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grande fontaine, appellée Fontana Felice, eft devant cette églife. C'est l'aqueduc de Sixte V, qui fe décharge dans un grand baffin de pierre, d'où il diftribue l'eau par plufieurs canaux au refte de la ville. On a donné le nom de Felice à cette fontaine, à caufe que Sixte V avoit été appellé Fra Felice, chez les cordeliers. Un peu après que l'on a quitté cet aqueduc, on fe rend au jardin de Montalto, un des plus beaux que l'on voye à Rome. A l'entrée il y a une pierre bleuâtre, fur laquelle font taillées les armes de cette famille. Elle eft entourée de jets d'eau, que l'on fait jouer en mettant le pied fur une petite pompe de fer qui eft desfous. Auprès de la porte de la maison, qui eft une maniere de petit palais, font plufieurs portraits & ftatues de ceux de cette famille. Il y a auffi une petite orgue, dont les tuyaux, quoique de bois, ne laiffent pas de rendre un fon aflez agréable. Dans le même endroit eft un tableau de David, qui combat Goliath. Il eft fait de telle maniere, qu'il tourne fur une bordure, & fait voir le devant & le derriere des combattans. On y montre plufieurs urnes trèscurieufes; un bufte de Sixte V au naturel, un tabernacle couvert de riches pierreries, & un tableau compofé de pierres de différentes couleurs. Ce tableau a cela de fingulier, que fi on le regarde d'un certain point, il repréfente une botte d'herbes, & en le regardant d'un autre point, on voit la tête & le vifage d'un homme. Ce lieu n'eft pas loin d'une chartreufe, qui a été bâtie fur les ruines des bains de Dioclétien, auxquels ce cruel empereur & fon collégue Maximien, firent travailler pendant quinze ans quarante mille chrétiens, dont une partie fouffrit enfuite le martyre. Sans fortir des bains de Dioclétien, on va aux greniers du pape. C'eft un grand bâtiment à deux étages, toujours plein de bled, pour la fubfiftance de la ville. Ces greniers font près de la porte appellée Pia; & à un mille de là eft l'églife de fainte Agnès. Le corps de cette vierge, martyrifée à quinze ans, repofe fous le grand autel de cette églife, qui eft voifine de celle de fainte Cons

tance.

La porte del Popolo, du peuple ou des peupliers, s'appelloit anciennement la porte Flaminienne, parce qu'elle étoit fur la voie Flaminienne. Les uns prétendent qu'on la doit nommer la porte des Peupliers, à cause de la quantité d'arbres de cette espéce qu'il y avoit autrefois dans cet endroit, & dont il en eft refté encore quelques-uns. Les autres veulent tirer fon nom d'une église de Notre-Dame, qui eft à gauche en entrant dans la ville, & qui fut bâtie par le peuple romain, à la fin du onzième siècle, dans l'endroit où étoit le tombeau de Néron, & qu'on appella à caufe de cela Notre-Dame du peuple. La porte que l'on voit aujourd'hui a été bâtie fous le pontificat de Pie IV, par le fameux architecte Vignole, fur les deffeins de Michel-Ange. Elle eft de pierre travertine, ornée de quatre colonnes de marbre d'ordre dorique, dont les piédestaux font d'une hauteur à laquelle on trouveroit à redire, fans le respect que l'on a pour ceux qui ont conduit l'ouvrage. La façade qui regarde la ville a été décorée d'un ordre dorique à pilaftres du tems d'Alexandre VII, pour recevoir la reine Chriftine de Suede; & comme on a confervé les niêmes mefures que dans la façade extérieure, la hauteur des piédeftaux choque encore davantage. L'entrée de Rome par cet endroit et charmante. On trouve d'abord une place triangulaire, dont la base, oppofée à la porte qui en fait un angle, eft ouverte par trois belles rues larges, droites, & longues à perte de vue. Celle du milieu eft la rue du Cours, ou fimplement le cours Il Corfo, ainfi appellée parce qu'on s'y promene en carroffe pour prendre le frais, & qu'elle fert pour les courfes des chevaux & pour les divertiffemens du carnaval. Il y a des banquettes des deux côtés pour les gens de pied, & elle eft bordée de fort belles mailons & d'églifes magnifiques. L'entrée du cours eft ornée de deux églises semblables, couvertes en dôme, avec un portique foutenu de quatre colonnes de pierre d'ordre compofite, fur l'entablement desquelles il y a une balustrade, avec des vafes & d'autres ornemens. L'églife qui eft à droite eft dédiée à Notre-Dame des miracles. Elle appartient aux religieux du tiers-ordre de S. François, appellés en France Piquepus. Ils font tous François, & c'eft le rendez-vous de la plupart des François qui font à Rome. Celle de la gauche s'appelle Notre-Dame de Monte-Santo. Elle eft deflervie par les carmes Siciliens réformés. Les dedans des deux églifes font fort ornés de peintures & de

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fculptures. Le centre de la place eft occupé par un obélisque de granite égyptien, tout couvert d'hieroglyphes. On lui donne quatre-vingt-huit pieds ou cent fept palmes romaines de hauteur, fans compter la base. Il fert de point de vue aux trois rues qui partent de cette place. Sixte V le fit tirer du grand cirque, où il étoit couvert de terre depuis plufieurs fiècles, & le fit transporter & élever en cet endroit par fon architecte Fontana, en 1587. La rue qui eft à la droite du cours s'appelle la rue Ripetta, parce qu'elle renferme le petit port ou la petite rade du Tibre, où les bâtimens médiocres & les felouques viennent prendre terre. Elle conduit jusqu'à l'églife de faint Louis des François, & à celle de faint Euftache, qui font presque au centre de Rome & au quartier le plus habité. La rue qui eft à la gauche du cours fe nomme la rue du Babonin ou du Masque, à caufe d'une fontaine de ce nom. Elle paffe par la place d'Espagne, lieu fort fréquenté des étrangers, parce qu'on prétend que c'est où le trouvent les meilleurs hôtelleries. Elle conduit & fe termine à Monte-Cavallo. Ces trois rues font bordées de quantité de belles maisons, de palais d'importance & d'églifes magnifiques. Elles paflent par des places remarquables par leur grandeur & par leurs ornemens; mais elles font mal pavées & extrêmement fales. Ces belles maifons font entrecoupées d'une quantité d'autres maifons vilaines, baffes & mal bâties, qui défigurent infiniment tout ce qu'on y voit répandu de beau, de riche & de bon

gout.

