| qu'il ne voulût joindre l'Afrique à sa conquête de la Perse, envoient, pour épier ses projets, Hamilcar, surnommé Rhodanus, homme d'une sagacité et d'une éloquence remarquables. La prise de Tyr (A. de R. 422), leur mère-patrie, la fondation d'Alexandrie (A. de R. 423), rivale de Carthage, sur les confins de l'Afrique et de l'Égypte, enfin le bonheur d'Alexandre, dont la fortune comme l'ambition étaient sans bornes, tout concourait à augmenter ces craintes. Hamilcar ayant obtenu, par l'entremise de Parménion, une audience d'Alexandre, lui dit que, «< chassé de sa patrie, il venait se réfugier vers « lui et lui offrir ses services. » Il pénétra ainsi les projets du prince, et en rendit compte à ses concitoyens sur des tablettes de bois enduites d'une couche de cire unie. Mais lorsqu'après la mort d'Alexandre, Hannon revint dans sa patrie, ses ingrats concitoyens, sous prétexte qu'il avait | vendu la ville au roi, poussèrent la cruauté et la haine jusqu'à le faire périr (A. de R. 430). LIVRE XXII. I. Agathocle (A. de R. 437), tyran de Sicile, héritier de la puissance de Denys l'Ancien, s'éleva d'une condition pauvre et basse à la majesté du trône. Fils d'un potier de Sicile, il eut une enfance honteuse comme son origine; et sa beauté remarquable, qu'il livrait à la prostitution, fournit longtemps aux besoins de son existence. Arrivé à la puberté, il passa, dans la débauche, du service des hommes à celui des femmes, et, devenu fameux chez l'un et l'autre sexe, il quitta ce genre de vie Alexandri Magni exterriti, verentes, ne Persico regno et Africam vellet adjungere, mittunt ad speculandos ejus | animos Hamilcarem cognomento Rhodanum, virum solertia facundiaque præter cæteros insignem. Augebant enim metum et Tyrus urbs, auctor originis suæ, capta: et Alexandria, æmula Carthaginis, in terminis Africa et Ægypti condita: et felicitas regis, apud quem nec cupiditas, nec fortuna ullo modo terminabantur. Igitur Hamil. car, per Parmenionem aditu regis obtento, profugisse se ad regem expulsum patria fingit, militemque se expeditionis offert. Atque ita consiliis ejus exploratis, in tabellis ligneis, vacua desuper cera inducta, civibus suis omnia perscribebat. Sed Carthaginienses post mortem regis reversum in patriam, quasi urbem regi venditasset, non ingrato tantum, verum etiam invido et crudeli animo, necaverunt. LIBER XXII. 1. Agathocles, Siciliæ tyrannus, qui magnitudini prioris Dionysii successit, ad regni majestatem ex humili et sordido genere pervenit. Quippe in Sicilia patre figulo natus, non honestiorem pueritiam, quam principia originis, habuit, siquidem forma et corporis pulchritudine egregius, diu vitam stupri patientia exhibuit. Annos deinde puber pour celui de brigand. A que que temps de là, s'étant retiré à Syracuse où il avait reçu le droit de cité, il y fut longtemps sans crédit, parce qu'en fait de fortune et d'honneur il semblait n'avoir plus rien à perdre ni à compromettre. Enfin, il s'enrôla comme simple soldat; et aussi turbulent alors qu'il avait été débauché, on le vit résolu à tout oser. Car il était brave et éloquent; aussi devintil bientôt centurion, puis tribun militaire. Dès sa première campagne contre les Etnéens, il donna aux Syracusains d'éclatants témoignages de ses talents, et, dans la seconde contre les Campaniens, il fit concevoir à tous de si hautes espérances, qu'il fut nommé général, à la mort de Damascon. Il en épousa ensuite la veuve, qu'il avait séduite du vivant même de son mari. Non content de cette transition subite de la misère à l'opulence, il se fit pirate contre sa patrie. Sauvé par la discrétion de ceux qu'il s'était associés et qui résistèrent à la torture, il tenta deux fois d'asservir Syracuse, et deux fois il fut exilé. II. Il s'était retiré chez les Murgantins, lesquels, en