« voyant exclu de tous les conseils, obtint une audience d'Antiochus, et, après avoir protesté de sa loyauté, lui dit : « J'avais à peine neuf ans lors« que mon père, partant pour l'Espagne en qua«lité de général, offrit des victimes à Jupiter. « Pendant le sacrifice, il me demanda si je vou<< lais partir avec lui. Je lui répondis que je le voulais, et je le pressai même de m'emmener. Oui, reprit-il, mais à une condition : c'est de me <«< faire la promesse que je vais te demander. En « même temps il m'approcha de l'autel, et, « écartant les assistants, il me fit jurer, la main « sur l'autel, une haine éternelle aux Romains. « Ce serment que je fis à mon père, je l'ai gardé «jusqu'à ce jour, et ma fidélité doit répondre « pour l'avenir. Si vous voulez vous unir aux Ro« mains, vous faites bien de me le cacher; mais << si vous vous préparez à leur faire la guerre, vous « agissez contre vos intérêts en choisissant un au« tre chef. >> " III. Ce fut donc à l'âge de neuf ans qu'Annibal partit pour l'Espagne avec son père. Après la mort d'Amilcar, Asdrubal, devenu général, lui donna le commandement de la cavalerie; et quand Asdrubal eut été tué, l'armée le nomma général à sa place ce choix fut approuvé à Carthage, et Annibal se vit à la tête d'une armée avant l'âge de vingt-cinq ans. Dans l'espace de trois ans, il soumit l'Espagne, prit d'assaut la ville de Sagonte, alliée des Romains, et leva trois armées. Il fit passer l'une en Afrique, laissa l'autre en Espagne, sous les ordres de son frère Asdrubal, et marcha avec la dernière en Italie. Il franchit d'abord les Pyrénées, ayant à combattre partout où il passait, et partout demeurant vain Amilcar, puerulo me, utpote non amplius novem annos nato, in Hispaniam imperator, proficiscens Carthagine, Jovi optimo maximo hostias immolavit. Quæ divina res dum conficiebatur, quæsivit a me, vellemne secum in castra proficisci? ld quum libenter accepissem, atque ab eo petere cœpissem, ne dubitaret ducere, tum ille : « Faciam, inquit, si fidem mihi, quam postulo, dederis. » Simul me ad aram adduxit, apud quam sacrificare instituerat, eamque, ceteris remotis, tenentem jurare jussit, nunquam me in amicitia cum Romanis fore. Id ego jusjurandum, patri datum, usque ad hanc, ætatem ita conservavi, ut nemini dubium esse debeat, quin reliquo tempore cadem mente sim futurus. Quare, si quid amice de Romanis cogitabis, non imprudenter feceris, si me celaris; quum quidem bellum parabis, te ipsum frustraberis, si non me in eo principem posueris. III. Hac igitur, qua diximus, ætate cum patre in His paniam profectus est: cujus post obitum, Asdrubale imperatore suffecto, equitatui omni præfuit. Hoc quoque interfecto, exercitus summam imperii ad eum detulit. Id, Carthaginem delatum, publice comprobatum est. Sic Annibal, minor quinque et viginti annis natus, imperator factus, proximo triennio omnes gentes Hispaniæ bello subegit: Saguntum, fœderatam civitatem, vi expugnavit: tres exercitus maximos comparavit. Ex his unum in Afri queur. Il arriva au pied des Alpes, qui séparent l'Italie de la Gaule. Personne ne les avait encore franchies avec une armée, à l'exception d'Hercule, ce qui leur a fait donner de nos jours le nom d'Alpes Grecques. Annibal les gravit, bat les montagnards qui s'opposaient à son passage, s'ouvre de nouveaux chemins à force de travaux, et parvient à faire passer un éléphant tout chargé dans des sentiers où un homme seul et sans armes pouvait à peine se glisser en rampant. Ce fut par là qu'il conduisit ses troupes et descendit en Italie. IV. Il avait déjà rencontré le consul P. Cornélius Scipion sur les bords du Rhône, et l'avait battu. Il le rencontre encore près du