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DE BOSSUET.

TOME PREMIER.

DE L'INSTRUCTION DE Msr LE DAUPHIN.

TRAITE DU LIBRE ARBITRE.

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CONNAISSANCE DE DIEU ET DE SOI-MEME.
DISCOURS SUR L'HISTOIRE UNIVERSELLE.

POLITIQUE TIRÉE DES PROPRES PAROLES DE L'ÉCRITURE SAINTE.
DEFENSE DE LA TRADITION ET DES SAINTS PÈRES.

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ÉLOGE

DE BOSSUET.

DISCOURS

QUI A PARTAGÉ LE PRIX D'ÉLOQUENCE DÉCERNÉ PAR L'ACADÉMIE
FRANÇAISE DANS SA SÉANCE publique du 25 AOUT 1827;

PAR M. SAINT-MARC GIRARDIN.

Le caractère d'un tel génie, c'est la richesse et l'ordonnance,
VILL EMAIN, Nouveaux Mélanges, de l'Éloquence chrétienne dans le IVe siècle.

Quelques années après la mort de Bossuet, le clergé de France s'assembla : c'est là que siégeaient ces évêques contemporains de Bossuet, témoins de ses travaux, les uns qu'il avait instruits et éclairés, les autres qu'il avait soutenus et affermis, quelques-uns qu'il avait combattus, tous qu'il avait édifiés par ses vertus et ravis par son génie. C'est là que son éloge aurait dû être prononcé : spectacle imposant que ces prélats réunis pour proclamer les décrets de la foi, et inaugurant cette assemblée solennelle par le panégyrique du dernier Père de l'Église!

Aujourd'hui, après un siècle et plus écoulé, c'est devant l'Académie française que nous venons faire l'éloge de Bossuet; mais sa mémoire ne perdra rien à la différence des temps et des juges. La gloire des grands hommes a plusieurs aspects, et chaque époque peut y trouver son point de vue. Sous Louis XIV, l'Église eût vanté l'évêque et le théologien aujourd'hui c'est le politique, l'historien, le philosophe, que nous étudierons; et nous louerons Bossuet avec la curiosité inquiète et remuante de notre siècle, comme ses contemporains l'auraient loué avec la gravité et le calme de leurs esprits. Enfin, dans cette réunion des représentants de notre littérature tout entière, cet homme qui eut à la fois tant de mérites divers trouvera des orateurs qu'inspira souvent son éloquence, des critiques qui pénètrent dans le secret de son génie, des hommes d'État qui jugeront sa politique, et de pieux évêques qui rendront témoignage de son zèle pour la foi et de ses travaux contre l'hérésie.

C'est le devoir du prêtre de tout ramener à Dieu : c'est là aussi, par un admirable accord, le caractère du génie de Bossuet: de là cette harmonie imposante entre ses fonctions et ses idées : théologie, histoire, politique, philosophie, il n'y a point de science, en quelques lieux écartés que l'ait jetée la

BOSSUET. TOME I.

tempête des opinions humaines, qu'il ne rappelle à Dieu; il marche d'un pas sûr dans les voies de l'E, glise, l'œil fixé vers le ciel, poussant devant lui toutes nos pensées et toutes nos doctrines, châtiant l'une, restreignant l'autre, et les amenant devant le trône de Dieu pour en faire le plus bel hom, mage que l'homme ait pu jamais offrir à son Créateur, celui de la raison humaine éclairée et soumise,

Tel est Bossuet; c'est la religion qui imprime à ses ouvrages un caractère d'unité majestueuse : ses idées se répandent de tous côtés, mais reviennent toujours aboutir à Dieu. C'est Dieu qui préside à tous les mouvements de son esprit, à ces vives et impétueuses saillies de son éloquence, à ces profondes méditations de sa pensée : disciple respectueux de l'Église, prêt à s'humilier à sa voix, c'est l'image de la force obéissante; son génie s'est réglé sans se ralentir, et, contenue par le frein salutaire de la foi, son imagination n'en est que plus belle en devenant plus sûre: de là cette solidité de jugement qui s'allie à l'enthousiasme, et ce sublime qui ne coûte rien à la raison; de là cet esprit qui, pour me servir de ses expressions, trouve sa sérénité dans sa hauteur; de là aussi ce bon sens dans le génie, marque distinctive de Bossuet et du siècle de Louis XIV.

Examinons d'abord l'état de la France et de l'É

glise au moment où parut Bossuet; cherchons ensuite à démêler la nature de son génie dans la controverse, dans la politique, dans la philosophie et dans l'histoire; enfin étudions son admirable éloquence,

Bossuet raconte que, jeune encore, il vit le cardinal de Richelieu entrer à Paris dans une chambre de bois, portée par dix-huit gardes qui se relayaient de distance en distance : malade et moribond, mais

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vres, des exhortations aux grands: c'est là que Bossuet s'instruisit des devoirs du sacerdoce. Examinons quel était à cette époque l'état de la France et de l'Église.

vainqueur de ses rivaux, ce ministre hautain tra-
versait Paris au milieu de l'étonnement du peuple
et des muettes imprécations de ses ennemis la
foule sur son passage s'entretenait, les uns de sa
puissance, les autres de son génie ; peu songeaient
à Dieu et à ses coups inattendus, si ce n'est, je l'i-tère
magine, ce jeune homme destiné à l'Église, cet en-
fant qui sera Bossuet, et qui peut-être, à la vue
d'une si haute fortune comparée avec la fragilité hu-
maîne, méditait déjà sur la vanité des choses de la
terre. Bientôt Dieu acheva la leçon: Richelieu mou-
rut, et Bossuet alla voir ce ministre puissant étendu
sur son lit de parade; magnifique spectacle où le
peuple vient satisfaire sa curiosité, où le courtisan
rêve à ses intrigues, et que la piété seule sait com-
prendre. Ainsi une secrète prédestination amenait
Bossuet près de ce cercueil, comme si le ciel vou-
lait déjà instruire son enfance du peu que vaut le
monde, comme si l'orateur à qui il fut donné de
faire retentir, au milieu des palais, les terribles en-
seignements de la mort, devait en quelque sorte
commencer son éducation devant le lit funèbre de
Richelieu : c'était là une des époques de Bossuet,
c'était son premier souvenir.