De l'églife de Notre-Dame du Peuple, en avançant à gauche vers la place d'Espagne, on paffe devant l'églife & le collége des Grecs, où en certains jours on voit leurs cérémonies, & on les entend chanter la meffe en grec felon leur liturgie. Ces Grecs font unis avec l'église romaine, & ils ont un féminaire, où ils inftruifent de jeunes gens, que le pape entretient pour les envoyer comme miffionnaires en Gréce & dans les ifles de l'Archipel. La maison du grand duc, fituée fur une montagne, a un jardin embelli de quantité de fontaines, & de plufieurs grands baffins de marbre. Entre les raretés qui font l'ornement de ce palais, on remarque les ftatues de deux athlétes qui lutent enfemble, & celle d'un payfan, qui en aiguifant fa faux, entendit les complices de Catilina parler de leur conspiration, qu'il découvrit. Cette derniere paffe pour un des plus hardis ouvrages de Rome; mais celles de Cupidon & de Venus n'ont point leurs femblables. On découvre toute la ville des fenêtres de ce palais. L'églife des capucins eft près de là. Le tombeau de San-Felice, frere lai de cet ordre, eft la feconde chapelle à main gauche. Le cardinal Antoine Barberin, frere du pape Urbain VIII, qui étoit capucin a été enterré dans cette églife. Sa dignité, qu'il avoit acceptée contre fon gré, ne l'empêcha pas de vivre comme un religieux retiré du monde. Il défendit en mourant de mettre, fon nom fur fon tombeau, & ne voulut pour tous titres que ces paroles, Hic jacet umbra, cinis, nihil. Le palais des Barberins, l'un des plus beaux de Rome, tant pour fa fituation du côté de la montagne, que pour les riches appartemens, & pour les raretés qu'il renferme, eft vis-à-vis des capucins. Il y a deux escaliers qui font des chefs-d'œuvre; & Pierre de Cortone s'est épuifé pour embellir le plafond de la grande falle. La galerie eft ornée d'une infinité de rares ftatues & de tableaux, avec une fuite merveilleuse de chambres magnifiquement meublées. En allant vers les minimes de la Trinité-du-Mont, on paffe par une églife où font des auguftins Espagnols. Cette églife, appellée S. Ildefonso eft extrêmement petite, cependant elle a toutes les parties d'une églife, comme le grand-autel, les chapelles à côté, le dôme & le cœur. L'églife de la Trinité del Monte, a été fondée par Louis VI, roi de France, & eft deffervie par des minimes François. On y voit de rares peintures.

En descendant à la place d'Espagne, on trouve une belle fontaine, dont on ouvre en été tous les robinets, pour arrofer le pavé des rues voifines. Le palais de l'ambaffadeur d'Espagne eft dans cette place, au bout de laquelle eft le collége de propaganda Fide. Le pape Urbain VIII le fonda, pour entretenir plufieurs écoliers des provinces méridionales, jusqu'aux Indes & jusqu'en Ethiopie.

De

De la place d'Espagne, on va à celle de la Fontana di Trevi, où l'on a fait venir l'eau en telle abondance, qu'on voit comme trois petites rivieres aux endroits par où elle fort. Le collége des Maronites, eft du côté de Monte-Cavallo; ils y chantent la meffe fuivant leur liturgie, comme le pratiquent les prêtres chrétiens du mont Liban. L'églife des faints apôtres eft dans ce même quartier. Conftantin, qui la fit bâtir, porta fur fon dos, en leur honneur, les douze premieres pierres qu'on avoit tirées pour en faire les fondemens. Il y a au devant une grande place, où font bâtis divers beaux palais. On entre enfuite dans la belle rue nommée il Corfo, dont il a déja été parlé. On trouve dans cette rue les églifes de Santa Maria in via lata, de S. Marcel, de San Carolo, de San Giacomo de Incurabili, & des filles pénitentes. La premiere eft une ancienne églife, que Baronius dit être au même lieu où S. Pierre logea la premiere fois qu'il vint à Rome. Quelques-uns affurent que ce fut dans l'oratoire de cette églife, que les actes des apôtres furent écrits par S. Luc. L'églife de S. Marcel a été bâtie fur les ruines du temple d'lfis, que Tibere fit démolir, & dont on jetta l'idole dans le Tibre; ce qui fut fuivi de la punition de tous fes prêtres, qu'il fit mourir pour avoir favorifé un crime abominable commis par une dame romaine. L'oratoire de S. Marcel, appellé l'oratoire du S. Crucifix, eft derriere cette églife. Il y a une fameufe confrairie, où plufieurs gentilshommes font enrollés. On montre dans l'églife de San Carolo le cœur de S. Charles Borromée. Cette église appartient aux Milanois. Celle de San Giacomo de Incurabili eft de forme ronde, & jointe à un hôpital où l'on entretient ceux qui font affligés de maux incurables. L'églife des filles pénitentes eft accompagnée d'une maifon où l'on reçoit toutes les filles débauchées qui veulent fe convertir. Elles y font entretenues le refte de leur vie, & rien ne leur manque de toutes les chofes néceffaires, pourvû qu'elles vivent dans la régularité que cette converfion demande. La débauche de ces filles eft_tolérée à Rome, & non pas approuvée. On ne les chaffe pas, pour prévenir un plus grand mal; mais on ne leur épargne rien de ce qui peut leur faire fentir l'infamie de leur état. Il faut qu'elles foient inscrites dans des registres publics. Elles ne peuvent le trouver nulle part avec les honnêtes femmes, fi ce n'eft aux offices de l'églife. Elles ne peuvent aller en caroffe de jour, ni fortir la nuit, ni fe vifiter les unes & les autres. Il leur eft défendu de recevoir aucunes compagnies durant l'avent & le carênie. Après leur mort, leurs biens appartiennent au fisc. Elles n'ont pas le droit de tefter. Enfin, elles ne font point inhumées en terre fainte. Derriere le couvent des filles pénitentes, eft San Sylveftro in Capite. On nomme ainfi cette églife, à caufe qu'on y voit le portrait de la tête & du vifage de notre Seigneur, qu'il fit, dit-on, luimême par miracle, & qu'il envoya à Abgarus, roi d'Edeffe.