Pô et le met en fuite. Le consul fut blessé dans ce combat, où il s'agissait d'occuper Clastidium. Scipion vint le chercher une troisième fois auprès de la Trébie, avec son collègue Tibérius Longus. Annibal accepta la bataille et les défit. De là il entra en Ligurie, et traversa l'Apennin pour gagner l'Étrurie. Dans cette marche il fut attaqué d'un violent mal d'yeux, et depuis n'y vit jamais bien de l'œil droit. Il souffrait encore de cette incommodité, qui l'obligeait même à se faire porter en litière, lorsqu'il attira dans une embuscade, près du fleuve Trasimène, le consul Flaminius avec les légions, et le défit; Flaminius y fut tué. Peu de temps après, le préteur C. Centénius, qui occupait des défilés avec une troupe d'élite, éprouva le même sort. Annibal entra ensuite en Apulie, où il eut à combattre les deux consuls C. Térentius Varron et L. Paulus Émilius. Il les vainquit dans une seule bataille. L. P. Émilius y perdit la vie, ainsi que d'autres personnages consulai : cam misit, alterum cum Asdrubale fratre in Hispania reliquit, tertium in Italiam secum duxit. Saltum Pyrenæum transiit. Quacunque iter fecit, cum omnibus incolis conflixit neminem, nisi victum, dimisit. Ad Alpes posteaquam venit, quæ Italiam ab Gallia sejungunt, quas nemo unquam cum exercitu ante eum, præter Herculem Graium, transierat (quo facto is hodie saltus Graius appellatur), Alpicos, conantes prohibere transitum, concidit, loca patefecit, itinera muniit, effecitque, ut ea elephantus ornatus ire posset, qua antea unus homo inermis vix poterat repere: hac copias traduxit, in Italiamque pervenit. IV. Conflixerat apud Rhodanum cum P. Cornelio Scipione Cos., eumque pepulerat. Cum hoc eodem de Clastidio apud Padum decernit: saucium inde ac fugatum dimittit. Tertio idem Scipio cum collega Tiberio Longo apud Trebiam adversus eum venit: cum his manum conseruit; utrosque profligavit. Inde per Ligures Apenninum transiit, petens Etruriam. Hoc itinere adeo gravi morbo afficitur oculorum, ut postea nunquam dextero æque bene usus sit. Qua valetudine quum etiam nunc premeretur, lecticaque ferretur, C. Flaminium cos. apud Trasimenum cum exercitu insidiis circumventum occidit, neque multo post C. Centenium prætorem, cum delecta manu saltus occupantem. Hinc in Apuliam pervenit. Ibi obviam ei venerunt duo consules, C. Terentius et L. Paulus Æmilius. res, entre autres Cn. Servilius Géminus, consul l'année précédente. Trébie. Carthage était épuisée, Annibal tâcha d'amener le général romain à une trève, afin de recommencer la guerre avec avantage. Ils eurent une conférence à ce sujet, mais sans pouvoir s'entendre sur les conditions. Peu de jours après, ils en vinrent aux mains auprès de Zama. Annibal fut vaincu, et ne mit (chose incroyable) que deux jours et deux nuits pour arriver à Adrumète, éloigné de Zama d'environ trois cents milles. Dans cette fuite, les Numides qui s'étaient sauvés avec lui lui dressèrent des embûches. Nonseulement il leur échappa, mais il les extermina. Il rallia les fuyards dans Adrumète et refit en peu de jours son armée, au moyen de nouvelles levées. V. Après cette bataille, Annibal marcha sur Rome sans trouver de résistance, et s'arrêta sur les hauteurs voisines de la ville. Après y avoir campé quelques jours, il retournait à Capoue, lorsque le dictateur romain Q. Fabius Maximus vint lui disputer le passage sur le territoire de Falerne, et réussit à l'enfermer dans des défilés. Annibal s'en dégagea pendant la nuit, sans éprouver de perte. Voici comment il donna le change à Fabius, si rusé lui-même. Profitant des ténèbres, il attacha des sarments aux cornes de jeunes taureaux, y mit le feu, et lâcha ces animaux dans la