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de la lacheté de THEODAT, élut pour roi WITIGÈS fon écuyer, vers la fin de 536; & THÉODAT fut tué sur le chemin de Rome à Ravenne, n'ayant pas régné deux ans. WITIGÈS alliégea BÉLISAIRE dans Rome. La défense de cette capitale du monde est la plus grande action de guerre de Bélifaire. Après un an & neuf jours, WITIGÈS fut obligé de lever le siége. Il fut ensuite lui-méme affiégé dans Ravenne & forcé de se rendre vers la fin de 539. Bélifaire le conduisit à Conftantinople, où il mourut en 542 ou 543. Juftinien en rappellant Belifaire, empêcha lui-même la destruction du royaume des Goths. Ces peuples encore maîtres des provinces au-delà du Pô, se donnerent en 540 un nouveau roi dans la personne d'ILDOBALD, ILDIBALD OU ILDIBAD, neveu de THEUDIS roi des Wisigots en Espagne. ILDOBALD mourut affaffiné par un de ses gardes en 541, n'ayant pas eu le tems de rien entreprendre. EvaRIK OU ARARIK, qui lui fuccéda, fut élu par les Ruges auxiliaires des Goths :mais ceux-ci le mépriserent & le tuerent au bout de quelques mois, pour lui substituer BADWELLA surnommé TOTILA, qui très-promptement rétablit leurs affaires; & se vit à la veille de chasser les Grecs d'Italie. BÉLISAIRE que Juftinien renvoya fans troupes & fans argent en Italie, ne put opposer que des efforts impuissans à TOTILA, qu'il ne put empêcher de prendre Rome à la fin de 546. La ville fut pillée, & la plupart des habitans dispersés. TOTILA la mit même hors d'état de défense en faisant abattre une partie des murs, & ôrant les portes. A la fin de février 547, Belifaire rentra dans Rome, qu'il se remit du mieux qu'il put en état de défendre. TOTILA vint sur le champ pour reprendre cette ville: mais repouffé dans trois assauts par Bélifaire, il abandonna cette entreprise. L'année suivante Bélifaire qui ne faifoit qu'une mince figure en Italie, se fait rappeller; & TOTILA reprend Rome en 549, & pouffe vigoureusement ses conquêtes même hors de l'Italie. L'arrivée de l'Eunuque & de Patrice Narsès, qui vient en 552 en Italie avec une armée considérable & beaucoup d'argent, change la face des affaires. Il livre bataille aux Goths, & remporte la victoire. TOTILA se retire blessé, & meurt quelques jours après, ayant régné environ onze ans. Les Goths mirent en sa place THÉIA, le plus brave & le plus habile de leurs généraux. Une seule bataille où THÉIA fit voir toute la grandeur de fon courage, décida du fort des Goths. Le prince ayant été tué, les Goths continuent de se battre jusqu'à la nuit, & recommencent le lendemain. Accablés par le nombre, ils se retirent en bon ordre ; & proposent la paix à des conditions que les circonstances obligent le vainqueur d'accepter. Comme le traité n'obligeoit au fond que ceux qui l'avoient fait, Narsès employa plusieurs années à soumettre les restes des Goths; & ce n'est qu'en 566 que l'on voit toute l'Italie rentrée sous la domination des empereurs. Les rois Goths, ainsi qu'Odoacre, avoient reconnu la tenir des empereurs, & s'étoient regardés comme membres de l'Empire. Narsès gouverna l'Italie à titre de dac, environ quinze ans, & mourut à Rome en 567, âgé de quatre-vingt-quinze ans.

Sa mort fut l'occasion d'une révolution, qui fit perdre pour toujours aux empereurs un grande partie de l'Italie. ALBOIN roi des Lombards, y vint avec sa nation en 568. Un mauvais conte publié par les Italiens, & copié depuis sans réflexion, fait Narsès auteur de l'invasion des Lombards. Indigné de se voir rappellé par JUSTIN II, sur des plaintes injustes des Romains, & plus encore d'être outragé par l'impératrice Sophie, laquelle lui écrivit en même tems de venir filer avec ses filles, il dit en colere qu'il lui prépareroit une fusée, qu'elle ni son mari ne pourroient démêler; & il invita le roi des Lombards de venir en Italie. Le rappel de NARSÈS est un fait certain. Le reste est une fable des Italiens, toujours ennemis des gouverneurs qui leur venoient de Constantinople. Les historiens grecs ne parlent ni de la lettre de l'impératrice, ni de l'invitation faite par Narsès aux Lombards. Il est d'ailleurs prouvé par la suite des faits, que quand Alboin vint en Italie, il s'y disposoit depuis plusieurs années. Quoi qu'il en soit, ce prince commença en 568 à jetter en Italie les fondemens d'un nouveau royaume. Il en fit Pavie la capitale. Ce royaume subsista deux cents fix ans, d'abord sous deux rois, Alboin mort affafliné en 573; & CLEF OU CLEFON, mort aflaffiné de même vers le commencement de 575, enfuite sous le gouvernement aristocratique des trente ducs

