let 1867 et du 1er août 1893 ont déjà favorisé à un haut degré la formation des associations ouvrières : la première, en n'exigeant que la réunion de sept personnes ayant souscrit chacune une action de 50 francs et en ayant versé le dixième; la deuxième, en autorisant les actions de 25 francs. Le projet n'exige pas que chacun des membres du syndicat qui voudra faire des opérations commerciales souscrive une action et en verse le dixième; le syndicat, personne civile, pourra être propriétaire de la totalité des actions, et les administrateurs de la société commerciale ne seront pas tenus d'être individuellement actionnaires; l'assemblée générale sera formée de mandataires désignés par le syndicat. Il n'est en rien dérogé aux prescriptions de dépôt et de publication des statuts, les tiers appelés à faire des actes de commerce avec le syndicat devant être avertis de la composition initiale de la société et de ses modifications ultérieures. Un syndicat dont le patrimoine se sera accru pourra ètre. il est vrai, tenté de fermer sa porte aux adhésions nouvelles en exigeant un prix trop élevé pour les admissions; ce fait ne constituera-t-il pas une entrave au libre exercice de l'industrie et du travail? La réponse à cette objection se trouve dans la liberté d'association même. Tout syndicat qui abandonne la défense des intérêts généraux de la profession voit surgir en face de lui un syndicat nouveau; l'expérience l'a déjà suffisamment constaté. Pour couronner l'œuvre, le projet donne aux unions de syndicats le droit d'ester en justice et celui de posséder les immeubles nécessaires à leur fonctionnement. Il n'y a aucun motif plausible pour obliger les syndicats à recourir à un artifice légal lorsqu'ils veulent posséder en commun les locaux de leurs assemblées générales, leur bibliothèque, leurs collections de modèles ou d'instruments, etc... Des asiles ou refuges pour les chômeurs et les voyageurs, des maisons de retraite pour les vieillards et les infirmes peuvent aussi être l'œuvre d'une union de syndicats plutôt que celle d'un syndicat isolé. } Pour les syndicats comme pour les unions, l'extension de la capacité d'acquérir a entraîné, d'ailleurs, la nécessité de prévoir la destination des biens en cas de dissolution. Les dispositions nouvelles que nous venons d'exposer, et qui ont pour but d'étendre la capacité civile des unions de syndicats, entraînent diverses modifications aux articles 3, 5, 6, 7, 8 et 9 de la loi du 21 mars 1884. Le second ordre de réformes réalisées par ce projet a soulevé d'ardentes controverses; plus d'une fois déjà le Parlement a été saisi de projets tendant à assurer le fonctionnement de la loi. Aucun n'a été adopté par les deux Chambres. Cependant, et tandis qu'on substituait des formules à d'autres formules, sans parvenir, soit à une précision suffisante, soit à une conciliation nécessaire avec.les principes généraux du droit, les intéressés soumettaient leurs griefs à la justice; la critique s'appliquait non plus à des idées générales et abstraites, mais à des faits, et peu à peu se dégageaient les idées dont le projet de loi s'est exactement inspiré. La loi de 1884 est une loi d'intérêt public et social. Il suit de là que celui qui entre dans un syndicat exerce un droit reconnu qui ne peut être lésé sans qu'une sanction intervienne. Assurément, celui qui refuse d'engager un employé ou qui le congédie, dans les délais d'usage, exerce un droit légitime. Mais c'est une erreur juridique grave de penser que l'exercice d'un droit légitime soit illimité. La jurisprudence a constamment reconnu que le droit le plus légitime en lui-même peut être abusivement exercé et qu'en ce cas il donne lieu à l'action en dommages-intérêts. C'est exercer un droit légitime que de prendre ou de ne pas prendre un employé. C'est abuser de ce droit que d'exclure employé parce qu'il fait partie d'un syndicat. Le droit de faire partie d'un syndicat professionnel serait lésé et deviendrait, dans ce cas, illusoire. un L'objection présentée contre la mise en pratique d'un principe évidemment juste en lui-même. et qui n'est pas heurtée de front par les adversaires des propositions antérieurement déposées, consiste à dire qu'il sera malaisé de reconnaître si le refus d'embaucher un ouvrier syndiqué tient à ce qu'il est syndiqué et non à d'autres motifs; on ajoute d'ailleurs que le patron n'a pas à justifier le choix pas plus que le renvoi d'un employé. Pour le choix, c'est exact; pour le renvoi, nous avons déjà l'article 1780 du Code civil. Mais de là à conclure que, lors même que le patron se serait proposé d'entraver la constitution ou le fonctionnement d'un syndicat, il ne devrait aucune réparation, il y a toute la distance qui sépare l'exercice d'un droit de son abus. Une objection tirée de la difficulté de la preuve pourrait être proposée dans toutes les espèces où il s'agit d'apprécier un fait licite en soi, rendu cependant quasi-délictueux par les circonstances. Les difficultés de cette sorte sont, la pratique constante le démontre, aussi faciles à résoudre suivant les espèces qu'impossibles à régler par voie de définition; et c'est peutêtre pour avoir voulu mettre dans la loi ce qui ne peut trouver place que dans les jugements que les auteurs des propositions précédentes ont soulevé des difficultés insolubles. On admettra difficilement que le renvoi d'un ouvrier syndiqué entre beaucoup d'autres syndiqués comme lui tienne à ce qu'il fait partie d'un syndicat; on n'admettra pas plus volontiers que le renvoi d'ouvriers syndiqués, à l'exclusion des non syndiqués employés par le même patron, tienne à leur incapacité personnelle. Le texte proposé, en considérant comme un quasi-délit l'entrave volontaire à l'exercice des droits résultant de la loi de 1884, dit donc tout ce qu'il est nécessaire et possible de dire, alors quil s'agit d'une responsabilité de fait qui ne peut être appréciée que suivant le fait lui-même. La loi de 1884, si elle a établi et reconnu