campagne. Ce spectacle étrange frappa de terreur l'armée romaine, qui n'osa pas sortir de ses retranchements. Peu de jours après, Annibal eut l'adresse d'attirer au combat le général de la cavalerie, M. Minucius Rufus, qui partageait le commandement avec le dictateur, et le mit en fuite. Quoique absent, il fit tomber et périr dans une embuscade, en Lucanie, Tib. Sempronius Gracchus, consul pour la seconde fois. Marcus Claudius Marcellus, alors dans son cinquième consulat, pé-ple Romain du traité fait avec eux, et leur offrir, rit de la même manière auprès de Vénuse. Il serait trop long de citer toutes les victoires d'Annibal: il suffira, pour faire juger de sa supériorité, de dire qu'aucune armée ne lui résista en bataille rangée tant qu'il fut en Italie, et que, depuis la journée de Cannes, aucun général n'osa camper devant lui. VI. Rappelé dans sa patrie pour la défendre, ce capitaine, jusqu'alors invincible, eut à combattre le fils de ce P. Scipion qu'il avait défait sur les rives du Rhône, sur celles du Pô, et près de la Utriusque exercitus uno prælio fugavit : Paulum consulem occidit, et aliquot præterea consulares in his Cn. Servilium Geminum, qui superiore anno fuerat consul. V. Hac pugna pugnata, Romam profectus, nullo resistente, in propinquis urbis montibus moratus est. Quum aliquot ibi dies castra habuisset, et reverteretur Capuam, Q. Fabius Maximus, dictator romanus, in agro Falerno se ei objecit. Hic clausus locorum angustiis, noctu sine ullo detrimento exercitus se expedivit. Fabio, callidissimo imperatori, verba dedit: namque, obducta nocte, sarmenta in cornibus juvencorum deligata incendit, ejusque generis multitudinem magnam dispalatam immisit; quo repentino objectu viso, tantum terrorem injecit exercitui Romanorum, ut egredi extra vallum nemo sit ausus. Hanc post rem gestam non ita multis diebus, M. Minucium Rufum, magistrum equitum, pari ac dictatorem imperio, dolo productum in prælium, fugavit. Tib. Sempronium Gracchum, iterum consulem, in Lucanis absens in insidias inductum sustulit. M. Claudium Marcellum, quinquies consulem, apud Venusiam pari modo interfecit. Longum est enumerare prælia. Quare hoc unum satis erit dictum, ex quo intelligi possit, quantus ille fuerit. Quandiu in Italia fuit, nemo ei in acie restitit, nemo adversus eum post Cannensem pugnam in campo castra posuit. VI. Hic invictus patriam defensum revocatus, bellum gessit adversus P. Scipionem, filium ejus, quem ipse pri VII. Il poussait ses préparatifs avec vigueur, lorsque les Carthaginois firent la paix avec les Romains. Il n'en conserva pas moins le commandement, et dirigea les expéditions d'Afrique, ainsi que son frère Magon, jusqu'au consulat de P. Sulpicius et de C. Aurélius. C'est à cette époque que les Carthaginois envoyèrent des ambassadeurs à Rome pour remercier le sénat et le peu comme marque de reconnaissance, une couronne d'or. Ils demandaient en outre que les otages fussent transférés à Frégelles, et que les prisonniers fussent rendus. On leur répondit, par un décret, que leur don était agréé, que les otages seraient transférés au lieu demandé; mais qu'on ne rendrait pas les prisonniers tant qu'Annibal, l'auteur de la guerre et l'ennemi juré du nom romain, serait à la tête de leurs troupes, avec son frère Magon. Quand cette réponse fut con mum apud Rhodanum, iterum apud Padum, tertio apud Trebiam fugaverat. Cum hoc, exhaustis jam patriæ facul tatibus, cupivit in præsentiaruin bellum componere, quo valentior postea congrederetur. In colloquium convenit; conditiones non convenerunt. Post id factum paucis diebus apud Zamam cum eodem conflixit: pulsus, incredibile dictu! biduo et duabus noctibus Adrumetum