ou gouverneurs des provinces & grandes villes, lequel dura jusque vers la fin de 584, ensuite sous vingt-un rois, 1°. ANTHARIK, fils de CLEF, élu en 584, & mort le s de septembre 590, 2°. AGILULF & AGON. Théodelinde veuve d'Antharik le choisit, par la permiffion des Lombards, pour second mari & pour roi. Elle l'épousa au commencement de novembre 590; mais il ne fut proclamé roi qu'au mois de mars de l'année suivante. Il mourut en 615. 3°. ADALOALD, fils d'Agilulf & de Théodelinde, afsocié par son pere à la couronne en 604. Il fut détrôné par Arioald, duc de Turin, mari de sa sœur Gondeberge, en 625; & mourut l'année suivante à Ravenne, pendant que l'exarque Ifaac faisoit des préparatifs pour le rétablir sur son trône, 4°. ARIOALD, qui mourut en 636, 5°. RoTHAR. Il étoit duc de Brescia, GONDEBERGE, veuve d'Arioald, le choisit pour époux & pour roi, de la même maniere que sa mere Théodelinde avoit choisi Agilulf. Il fut le premier législateur des Lombards. Il en agit mal avec la reine Gondeberge, qu'il dépouilla de tout, & qu'il tint long-tems renfermée dans le palais. Il mourut en 652. 6°. RODOALD, fils de Rothur, mais d'une premiere femme. Il ne regna que cinq à fix mois; & mourut vers le commencement de 653, afsaffiné par un Lombard, dont il avoit violé la femme. 7°. ARIPERT I. Il étoit fils de Gondoald, frere de la reine Théodelinde; & par conféquent il étoit François ou Bavarois d'origine. Il ne tenoit à la nation des Lombards que par sa mere. Il mourut en 661, ayant partagé son royaume à ses deux fils, & ordonné qu'ils régneroient ensemble. 8°. PERTHARIT OU BERTHARID, & GONDEBERT ou GODEBERT. Ils régnerent ensemble depuis 661 jusqu'en 662, qu'ils furent privés, GONDEBERT du trône & de la vie, PERTHARIT du trône par GRIMOALD, duc de Bénevent. 9°. GRIMOALD ufurpe la couronne en 662, & meurt en 672. Il étoit le quatriéme fils de Gifulf second duc de Frioul & petit-neveu du roi Alboin. Les deux freres PERTHARIT & GONDEBERT se faisant la guerre, le second appelle à son secours GRIMOALD, qui le tue de sa main dans leur premiere entrevue; & s'empare de la couronne. PERTHARIT effrayé s'enfuit. GRIMOALD fut un très-grand roi, à qui l'on ne peut reprocher que la maniere dont il le devint. Il mourut d'une veine qui se rouvrit neuf jours après avoir été saigné. 10°. GARIBALD, fils de GRIMOALD, & d'une fœur des rois Pertharit & Gondebert fut proclamé roi, quoiqu'enfant, auffitôt après la mort de fon pere, & ne régna que trois mois. On ignore ce qu'il devint ensuite. II. PERTHARIT rétabli. Ce prince étant revenu en Italie trois mois après la mort de GRIMOALD, fut reconnu roi par la diéte générale des Lombards. Il mourut en 686. Ses malheurs l'ayant rendu vertueux, il fit le bonheur de ses sujets. C'est par erreur qu'on le fait ordinairement vivre jusqu'en 688. 12°. CUNIBERT ou KUNINGPERT, associé à la couronne par fon pere Pertharit en 677, meurt en 700. Aufsi vertueux que son pere, il ne fut pas moins aimé de ses sujets. 13°. LIUTPERT, successeur de son pere Canibert en 700, est détrôné par son cousin RAGOMBERT en 701, & meurt en 702. 14°. RAGOMBERT ou RAGIMBERT, fils du roi GONDEBERT, dut tout aux bienfaits de son oncle Pertharit, qui le fit duc de Turin; & reçut de Cunibert des témoignages continuelles d'amitié. Par reconnoissance il se révolta contre Liutpert. Ce jeune prince & Ansprand son tuteur allerent le combattre, & furent défaits & obligés de s'enfuir. RAGOMBERT se fit proclamer roi : mais il ne jouit de fon ufurpation que quelques mois, & mourut avant la fin de 701. 15°. ARIPERT II, fils de RAGOMBERT lui succéda en 701. Ansprand, tuteur du jeune roi Liutpert, ayant rétabli le parti de ce prince, recommença la guerre en 702. Il fut encore battu. Liutpert blessé dans le combat fut pris; & le vainqueur le fit mourir. Ansprand s'enfuit en Baviere. ARIPERT s'étant affermi sur le trône par diverses cruautés, fit voir qu'il étoft homme de mérite, & qu'il savoit régner. Ansprand, ayant enfin obtenu des troupes du duc de Baviere, revint en Italie en 711. ARIPERT l'alla combattre, la victoire fut indécise: mais les Lombards, mécontens de ce qu'ARIPERT reconduisoit l'armée sans livrer une seconde bataille, l'abandonnerent. Il s'enfuit & se noya dans le Tésin, qu'il voulut passer à la nage. 16°. ANSPRAND proclamé roi en février ou mars 712, mourut au commencement de juin de la même année trop content d'avoir vengé la mort de Liutpert, & de s'être fait donner son fils LIUTPRAND pour collégue & fuccesseur. 17°. LIUTPRAND succéda à son pere en 712, & mourut en 744. Ce fut à tous égards, le plus illustre des rois Lombards. La multitude de ses loix annonce son amour pour la justice, & l'étendue de ses vues pour le gouvernement. Il fut d'ailleurs libéral, clément & véritablement pieux; ce qui ne l'empêcha pas d'avoir l'ambition de s'agrandir. Il fut très-souvent en guerre avec le exarques de Ravenne, & les Romains; & fit fur eux diverses conquêtes, dont il ne garda cependant que quatre villes. Il fit de tout le reste une donation à l'église romaine. En 741 le pape Grégoire III & les Romains ayant imprudemment pris le parti de Thrafimond duc de Spolète révolté contre Liutprand, ce prince menaça Rome. Grégoire cut recours à Charles Martel, qui gouvernoit la France, & lui envoya par des nonces qui furent les premiers qu'on vit dans ce pays, un décret, par lequel le sénat & le peuple romain déclaroient qu'ils se retiroient de l'obéiflance de l'empereur, pour se mettre sous la protection de Charles, & qu'ils lui déféroient la dignité de patrice des Romains; c'est-à-dire qu'ils le créoient fouverain de Rome. Ce décret étoit accompagné des clefs de la confession de faint Pierre, envoyées, difoit le pape dans sa lettre, comme les marques de la Souveraineté (QUAS VOBIS AD REGNUM DIREXIMUS.) Charles Martel, qui fit assez peu de cas des présens du pape & des Romains, ne fit rien pour les secourir. Il étoit ami particulier de LIUTPRAND, avec lequel il avoit intérêt de n'avoir point de guerre. Il est seulement vraisemblable, qu'il engagea ce prince à faire la paix avec les Romains. Elle se fit la même année 741. Zacharie, successeur de Grégoire III, se conduisant par une politique plus saine, engagea les Romains à faire alliance avec Liutprand, pour l'aider à réduire le duc de Spolète & les autres rébelles. Par le traité qui se fit, LIUIPRAND fit diverses donations à l'église romaine. Ce prince étant dangereusement malade en 736, les seigneurs lui donnerent pour collégue, & proclamerent roi Hilprant lon neveu. Il consentit à ce choix, fans l'approuver. Son regne qui fut de trente-un à trentedeux ans, fut employé tout entier à l'accroissement de la gloire & du bonheur de sa nation. 180. HILPRAND OU HILDEBRAND ne regna que quelques mois après son oncle. Les Lombards, qui l'avoient proclamé roi par caprice, ne lui voyant, quand il fut seul à la tête du gouvernement, aucune des qualités nécessaires, le déposerent, pour le plus tard au commencement de 745. 19°. RATCHIS duc de Frioul fut élu roi en 745, & ne régna que quatre ans. Il fit la guerre à l'Exarque, & voulut s'aggrandir aux dépens du duché de Rome. Le pape Zacharie l'alla trouver ; & le fit renoncer à son projet. Il lui parla avec tant de force du mépris des choses de la terre, que RATCHIS sans trop savoir pour quoi, se démit tout à coup de la couronne en faveur de fon frere AïsTULF, qu'il avoit fait duc de Frioul, & s'alla faire moine au Mont-Caffin. 20°. AïSTULF, roi par la démission de fon frere en 749, fut le plus ambitieux de tous les rois Lombards. Il enleva aux Grecs l'Istrie, dont il fit duc Didier, noble citoyen de Brescia, & l'un de ses généraux. En 752, il fit la conquête de l'Exarchat & de la Pentapole, c'est-à dire qu'il dépouilla l'Exarque de tout son domaine, que l'empire perdit alors pour toujours. Le dessein d'AïsTULF étoit d'unir tour le reste de l'Italie à sa couronne. Il commença par le duché de Rome, dans lequel il porta la guerre. A force de négociations, le pape & les Romains obtinrent une trève de quarante ans: mais quatre mois après sa conclufion, AISTULF recommença les hoftilités. Les Romains ne pouvant avoir aucun secours de l'empereur Constantin Copronyme, qui ne fongeoit dans l'orient qu'à faire la guerre aux images, demanderent du secours à Pepin, roi de France. Le pape Etienne II alla lui-même trouver ce prince, étant chargé par l'empereur de l'engager à défendre l'Italie contre les Lombards. Il fut accompagné de députés du fénat & du peuple romain, porteurs d'un décret par lequel Pepin & fes deux fils étoient créés Patrices des Romains. Etienne, ambassadeur de Constantin, fit très-bien ses affaires, & très - mal celle de son souverain. Il obtint de Pepin qu'il feroit la guerre aux Lombards, & que quand il auroit reconquis ce qu'ils avoient ufurpé, ille donneroit à l'église romaine. Pepin passa en Italie en 754, afliégea AISTULF dans Pavie, refusa aux ambassadeurs de Constantin de lui faire restituer par le roi Lombard l'Exarchat & la Pentapole, & s'excusa sur ce qu'il en avoit fait à S. Pierre