La colonne Antonine, qui fut anciennement élevée par Marc Aurèle Antonin, & par le fénat, en l'honneur d'Antonin Pie, eft auffi dans la même rue del Corfo. Elle eft faite de ving-huit pierres de marbre ; &, comme la colonne Trajane, elle eft ornée de bas-reliefs, qui montent en ligne fpirale, depuis la bafe jusqu'au chapi teau, & où font repréfentées les guerres & les principales actions de ce prince. Sa ftatue y fut mife; mais préfentement on y voit celle de S. Paul, en bronze doré. L'escalier a deux cents fix degrés; & le fuft de la colonne eft haut de cent foixante pieds romains. Le palais de l'empereur Antonin, appellé Bafilica, est dans la Piazza di Pietra. Il eft embelli d'un rang de colonnes très-curieuses.

De-là on vient au collége romain, qui appartient aux jéfuites. C'est un fort beau bâtiment, & fort bien fitué pour la commodité des écolièrs, qui y viennent de tous les quartiers de la ville. On arrive enfuite au couvent des dominicains, appellé la Minerva, parce qu'il eft au même lieu où étoit autrefois le temple de Minerve. Le pape Honorius III, ayant confirmé en 1216 la regle & le nouvel ordre de S. Dominique, lui donna l'ancienne églife de fainte Sabine, fur le mont Aventin, & leur aida à y bâtir une maifon. Ils y demeurerent jusqu'en 1375, que le pape Grégoire XI, & le cardinal Aldobrandin Calvacanti, engagerent les religieufes grecques, établies

par le pape Zacharie fur les ruines du temple de Minerve, à céder ce lieu, & à fe retirer au champ de Mars, où on leur bâtit une églife & un monastère. L'ancienne églife occupée par les religieufes grecques étoit confacrée à Dieu fous l'invocation de la fainte Vierge. La nouvelle église prit le même titre, & l'une & l'autre ont été appellées fainte Marie fur la Minerve, c'est-àdire, fur les ruines du temple dédié autrefois à Minerve par Pompée, & dont on voit encore quelques veftiges dans une des cours du couvent. Les papes Paul IV & Urbain VII, ainfi que plufieurs cardinaux, plusieurs princes ou grands feigneurs, font inhumés dans cette église. On y voit entr'autres chofes remarquables, une figure que l'on eftime infiniment. C'est le chrift de Michel Ange. Il eft fur un petit autel, & près du grand, du côté de l'évangile. La figure eft de marbre blanc, de grandeur naturelle, entierement nue, fans la moindre draperie; de forte que fans la croix qu'elle tient à la main droite, & qui caractérife, on pourroit lui donner quel nom on voudroit, car elle ne reffemble nullement aux tableaux du Sauveur confervés à Rome, & que l'on regarde comme très - reflemblans. Quoi qu'il en foit, cette figure eft parfaitement belle, entierement finie, d'un goût admirable, & felon les Romains inimitable. On couvre avec une riche écharpe la nudité de la figure, & l'on a couvert d'une espece d'étui de bronze doré, un de fes pieds, qui eft un peu avancé, & que la dévotion des Romains commençoit à gâter à force de le baifer. Saint André della Valle, eft une fort belle églife de théatins. On l'a bâtie au même lieu où étoit le théatre de Pompée, & fur les ruines du palais de Picolomini. C'eft peut-être pour cela que l'on y voit les tombéaux de Pie II & de Pie III, tous deux de cette famille. Le pape Urbain VIII n'étant encore que cardinal, y fit conftruire une fort belle chapelle dans l'endroit où l'on fuftigea S. Sébastien, & où il fut jetté dans un évier, avant qu'on le fit mourir à coups de fléches. L'églife de San-Carolo in Cantinari, qui eft ronde & affez jolie, n'eft qu'à une petite distance de la Cancellaria, palais que fit bâtir le cardinal Riari des pierres du colifée. Ce palais regarde l'églife collégiale de San Lorenzo in Damafo, dont toutes les murailles font peintes, & représentent l'hiftoire de faint Laurent. Le corps de faint Damafe, pape, repofe fous le grand-autel de cette églife, qui eft voifine du palais Farnèle.

Antoine de San-Gallo fut le premier entrepreneur du palais Farnèfe. Il le commença feulement, & Michel-Ange en eft regardé comme le principal architecte. La façade de ce beau bâtiment eft large de cent quatre-vingts pieds, & haute de quatre vingt-dix. Les portes, les croifées, les encoignures, la corniche, & toutes les pierres principales font des dépouilles du colifée. On a ainfi détruit une grande partie de ce merveilleux monument. On en a bâti presque tout le grand palais de la chancellerie, auffi-bien que l'églife de S. Laurent in Damafo, & l'on en a même réparé en quelques endroits les murailles de Rome. Au lieu de relever & de conferver ces précieux reftes de l'antiquité comme a fait Sixte V, à qui Rome eft redevable de la plus grande partie de fa beauté, il s'eft trouvé plufieurs papes qui ont contribué eux-même à faire le dégât. Innocent VIII ruina l'arc Gordien pour bâtir une églife: Alexandre VI démolit la belle pyramide de Scipion pour paver les rues, des pierres qu'il en ôta. Les degrés de marbre par où l'on monte à l'églife d'Ara Celi, ont été pris à un temple de Romulus; S. Blaise eft bâti des débris d'un temple de Neptune; S. Nicolas de l'ame a été élevé des débris du cirque agonal, & ainfi de quantité d'autres. Au refte, ce palais eft un des plus beaux de Rome. Son bâtiment eft ifolé, & l'on peut tourner tout autour. Il a quatre faces, à chacunes desquelles eft une porte qui donne dans une cour entourée de colonnes & d'arcades, ave une galerie couverte, qui conduit dans les différens appartemens. C'eft dans cette cour que fe voit la meilleure ftatue d'Hercule, appuyé fur fa maffue. Elle fut trouvée dans les bains d'Antonin Caracalla. On y voit auffi les ftatues de Flore & de deux gladiateurs. En montant par le grand escalier, pour aller aux chambres, on voit dans une gallerie l'admirable fi gure d'un dauphin, portant fur fon dos un petit garçon ; & à l'entrée de la grande falle les ftatues de deux rois Parthes qui font enchaînés. La ftatue d'Alexandre Far