pervenit, quod abest a Zama circiter millia passuum trecenta. In hac fuga Numidæ, qui simul cum eo ex acie excesserant, insidiati sunt ei: quos non solum effugit, sed etiam ipsos oppressit. Adrumeti reliquos ex fuga collegit: novis delectibus, paucis diebus, multos contraxit. VII. Quum in apparando acerrime esset occupatus, Carthaginienses bellum cum Romanis composuerunt. Ille nihilo secius exercitui postea præfuit, resque in Africa gessit, itemque Mago frater ejus, usque ad P. Sulpicium et C. Aurelium consules. His enim magistratibus legati Carthaginienses Romam venerunt, qui senatui populoque Romano gratias agerent, quod cum his pacem fecissent, ob eamque rem corona aurea eos donarent, simulque peterent, ut obsides eorum Fregellis essent, captivique redderentur. His ex senatus consulto responsum est, munus eorum gratum acceptumque esse; obsides, quo loco rogarent, futuros; captivos non remissuros, quod Annibalem, cujus opera susceptum bellum foret, inimicissimum no. mini Romano, etiam nunc cum imperio apud exercitum nue à Carthage, on rappela Annibal et Magon. Le premier fut nommé préteur à son retour: il avait été roi vingt-deux ans auparavant. Les Carthaginois avaient deux rois annuels, comme les Romains deux consuls. Annibal se montra aussi habile dans cette nouvelle charge que dans le commandement des armées. Il créa de nouveaux impôts, dont il consacra une partie au payement des sommes dues aux Romains par suite des traités. Il fit verser le reste dans le trésor public. Mais un an après sa préture, sous le consulat de M. Claudius et de L. Furius, Rome envoya des députés à Carthage. Persuadé que les Romains en voulaient à sa personne et envoyaient pour qu'on la leur livrât, il n'attendit pas que les députés fussent reçus par le sénat. Il s'embarqua secrètement et se réfugia en Syrie, à la cour d'Antiochus. Le bruit de sa fuite s'étant répandu, on mit deux vaisseaux à sa poursuite. Ses biens furent vendus publiquement, on rasa sa maison et on le condamna à l'exil. VIII. Trois ans après, sous le consulat de L. Cornélius et de Q. Minucius, il revint en Afrique avec cinq vaisseaux, et débarqua sur les côtes de Cyrène. Il voulait exciter les Carthaginois à recommencer la guerre, leur faisant espérer d'être secourus par Antiochus, qu'il avait déjà décidé à marcher sur l'Italie à la tête de ses troupes. Il avait, disait-il, la certitude que ce roi ne manquerait pas à ses promesses. Il manda près de lui son frère Magon; mais dès qu'on sut à Carthage le départ de celui-ci, on le condamna aux mêmes peines qu'on avait prononcées contre Annibal. N'ayant plus rien à espérer, les deux frères levè haberent, itemque fratrem ejus Magonem. Hoc responso Carthaginienses cognito, Annibalem domum Magonemque revocarunt. Huc ut rediit, prætor factus est, postquam rex fuerat, anno secundo et vicesimo. Ut enim Romæ consules, sic Carthagine quotannis annui bini reges creabantur. In eo magistratu pari diligentia se Annibal præbuit, ac fuerat in bello: namque effecit, ex novis vectigalibus non solum ut esset pecunia, quæ Romanis ex fœdere penderetur, sed etiam superesset, quæ in ærario reponeretur. Deinde, anno post præturam, Marco Claudio, Lucio Furio Coss., Romani legati Carthaginem venerunt. Hos Annibal sui exposcendi gratia missos ratus, priusquam his senatus daretur, navem conscendit clam, atque in Syriam ad Antiochum profugit. Hac re palam facta, Pœni naves duas, quæ eum comprehenderent, si pos. sent consequi, miserunt, bona ejus publicarunt, domum a fundamentis disjecerunt, ipsum exsulem judicarunt. VIII. At Annibal anno tertio, postquam domo profugerat, L. Cornelio, Quinto Minucio Coss., cum quinque navibus