le droit de faire partie d'un syndicat, a reconnu aussi le droit d'en sortir, et, à plus forte raison, de n'y pas entrer. La question s'est posée de savoir si un syndicat pouvait, sans engager sa responsabilité, mettre en interdit un atelier, une usine. Envisagée en elle-même, l'interdiction est et a été reconnue légitime. Il n'est pas inutile de rappeler que les débats de la loi de 1884 ont mis hors de question le droit de coalition. et qu'on ne saurait voir, dans le seul fait de l'interdit, une violence ou une manœuvre frauduleuse au sens de l'article 414, dont les dispositions n'ont pas été abrogées. C'est un droit légitime. Mais c'est abuser de ce droit que de l'exercer pour contraindre telles ou telles personnes à faire partie du syndicat. Il demeure légitime et ne peut donner lieu à aucune sanction quand il est exercé dans le but de maintenir ou de faire exécuter les conditions de travail adoptées par le syndicat et d'assurer la jouissance des droits reconnus aux citoyens par la loi. Ici encore, le projet de loi ne fait que consacrer les solutions données par la jurisprudence dominante en ces matières. La limitation apportée au droit du patron de renvoyer un ouvrier parce que syndiqué, a pour corollaire la restriction du droit de mise en interdit pour les syndicats qui, sans pouvoir invoquer la défense des intérêts professionnels, se serviraient de cette mise en interdit, uniquement pour con-traindre les tiers à entrer dans leur syndicat. Le projet accorde l'exercice de l'action en réparation, soit à la personne lésée, soit au syndicat dont elle fait partie. Il ne va pas à l'encontre du principe aujourd'hui consacré qui ne permet pas au syndicat d'intervenir dans les conflits particuliers qui intéressent un de leurs membres; car, dans le cas prévu, le syndicat lui-même est lésé si, pour n'être point congédiés ou pour être engagés, ses membres doivent renoncer à en faire partie. Les propositions antérieures s'attachaient exclusivement à l'idée de délit. Aussi ont-elles abouti à considérer comme délictueux des faits tels que le renvoi d'uu syndiqué, et à établir entre le fait prévu et la sanction une disproportion qui explique leur échec. Le projet restreint l'application de la loi pénale au cas où les faits quasi-délictueux sont accompagnés de circonstances constitutives du délit. Ces circonstances sont énumérées par l'article 414, c'est-à-dire les violences, voies de fait, menaces, manœuvres frauduleuses, étant entendu, comme il a été dit plus haut, que ni la coalition, ni la grève, ni l'interdiction du travail ou la mise en interdit ne constituent la menace ou la violence telles qu'elles résultent de l'article 414. 1 PROJET DE LOI ARTICLE UNIQUE La loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels est modifiée, conformément aux dispositions suivantes : Art. 3. pour objet : Les syndicats professionnels out exclusivement 1o L'étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles ; 2o Les opérations diverses qui, ne se rattachant pas directement à ce premier objet, sont néanmoins expressément autorisées par la présente loi. Art. 5. Les syndicats professionnels, régulièrement constitués, d'après les prescriptions de la présente loi, pourront librement se concerter pour l'étude et la défense de leurs intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles. Les dispositions de l'article 4 sont applicables aux unions de syndicats, qui devront, en outre, faire connaître les noms des syndicats qui les composent. Ces unions pourront ester en justice. Elles pourront posséder les immeubles qui sont néces 1 saires à leurs bureaux, à leurs réunions et à leurs bibliothèques, cours d'instruction professionnelle, collections, laboratoires, champs d'expérience, abris pour bestiaux, machines ou instruments, bourses de travail, ateliers d'apprentissage, hospices et hôpitaux. Elles pourront recevoir des dons et legs avec affectation à ces institutions. Les statuts prévoiront la destination de ces biens en cas de dissolution de l'union. Art. 6 (variante). - Les syndicats professionnels jouissent de la personnalité civile. Ils ont le droit d'ester en justice et d'acquérir sans autorisation, à titre gratuit ou à titre onéreux, des biens meubles et immeubles. Ils pourront faire des actes de commerce en se conformant aux dispositions ci-après. Les syndicats de plus de sept membres, qui, dans le but d'exploiter une entreprise commerciale, formeront une société à responsabilité limitée régie par les lois du 24 juillet et du 1er août 1893, bénéficieront des exceptions suivantes aux dispositions desdites lois. Le syndicat, personne civile, pourra être propriétaire de la totalité des actions. Dans ce cas, des syndiqués auront le droit d'être administrateurs sans être individuellement porteurs de parts ou actionnaires, et l'assemblée générale sera formée de mandataires désignés par le syndicat, chaque mandataire possédant une voix, et tous étant considérés comme représentant chacun une part égale dans le capital social. Si une société est formée par deux ou plusieurs syndicats, les statuts de cette société déterminent le nombre de mandataires délégués par chacun des syndicats actionnaires, tout délégué ayant une voix. Quelle que soit l'importance du capital social, il pourra être divisé en actions ou coupures d'actions de 25 francs. La société ne pourra être définitivement constituée qu'après la souscription de la totalité du capital et le versement en espèces, par chaque syndicat actionnaire, du quart des actions ou coupures d'actions souscrites par lui, même lorsqu'elles n'excèdent pas 25 francs. Si la société est à capital variable, le versement du dixième suffit. Les syndicats pourront, en se conformant aux autres dispositions de la loi, constituer entre leurs membres des caisses spéciales de secours mutuels et des retraites. Ils pourront, etc. (comme les trois derniers alinéas de l'article 6 ancien). Art. 7 (variante). Tout membre d'un syndicat profes |