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une donation qu'il ne révoqueroit pas pour tout l'or du monde. AisTULF, presse vivement, s'obligea à la reftitution de l'Exarchat & de la Pentapole; & Pepin reprit le chemin de France. AïsTULF, loin de remplir fon engagement, se remit en campagne au printems de 755, ravagea les environs de Rome, & forma le fiége de cette ville. A la priere du pape, Pepin revint en Italie. AisTULF, affiégé dans Pavie, & ferré de plus près que l'année précédente, fut obligé de céder à l'église de Rome outre ce qu'il avoit dû rendre l'année précédente, la ville de Comacchio, que les Lombards possédoient depuis très-long-tems, & de payer une somme considérable pour les frais de la guerre. Les suretés furent prises pour l'exécution du traité. Toutes ces places furent remises entre les mains d'un commissaire de Pepin; & ce commissaire le remit au pape en posant sur l'autel de faint Pierre, l'acte de la donation que Pepin en avoit faite au saint apôtre, pour en jouir à perpétuité par les évêques de Rome ses successeurs. Par cette donation les papes devinrent seigneurs de Ravenne, de Classe, de Césarée, de Rimini de Pesaro, de Fano, de Céfène, de Sinigaglia, de Jési, de Forlimpopoli, de Montefeltro, d'Acerragia, de Monte-diLucano, de Serra, de Bobbio, de Cagli, de Luceolo, de Gubbio, de Camocchio, d'Urbin, de Narin, place du duché de Spolète, & des châteaux de saint Marin & de Suffubio. C'est le premier exemple de terres données à l'église en toute seigneurie. AïsTULF mourut d'une chute de cheval en 756, ne laissant point de fils. 21°. DIDIER, & fon fils ADELCHIS OU ADELGISE. Après la mort d'AïsTULF, RATCHIS, qui s'ennuyoit dans son cloître, en fortit pour se ressaisir de la couronne. D'autre part DIDIER, duc d'Istrie, & non de Toscane, comme on l'a répeté mal à propos d'après Sigonius, le fit élire par la diéte de Pavie, & fut reconnu roi par le gros de la nation. Il fut petit à petit ruiner le parti de RATCHIS, qui, secondé de quelques ducs, se maintint environ un an dans la Toscane, y prenant, non le titre de roi, mais celui de prince des Lombards; comme on l'apprend par cette date d'une charte authenti que: guvernante domno RATCHIS, famulu chrifti, principem Langobardorum, anno primo, mense februario, per indictione decima. Le mois de février indiction X, appartient à 757. Par le titre de serviteur de Christ, que les moines se donnoient alors, on voit que RATCHIS vouloit conserver son froc en reprenant la couronne. Ce furent les exhortations du pape Etienne II, qui le firent retourner dans son monastère. DIDIER fut alors reconnu roi par toute la nation. Il regna Yeul durant deux ans: mais en 758 ou 759, il s'associa son fils ADELCHIS. Il rendit des services au pape Etienne III, qui n'en fut pas fort reconnoissfant. Ce pape se voyant souverain de deux provinces considérables se mit en tête de recouvrer quantité de petits patrimoines ou biens de campagne répandus dans les différentes contrées d'Italie occupées par les Lombards, & dont ces peuples s'étoient emparés au commencement de leur établissement, & qu'aucun pape n'avoit jamais reclamé. Ce fut la source de toutes les querelles que ce pape & ses successeurs Paul I, & Adrien I, fusciterent au roi DIDIER, de qui l'on avoit exigé qu'il rendît ces patrimoines : mais qui ne pouvoit effectivement rendre que ceux qui se trouvoient dans son domaine particulier. La plupart étoient dans les duchés de Spolète & de Benevent, qui touchoient par plus d'un côté le duché de Rome & les nouveaux domaines du pape. Didier ne pouvoit qu'engager ces ducs, souverains chez eux, à faire rendre ces patrimoines; & ces ducs devoient chercher des moyens convenables pour les ôter à leurs poslesseurs, qui devoient trouver étranges qu'une possession d'environ deux cents ans ne les eut pas rendus propriétaires incommutables de ce qu'ils avoient hérité de leurs peres. La chose demandoit donc du tems. Mais les papes impatiens refusant de recevoir les exemples de DIDIER, & de lui donner le tems de fatisfaire par dégrés à son engagement, armerent contre lui Charlemagne, roi de France. A la priere d'Adrien I, ce prince vint en Italie en 773 avec une armée considérable. De sourdes intrigues engagerent les troupes des rois Lombards, à les abandonner. Ils s'enfermerent, ADELCHIS dans Verone, & DIDIER dans Pavie. Les deux places furent prises après de longs siéges. ADELCHIS s'enfuit à Constantinople. Didier & la reine Anfa sa femme furent envoyés en France; & Charlemagne prit le titre de roi des Lombards. Pendant qu'il faisoit le siége de Pavie, il alla pafler les fêtes de Pâques de 774 à