Africam accessit, in finibus Cyrenæorum, si forte Carthaginienses ad bellum, Antiochi spe fiduciaque, inducere posset: cui jam persuaserat, ut cum exercitibus in Italiam proficisceretur. Huc Magonem fratrem excivit. Id ubi Pœni resciverunt, Magonem eadem, qua fratrem, absentem pœna affecerunt. Illi, desperatis rebus, quum sol rent l'ancre, mirent à la voile, et Annibal revint près d'Antiochus. Magon périt dans le trajet. Les historiens sont partagés sur son genre de mort les uns disent qu'il fit naufrage, les autres qu'il fut tué par ses esclaves. Quant à Antiochus, s'il eût suivi les conseils d'Annibal comme il les suivit en se déclarant l'ennemi des Romains, c'est sur les bords du Tibre qu'il aurait disputé l'empire aux Romains, et non aux Thermopyles. Malgré l'extravagance de sa conduite pendant cette guerre, Annibal ne l'abandonna jamais. Chargé du commandement de quelques vaisseaux qu'il devait faire passer de Syrie en Asie, il combattit la flotte des Rhodiens sur la mer de Pamphylie. Les siens furent accablés par le nombre; mais du côté où il était il remporta l'avantage. IX. Après la défaite d'Antiochus, Annibal craignit d'être livré aux Romains, ce qui serait arrivé s'il était resté auprès du roi. Il se rendit dans l'ile de Crète, chez les Gortyniens, pour y aviser au choix d'une retraite. Il avait emporté avec lui des sommes considérables, et le bruit s'en était répandu. Connaissant la cupidité des Crétois, il comprit qu'il avait tout à craindre de leur part. Voici par quelle ruse il sauva ses richesses. Il remplit de plomb plusieurs amphores qu'il couvrit d'or et d'argent à la surface, et les déposa, en présence des premiers de la ville, dans le temple de Diane, comme s'il eût confié sa fortune à leur bonne foi. Les ayant trompés de la sorte, il cacha son argent dans des statues d'airain qu'il avait avec lui, et qu'il laissa négligemment dans le vestibule de sa maison. Pendant ce temps-là, les Gortyniens gardaient avec soin l'en vissent naves, ac vela ventis dedissent, Annibal ad Antiochum pervenit. De Magonis interitu duplex memoria prodita est. Namque alii naufragio, alii a servis ipsius interfectum eum, scriptum reliquerunt. Antiochus autem, si tam in agendo bello parere voluisset consiliis ejus, quam in suscipiendo instituerat, propius Tiberi, quam Thermopylis, de summa imperii dimicasset. Quem etsi multa stulte conari videbat, tamen nulla deseruit in re. Præfuit paucis navibus, quas ex Syria jussus erat in Asiam ducere, hisque adversus Rhodiorum classem in Pamphylio mari conflixit. Quo quum multitudine adversariorum sui superarentur, ipse, quo cornu rem gessit, fuit superior. IX. Antiocho fugato, verens, ne dederetur, quod sine dubio accidisset, si sui fecisset potestatem, Cretam ad Gortynios venit, ut ibi quo se conferret, consideraret. Vidit autem vir omnium callidissimus, magno se fore periculo, nisi quid providisset, propter avaritiam Cretensium magnam enim secum pecuniam portabat, de qua sciebat exisse famam. Itaque capit tale consilium : amphoras complures complet plumbo; summas operit auro et argento. Has, præsentibus principibus, deponit in templo Dianæ, simulans, se suas fortunas illorum fidei credere. His in errorem inductis, statuas æneas, quas secum portabat, omnes sua pecunia complet, easque in propatulo domi abjicit. Gortynii templum magna cura custodiunt, trée du temple, moins pour en écarter les voleurs XI. Après cette harangue, les deux flottes s'aque pour empêcher Annibal de reprendre et d'em-vancent l'une contre l'autre. Au moment d'engager porter avec lui le trésor qui leur avait été commis. la bataille, Annibal, pour désigner aux siens le X. Ayant ainsi joué les Crétois