nèse est dans la falle. Il foule aux pieds la rébellion & l'héréfie, pendant que la renommée le couronne. Ces quatre figures font d'une feule pierre de marbre blanc. Dans la même falle on voit les ftatues de la charité & de l'abondance, en posture de deux personnes qui fe baifent & qui fe confolent. Tout autour de l'appartement, il y a une infinité de gladiateurs l'épée à la main, dans les différentes attitudes, que leur faifoit prendre leur maniere de combattre. Dans une chambre qui joint cette falle font plufieurs rares tableaux de la main de Salviati & de Frederico Zucchari, qui repréfente ce que Paul III a fait de plus remarquable. Il y en a un où Luther dispute contre Gaëtan, & un autre où font les quatre docteurs de l'églife latine. Dans une autre chambre, on voit un grand nombre de ftatues des anciens philofophes & poëtes. On entre enfuite dans un appartement rempli de tableaux des meilleurs maîtres. On y voit une table de pierre & de piéces rapportées, qui a douze pieds de long & cinq de large; & de-là, on paffe dans la belle gallerie, qui eft toute entourée de ftatues, avec fes plafonds admirablement bien peints, de la main du célébre Annibal Carache. Ils contiennent les hiftoires des amours des dieux & des déeffes du paganisme. C'eft dans cette gallerie qu'on montre la ftatue d'Apollon, taillée dans un caillou. Dans une petite cour de derriere eft le taureau de marbre, qui fait l'admiration des plus habiles connoiffeurs. Une femme paroît attachée par les cheveux à l'une de fes cornes, & deux puiflans hommes font leurs efforts pour les pouffer dans la mer du haut d'un rocher. Une autre femme & un petit garçon accompagnés d'un chien regardent ce fpectacle. Toutes ces figures font taillées dans un feul bloc de marbre représentent l'histoire d'Amphion & de Zethes, qui pour venger leur mere Antiope, que Lycus, roi de Thébes, avoit répudiée à la fuggeftion de Dircé, qui vouloit prendre fa place, attacherent cette nouvelle reine à la corne d'un taureau, qu'ils précipiterent dans la mer.

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&

Vis-à-vis du palais Farnèse est la maifon du fignor Pighini, où font deux ftatues d'une très-grande beauté ; l'une de Venus & l'autre d'Adonis. L'églife de faint Girolamo eft vers ce quartier. C'est une congrégation de prêtres, la plupart gentilshommes, qui vivent en communauté, quoiqu'à leurs dépens. Saint Philippe de Neri, qui l'inftitua, vécut près de trente ans dans cette maison. Le tableau qui repréfente S. Jerôme, fur le grand-autel, eft de la main du Dominicain. Les Anglois avoient autrefois un hôpital au même quartier; il a eté converti en collége, d'où l'on va à la Chiefa Nuova, l'une des plus belles églifes de Rome. Ce font des prêtres de l'oratoire qui la deffervent. La voute en eft richement dorée, & peinte de la main de Pierre de Cortone. La chapelle de S. Philippe de Neri eft du côté de l'évangile du grand autel. On y voit fon portrait au naturel par le Guide ; & fon corps repofe dans un coffre de fer, en une chapelle baffe qui eft fous l'autel. De l'autre côté du grand autel & dans la baluftrade, est le tombeau de Céfar Baronius, qui fut autrefois de cette maifon, & que Clément VIII fit cardinal malgré lui. Tout le monde fait combien fon hiftoire des annales de l'églife, qui lui couta treize ans de travail, a rendu fon nom célébre. L'églife de la Pace eft embellie de peintures & de ftatues excellentes, faites par les meilleurs peintres & les plus fameux fculpteurs.

meurs,

Après que l'on a de-là paffé par la rue des imprion trouve la Piazza di Pasquino, où eft la fameufe ftatue de Pasquin, proche la place Navone. Elle a hérité de ce nom d'un tailleur qui demeuroit tout auprès, & qui étoit un railleur de profeffion & un difeur de bons mots. Les nouvelliftes s'affembloient dans fa boutique, & l'on y débitoit tout le bien & le mal qui fe faifoit à Rome. Souvent même on glofoit fur ce que le maître difoit; on lui faifoit dire des nouvelles & des traits piquants, auxquels il n'avoit jamais penfé, que l'on appelloit Pasquinades, du nom de leur auteur, vrai ou fuppofé. Les enfans qu'il a laiffés en mourant, n'ont point voulu continuer le métier de leur pere, qui lui avoit fait affez fouvent de mauvaifes affaires, & attiré des coups de bâton. Iis ont quitté leur quartier, & laiffé à la ftatue, leur voisine, le nom de leur pere, & le foin de débiter ce que les beaux esprits de la ville veulent faire favoir fans le faire con