haine de Syracuse, le nommèrent préteur d'abord et ensuite général. Il commence par s'emparer de Léontium, et vient assiéger Syracuse sa patrie. Appelé au secours de cette ville, Hamilcar, général des Carthaginois, oubliant ses inimitiés, lui envoie un renfort; de sorte qu'un ennemi défendait Syracuse avec tout le zèle d'un citoyen, tandis qu'un citoyen l'attaquait avec tout l'acharnement d'un ennemi. Comme la défense était plus vive que l'attaque, Agathocle députe vers Hamilcar pour le supplier d'être l'arbitre de la paix entre lui et les Syracusains, s'engageant à | tatis egressus, libidinem a viris ad feminas transtulit. Post hæc apud utrumque sexum famosus vitam latrociniis mutavit. Interjecto tempore, quum Syracusas concessisset, adscitusque in civitatem inter incolas esset, diu sine fide fuit; quoniam nec in fortunis quod amitteret, nec in verecundia quod inquinaret, habere videbatur: in summa, gregariam militiam sortitus, non minus tunc seditiosa quam antea turpi vita, in omne facinus promptissimus erat. Nam et manu strenuus, et in concionibus perfacun. dus habebatur. Brevi itaque centurio, ac deinceps tribunus militum factus est. Primo bello adversus Ætnæos magna experimenta sui Syracusanis dedit. Sequenti Campanorum, tantam de se spem omnibus fecit, ut in locum demortui ducis Damasconis sufficeretur. Cujus uxorem adulterio cognitam post mortem viri in matrimonium recepit. Nec contentus, quod ex inope repente dives factus esset, piraticam adversus patriam exercuit. Saluti ei fuit, quod socii capti tortique de illo negaverunt. Bis occupare imperium Syracusarum voluit: bis in exsilium actus est. II. A Murgantinis, apud quos exsulabat, odio Syracusanorum, primo prætor, mox dux creatur. In eo bello et urbem Leontinorum capit, et patriam suam Syracusas obsidere cœpit : ad cujus auxilium Hamilcar, dux Pœnorum, imploratus, depositis hostilibus odiis, præsidia militum mittit. Ita uno eodemque tempore Syracusæ et ab hoste, civili amore defensa, et a cive, hostili odio impugnatæ sunt. Sed reconnaître dans l'occasion l'importance de ce bienfait. Confiant dans cette promesse, et craignant d'ailleurs la puissance d'Agathocle, Hamilcar fait alliance avec lui, afin d'en obtenir, pour accroître son propre pouvoir à Carthage, le même secours qu'il lui prêterait contre les Syracusains: et non-seulement il lui ménagea la paix, mais il le fit nommer préteur. Agathocle, la main posée sur des torches de cire, jure à Hamilcar d'être fidèle à Carthage; il reçoit de lui cinq mille Africains, et met à mort les principaux Syracusains. Sous prétexte de donner une forme au gouvernement, il convoque le peuple au théâtre, après avoir assemblé d'abord le sénat au Gymnase, comme pour régler quelques préliminaires. Puis il met en mouvement ses troupes, cerne le peuple, massacre les sénateurs, et couronne son œuvre par l'assassinat des plus riches et des plus entreprenants parmi les plébéiens. « retombera sur les Carthaginois eux-mêmes, lesquels s'apercevront bientôt de ses funestes ré« sultats en Afrique aussi bien qu'en Sicile. » Ces plaintes irritèrent le sénat contre Hamilcar. Cependant, comme ce dernier était à la tête de l'armée, on délibéra secrètement, et les votes, avant d'être dépouillés, furent placés dans une urne et scellés, jusqu'à ce que l'autre Hamilcar, fils de Giscon, fût revenu de la Sicile. Mais cette délibération secrète, ces suffrages mystérieux, devinrent inutiles par la mort d'Hamilcar. Le destin sauva celui que ses concitoyens avaient injustement condamné sans l'entendre. Agathocle prit prétexte de ce jugement pour faire la guerre aux Carthaginois. Vaincu dans une première bataille par Hamilcar, fils de Giscon, il rentra à Syracuse, pour y lever des troupes plus nombreuses et réparer son échec. Mais, à la