et conservé sa vaisseau d'Eumène, envoie un messager dans un fortune, le rusé Carthaginois se rendit à la cour esquif avec le caducée. Celui-ci, arrivé auprès de de Prusias, roi de Pont. Toujours fidèle à sa haine la flotte ennemie, montre une lettre et dit qu'il contre les Romains, il fit tous ses efforts pour veut parler au roi. On le conduit devant Eumène, armer ce prince contre eux et leur susciter un croyant qu'il s'agit de propositions de paix. Pour nouvel ennemi. Prusias n'étant pas très-puis- lui, ayant fait connaître le vaisseau royal, il se resant par lui-même, il lui faisait contracter des tire. Eumène ouvre la lettre, et n'y trouve que des alliances avec d'autres rois et l'associait à des na- railleries sur sa personne. Surpris de cette démartions belliqueuses. Ce prince était alors en guerre che dont il ne devine pas la cause, il ne laisse pas avec Eumène, roi de Pergame, entièrement dévoué d'engager le combat. Les Bythiniens, suivant l'oraux Romains, ce qui excitait encore Annibal à sa dre d'Annibal, fondent tous sur le vaisseau du roi, perte. Ils combattaient sur terre et sur mer; mais qui, ne pouvant résister, prend la fuite et se réful'alliance avec Rome donnait la supériorité à gie au milieu de sa réserve mouillée auprès du riEumène. Sa mort seule pouvait permettre à An- vage. Il n'aurait pas échappé sans cela. Cependant nibal d'exécuter ses projets. Voici le moyen qu'il les autres vaisseaux pressaient ceux de Prusias et imagina pour s'en défaire. Les deux rois devaient d'Annibal. On leur lance les vases d'argile dont je sé livrer incessamment un combat naval : Annibal viens de parler. Cette manœuvre d'un nouveau avait moins de vaisseaux; il fallait suppléer par genre excite le rire des ennemis, qui n'en comprenla ruse à l'inégalité des forces. Il donna ordre de nent pas le motif. Mais, en voyant leurs vaisseaux prendre et d'enfermer dans des vases d'argile remplis de serpents, épouvantés et ne sachant tout ce qu'on pourrait trouver de serpents veni- à quel péril ils doivent se soustraire de préfémeux. Lorsqu'il en eut une grande quantité, rence, ils virent de bord et regagnent leur mouilil rassembla les officiers le jour même de la lage. C'est ainsi qu'Annibal triompha par la ruse bataille, et leur commanda de courir tous ensemble des forces du roi de Pergame. Ce n'est pas la seule au vaisseau du roi. « Le reste de la flotte, leur fois qu'il eut recours à de pareils stratagèmes. Il « dit-il, sera assez occupé à se défendre des ser- s'en servit souvent sur terre pour détruire ses pents. Quant au vaisseau royal, je me charge de ennemis. vous le faire connaître, et je promets une ma«gnifique récompense à celui qui prendra Eumène, mort ou vif. non tam a ceteris quam ab Annibale, ne quid ille, inscientibus his, tolleret, secumque asportaret. X. Sic, conservatis suis rebus, Poenus, illusis Creten. sibus omnibus, ad Prusiam in Pontum pervenit. Apud quem eodem animo fuit erga Italiam, neque aliud quidquam egit, quam regem armavit et exercuit adversus Romanos. Quem quum videret domesticis rebus minus esse robustum, conciliabat ceteros reges, adjungebatque bellicosas nationes. Dissidebat ab eo Pergamenus rex Eumenes, Romanis amicissimus, bellumque inter eos gerebatur et mari et terra: quo magis cupiebat eum Annibal opprimi. Sed utrobique Eumenes plus valebat propter Romanorum societatem quem si removisset, faciliora sibi cetera fore arbitrabatur. Ad hunc interficiendum talem iniit rationem. Classe paucis diebus erant decreturi : superabatur navium multitudine: dolo erat pugnandum, quum par non esset armis. Imperavit quam plurimas venenatas serpentes vivas colligi, easque in vasa fictilia