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Rome. Il y renouvella la donation faite par Pepin. Tous les historiens assurent la réalité de cet acte de confirmation, & disent qu'il fut déposé sur l'autel de faint Pierre. La cour de Rome, en s'autorisant de cet acte pour revendiquer les choses qui n'étoient pas dans la donation de Pepin, ne l'a jamais produit. Il n'en existe pas même de copie informe; & quand on s'imaginera que Charlemagne promit de confirmer la donation de fon pere, & qu'il n'en expédia jamais le diplôme, peut-être ne s'écartera-ton pas de la vérité. Au défaut de cette confirmation, Rome en produit une de Louis le Débonnaire, successeur de Charlemagne: mais l'original n'en existe point, & n'a jamais été vu. Les copies qu'on ena, sont d'autant plus sans autorité, qu'elles comtent au rang des chofes données par Louis, / des pays, comme la Sicile, les duchés de Naples & de Gaiete, la Sardaigne & la Corse, sur lesquels l'empereur d'occident n'avoit aucun droit, puisqu'ils appartenoient à l'empereur grec. Ces copies font l'ouvrage de faussaires, qui ont interpolé le diplome de Louis; & l'on en a depuis fupprimé l'original, qui ne favorisoit pas toutes les prétentions de la cour de Rome.

En 800 CHARLEMAGNE se fit couronner empereur par le pape LÉON III, & donna par-là naissance à un nouvel empire d'occident, qui n'eut de commun que le titre avec l'ancien, qui ne subsistoit plus depuis quatre cents vingt

ans.

Vopiscus, qui vivoit fous Dioclétien, dit dans la vie d'Aurélien que les murailles dont cet empereur fit enceindre Rome avoient cinquante milles de circuit: mais les copistes ont nécessairement corrompu le texte de cet auteur. Malgré tout ce que les anciens & les modernes ont dit de l'ancienne étendue de Rome; on peut démontrer que l'enceinte de ses murs n'a jamais été plus grande qu'elle ne l'est aujourd'hui, qu'en comtant même les angles & les sinuosités qu'elle forme, elle n'a que treize milles.

Le pere Labat (voyage d'Italie, t. 4, p. 116) a eu la curiosité de faire le tour de Rome hors des murs; &, felon fon calcul, cette ville a tout au plus quatre lieues de

tour.

Si on en croit les Romains, dit-il, Rome est encore aujourd'hui la plus grande ville du monde ; mais fi on s'en rapporte aux gens défintéressés, Paris mérite cette gloire & l'emporte fur Rome, & même sur Londres, quelque chose que puissent dire les Anglois, un peu idolatres de leur capitale. Il est néanmoins certain que Rome est aussi grande que Paris, fi on la mesure par l'enceinte de ses murailles. On prétend que celles qu'on y voit aujourd'hui font les mêmes qui y étoient du tems du fameux Belifaire. Mais ces murailles renferment une très-grande quantité de lieux non habités, de jardins Spacieux, auxquels on a donné le nom de vignes : des champs, des terres incultes; de maniere qu'il y a beaucoup plus de la moitié du terrein renfermée dans son enceinte, & cette moitié n'est ni ville, ni village, mais des champs ou des jardins. Il n'y a qu'a jetter les yeux fur le plan de Rome, pour se convaincre de cette vérité. On verra que toute la partie orientale, c'est-à-dire, tout ce qui est à la gauche du Tibre, depuis les ruines du pont Senatorial, en passant par le marché aux Bœufs, pour gagner S. Jean de Latran, n'est absolument point habité ; que depuis S. Jean de Latran jusqu'à Sainte Marie majeure, & les thermes de Dioclétien où est la chartreuse, ce ne font que des jardins, des vignes & des terres où l'on cultive des légumes & des herbages. C'est presque encore la même chose depuis les chartreux, en pafsfant derriere la place Barberine, la Trinité du mont & la vigne de Medicis. Les jardins du Vatican & les derrieres de faint Pierre occupent au moins un tiers de la partie qu'on appelle le bourg; & tout ce qui est à l'occident de la Longara jusqu'au Tibre, n'est encore que des jardins ou des lieux peu habités ; de maniere qu'on ne fait pas tort à Rome, en disant que la partie habitée de la ville est environ le tiers de Paris. Ce que ces deux villes ont de commun, c'est qu'elles ne sont point fortifiées. On ne peut pas compter à Rome pour fortification fon ancienne enceinte de murailles avec ses tours, ni les mauvais bastions qui font depuis le château Saint-Ange jusqu'à la porte de Perto, fur le Tibre. Ils pourroient faire à peu près la même résistance que ceux que l'on voyoit autrefois à Paris, depuis l'arsenal jusqu'à la porte Saint-Honoré, dont il reste encore quelque chose vers la porte Saint-Antoine. Voici le dénombrement des habitans de Rome, fait en