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noître. On feroit des livres bien gros, des fatyres & des plaifanteries qui ont couru fous le nom de Pasquin. Telle eft l'origine de pasquinades. Quant à la statue qui a retenu le nom de Pasquin, c'eft une figure toute tronquée & toute défigurée, que quelques-uns difent avoir été faite pour Alexandre le Grand, d'autres pour Hercule & d'autre pour un foldat romain. Elle eft appuyée contre une muraille, au coin d'un carrefour. On dit une affez plaifante réponse que fit Alexandre VI, à ceux qui lui confeilloient de jetter Pasquin dans le Tibre, à caufe des fatyres perpétuelles que cette critique ftatue faifoit contre lui: Je craindrois, dit ce pape, qu'il ne fe métamorphofat en grenouille, & qu'il ne m'importunat jour & nuit. Ordinairement Pasquin répond aux queftions que lui fait Marforio autre ftatue auffi famenfe, pareillement eftropiée, & qui fut autrefois, felon quelques-uns, la ftatue de Jupiter Panarius, la ftatue du Rhin, felon d'autres, ou celle de la Nera, qui paffe à Terni. On la voit aujourd'hui dans une des cours du capitole. Le nom de Marforio vient, à ce qu'on croit, de Martis-Forum, le lieu où étoit cette statue s'appellant anciennement ainsi, auffi-bien que Forum Augufti. Il y a bien de l'apparence qu'on affichoit autrefois les pasquinades fur le tronc de Pasquin & fur celui de Marforio; mais cela ne fe pratique plus. Tous les libelles fatyriques font cenfés être de Pasquin, fans qu'ils en ayent approché.

De l'endroit où eft la ftatue de Pasquin, on paffe à la place Navone, qui eft voifine de la Sapience. On l'appelloit autrefois Platea Agonalis, c'est-à-dire, la place des combats, parce que c'étoit un c'étoit un cirque bâti par Alexandre Sévere. Elle eft cinq ou fix fois plus longue que large, & une de fes extrémités eft un arc de cercle. Le palais du prince Pamphile en fait presqu'un des longs côtés. Ce palais eft grand & magnifique, & tel qu'il convient à un neveu d'Innocent X. Il eft joint à une petite églife que ce prince a fait bâtir à l'honneur de fainte Agnès, martyre, dans le lieu où l'on croit qu'elle fut enfermée avant d'être conduite au fupplice. Cette église eft un ovale, d'une magnificence extraordinaire; le pavé, les murailles & jusqu'aux tableaux des autels, tout eft de marbre choifi, mis en œuvres par les plus habiles & les plus favans maîtres. Elle eft couverte en dôme, dont le dedans eft orné de stucs dorés d'un gout merveilleux. Le portail qui donne fur la place, eft d'une très-belle ordonnance. Il eft accompagné de deux campaniles, dans l'un desquels il y a une horloge, dont on fait beaucoup de cas. Le milieu de la place Ñavone eft moins élevé que les bords, de maniere qu'on en peut faire un lac quand on le juge à propos. Il n'y a pour cela qu'à fermer les conduits par lesquels s'écoule & fe perd l'eau des trois grandes fontaines qui font fur cette place, dont celle du milieu eft d'une magnificence extraordinaire. On a mis au pied du rocher qui foutient la pyramide, quatre figures coloffales, qui repréfentent les quatre plus grands fleuves des quatre parties du monde. Le Gange pour l'Afie, le Nil pour l'Egypte, le Danube pour l'Europe & le rio de la Plata pour l'Amérique. Comme ces trois fontaines jettent des torrens d'eau, il eft facile d'inonder la place & de lui donner jusqu'à trois pieds d'eau dans fon milieu. On le fait pour l'ordinaire dans les grandes chaleurs, une heure avant le coucher du foleil, & alors la nobleffe va fe promener en carrolfe, pour jouir de la fraicheur & da divertiffement que le bas peuple leur donne en se jettant dans l'eau. On voit auffi fur cette place l'église des Espagnols, appellée fan Jacomo, où eft le tombeau de Petrus Ciaconius, favant critique, & le portrait de SanDiego, de la main d'Annibal Carache.

Les écoles publiques de la Sapienza, font vis-à-vis de la porte de derriere de cette églife. Eugène IV fit commencer le bâtiment de ce collége, qu'Urbain VIII & Alexandre VII ont fort embelli par l'églife & la bibliothèque publique qu'ils y ont fait conftruire. Quoiqu'il y ait bien des colléges à Rome, il n'y a cependant que celui de la fapience qui ait droit de faire des docteurs en théologie en droit & en médecine. C'est le plus ancien collége de la ville. Il y a plus de trente profelleurs qui y enfeignent, ou qui y font payés pour enfeigner la rhétorique la philofophie, le droit civil & canonique, la médecine, la botanique, l'architecture, les mathématiques, les langues grecques, hebraïques, arabes, fyriaques, chaldéennes, &c. Tous ces profeffeurs ont des appointemens confidé

rables, & beaucoup de priviléges & d'honneurs. Il y a parmi ces profeffeurs beaucoup de religieux. C'eft le pape qur nomme tous les profefleurs. Le bâtiment de ce collége eft magnifique, c'est un carré long, formé par de doubles portiques. Les claffes font belles. Il y a une bibliothèque nombreuse, bien tenue, avec des revenus fixes pour l'augmenter & pour l'entretien des bibliothécaires & de leurs ferviteurs. La ftatue du pape Alexandre VII, est placée avec justice dans cette bibliothèque, puisque ce pontife y a fait de grands biens, & qu'il a fait faire pour l'ufage des profeffeurs & des écoliers en médecine, un jardin de fimples, très-bien entretenu, avec un profeffeur en botanique, qui fait des leçons publiques dans les tems convenables. Ce jardin eft placé au janicule, dans une expofition favorable; & comme le climat eft tout-à-fait propre pour la culture des plantes, on en trouve presqu'en tout tems & de très-curieu

fes.

Outre la fapience, il y a encore plufieurs colléges où l'on étudie les humanités & les fciences fupérieures. Il y a auffi des cours de philofophie & de théologie, dans la plupart des maifons religieufes. Mais le collége romain fondé par Grégoire XIII pour les jéfuites, a feul des claffes ouvertes pour toutes les fciences, la grammaire, les humanités, la rhétorique, la philofophie, les mathématiques, la théologie, l'écriture fainte & les cas de conscience.

