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Constitutions modelées sur celles de l'Angleterre. La prérogative royale était la même dans les deux pays.

L'initiative des négociations, la signature et la ratification des traités appartiennent au roi. Il est seul juge de l'opportunité et de l'utilité de ces traités; il peut les soumettre aux Chambres s'il le juge convenable; mais rien ne lui en fait une obligation, sauf la nécessité qui s'impose à tout gouvernement parlementaire d'entretenir des rapports faciles avec le Pouvoir législatif. La ratification des traités peut être donnée avant toute consultation des Chambres. Cette ratification, sauf la controverse soulevée plus haut, ne les lie pas. Elles peuvent se refuser à accorder au Pouvoir exécutif les mesures financières ou législatives destinées à procurer l'exécution du traité signé.

Leur seul recours contre le gouvernement, s'il ne suit pas une politique extérieure conforme au sentiment des Chambres et au vœu du pays, consiste dans un refus de coopération, dans la rédaction d'une adresse, et dans la mise en accusation des ministres.

Tous ces rapports, tels que je les décris, ont effectivement existé entre les deux Pouvoirs législatif et exécutif, sous l'empire de cette constitution. Le gouvernement et les députés ont, de part et d'autre, et à maintes reprises, affirmé leurs droits respectifs.

En 1840, un traité fut signé le 29 octobre, avec BuenosAyres Ce traité signé fut, le 2 février 1841, l'occasion d'une interpellation parlementaire sur la politique exté

rieure.

Il n'avait pas encore été communiqué aux Chambres. Un député, M. Auguès, le fit remarquer et demanda qu'on ajournât l'interpellation à l'époque où elles en seraient régulièrement saisies.

M. le Ministre des affaires étrangères monta alors à la tribune et fit une déclaration formelle des principes constitutionnels, qui régissaient les rapports de la royauté et des Chambres et qu'il entendait appliquer.

<< J'ai, dit-il, une observation à faire sur ce que vient de dire l'honorable M. Auguès. Je ne pense pas qu'à aucune époque, la Chambre doive être saisie du traité. Ce traité n'exige aucune mesure législative; il n'entraîne aucune disposition qui doive être soumise à la Chambre; il est donc complétement dans la prérogative de la Couronne. Ce n'est qu'indirectement et par voie d'interpellation que le débat peut s'ouvrir à ce sujet, et le traité ne peut jamais tomber sous le contrôle de la Chambre.

M. de Combarel.

Le Ministre.

Et le traité avec la Hollande?

Le traité avec la Hollande entraînedes mesures qui doivent être soumises à la Chambre.

M. Lherbette. Dans ce traité de Buenos-Ayres, n'y a-t-il pas des stipulations financières?

Le ministre. - Aucune. C'est pour cela que le traité ne tombe pas dans le domaine de la Chambre. »

M. Auguès explique qu'il y a non des stipulations financières, mais des conditions financières au compte de la République de Buenos-Ayres; il y a des réclamations de la part de plusieurs maisons françaises.

<< Je ne demande pas, ajoute-t-il, la production du traité; je sais que, la France n'étant pas financièrement engagée, peut-être ne devons-nous pas en connaître législativement.

M. le Ministre. Le traité ne viendra sous les yeux de la Chambre que lorsque, après sa ratification, on demandera les fonds nécessaires pour pourvoir aux dépenses auxquelles l'expédition a donné lieu.

<< Cependant, je suis tout prêt à donner les explications

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qui me paraîtront possibles dans l'état actuel de l'affaire. Mais je le répète, je n'irai pas plus loin; le traité n'est pas ratifié; la discussion serait nécessairement très incomplète. >>>

M. Isambert objecte qu'on a bien communiqué le traité de la Quadruple Alliance. Cependant il ne contenait point de stipulations financières, mais seulement des éven-tualités.