1709.

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Pinzoche ou bisoche, ou femmes dévotes qui portent l'habit du tiers-ordre de quelque religion, Enfans nés dans l'année,

Morts de tout âge & de tout sexe,

TOTAL des habitans,

76.

3662.

2947.

138568.

Sans compter les Juifs, qui font huit à dix mille ames.

Rome moderne est plus haute que l'ancienne, d'environ quatorze ou quinze pieds, selon la supputation de quelquesuns. Cela vient de ce que la ville d'aujourd'hui est sur les ruines de l'autre. Où il y a un nombre de bâtimens de quelque considération, on trouve toujours un tertre ou une coline, faits sans doute des restes ou des décombres de l'édifice ruiné. D'ailleurs la terre, emportée des hauteurs par la violence des pluies, a contribué beaucoup à élever le terrein.

Il y a à Rome deux fortes d'antiquités, les unes chrétie. nes, les autres païennes. Les premieres, quoique d'une date plus fraîche, sont tellement embarrassées de fables & de légendes, qu'on a fort peu de satisfaction à les examiner. Les autres donnent beaucoup de plaisir à ceux qui les connoiffent par la lecture des anciens auteurs. La grandeur de la république éclate principalement dans ce qui reste des ouvrages qui étoient ou nécessaires ou convenables, comme par exemple les grands chemins, les aqueducs, les murailles & les ponts de la ville. Au contraire la magnificence de Rome, fous les empereurs, se voit principalement dans les ouvrages qui étoient faits plutôt pour l'oftentation ou pour le luxe, que pour quelque utilité ou nécessité : tels font les bains, les amphithéâtres, les cirques, les obélisques, les colomnes, les mausolées, les arcs de triomphe. On a tant de descriptions bien faites de ces restes précieux de l'antiquité, qu'on ne s'arrêtera qu'à quelques objets.

,

Le principal font les anciennes statues, dont le nombre est incroyable. On est surpris de voir de la vie dans le marbre, & même dans les plus chetives statues, autant que l'on en voit dans les meilleures. Il y a une admirable ressemblance eutre les figures de diverses divinités païennes, & les descriptions que les poëtes latins nous en ont données; mais les figures pouvant être regardées comme plus anciennes, il ne faut pas douter que les anciens poëtes n'ayent été les copistes de la sculpture grecque, quoiqu'en d'autres occafions on trouve souvent que la sculpture a pris ses sujets dans les poëtes. Quoique les statues trouvées parmi les débris de l'ancienne Rome foient déja très-nombreuses, il y a surement encore sous la terre plus de trésors de cette nature, qu'il n'y en a dessus. On a souvent fouillé les endroits marqués dans les anciens auteurs, pour trouver des statues ou des obélisques, & on n'a guères été trompé dans cette recherche. Bien d'autres endroits n'ont jamais été visités. Telle est une grande partie du mont Palatin, où l'on n'a point touché. C'étoit autrefois le siége du palais de l'empereur, & l'on peut préfumer qu'on y pourra trouver une infinité de belle choses. Mais parce que le pape s'attribue ce qu'il y a de plus riche dans ces découvertes, ou pour quelqu'autre raison on dit que les princes Farnéses, à qui appartenoit ce quartier-là, n'ont jamais voulu permettre de le remuer. Il y a des entrepreneurs à Rome, qui achettent souvent le droit de fouiller des champs, des jardins ou des vignobles, dans lesquels ils ont quelque espérance de réusfir; & il y en a qui font devenus fort riches par ces fortes d'entreprises. Ils payent l'étendue de la surface qu'ils ont à remuer; & après l'eflai, comme on fait en Angleterre pour les mines de charbon, ils fouillent

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lent les endroits qui promettent le plus; s'ils font trompés dans leur attente, & que d'autres y ayent été auparavant, ils gagnent ordinairement affez de briques & de décombres, pour se rembourser des frais de leur recherche; parce que les architectes estiment plus ces matériaux anciens que les nouveaux. Mais on suppose que le lit du Tibre est le grand magasin de toutes ces fortes de trésors. Il y a tout lieu de croire, que quand les Romains appréhendoient de voir leur ville saccagée par les barbares, ils ne manquoient pas de jetter dans la riviere ce qu'ils avoient de plus précieux, & qui devoit le moins fouffrir de l'eau, sans parler de cet ancien égout qui se rendoit de tous les côtés de la ville dans le Tibre, ni de la violence & des fréquens débordemens de cette riviere, qui ont emporté plusieurs ornemens de ses bords, ni de la quantité de statues, que les Romains mêmes y jettoient, quand ils vouloient se venger d'un méchant citoyen, ou d'un tyran mort, ou d'un favori disgracié. A Rome l'opinion est si générale des richesses de cette riviere, que les juifs ont autrefois offert au pape de la nétoyer, pourvu qu'ils euffent pour récompense ce qu'ils trouveroient au fond. Ils proposerent de faire un nouveau canal dans la vallée près de Ponte-Molle, pour recevoir les eaux du Tibre, jusqu'à ce qu'ils euffent vuidé & nétoyé l'ancien. Le pape ne voulut pas y confentir, craignant que les chaleurs ne vinssent avant qu'ils euffent fini leur entreprise, & que cela n'apportât la peste. La ville de Rome recevroit un grand avantage d'une telle entreprise; on releveroit ainsi les bords du Tibre, & par conféquent on remédieroit aux débordemens ausquels il est à présent si sujet; car on observe que le canal de la riviere est plus étroit dans la ville, qu'il n'est audeflus & au-dessous.