A quinze ans, il lut la Bible; c'est un événement dans la vie du jeune prêtre que la première lecture de la Bible; c'est une sorte d'initiation solennelle : voilà donc ce livre qui commence avec le monde et que couronne l'Évangile, ce livre dicté par Dieu et accompli par Dieu : de quelle ardeur dut s'enflammer Bossuet à cette sainte lecture! livre sacré, qu'il étudiera toute sa vie, qu'il invoquera à toutes les heures, qui sera sa force contre l'hérétique, par qui il humiliera les rois, par qui il consolera les paysans; livre saint, laisse ce jeune enfant s'abreuver de ta parole; laisse-le puiser aux sources de la foi : bientôt il la répandra du haut de la chaire évangélique. Qui sut mieux sentir l'Écriture tour à tour simple et majestueuse, sublime et naïve? Aussi comme il s'en est empreint! c'est là ce qui donne à cet évêque de la cour de Louis XIV cet air d'antiquité, à ce prédicateur de Versailles le langage d'un prophète, à ce contemporain de la Fronde le caractère des temps anciens pieuse métamorphose, qui le dépouille, pour ainsi dire, de tout ce qu'il a de moderne et de passager, et lui communique quelque chose de l'immortalité de la sainte parole.

Alors vivait un de ces hommes dont l'inépuisable charité semble une des preuves vivantes de la vérité du christianisme, saint Vincent de Paule, qui fut le dernier des saints, comme Bossuet le dernier des Pères de l'Église : c'était près de lui que plusieurs jeunes prêtres venaient faire en quelque sorte leur noviciat de vertus et de charité chrétienne, noble apprentissage, qui, près d'un tel maître, était déjà un honneur. Chaque mardi, sous les yeux de saint Vincent de Paule, se rassemblaient ces pieux disciples: c'est là qu'on traitait des besoins de l'Église, quels malheurs il fallait secourir, quels hôpitaux doter, quels princes et quels seigneurs attendrir; et de ce conseil de bienfaisance partaient sans cesse des consolations au peuple, des bienfaits aux pau

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La Fronde, où rien ne sembla garder son caracnaturel, où la guerre civile ne fut ni cruelle ni haineuse, où la révolte ne descendit jamais jusqu'aux passions populaires, où les manifestes furent des chansons, où les changements de parti ne déshonoraient personne, tant la conscience paraissait peu intéressée au milieu de ces frivoles débats; la Fronde, qui, pour le parlement, fut un procès avec la guerre civile, en guise d'incident; pour le coadjuteur, une sorte d'étude et d'esquisse de conspiration; et pour Condé, une affaire de dépit; la Fronde n'était plus qu'un souvenir incommode qu'on se hâtait d'effacer par une ardente soumission : c'était une dernière expérience qui révéla à chacun le secret de sa force ou de sa faiblesse ; à la noblesse, abattue par Richelieu, que désormais elle n'était plus rien dans l'État, et les grands seigneurs de vassaux se firent courtisans; au parlement, qu'une assemblée de légistes est inhabile à la révolte, et les magistrats de tribuns redevinrent juges; au peuple, que, dans une sédition sans fanatisme, il n'avait pas encore de rôle, et il revint doucement à l'obéissance : enfin, princes, nobles, magistrats, bourgeois, tous se sentirent ou faibles, ou maladroits, ou inutiles; la royauté seule se sentit puissante: les temps étaient arrivés où, forte au milieu de l'affaiblissement de tous, entre une noblesse qui n'était plus qu'un nom, un parlement qui ne savait pas ce qu'il devait être, et un peuple qui n'était rien encore, elle devait se montrer avec toute sa grandeur; et ce mot tant reproché : L'État, c'est moi, n'était qu'une vérité : Louis XIV jugeait les choses comme elles étaient. Peut-être n'eut-il d'autre tort que d'avouer par ce mot sa toute-puissance, et d'annoncer trop hautement que l'œuvre de Louis XI, de Henri IV et de Richelieu était enfin accomplie.

Ce qu'il y a de remarquable dans la Fronde, c'est que le clergé ne s'en mêla pas: car ce n'est pas au nom de la religion que Retz se fit chef de parti; il briguait plutôt le rôle de Catilina que celui du cardinal de Lorraine : aussi n'y eut-il rien dans la Fronde que de frivole et d'incertain. A chaque instant, l'esprit de suite et d'opiniâtreté manque à cette mutinerie politique; le clergé avait fait la Ligue; aussi était-ce une révolution: il laissa la Fronde à ses propres forces; ce ne fut qu'une émeute qui dura quelques années, sans mériter jamais un autre

nom.

Sous Louis XIII, ce fut un cardinal qui régna; mais le clergé ne sortit pas de l'Église pour entrer dans l'État; et Richelieu, d'évêque devenu ministre, se servit quelquefois des prêtres comme de serviteurs, mais jamais comme de collègues jamais. prêtre n'eut moins d'esprit de corps que Richelieu; il s'était, pour ainsi dire, sécularisé par son génie et son ambition.

Sous lui, l'Église était savante et vertueuse; mais elle n'était pas plus libre que le reste de la France. Sa mort vint lever ce sceau de terreur et d'obéis

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