M. le Ministre. - On communique les traités si cela est convenable; la Couronne est libre. >>>

Le 20 février suivant, les orateurs conjurent le Gouvernement de ne pas ratifier. On voit qu'ils n'étaient pas aussi respectueux des prérogatives de la Couronne que le duc de Wellington (voir la note, page 292). Il n'en faudrait d'ailleurs pas tirer argument pour chercher une autre explication de la constitution de 1830, que celle que je donne. Ni le texte, ni les traditions ne le comporteraient. Tout ce qu'on peut dire, c'est que ces traditions, par leur nature même, ne sont ni certaines ni invariables, et que la mesure des droits de chaque Pouvoir (législatif ou exécutif) est déterminée en partie par leur confiance réciproque.

C'est ce qui ressort des termes légèrement dubitatifs qu'emploient les divers orateurs quand ils revendiquent un droit prétendu.

Ainsi, dans la discussion que j'ai rapportée plus haut; ainsi dans celle de 1842, à propos du fameux traité de 1840, sur la répression de la Traite (Moniteur, 1842, 165): M. Dupin constate que le traité n'a pas été communiqué aux Chambres; à quoi un autre orateur répond qu'on n'a sans doute rien caché aux Chambres, mais qu'il « pense qu'on en avait le droit. >>>

C'est, je le répète, la jalousie de la Chambre des dépu

tés, et l'esprit de conciliation chez les ministres qui influent le plus sur la nature, la fréquence et le moment des communications. Mais rien dans la constitution ne les prescrit. Et on n'aurait même pas la ressource d'alléguer telle pratique différente en Angleterre, car la Charte ne peut pas être rigoureusement considérée comme émanée ou inspirée de la constitution anglaise.

CHAPITRE IV

Constitution du 4 novembre 1848

Art. 52. Il (le Président de la Républiqne) négocie et ratifie les traités. Aucun traité n'est définitif qu'après avoir été approuvé par l'Assemblée nationale.

Art. 51.

Il ne peut céder aucune portion du territoire.

La constitution de 1848, venant après la Charte de 1830 et les revendications qui avaient retenti pendant les dernières années du précédent règne, ne pouvait qu'être conçue dans un sens libéral. Elle revenait purement et simplement au système de 1794.

L'art. 52 donnait du rôle du Président de la République et de l'Assemblée une idée très complète. Il paraît que la rédaction première ne comportait pas le deuxième alinéa de cet article. Mais un député, M. Combarel de Leyval, qui avait appartenu aux assemblées de la monarchie, ayant soutenu que tous les traités signés et ratifiés par le Président de la République étaient définitifs et liaient la nation, sauf s'ils contenaient des engagements financiers au nom de la France, on crut indispensable d'ajouter l'alinéa qui termine l'art. 52.

Dans ces conditions, la ratification que donne le Président de la République aux traités qu'il a signés, ne saurait avoir l'effet que lui assignait une opinion, sous l'empire de la Charte de 1830, de lier la communauté. Le Président serait même coupable de ratifier un traité avant l'assentiment des Chambres, et la nation contractante ne saurait en prétendre prendre avantage contre le pays, en vertu de l'axiome : « Qui cum alio contrahit conditionis ejus non ignarus esse debet. »

Cette ratification n'est plus un complément nécessaire à la validité du traité. Elle n'est autre chose qu'une attestation au Corps social et au Gouvernement co-contractant de l'approbation qu'a donnée au traité le Pouvoir législatif.

D'autre part, le droit de l'Assemblée sur les traités que lui présente le Pouvoir exécutif est autrement large que sous la Charte. Elle peut les admettre, les rejeter ou les modifier, et inviter (1) directement, par un vote formel, le gouvernement à engager de nouvelles négociations à cet effet avec l'autre partie.

L'article 51 semble dans ce système, une superfétation. Il paraît, en effet, inutile de dire que le Président de la République ne peut céder aucune portion du territoire, puisque tous traités passés par lui n'ont d'effet qu'après l'approbation de la Chambre à laquelle, en définitive, appartient le dernier mot.

On prétend qu'on a voulu parer à une pratique semblable à celle des précédents gouvernements, qui disposaient à leur gré du territoire non continental de la France, comme fit le premier Consul pour Malte, et le roi Louis XVIII pour Saint-Domingue.

(1) Cf. art. 7 du projet de décret de Mirabeau, en 1790, et l'article 1er de la loi du 31 août 1871.

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