, collatum est omne bellum circa Corinthum, ideoque Corinthium est appellatum. Hic quum una pugna decem millia hostium, Agesilao duce, cecidissent, eoque facto opes adversariorum debilitatæ videren tur, tantum abfuit ab insolentia gloriæ, ut commiseratus sit fortunam Græciæ, quod tam multi a se victi vitio adversariorum concidissent: namque illa multitudine, si sana mens esset Græciæ, supplicium Persas dare potuisse. Idem quum adversarios intra moenia compulisset, et, ut Corinthum oppugnaret, multi hortarentur, negavit id suæ virtuti convenire; se enim eum esse dixit, qui ad officium peccantes redire cogeret, non qui urbes nobilissimas expugnaret Græciæ. « Nam si, inquit, eos exstinguere voluerimus, qui nobiscum adversus barbaros steterunt, nosmetipsi nos expugnaverimus, illis quiescentibus: quo facto, sine negotio, quum voluerint, nos oppriment.

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VI. Interim accidit illa calamitas apud Leuctra Lacedæmoniis quo ne proficisceretur, quum a plerisque ad

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