Après les statues, ce qui surprend le plus à Rome, c'est la grande variété des colonnes de marbre. Comme l'on peut bien supposer que la plupart des anciennes statues ont moins couté à leurs premiers maîtres, qu'à ceux qui les ont achetées depuis, il y a au contraire diverses colonnes qui sont assurément estimées beaucoup moins aujourd'hui qu'elles ne le furent autrefois. Sans parler de ce qu'une grosse colonne, ou de granite ou de marbre serpentin ou de porphyre, doit couter dans la carriere, ou pour son port d'Egypte à Rome, on peut considérer seulement la grande difficulté de la tailler, , & de lui donner sa forme, sa proportion & son poli. Tout le monde fait, comme ces marbres résistent à tous les instrumens qui sont aujourd'hui en usage. Il vaut mieux croire que les anciens avoient quelque secret pour durcir les taillans de leurs outils, que de recourir aux opinions extravagantes, que l'on a communément, ou qu'ils avoient le secret d'amolir la pierre, ou qu'elle étoit naturellement plus molle au fortir de la roche, ou, ce qui est encore plus abfurde, que c'étoit une composition, & non pas la production naturelle des mines & des carrieres. Quant à la forme de ces anciennes colonnes, Godet a observé, que les anciens n'ont pas suivi les proportions avec tant d'exactitude que les modernes. Quelques-uns, pour excufer ce défaut, le rejettent sur les ouvriers d'Egypte, & des autres pays, qui envoyoient à Rome la plupart des anciennes colonnes toutes travaillées : d'autres disent que les anciens, sachant que le but de l'architecture est principalement de plaire à l'œil, prenoient soin seulement d'éviter des disproportions assez grossieres pour être observées par la vue, sans regarder si elles approchoient de l'exactitude mathématique. D'autres soutiennent que c'est plutôt l'effet de l'art, & de ce que les Italiens appellent il gusto grande, que de quelque négligence de l'architecte. Les anciens, ajoutent-ils, considéroient toujours l'assiete d'un bâtiment, s'il étoit haut ou bas, dans une place ouverte, ou dans une rue étroite, & ils s'écartoient plus ou moins des régles de l'art, pour s'accommoder aux diverses distances & élévations, d'où leurs ouvrages devoient être regardés. Quand je parle des colonnes, je comprends sous ce mot les obélisques. Ils font tous quadrangulaires, & finissent en pointe aiguë. C'étoit comme autant de rayons du soleil, cette grande divinité que les Egyptiens adoroient sous le nom d'Ofiris, & dans lequel ils faisoient habiter les êtres, les génies & les ames de l'univers. Les quatre angles regardoient les quatre coins du monde, & signifioient les quatre élémens. Quelques-uns ont supposé que les hiéroglyphes de ces obélisques contenoient des éloges des rois, ou des histoires de quelques faits mémorables; & que ces monumens n'étoient érigés que dans la double vue de servir d'ornement & d'honorer les héros de la nation.

Mais ceux qui ont fouillé plus avant dans ces recherches, ont fort bien prouvé que c'étoient des livres ouverts qui exposoient aux yeux du public les mystères de la théologie, de l'astrologie, de la métaphysique, de la magie & de toutes les sciences que les Egyptiens cultivoient. Ces obélisques font tous de granite, espéce de marbre d'une dureté extrême.

: Quant aux fontaines, on peut dire que Rome chrétienne a eu les mêmes vues que Rome païenne. On ne peut rien ajouter aux soins qu'elles se sont données, pour faire venir de l'eau en abondance dans cette grande ville. Les dépenses excessives qu'il fallut faire pour construire des aqueducs de vingt & trente milles de longueur, & pour les entretenir, ont paru très-peu de chose en comparaison de la commodité qu'on en retire. En cela & en bien d'autres choses, les Romains ont fait voir la supériorité de leur genie, & leur attention pour le bien public. Ces dépenses immenfes pour apporter de l'eau, étoient d'autant plus nécessaires dans cette ville, que le Tibre, ce fleuve d'ailleurs si célébre, n'est bon à rien. Son eau étoit presque toujours bourbeuse; la moindre pluie la trouble; elle est toujours chargée d'un limon, qu'on affure être d'une qualité pernicieuse. On dit même, que les poissons du Tibre ne font ni fains, ni de bon goût.

De quelque côté qu'on arrive à Rome, on apperçoit toujours le dôme de saint Pierre qui surmonte les clochers, & tout ce qu'il y a de plus exhauslé dans la ville, où le Tibre fait une petite ifle. Le cours de cette riviere dans Rome est du nord au sud, & la partie de la ville qui est à la droite, & qu'on appelle Trastevere, est cinq ou fix fois moins grande que l'autre. Du premier abord à regarder Rome en général, on n'y trouve point de beauté surprenante, sur-tout quand on a vu plusieurs autres villes fameuses. Mais plus on y séjourne, plus on y découvre des choses qui méritent d'être considérées. Tout est plein dans Rome & aux environs, des restes de son ancienne grandeur.