seconde bataille, il ne fut pas plus heureux (A. de R. 443). III. Il lève alors des soldats, et en forme une armée avec laquelle il tombe à l'improviste sur les villes voisines, qui ne s'attendaient pas à cette agression. D'accord avec Hamilcar, il harcèle sans pudeur les alliés de Carthage, où ceux-ci envoient des députés pour se plaindre moins d'Agathocle que d'Hamilcar. Ils disent « que le pre«mier est un usurpateur et un tyran, et le se«cond un traître qui, en vertu d'une convention « expresse, livre à leur plus cruel ennemi la for« tune des alliés ; qui, après lui avoir donné pourqueur! Le secret dont il couvrit son projet ne « gage de son alliance Syracuse, l'éternelle en << nemie de Carthage et la rivale de sa puissance, « lui a cédé au même titre les villes alliées : qu'en conséquence ils déclarent que cette trahison Agathocles, quum videret fortius defendi urbem, quam oppugnari, precibus per internuntios Hamilcarem exorat, ut inter se et Syracusanos pacis arbitria suscipiat, peculiaria in ipsum officia sua repromittens. Qua spe impletus Hamilcar societatem cum eo, metu potentiæ ejus, jungit: ut, quantum virium Agathocli adversus Syracusanos dedisset, tantum ipse ad incrementa domestica potentiæ reciperaret. Igitur non pax tantum Agathocli conciliatur, verum etiam prætor Syracusis constituitur. Tunc Hamilcari, expositis ignibus cereis tactisque, in obsequia Pœnorum jurat. Deinde acceptis ab eo quinque millibus Afrorum, potentissimos quosque ex principibus interficit : atque ita veluti reipublicæ statum formaturus, populum in theatrum ad concionem vocari jubet, contracto in gymnasio senatu, quasi quædam prius ordinaturus. Sic compositis rebus, immissis militibus populum obsidet, senatum trucidat : cujus peracta cæde, ex plebe quoque locupletissimos et promptissimos interficit. III. His ita gestis, militem legit, exercitumque conscribit: quo instructus, finitimas civitates, nihil hostile metuentes: ex improviso aggreditur. Pœnorum quoque socios, permittente Hamilcare, fœde vexat: propter quod querelas Carthaginem socii non tam de Agathocle, quam de Hamilcare, detulerunt : « Hunc ut dominum et tyrannum, illum ut proditorem arguentes, a quo infestissimo hosti, fortunæ sociorum, interposita pactione, donatæ } IV. Les Carthaginois vainqueurs assiégent Syracuse (A. de R. 444). Agathocle, se voyant inférieur en forces et sans matériel suffisant pour soutenir un siége, abandonné d'ailleurs par ses alliés que ses rigueurs avaient offensés, résolut de porter la guerre en Afrique : merveilleuse audace d'un homme qui, ne pouvant lutter dans sa propre ville contre son ennemi, va l'attaquer dans ses foyers, et qui, vaincu, insulte à son vain fut pas moins surprenant: il se contenta de dire au peuple « qu'il avait trouvé le chemin de la «< victoire; que maintenant il n'était besoin de « courage que pour un siége de peu de durée; sint sicut ab initio Syracusæ in pignus societatis sint traditæ, urbs semper Pœnis infesta, et de imperio Sicilia Carthaginis æmula: nunc insuper civitates sociorum eidem titulo pacis addictas. Denuntiare igitur se, hæc brevi ad ipsos redundatura, ac propediem sensuros, quantum malum non Siciliæ magis, quam ipsi Africa, attulerint. »> His querelis senatus in Hamilcarem accenditur. Sed quoniam in imperio esset, tacita de eo suffragia tulerunt, et sententias, priusquam recitarentur, in urnam conjectas, obsignari jusserunt, dum alter Hamilcar, Gisconis filius, a Sicilia reverteretur. Sed hæc callida commenta Pœnorum, et sententias inauditas mors Hamilcaris prævenit; liberatusque est fali munere, quem sui per injuriam cives inauditum damnaverant. Quæ res Agathocli adversus Pœnos occasionem movendi belli dedit. Prima igitur illi cum Hamilcare Gisconis filio prælii congressio fuit: a quo victus, majore