L'églife de faint Louis n'eft pas fort éloignée de la place Navone. Elle eft fort belle, & deffervie par un grand nombre de prêtres françois. Tout joignant eft un hôpital qui appartient à la même nation. Le portrait du cardinal d'Oflat eft dans cette églife, fur une colonne. Le palais de Juftiniani eft aux environs. On y voit quantité de ftatues des dieux païens, & une infinité de pieds & de jambes de marbre. Il y a une fi grande confufion dans tous les appartemens, fur-tout dans la galleric d'en haut, qui, fi elles y fervent d'ornement on peut dire auffi qu'elles embarraffent beaucoup.Cependant on conferve le tout avec foin. Cela vient, dit-on, de ce que le vieux prince Juftiniani mourant fans héritiers mâles, laiffa ce palais à un particulier voulant qu'il en fut privé, & de tous les meubles, s'il fe défaifoit de quelques parties de ces antiquités. Parmi ce grand nombre de ftatues il y a divers tableaux fort confidérables du Titien & d'autres grands maîtres; entr'autres le rare tableau de faint Jean l'évangélifte, de la main de Raphaël d'Urbain, & celui de la Vierge & de faint Jofeph. Il faut paffer par les ruines des bains d'Alexandre Sévére pour aller à l'église de faint Eustache. On tient qu'elle eft au même lieu où faint Eustache, fa femme Theopista, & ses enfans Agepytus & The piftus, fouffrirent le martyre par le commandement de Tra

jan.

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La Rotonde, autrefois le Pantheon, eft la plús hardie piéce d'architecture qui foit à Rome. Elle n'a été appellée la Rotonde que par le peuple, à caufe de fa figure ronde. Lorsque Boniface IV dédia cet ancien temple à la Vierge & à tous les martyrs, il lui donna le nom de Santa Maria ad martyres; & depuis quelqu'autre pape voulut que tous les faints en général fuffent compris avec les martyrs. On ne s'accorde pas fur la raifon qui fit anciennement nommer ce temple Pantheon : les uns difent qu'il fut ainfi appellé, quod forma ejus convexa faftigiatam cœli fimilitudinem oftenderet. Les autres croyent qu'il fut confacré par Agrippa à Jupiter & à tous les dieux, ou peut-être à Jupiter feulement & à Cibéle mere des dieux. Îl eft vrai qu'il y a des niches tout autour en-dedans du temple, & l'on peut bien conjecturer, ce femble, qu'elles peuvent avoir été remplies d'idoles; mais cela fuppofé, ces niches ne prouvent rien davantage. Varron nous parle de trente mille dieux adorés dans Rome; & le philofophe Bruxillus dit en mourant, dans fa harangue au fénat, qu'il en laiffoit deux cents quatre-vinges mille. Il auroit fallu bien des niches pour loger tout cela. Les niches ne font donc rien pour prouver que le Pantheon ait été confacré à toute la multitude des dieux qu'on invoquoit Rome. Du refte ce temple, quoique bien dépouillé, eft encore un des plus beaux & des plus entiers édifices qui foient en Italie. On fait voir au château Saint-Ange un canon de fonte de foixante & dix livres de balle, qui a été fait auffibien que les quatre colonnes du grand aurel à faint Pierre des feuls clous de bronze, dont étoit attachée la couverture du portique du Pantheon. Les colonnes de ce portique font de granite, d'ordre corinthien & d'une feule pièce. Elles ne font pas d'une grofleur parfaitement égale, mais à quelques

à

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pouces près de plus ou de moins, elles ont quinze pieds d'Angleterre de tour. On peut juger du refte par la proportion. Les deux lions, qui font fous le même portique, ont fervi d'ornement à la façade du temple d'Ifis. Le inorceau de granite dans lequel eft taillée l'ouverture de la grande porte eft auffi d'une grandeur fort considérable; il a quarante pieds de haut fur vingt de large ou à peu près. L'illuftre Raphaël eft enterré dans cette églife. La voute de ce bâtiment eft ouverte de près de huit toifes pour donner du jour, car il n'en vient point d'ailleurs. Il n'y a non plus aucun pilier pour la foutenir. Auffi quand Pline parle du Pantheon, c'est comme du plus rare ouvrage de fon tems. On dit qu'anciennement il étoit couvert de tuiles de cuivre, à quoi Lipfe ajoute qu'elles étoient dorées. Aujourd'hui il n'est couvert que de grandes pierres plates. Il eft haut de cent quarante pieds, & large d'autant. Toute fa grande étendue n'eft foutenue que des murailles qui font la circonférence. On traverse le Campo Martio pour aller à l'églife de San Lorenzo in Lucina. Elle eft fort ancienne & deffervie par des prêtres appellés Clerici Regolari Minori. C'est la plus grande paroille de Rome. Elle eft voifine du palais Borghefe, palais qui a de grandes beautés, & renferme bien des chofes rares. Les portiques font foutenus de quatre-vingtfeize colonnes antiques de granite d'Egypte. Entre les tableaux qui font dans les appartemens bas, il y a, dit-on, dix-fept cents originaux des plus fameux peintres. La Venus qui bande les yeux de l'Amour pendant que les Graces lui apportent les armes, eft du Titien, & paffe pour le tableau le plus exquis. Paul V, qui étoit de la maifon Borghese, est peint en mofaïque fi fine, que fon portrait contient, dit-on, plus d'un million de pièces. Ce qu'il y a de fùr, c'eft que c'eft un ouvrage très-délicat.