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Le Ponte Sant-Angelo, par où quelques voyageurs ont commencé à décrire la ville de Rome, est celui qu'on appelloit anciennement Pons-Elius, du nom de l'empereur Elius Adrianus, qui le fit bâtir. Il a pris celui de Ponte Sant'-Angelo qu'il porte aujourd'hui, à cause que saint Grégoire le grand, étant fur ce pont, vit, à ce qu'on dit, un Ange sur le Moles Adriani, qui remettoit son épée dans le fourreau, après une grande peste qui avoit désolé toute la ville. On voit fur ce pont une belle balustrade de fer, avec douze statues de marbre que le pape Clément IX fit faire; & en jettant les yeux sur la riviere, on découvre à gauche, les ruines du pont Triomphal, qui fut ainsi appellé, à cause que tous les triomphes passoient par-dessus pour aller au capitole, ce qui fit que ce passage ne demeura plus libre, & que par un décret du sénat, il fut défendu aux paysans.

Le château Saint-Ange est au bout du Ponte Sant'-Angelo. C'est ce qu'on appelloit Moles Adriani; & ce château avoit pris ce nom, parce que l'empereur Adrien y avoit été enterré. Il est bâti de grandes pierres. Sa figure est ronde, & on y monte par trois différens dégrés, qui vont toujours en rétrecissant jusqu'à la pointe, sur laquelle étoit la pomme de pin de cuivre doré, qu'on voit encore aujourd'hui dans le jardin de Belvedere. Les papes en ont fait un vrai château de guerre. Boniface VIII, Alexandre VI, & Urbain VIII, le rendirent régulier. Ils en firent une place à cinq bastions, sur lesquels il y a de bons canons, dont le plus grand nombre a été fait de plusieurs statues des faux dieux & autres ornemens du panthéon. Ces fortifications ont été renforcées de trois enceintes de murailles & de boulevards, qui en font une place importante, & un lieu de refuge pour les papes, s'il arrivoit quelque trouble dans la ville. C'est dans ce château qu'on enferme les prisonniers d'état, & qu'on garde les cinq millions, que Sixte V y déposa avec une bulle, qui défend, sous peine d'excommunication, de s'en servir, que dans la nécessité la plus pressante. On garde aussi dans ce château la triple couronne, appellée Triregno. avec les principales archives de l'église romaine.

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Au fortir de là on entre dans le Borgo, d'où l'on tourne vers l'église de saint Pierre. En y allant on trouve l'église des carmes, appellée Sancta Maria Transpontina. On y voit dans une chapelle, à main gauche, deux colonnes de pierre enchassées dans du bois, ausquelles on dit que faint Pierre Tome V.

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& faint Paul furent attachés, quand on les fustigea avant que de les faire mourir. On passe ensuite devant le palais Campeggio, bâti par le fameux Bramante. Il a été autrefois au cardinal Campeggio, qui fut légat du pape auprès d'Henri VIII, qui le lui donna. Les ambassadeurs d'Angleterre y logeoient autrefois ; & c'étoit alors un des plus beaux palais qui fussent à Rome. Vis-à-vis est une petite place ornée d'une belle fontaine, & tout auprès on voit la petite église de saint Jacques de Scozza Cavalli, où l'on montre sur un autel à main droite, la pierre sur laquelle Abraham devoit sacrifier son fils Ifaac; & fous un autre, à gauche, la pierre sur laquelle on mit notre Seigneur, quand il fut présenté au temple. On arrive enfin à la place & à l'église de S. Pierre.

Cette église est le plus vaste & le plus superbe temple du monde. Pour en bien juger il y faut aller souvent; il faut monter sur les voutes, & se promener par-tout, jusques dans la boule qui est sur le dôme ; il faut voir aussi l'église Youterreine. D'abord on ne trouve rien qui paroisse bien étonnant : la symmetrie & les proportions bien observées ont si bien mis chaque chose en son lieu, que cet arrangement laisle l'esprit dans sa tranquillité; mais plus on confidére ce vaste bâtiment, environ d'un tiers plus long que S. Paul de Londres, plus on l'admire. Le Bramante, sous Jules II, & Michel-Ange, sous Paul III, en ont été les principaux architectes. On n'y trouve rien qui ne refssente la grandeur & la majesté. La chaire de saint Pierre, foutenue par les quatre docteurs de l'église latine, dont les statues, plus grandes que nature, sont de bronze doré, est d'une beauté & d'une magnificence achevée. Elle a été faite sur le dessein du chevalier Bernin. On voit dans les registres que tout cet ouvrage a couté cent sept mille cinq cents cinquante-un écus romains. Les tombeaux d'Urbain VIII, de Paul III, d'Alexandre VII, & de la comtesse Matilde, sont les plus dignes d'être remarqués entre les superbes monumens qui se voyent dans cette église. Au tombeau de Paul III, il y a deux statues de marbre, qui représentent la prudence & la religion : elles sont revêtues d'une draperie de bronze. On ne voit dans cet admirable édifice que dorures, que rares peintures, que bas-reliefs, que statues de bronze & de marbre ; & tout cela dispensé d'une maniere si sage & si heureuse, que l'abondance n'y cause point de confusion. Le dedans de la coupe est de mosaïque; la voute de la nef est de stuc, à compartimens en relief & doré; le pavé est de marbre rapporté en diverses figures; & l'on achevera d'en revêtir les pilastres, aufli bien que tout le reste du dedans de l'églife. Le grand autel est précisément au-dessous du dôme, au milieu de la croix. C'est une maniere de pavillon foutenu par quatre colonnes de bronze, torses, ornées de feuillages & parfemées d'abeilles, qui étoient les armes du pape Urbain VIII. Au-dessus de chaque colonne, il y a un Ange de bronze doré, haut de dix-sept pieds. On estime infiniment cette piéce faite sur les desseins du chevalier Bernin. La hauteur du tout est de quatre-vingt-dix pieds. On descend par un escalier sous cette autel, pour aller à la chapelle, où l'on conserve la moitié du corps de saint Pierre, & de celui de faint Paul, & pour visiter les autres lieux faints qui sont en divers endroits dans les caves de cette église. On remarque à l'entrée de ces grotes une bulle gravée sur du marbre, par laquelle il n'est permis aux femmes d'y entrer qu'une seule fois l'an, savoir le lundi de la pentecôte; & défendu aux honımes de s'y présenter ce jour-, Yous peine d'excommunication. Ces lieux sont obscurs; mais il y a cent lampes d'argent qui brûlent perpétuelle

ment.