mole reparaturus bellum, Syracusas concessit. Sed secundi certaminis eadem fortuna, quæ et prioris, fuit. IV. Quum igitur victores Pœni Syracusas obsidione cinxissent, Agathoclesque se nec viribus parem, neque ad obsidionem ferendam instructum videret; super hæc a sociis, crudelitate ejus offensis, desertus esset, statuit bellum in Africam transferre, mira prorsus audacia, ut, quibus in solo urbis suæ par non erat, eorum urbi bellum inferret, et qui sua tueri non poterat, impugnaret aliena; " qu'au reste, si quelqu'un était mécontent de la « situation des affaires, il était libre de se reti<«<rer. »> Seize cents citoyens quittèrent Syracuse; il fournit aux autres les armes et les vivres nécessaires à la défense de la ville, et n'emporta avec lui que cinquante talents pour les dépenses urgentes, aimant mieux prendre le surplus chez ses ennemis que chez ses alliés. Tous les esclaves en âge de porter les armes, il les affranchit, leur fait prêter serment, et les embarque avec la plus grande partie de son armée, persuadé qu'ainsi confondus, ces hommes de différentes conditions rivaliseraient de courage. Le reste fut laissé pour défendre le pays. « << mais en rase campagne et ouverts de tous cô« tés, seront aisément entraînés dans son parti « par la crainte d'être saccagés; que la guerre « sortira plus menaçante pour les Carthaginois « de l'Afrique que de la Sicile; qu'on s'unira << de toutes parts contre une ville qui n'a guère « pour appui que son nom, et qu'ainsi les forces << dont il manque, il les tirera de l'ennemi même ; « que la frayeur subite des Carthaginois, leur « étonnement de tant d'audace, n'aideront pas a médiocrement à les vaincre; que l'incendie des << campagnes, le pillage des châteaux et des vil<«<les qui résisteront, le siége de Carthage elle« même, leur apprendront que s'ils attaquent au« trui, on peut user envers eux de représailles; « qu'ainsi non-seulement ils peuvent être vain«< cus, mais la Sicile être délivrée : car, se voyant assiégés chez eux, ils ne s'arrêteront pas plus « longtemps à assiéger Syracuse; qu'il n'y eut ja<< mais perspective de guerre plus facile, ni de bu« tin plus abondant, car, une fois Carthage prise, « l'Afrique entière et la Sicile deviennent le prix des vainqueurs; que la gloire d'une si légitime en«treprise grandira d'âge en âge, et triomphera « du temps et de l'oubli; qu'on citera les Syracu<< sains comme les seuls, entre tous les peuples, qui aient porté chez l'ennemi la guerre qu'ils ne pouvaient soutenir chez eux; qui, vaincus, << aient poursuivi leurs vainqueurs, et assiégé « qui les assiégeait; qu'il leur faut donc marcher << en avant avec courage et gaieté, nulle guerre ne « devant les combler de plus de biens s'ils sont vainqueurs, de plus de gloire s'ils sont vain V. La septième année de son règne, il part accompagné de ses deux fils, Arcagathe et Héraclide, déjà dans l'adolescence, et fait voile vers l'Afrique (A. de R. 444), sans qu'aucun de ses soldats sache où il les mène. Tous croyaient aller faire la piraterie en Italie ou en Sardaigne. Il les débarque sur la côte d'Afrique, et leur révèle ses projets. Il leur expose d'abord la situation de Syracuse, « laquelle, disait-il, ne peut plus être sauvée qu'en faisant à l'ennemi le mal « qu'elle souffre elle-même; qu'autre chose est « de faire la guerre au dedans, autre chose de « la faire au dehors; qu'au dedans il ne faut « compter, pour se défendre, que sur soi-même,« « mais qu'au dehors on fait servir contre l'en« nemi ses propres forces, ses alliés qui l'abandcn«< nent, impatients d'un joug trop longtemps souf«fert, et comptant sur l'étranger pour se déli« vrer; qu'en outre les villes, les châteaux de « l'Afrique n'étant ni fortifiés, ni sur des hauteurs, victusque victoribus insultaret. Hujus consilii