Le maufolée d'Augufte, peu éloigné de l'églife de faint Roch, eft dans une place particuliere, où l'on ne paffe pas ordinairement. Cet édifice étoit rond & l'une des plus belles chofes qu'on pût voir à Rome. Il avoit trois rangs de colonnes rondes les unes fur les autres, dont les étages alloient toujours en retréciffant; & fur chaque étage étoit une espece de terraffe où l'on avoit planté des arbres pour y avoir de la verdure. La ftatue d'Augufte étoit fur le haut de tout l'ouvrage, élevée de terre de deux cents cinquante coudées. Il refte peu de chofe de la magnificence de ce maufolée, & le tems a presque détruit toute la beauté. L'église de faint Antoine de Pade n'en eft pas bien éloignée. Elle appartient aux Portugais, & on y voit le tombeau du grand cafuiste Navarre, qui mourut à Rome où il avoit fuivi Caranza fon meilleur ami, que l'on y avoit cité pour rendre raifon de fa doctrine. Il y a fur fon tombeau un bufte qui le représente. L'églife des auguftins que l'on trouve près de-là, renferme le tombeau de fainte Monique & celui d'Onuphrio Panvini, favant religieux Auguftin. Il y a dans le couvent une fort rare bibliothéque appellée Angelica, à cause d'Angelus Rocca, évêque & maître de la facriftie du pape, qui la donna à cette maison, à condition qu'elle feroit ouverte le matin à tous ceux qui voudroient y étudier. L'église de faint Apollinaire qui eft près de celle des Auguftins, a été rebâtie par le pape Benoît XIV. Elle appartient au collége des Allemands, fondé par Grégoire XIII, pour y élever cent Allemands & Hongrois. Il en eft forti quantité d'évêques, des électeurs & des cardinaux en grand nombre. Il cft gouverné par les jéfuites. Le palais du duc d'Altemps eft vis-à-vis de faint Apollinaire & du collège des Allemands. La grande falle de ce palais eft embellie de beaucoup de curiolités, parmi lesquelles on remarque le triomphe de Bacchus en bas-relief fur du marbre, la représentation d'une ville taillée fur du bois, qui eft une piéce curieufe, & un portrait de la Vierge tenant fon divin enfant entre les bras de la main de Raphaël. On l'eftime cinq mille piftoles. Le tombeau de S. Anaclet pape eft fous l'autel de la chapelle du même palais, & l'on voit dans la facriftie fon chef enchâffé dans de l'argent, couvert de quantité de pierreries. On dit que les ornemens de cette chapelle ont couté plus de cinq mille écus. L'églife de faint Jean de Florence eft proche du pont Saint-Ange. Elle appartient aux Florentins qui l'ont fait bâtir. On adinire dans une de fes chapelles un tableau de la réfurrection de notre Seigneur fait par Lanfranc.

à Rome quatre-vingts ou quatre-vingt-deux

On cans vingt-quatre desquelles il y a des font bap

paroiffes, paroiffes, tismaux. C'eft

beaucoup plus qu'il n'en faut pour cent ciu

1

le

paye en

quante mille ames au plus qu'il y a dans cette ville. Les cu rés ne font pas riches: ils n'ont presque que leur cafuel qui n'eft pas fort ample. L'honoraire pour les enterremens cire blanche. Il est taxé à deux livres pefant. Le refte eft à proportion. On ne connoiffoit point à Rome autrefois la pratique de faire le prône. On le fait à préfent; mais les curés étoient obligés, & le font encore de faire le cathéchisme tous les deux dimanches, excepté dans les tems des chaleurs, & cela fous peine d'un écu d'or d'amende.

Il eft rare que Rome & le refte des états de l'églife puisfent être réduits à la famine, à moins qu'il n'y ait de fuite plufieurs années de ftérilité. Il y a des greniers publics, non-feulement dans toutes les villes, mais même dans tous les villages, où l'on refferre la quantité de bled qui eft néceffaire pour entretenir le peuple pendant trois années. Il faut que ces greniers foient fournis, avant que ceux qui ont des grains à vendre, en puiffent vendre un grain hors de l'état. Les communautés des villes, bourgs & villages, achettent les bleds au prix qu'ils ont été taxés par le préfet de l'Annone; & le donnent au même prix aux boulangers & aux habitans qui en ont befoin, de maniere que l'on ne mange que du bled de trois ans, qu'on prétend être beau coup meilleur que celui qui eft nouveau. Ceux qui ont la garde des greniers publics n'ont point de gages: ils fe contentent de l'augmentation ou accroiffement qui arrive au bled dans les greniers. On le leur donne par mefure : & ils font obligés d'en rendre le même nombre de mefures. Le furplus eft pour eux. Voici la raifon de l'accroiffement du bled en Italie & dans les pays orientaux. On ne ferre point le bled en gerbes dans les granges, on le bat fur le champ. Il y a pour cela une place deftinée, dont le terrein eft bien battu, ferme & uni, ce qu'on appelle l'aire. On y arrange les gerbes en rond, & on attache plufieurs chevaux, bœufs ou bufles à la queue les uns des autres, qui en marchant & courant fur les gerbes, en font fortir les grains. Comme on choifit pour cela un tems fec & un foleil ardent, les grains font très-fecs, & la chaleur les fait rentrer en eux-mêmes. Ils deviennent plus petits, moins enflés, & plus durs que s'ils étoient humides, & leur volume étant moindre, il en tient un plus grand nombre dans une mefure, au lieu que quand ces grains ont pris de l'humidité dans les greniers, ils s'enflent, leur volume augmente, & par une fuite néceflaire il en faut une moindre quantité pour remplir la mesure. C'eft -delà que vient le profit de ceux qui ont la garde des greniers publics, profit d'autant plus confidérable, que des gerbes ont été foulées, ou, comme ils difent, triturées dans un tems plus fec & pendant une plus grande chaleur. Ces gardiens font obligés pour cela de fournir aux dépenfes qu'il faut pour remuer & cribler leurs bleds, & pour les transporter felon le befoin d'un grenier à l'autre. Les précautions que l'on prend pour empêcher que le bled ne manque, n'ouvre jamais la porte à cette cruelle avarice, qui le renchérit ailleurs à proportion de fa rareté. Le prix en est toujours taxé. Ceux qui n'en veulent pas prendre dans les greniers publics, en peuvent acheter, de ceux qui en ont à vendre. Ceux-ci le peuvent donner à un prix au-deffous de la taxe: mais ils feroient punis, s'ils le vendoient plus cher. Presque toutes les terres des états du pape font extrêmement fertiles, & rapportent de très-bons bleds. Pour l'ordinaire le grain eft petit, dur & pefant; & fi les peuples étoient plus laborieux, il eft certain qu'on tireroit de ces états feuls dequoi fournir tout le refte de l'Italie; mais ces peuples font mols. Ils fuyent le travail & la peine, & aiment mieux fouffrir les incommodités de la pauvreté, que de travailler pour s'en délivrer. D'ailleurs rien ne les excite au travail. Ils n'ont rien à payer à leur prince. Les charges font presque toutes fur les denrées qui fe confument. Ön ne fait ce que c'eft que tailles, gabelles, fubventions, dons gratuits, capitation & autres levées de deniers. Les entrées de marchandifes, & particulierement des denrées de bouche, font légeres; & comme perfonne n'en eft exempt, le fardeau ainfi partagé n'incommode que très-peu, ceux qui ne veulent point payer de droits au prince, n'ont qu'à fe paffer des chofes fur lesquelles il y a une gabelle.