conjici. Harum quum confecisset magnam multitudinem, die ipso, quo facturus erat navale prælium, classiarios convocat, hisque præci pit omnes ut in unam Eumenis regis concurrant navem, a ceteris tantum satis habeant se defendere; id facile illos serpentium multitudine consecuturos. Rex autem in qua nave veheretur, ut scirent, se facturum, quem si aut cepissent, aut interfecissent, magno his pollicetur præmio fore. XI. Tali cohortatione militum facta, classis ab utrisque in prælium deducitur. Quarum acie constituta, priusquam XII. Tandis que ces choses se passaient en | Asie, le hasard voulut que les ambassadeurs de Prusias étant un jour à souper à Rome chez Lucius signum pugnæ daretur, Annibal, ut palam faceret suis, quo loco Eumenes esset, tabellarium in scapha cum caduceo mittit: qui ubi ad naves adversariorum pervenit, epistolam ostendens, se regem professus est quærere. Statim ad Eumenem deductus est, quod nemo dubitabat aliquid de pace esse scriptum. Tabellarius, ducis pave declarata suis, eodem, unde ierat, se recepit. At Eumenes, soluta epistola, nihil in ea reperit, nisi quod ad irridendum eum pertineret. Cujus etsi causam mirabatur, neque reperiebatur, tamen prælium statim committere non dubitavit. Horum in concursu Bithyni, Annibalis præcepto, universi navem Eumenis adoriuntur : quorum vim quum rex sustinere non posset, fuga salutem petiit; quam consecutus non esset, nisi intra sua præsidia se-recepisset, quæ in proximo littore erant collocata. Reliqua Pergamenæ naves quum adversarios premerent acrius, repente in eas vasa fictilia, de quibus supra mentionem fecimus, conjici cœpta sunt: quæ jacta initio risum pugnantibus excitarunt, nec, quare id fieret, poterat intelligi; postquam autem naves completas conspexerunt serpentibus, nova re perterriti, quum, quid potissimum vitarent, non viderent, puppes averterunt, seque ad sua castra nautica retulerunt. Sic Annibal consilio arma Pergamenorum superavit: neque tum solum, sed sæpe alias pedestribus copiis pari prudentia pepulit adversarios. XII. Quæ dum in Asia geruntur, accidit casu, ut legati Prusiæ Romæ apud L. Quintium Flaminium consularem cœnarent, atque ibi, de Annibale mentione facta, ex his tinuelle de fatigues et de travaux. On ne sait pas positivement sous quel consulat il mourut. Atticus dit, dans ses Mémoires, que ce fut sous le consulat de M. C. Marcellus et de Q. Fab. Labéon; Polybe, sous celui de L. Émilius Paulus et Cn. Bébius Tamphilus; et enfin Sulpicius, sous le consulat de C. Céthégus et de M. Bébius Tamphilus. Ce grand homme, quoique toujours occupé par la guerre, ne laissa pas de donner quelque temps aux lettres; il nous reste de lui plusieurs ouvrages en grec, notamment une histoire de la campagne de Cn. Manlius Vulson en Asie. Cette histoire est dédiée aux Rhodiens. Plusieurs historiens nous ont donné le récit des campagnes d'Annibal. Les deux principaux sont Silénus et Sosilus de Sparte, qui l'accompagnèrent dans ses expéditions, et vécurent avec lui tant que la fortune le leur permit. Ce fut Sosilus qui lui apprit le grec. Mais il est temps de terminer cette première partie de mon ouvrage et de commencer l'histoire des capitaines romains, afin qu'on puisse juger par la comparaison du mérite de chacun d'eux. Quintus Flamininus, personne consulaire, on vint à parler d'Annibal. L'un de ces ambassadeurs dit qu'il était dans les États du roi de Bythinie. Dès le lendemain Flamininus fit part de cette nouvelle au sénat, et les sénateurs, persuadés que Rome aurait toujours quelque chose à craindre tant qu'Annibal vivrait, envoyèrent des députés à Prusias, entre autres Flamininus, pour le prier de ne point garder à sa cour le plus