non minus admirabile silentium, quam commentum, fuit, populo hoc solum professus, «< invenisse se victoriæ viam : animos illi tantum in brevem obsidionis patientiam firmarent : vel, si cui status præsentis fortunæ displiceret, dare se ei discedendi liberam potestatem. » Quum mille sexcenti discessissent, cæteros ad obsidionis necessitatem frumento et stipendio instruit : quinquaginta tantum secum talenta ad præsentem usum aufert, cætera ex hoste melius, quam ex sociis paraturus. Omnes deinde servos militaris ætatis, libertate donatos sacramento adegit, eosque, et majorem partem ferme militum, navibus imponit; ratus, exæquata utriusque ordinis conditione, mutuam inter eos virtutis æmulationem futuram: cæteros omnes ad tutelam patriæ reliquit. V. Septimo igitur imperii anno, comitibus duobus adultis filiis, Archagatho et Heraclida, nullo militum sciente quo veheretur, cursum in Africam dirigit. Quum omnes ant in Italiam prædatum se, aut in Sardiniam ituros crederent, tum primum, exposito in Africæ littore exercitu, consilium suum omnibus aperit. Quo in loco Syracusæ positæ sint, ostendit : « quibus aliud nullum auxilium superesset, quam ut hostibus faciant, quæ ipsi patiantur. Quippe aliter domi, aliter foris, bella tractari. Domi ea sola auxilia esse, quæ patriæ vires subministrent: foris hostem etiam suis viribus vinci, deficientibus sociis, et odio diuturni imperii extera auxilia circumspicientibus. «< cus. »> Huc accedere, quod urbes, castellaque Africæ, non muris cinctæ, non in montibus positæ sint, sed in planis campis, sine ullis munimentis, jaceant; quas omnes metu excidij facile ad belli societatem perlici posse. Majus igitur Carthaginiensibus ab ipsa Africa, quam ex Sicilia, exarsurum bellum, coituraque auxilia omnium adversus unam urbem, nomine quam opibus ampliorem, et quas non attu lerit vires, inde sumpturum. Nec in repentino Pœnorum metu modicum momentum victoriæ fore, qui tanta audacia hostium perculsi, trepidaturi sint. Accessura et villarum incendia, castellorum, urbiumque contumacium direptionem, tum ipsius Carthaginis obsidionem. Quibus omnibus non sibi tantum in alios, sed et aliis in se sentient patere bella. His non solum Pœnos vinci, sed et Siciliam liberari posse. Nec enim moraturos in ejus obsidione hostes, quum sua urgeantur. Nusquam igitur alibi facilius bellum, sed nec prædam uberiorem inveniri posse. Nam, capta Carthagine, omnem Africam Siciliamque præmium victorum fore. Gloriam certe tam honestæ militiæ tantam in omne ævum futuram, ut terminari nullo tempore oblivione possit: ut dicatur, eos solos mortalium esse, qui bella, quæ domi ferre non poterant, ad hostes transtulerint, victique victores insequuti sint, et obsessores urbis suæ obsede. rint. Omnibus igitur forti ac lato animo bellum ineundum, quo nullum aliud possit aut præmium victoribus uberius, aut victis monumentum illustrius dare. » VI. His quidem adhortationibus animi militum erige ་ VI. Ces exhortations encourageaient les sol- | ginoises. Partout on s'étonne, partout on admire dats, lorsque, chemin faisant, une éclipse de une si brusque attaque tentée contre un État si soleil (A. de R. 444, le 15 août, à deux heures puissant, par un ennemi déjà vaincu. De la suraprès midi) les frappa d'une terreur supersti- prise on passe insensiblement au mépris pour tieuse. Le roi leur donna les raisons de ce phé- les Carthaginois; et bientôt après, non-seulement nomène avec non moins de soin que celles de les Africains, mais les villes les plus considérala guerre, affirmant « que, si ce prodige eût bles, suivent le mouvement, se déclarent pour « précédé l'embarquement, c'eût été pour eux Agathocle, et lui fournissent des vivres et de «< une menace, mais qu'étant arrivé au départ, l'argent. « cela regardait ceux qu'ils allaient