&

Autant la police de Rome a-t-elle de vigilance fur l'article des bleds, autant a-t-elle de négligence par rapport à l'entretien & à la propreté des rues. Dans les plus belles rues, & même dans celle qu'on appelle il Corfo, tout eft

plein de boue en hyver & dès qu'il a un peu plu. La pousfiere n'eft pas moins incommode en été. On remédie à ce dernier inconvénient, en faifant arrofer les rues le foir. par le moyen de quelques charettes chargées d'un gros tonneau plein d'eau, au fond duquel il y a une manche de cuir avec une corde tenue par un homme qui marche derriere & à quelque distance de la charrette: il remue cette manche de côté & d'autre, afin d'arrofer de toutes parts. On n'a pas les mêmes attentions pour nettoyer les rues, excepté dans quelques occafions très-considérables, & pour certains endroits diftingués. On ne fait ce que c'eft de balayer. Les grandes pluyes font les balais de Rome. Les rues font nettes quand il a bien plu, & bien fales quand il ne pleut point.

que

Le pavé de Rome eft très-mauvais, quoiqu'il foit mis en œuvre avec du mortier de chaux & de poulfolane, qui fait un corps merveilleux & de longue durée quand il est bien fait; mais c'eft juftement ce qui lui manque; outre que les pierres font trop petites & qu'elles n'ont point d'asfiette, le fond fur lequel on les pole dans un bain de mortier n'a presque point de fermeté.

Les Romains ne font pas tout-à-fait d'une gravité fort auftere : ils en ont pourtant, & elle leur fied bien. Ils font fages, réfervés, circonspects, & ne donnent pas dans le plaifir à corps perdu, comme bien d'autres nations. Tout eft mefuré chez eux, & chaque chofe y a fon tems. Quoiqu'ils aiment les plaifirs & qu'ils en prennent, ils favent en bannir l'éclat, qui fouvent produit le fcandale. Il n'y a que le tems de carnaval qui les fait fortir de ces bornes raifonnables; mais auffi en fortent-ils tout de bon en ce tems-là. Dès que l'ouverture du carnaval est annoncée avec les cérémonies ordinaires, toute la ville eft en joie. Il femble que ce foit un fignal pour quitter la gravité, la retraite & les affaires. On ne fonge qu'à fe divertir. Le jour eft employé en mascarades, la nuit en bals & feftins. Rien n'eft plus magnifique, mieux entendu, plus divertiffant que les différentes fcénes qui fe fuccédent les unes aux autres. Le public y prend part fans qu'il lui en coute rien. Le cours eft le rendez-vous ordinaire des masques; mais il n'eft pas permis à tout le monde de s'y trouver. Cela eft expreflément défendu par un édit public aux femmes de mauvaise vie, aux moines & à la canaille. C'est donc dans la rue du Cours que tous les masques s'affemblent, Les uns montés fur des chars de triomphe tirés par quatre chevaux de front, repréfentent les entrées triomphales des anciens Romains, après leurs victoires. D'autres déguilés en dieux du vieux tems, marchent fierement ornés de leurs différens attributs. On voit des chariots pleins de muficiens & des fymphonistes, à la fuite d'une montagne, où Apollon & les neuf Mufes font en converfation. On voit des théâtres portatifs, qui s'arrêtent dans les places & devant les palais qu'ils jugent à propos, & représentent des piéces très-comiques.

Les grands repas ne font pas du gout des Romains. Ils mangent pour vivre. Ils font mangent pour vivre. Ils font propres & délicats; on pourroit même dire fenfuels; mais on ne remarque point en eux de penchant à la crapule. Ils mangent très-peu le foir, fe couchent tard, fe levent de grand matin, pour profiter de la fraîcheur, & dorment après dîner pendant quelques heures. Ils vivent tous d'une façon affez retirée. Ils fe vifitent cependant avec beaucoup de politeffe, quand il est néceffaire, & que la bienféance le demande. Ils s'invitent même les uns les autres à des repas en certains jours; mais on ne remarque jamais entr'eux ces familiarités, qu'on eftime tant chez d'autres nations, & qu'on condamne avec raifon chez des peuples auffi polis & auffi circonspects qu'ils le font. La plupart des filles qui ont de la naissance ou du bien, font élevées dans des couvents. On les y met de bonne heure, & elles n'en fortent que pour être mariées. Beaucoup s'y fixent pour toute leur vie, en prenant le voile. La dévotion qu'elles y ont fucée les y porte. Souvent la raifon fait ce que la dévotion n'a pû, c'eft-à-dire,' que quand leur famille ne fe trouve pas en état de les pourvoir , comme elles devroient l'être, elles fe donnent à Dieu, ne pouvant pas fe donner à d'autres; car on ignore en ce pays-là le milieu, fi fort en ufage dans les autres pays, de demeurer fille, & de vivre dans le monde, en attendant que le hafard faffe changer d'état.

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2. ROME, petite ville d'Afrique, au royaume de Congo, felon Corneille qui cite Maty. Elle eft ajoute-t-il,

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