cruel ennemi de Rome, et de le remettre entre leurs mains. Prusias n'osa s'y refuser; il demanda seulement qu'on ne l'obligeât pas à violer les droits de l'hospitalité. « Prenez-le si vous le pouvez, dit-il aux ambassadeurs; vous trouverez aisément le lieu « de sa retraite. » Annibal demeurait dans un château que le roi lui avait donné; et comme il avait toujours prévu ce qui arrivait alors, il s'était ménagé des issues de tous les côtés. Les ambassadeurs romains se rendirent à sa demeure et la firent investir. Un esclave, qui se tenait à la porte, ayant aperçu les soldats, courut avertir son maître. Annibal lui ordonna d'aller voir si les autres portes étaient investies. L'esclave étant venu lui dire, au bout de quelques instants, que le château était cerné de tous côtés, il vit bien que ce n'était pas l'effet du hasard, mais qu'on en voulait à sa personne, et qu'il était temps de mettre fin à ses jours, s'il ne voulait pas tomber vivant au pouvoir de ses ennemis. C'est alors que ce grand DE L'ouvrage de CORNELIUS NÉPOS. homme, plein du souvenir de ses anciens exploits, avala du poison qu'il portait habituellement sur lui. XIII. Il se reposa ainsi dans la mort, à l'âge de soixante-dix ans. Sa vie avait été une suite con unus diceret, eum in Prusiæ regno esse. Id postero die Flamininus senatui detulit. Patres conscripti, qui Annibale vivo nunquam se sine insidiis futuros existimabant, legatos in Bithyniam miserunt, in his Flamininum, qui a rege peterent, ne inimicissimum suum secum haberet, sibique dederet. His Prusias negare ausus non est illud recusavit, ne id a se fieri postularent, quod adversus jus hospitii esset ipsi, si possent, comprehenderent; locum, ubi esset, facile inventuros. Annibal enim uno loco se tenebat in castello, quod ei ab rege datum erat muneri; idque sic ædificarat, ut in omnibus partibus ædificii exitum sibi haberet, semper verens, ne usu eveniret, quod accidit. Huc quum legati Romanorum venissent, ac multitudine domum ejus circumdedissent, puer ab janua prospiciens Annibali dixit, plures præter consuetudinem armatos apparere. Qui imperavit ei, ut omnes fores ædificii circumiret, ac propere sibi renuntiaret, num eodem modo undique obsideretur. Puer quum celeriter, quid esset, renuntiasset, omnesque exitus occupatos ostendisset, sensit, id non fortuito factum, sed se peti, neque sibi diutius vitam esse retinendam. Quam ne alieno arbitrio dimitteret, memor pristinarum virtutum, venenum, quod semper secum habere consueverat, sumpsit. XIII. Sic vir fortissimus, multis variisque perfunctus laboribus, anno acquievit septuagesimo. Quibus consulibus interierit, non convenit: namque Atticus, Marco M. PORCIUS CATON. SECONDE PARTIE SOMMAIRE. CHAP. I. Origine de Caton; sa jeunesse; ses emplois. Claudio Marcello, Q. Fabio Labeone Coss., mortuum in annali suo scriptum reliquit; at Polybius, L. Æmilio Paulo et Cn. Bæbio Tainphilo; Sulpicius autem, P. Cornelio Cethego, M. Bæbio Tamphilo. Atque hic tantus vir, tantisque bellis districtus, nonnihil temporis tribuit litteris namque aliquot ejus libri sunt, græco sermone confecti; in his ad Rhodios de Cn. Manlii Vulsonis in Asia rebus gestis. Hujus bella gesta multi memoriæ prodiderunt : sed ex his duo, qui cum eo in castris fuerunt, simulque vixerunt, quandiu fortuna passa est, Silenus, et Sosilus Lacedæmonius. Atque hoc Sosilo Annibal litterarum græcarum usus est doctore. Sed nos tempus est hujus libri facere finem, et Romanorum explicare imperatores; quo facilius, collatis utrorumque factis, qui viri præferendi sint, possit judicari. M. PORCIUS CATO. EX LIBRO POSTERIORE ARGUMENTUM. CAP. I. Catonis ortus, adolescentia et officia. II. Consul, |