combattre; « que les éclipses, événements d'ailleurs naturels, « étant toujours suivies de quelque révolution << politique, ce signe leur promettait infaillible« ment que la grande prospérité de Carthage al- | « lait avoir un terme, aussi bien que leurs propres « revers. » Après les avoir ainsi rassurés, il fait brûler les vaisseaux, du consentement de toute l'armée, afin que, n'y ayant plus de moyen de fuir, chacun sentit qu'il fallait vaincre ou mourir. Puis, ravageant les pays par où ils passaient, incendiant les campagnes et les châteaux, ils livrent bataille à Hannon, qui venait à leur rencontre avec trente mille hommes. Deux mille Siciliens restent sur le champ de bataille, et trois mille Carthaginois avec leur général (A. de R. 444). Cette victoire releva le courage des uns et abattit celui des autres. Agathocle poursuivant cet avantage, emporta d'assaut villes et places fortes, fit un immense butin, égorgea des milliers d'ennemis, et vint ensuite camper à cinq milles de Carthage, pour que les habitants vissent du haut de leurs murs la ruine de ce qu'ils avaient de plus cher, la dévastation de leurs champs, l'incendie de leurs maisons de campagne. Cependant la renommée publie dans toute l'Afrique la destruction de l'armée et la prise des villes cartha bantur: sed terrebat eos portenti religio, quod naviganti bus eis sol defecerat. Cujus rei rationem non minore cura rex, quam belli, reddebat, affirmans, « si prius, quam proficiscerentur, factum esset, crediturum adversum profecturos prodigium esse : nunc, quia egressis accederit, illis, ad quos eatur, portendere. Porro defectus naturalium siderum semper præsentem rerum statum mutare; certumque esse, florentibus Carthaginiensium opibus, adversisque rebus suis, commutationem significari. » Sic consolatis militibus, universas naves, consentiente exercitu, incendi jubet, ut omnes scirent, auxilio fugæ adempto, aut vincendum, aut moriendum esse. Deinde quum omnia, quacumque ingrederentur, prosternerent, villas castellaque incenderent, obvius eis fuit cum xxx millibus Pœnorum Hanno sed prælio commisso, duo de Siculis, tria millia de Pœnis cum ipso duce cecidere. Hac victoria et Siculorum animi eriguntur, et Pœnorum franguntur. Agathocles, victis hostibus, urbes castellaque expugnat, prædas ingentes agit, hostium multa millia trucidat. Castra deinde in quinto lapide a Carthagine statuit, ut damna carissimarum rerum, vastitatemque agrorum, et incendia villarum de muris ipsius urbis specularentur. Interea ingens tota Africa deleti Pœnorum exercitus fama, occupatarumque urbium, divulgatur. Stupor itaque omnes et admiratio in VII. A ces malheurs éprouvés par les Carthaginois, et comme pour en combler la mesure, se joignit la défaite, en Sicile, de leur armée et de son général. On disait qu'après le départ d'Agathocle, les Carthaginois ayant mis plus de mollesse à pousser le siége de Syracuse, avaient été massacrés par Antandre, frère du roi. Également malheureux au dedans et au dehors, ils furent abandonnés non-seulement par les villes tributaires, mais aussi par les rois leurs alliés, lesquels ne réglaient pas leur amitié sur la bonne foi, mais sur la fortune (A. de R. 444-445). L'un d'eux, Opheltas, roi de Cyrène, plein du téméraire espoir de soumettre l'Afrique, avait fait par ses ambassadeurs un traité d'alliance avec Agathocle (A. de R. 446), promettant qu'après la défaite des Carthaginois il lui céderait la Sicile, et garderait pour soi l'empire de l'Afrique. Il vient donc avec une puissante armée se joindre à Agathocle, qui le caresse, le flatte jusqu'à s'humilier devant lui, l'invite souvent à sa table, lui fait adopter un de ses fils, et finit par l'assassiner. Il s'empare de son armée, recommence l'attaque contre les Carthaginois, qui avaient ramassé toutes