La double colonnade qui fait la clôture de la grande place au-devant de l'église de saint Pierre, & qui conduit à cette même église par un double portique de chaque côté, est un embellissement, dont la maniere est rare, & cause quelque surprise. Il y a dans la place deux magnifiques fonraines, qui jettent de fort grosses gerbes. L'obélisque qui s'éleve au milieu est d'une feule pièce de granite, & fa hauteur est de soixante dix-huit pieds, sans compter ni le piédestal, ni la croix que Sixte V fit mettre au dessus de la pointe de l'obélisque, lorsqu'il le releva en 1586. Cet ancien monument pése, sans la base, neuf cents cinquantefix mille cent quarante-huit livres. On dit communément, que la boule d'airain, qui y étoit autrefois, renfermoit les cendres d'Auguste; mais l'architecte Fontana, qu'employa Sixte V, ayant examiné ce globe, trouva qu'il n'avoit pu

fervir à cet usage. Ce n'étoit qu'un simple ornement. Il est vrai que l'obélisque étoit consacré à Auguste & à Tibére, comme on le voit par l'inscription qui s'y lit encore diftinc

tement.

Le palais du vatican est tout joignant l'église de saint Pierre. C'est une commodité pour le pape; mais le trop grand voisinage de ce palais cause une confufion défagréable. Si l'église étoit isolée, & qu'on la pût voir de tous côtés en champ libre, cela produiroit un bien plus bel effet. Du reste, le vatican n'est pas un bâtiment régulier, ce sont de bons morceaux mal attachés ensemble. On y compte douze mille cinq cents chambres, fales ou cabinets. Le belvedere est une partie du vatican. Il a été ainsi nommé à cause de la belle vue qu'on découvre de cet endroit. Ses jardins font magnifiques, & entre les statues qui s'y voyent, on admire principalement le tronc, qui est un corps sans tête, fans bras & fans jambes, l'Antinoüs, l'Apollon & la Cléopatre. Les excellentes peintures de Raphaël, de Michel-Ange, de Jules-Romain, du Pinturicchio, du Polydore, de Jean de Udine, de Daniel de Volterre, & de plusieurs autres fameux maîtres, occupent plus les yeux des curieux, que ne font les autres beautés de ce palais; fur-tout l'histoire d'Attila de l'incomparable Raphaël, n'est jamais fans admirateurs. Celle du massacre de l'amiral Coligni se voit en trois grands tableaux dans la salle, où le pape donne audience aux ambassadeurs. Dans le premier tableau, l'amiral, blesse d'un coup d'arquebuse, est porté dans sa maison; & au bas est écrit, Gaspar Colignius Amirallius accepto vulnere domum refertur. Greg. XIII. Pontif. Max. 1572. Dans le second, l'amiral est massacré dans sa propre maison, avec Teligni son gendre, & quelques autres. Ces paroles font sur le tableau: Cades Colignii & fociorum ejus. Dans le troifiéme, la nouvelle de cette exécution est rapportée au roi, qui témoigne en être fatisfait: Rex Colignii necem probat. La bibliothéque du vatican a non-seulement été grossie de celle de Heidelberg, mais encore de la bibliothéque du duc d'Urbin. Les peintures dont elle est remplie, représentent les sciences, les conciles, les plus fameuses bibliothéques, les inventeurs des lettres, & quelques endroits de la vie de Sixte V. L'ancien virgile manuscrit est in-quarto plus large que long en lettres majuscules, sans distinction de mots & fans ponctuation. Le caractère tient un peut du gothique, ce qui ne s'accorde guères avec la premiere antiquité que quelques-uns lui donnent. Spon dit, que le Virgile & le Térence du vatican, ont mille ans. Il y a un volume de lettres de Henri VIII, à Anne de Boulen. C'est un in-quarto épais d'un doigt. Parmi les manuscrits des derniers siècles, on remarque quelques lettres que des cardinaux s'écrivoient, & dans lesquelles il se traitoient de Messfer-Pietro, Meffer-Julio, sans autre cérémonie. On voit une bible allemande, qu'on prétend de la traduction de Luther, & écrite de sa propre main; mais tout le monde n'en convient pas. De la bibliothéque on passe à l'arsenal, où l'on assure qu'il y a des armes pour vingt mille hommes de cavalerie, & pour quarante mille hommes d'infanterie: mais il s'en faut plus de la motié : & d'ailleurs toutes ces armes sont en mauvais état. Si d'un côté le pape peut descendre du vatican à l'église de saint Pierre; de l'autre il peut se retirer fans être vu dans le château Saint-Ange, par une galerie qu'Alexandre VI fit bâtir.

Près de l'église de saint Pierre est le grand hôpital du saint Esprit, l'un des plus beaux de l'Europe, tant pour sa grandeur que pour son revenu, qui est immenfe. Il y a jusqu'à mille lits pour les malades, un prélat qui gouverne tout, plusieurs médecins & autres officiers subalternes. Les religieuses employées à les servir, ont un grand appartement où l'on pourroit en loger cinq cents. Les appartemens d'en haut sont pour les pauvres gentils-hommes ; & furent fondés par Urbain VIII. Cet hôpital a aussi soin des enfans exposés; & quoique le nombre en soit très-grand, on ne peut ajouter à ce qui est fait pour leur éducation. Il se trouve affez souvent des gens, qui n'ayant point d'enfans en viennent chercher parmi ceux-ci. On les laisse choisir, & quand on est assuré qu'ils en auront soin, & qu'ils les éleveront dans la crainte de Dieu, on les leur abandonne, après avoir pris les précautions convenables pour la sureté de ces enfans. Ordinairement ceux qui en prennent de la forte, les adoptent, leur font porter leur nom, & les déclarent leurs héritiers. Voici ce qui fait la richesse de cet hôpital. Il est fort rare à Rome qu'on garde de l'argent chez soi, au delà de ce

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