leurs forces, et gagne sur eux une bataille sanglante et considérable. Les Carthaginois en furent si abattus, que, sans une sédition qui s'éleva dans : cessit, unde tanto imperio tam subitum bellum, præsertim ab hoste jam victo admiratio deinde paulatim in contemptum Pœnorum vertitur. Nec multo post non Afri tantum, verum etiam urbes nobilissimæ, novitatem sequutæ, ad Agathoclem defecere; frumentoque et stipendio victorem instruxere. VII. His Pœnorum malis etiam deletus in Sicilia cum imperatore exercitus, velut quidam ærumnarum cumulus; accessit. Nam post profectionem a Sicilia Agathoclis, in obsidione Syracusarum Pœni segniores redditi, ab Antandro, fratre regis Agathoclis, occidione cæsi nuntiabantur. Itaque quum domi forisque eadem fortuna Carthaginiensium esset, jam non tributariæ tantum ab his urbes, verum etiam socii reges deficiebant, amicitiarum jura non fide, sed successu ponderantes. Erat inter cæteros rex Cyrenarum Opheltas, qui spe improba regnum tolius Africæ amplexus, societatem cum Agathocle per legatos junxerat, pactusque cum eo fuerat, ut Siciliæ illi, sibi Africa imperium, victis Carthaginiensibus, cederet. Itaque, quum ab belli societatem cum ingenti exercitu ipse venisset, Agathocles blando alloquio, et humili adulatione, quum sæpius simul cœnassent, adoptatusque filius ejus ab Ophelta esset, incautum interficit; occupatoque exercitu ejus, iterato Carthaginienses, omnibus viribus bellum l'armée d'Agathocle, Bomilcar, leur chef, fût passé à l'ennemi avec toutes ses troupes. Pour le punir de ce lâche dessein, les Carthaginois le crucifièrent au milieu de la place publique, afin que le même lieu qui avait été le théâtre de ses honneurs le fût aussi de son supplice. Bomilcar souffrit avec courage la cruauté de ses concitoyens, et du haut de sa croix, comme d'un tribunal, faisant l'énumération de leurs crimes, il leur reprochait, « et la mort d'Hannon faussement accusé d'aspirer à la tyrannie, et l'exil de Giscon innocent, et leurs votes secrets contre son oncle Hamilcar, parce qu'il avait mieux aimé se faire d'Agathocle un allié qu'un ennemi. » Cela dit à haute voix et en présence d'une foule immense, il expira. VIII. Cependant Agathocle, après avoir ruiné la puissance carthaginoise en Afrique, laisse l'armée à son fils Arcagathe (A. de R. 447), et passe en Sicile, persuadé que ses succès en Afrique seraient nuls, si le siége de Syracuse durait plus longtemps; car, depuis la mort d'Hamilcar, fils de Giscon, les Carthaginois avaient envoyé contre cette ville une nouvelle armée. A peine arrivé en Sicile, toutes les villes où s'était répandu le bruit de ses exploits se rendent à l'envi; il en chasse de toutes parts les Carthaginois, et est bientôt maître de l'île entière. Il retourne ensuite en Afrique, où il est accueilli par ses troupes mutinées. Son fils ayant ajourné le payement de leur solde jusqu'à son retour, il les rassemble, leur adresse des paroles de douceur, et les calme en leur disant « que ce n'est pas à lui qu'ils « ont à réclamer leur solde, mais qu'ils doi cientes, magno utriusque exercitus sanguine, gravi prælio superat. Hoc certaminis discrimine tanta desperatio illata Pœnis est, ut, nisi in exercitu Agathoclis orta seditio fuisset, transiturus ad eum Bomilcar, rex Pœnorum, cum exercitu fuerit. Ob quam noxam in medio foro a Pœnis patibulo suffixus est: ut idem locus monumentum suppliciorum ejus esset, qui ante fuerat ornamentum honorum. Sed Bomilcar magno animo crudelitatem civium tulit; adeo ut de summa cruce, veluti de tribunali, in Pœnorum scelera concionaretur; objectans illis, nunc « Hannonem falsa affectati regni invidia circumventum : » nunc « Gisconis innocentis exsilium: » nunc « in Hamilcarem patruum suum tacita suffragia, quod Agathoclem socium illis facere, quam hostem maluerit. » Hæc quum in maxima populi concione vociferatus esset, exspiravit. VIII. Interea Agathocles, profligatis in Africa rebus, tradito Archagatho filio exercitu, in Siciliam recurrit, nihil actum in Africa existimans, si amplius Syracusæ obsiderentur. Nam post occisum Hamilcarem, Gisconis filium, novus eo a Pœnis missus exercitus fuerat. Statim igitur primo adventu ejus omnes Siciliæ urbes, auditis rebus, quas in Africa gesserat, certatim se ei tradunt: atque ita pulsis e Sicilia Pœnis, totius insulæ imperium occupavit. In Africam deinde reversus, seditione militum excipitur. Nam stipendiorum solutio in adventum patris dilata a filio fuerat. Igitur ad concionem vocatos blandis « vent l'attendre de l'ennemi; que le butin leur « sera commun comme la victoire; qu'ils l'ai« dent seulement à faire la guerre, car ils savent << que la prise de Carthage comblera les désirs de « tous. » La révolte s'apaise; Agathocle marche à l'ennemi; mais, ayant imprudemment engagé la bataille, il perd la plus grande partie de ses troupes. Réfugié dans son camp, ses soldats exaspérés lui reprochaient son imprudence, en attendant qu'ils lui reprochassent de nouveau de ne pas leur payer leur solde. Préoccupé de cette crainte, il s'enfuit du camp au milieu de la nuit, seul avec son fils Arcagathe. A cette nouvelle, les soldats eurent peur, comme s'ils fussent déjà prisonniers des Carthaginois. « C'était, disaient-ils, la seconde fois que leur roi «<les abandonnait au milieu de leurs ennemis, et qu'il renonçait à défendre la vie de ceux qu'il << n'aurait pas même dû quitter morts. » Comme ils voulaient le poursuivre, arrêtés par les Numides, ils rentrent dans leur camp, non sans avoir pris et emmené Arcagathe, que l'obscurité avait séparé de son père. Pour Agathocle, il retourne à Syracuse sur les mêmes vaisseaux et avec les mêmes pilotes qui l'avaient ramené de Sicile. Rare exemple de lâcheté, qu'un roi délaissant son armée, qu'un père trahissant ses enfants! Après la fuite du roi, ses troupes font un traité avec les ennemis, tuent les fils d'Agathocle, et se rendent aux Carthaginois. Arcagathe, recevant la mort de la main d'Arcésilas, autrefois l'ami de son père, lui demandait «< ce que, << selon lui, Agathocle ferait aux enfants de « l'homme qui l'aurait privé des siens. » Arcésilas verbis permulsit : « stipendia illis non a se flagitanda esse, sed ab hoste quærenda: communem victoriam, communem prædam futuram. Paulum modo anniterentur, dum belli reliquiæ peragantur, quum sciant, Carthaginem captam spes omnium expleturam. » Sedato militari tumultu, interjectis diebus ad castra hostium exercitum ducit : ibi inconsultius prælium committendo, majorem partem exercitus perdidit. Quum itaque in castra fugisset, versamque in se invidiam temere commissi belli videret, pristinamque offensam non depensi stipendii metueret, concubia nocte solus a castris cum Archagatho filio profugit. Quod ubi milites cognovere, haud secus, quam si ab hoste capti essent, trepidavere : «< bis se a rege suo in mediis hostibus relictos esse, » proclamantes : « salutemque suam desertam ab eo esse, quorum ne sepultura quidem relinquenda fuerit. » Quum persequi regem vellent, a Numidis excepti in castra revertuntur, comprehenso tamen reductoque Archagatho, qui a patre noctis errore discesserat. Agathocles autem navibus, quibus reversus a Sicilia fuerat, cum custodibus earumdem Syracusas defertur. Exemplum flagitii singulare, rex exercitus sui desertor, filiorumque pater proditor. Interim in Africa post fugam regis, milites pactione cum hostibus facta, interfectis Agathoclis liberis, Carthaginiensibus se tradidere. Archagathus quum occideretur ab Ar cesilao, amico antea patris, rogavit eum, « quidnam liberis ejus facturum Agathoclem putet, per quem ipse liberis |