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du peuple Athénien, foit parce qu'elles avoient auffi un temple & un culte particulier de Minerve, foit pour quelqu'autre raifon que je referve aux articles particuliers. Je commence par la plus fameufe de toutes, la feule dont les dictionnaires géographiques François ayent parlé.

1. ATHENES, felon Corn. Dict., ville de Grece, célebre dans l'antiquité par les favans, & les héros qu'elle a produits. Elle s'appella d'abord CECROPIE, du nom de Cecrops, fon premier roi, qui commença à regner l'an du monde 2496, & n'étoit alors qu'une bourgade, quoiqu'elle eût le titre de capitale du pays Atti que. Elle prit le nom d'Athenes, lorsqu'Amphictyon, fon troifiéme roi, l'eut confacrée à Minerve, nommée nommée en Grec Athena. Il eft pourtant vrai que fes habitans l'appelloient Afty par excellence, ce qui fignifie la ville. Originairement & jusqu'à Thefée, qui en fut le dixiéme roi, les bourgs de l'Attique avoient chacun leur magistrat, qui, avec les principaux du lieu, régloit les différents & les conteftations fans en inftruire le roi. Théfée voyant que ces peuples aimoient le féjour de la campagne, vivoient disperfés de côté & d'autre, & reftoient expofés aux irruptions de leurs voifins, affembla les plus riches en un corps de ville; cette union d'habitans fut caufe qu'on le regarda comme fondateur d'Athenes. Elle eut dix-fept rois qui gouvernoient, avec une autorité fort limitée. Le peuple, par l'avis duquel tout fe décidoit, s'affembloit de grand matin tantôt dans la place publique, tantôt dans un lieu appour délibérer, pellé п, c'est-à-dire, lieu plein, à caufe du grand nombre, ou de fiéges qu'il contenoit, ou d'hommes qui s'empreffoient de les remplir, tantôt, & le plus fouvent au théatre de Bacchus. Quelques jours avant l'affemblée on affichoit un placard qui inftruifoit de la matière qu'on devoit agiter. On n'y admettoit point ceux qui étoient au-deffous d'un âge marqué, & l'on forçoit tous les autres d'y venir. Les Lexiarques y faifoient avancer le peuple avec une corde teinte en écarlate qu'ils tenoient tendue. Tous ceux fur qui on appercevoit des marques de cette teinture, payoient une amende, & l'on recompenfoit de trois oboles ceux qui avoient marqué de la diligence. On avoit foin d'écrire fur un regiftre le nom de tous les citoyens à qui la loi accordoit voix délibérative. Ils l'avoient tous après l'âge de puberté, à moins qu'un défaut perfonnel ne les exclût; tels étoient les mauvais fils, les poltrons déclarés, les brutaux, les débauchés, les prodigues & les débiteurs du fisc. Les femmes, jusqu'au tems de Cécrops, avoient droit de fuffrage; elles le perdirent pour avoir favorifé Minerve dans le jugement de fon procès contre Neptune, à qui nommeroit la ville d'Athenes. Les dix tribus d'Athenes élifoient par an, chacune au fort, cinquante fénateurs, qui compofoient le fénat des cinq cens. Chaque tribu, tour-à-tour, avoit la préféance, & la cédoit fucceffivement aux autres. Les cinquante fénateurs en fonction fe nommoient Prytanes, le lieu où ils s'affembloient PRYTANIE, & le tems de leur exercice Prytanie; il duroit 35 jours, pendant lesquels dix des cinquante Prytanes préfidoient par femaine fous le nom de Proëdres; & celui des Proëdres qui, dans le cours de la femaine, étoit en jour de préfider, s'appelloit Epiftate. On ne pouvoit l'être qu'une fois en fa vie, de peur qu'on ne prit trop de goût a commander. Les fénateurs des autres tribus opinoient felor. le rang que le fort leur avoit donné; mais les Prytanes convoquoient l'affemblée, les Proëdres en expofoient le fujet, & l'Epiftate demandoit les avis.* Toureil, remarques fur la I. Philip.

On diftinguoit deux fortes d'affemblées; les unes ordinaires & les autres extraordinaires. Les Prytanes feuls avoient droit de convoquer les premieres; il y en avoit quatre durant chaque Prytanie, en des jours & fur des fujets marqués. Les dernieres fe convoquoient, tantôt par les Prytanes, tantôt par les généraux, & toutes les fois que l'occafion s'en préfentoit. On négligeoit les formalités à l'approche d'un péril manifefte. Diodore, l. 16, rapporte que le peuple d'Athenes, à la nouvelle d'une irruption de Philippe, s'attroupa au théatre, fans attendre felon la coutume, l'ordre du magiftrat. On ouvroit l'affemblée par un facrifice & par une imprécation. L'on facrifioit à Cerès un jeune cochon pour purifier le lieu, que l'on arrofoit du fang de la victime. L'imprécation mêlée

pour

aux vœux, fe faifoit en ces termes : Periffe maudit des Dieux, avec fa race, quiconque agira, parlera, ou penfera contre la république. La cérémonie achevée, les Proëdres expofoient au peuple pourquoi on l'assembloit, lui rapportoient l'avis du fénat, & demandoient la ratification, la réforme ou l'improbation de cet avis. Si le peuple ne fe fentoit pas en dispofition de l'approuver, un héraut commis par l'Epiftate s'écrioit à haute voix : Quel citoyen au-deffus de cinquante ans veut parler? Le plus ancien orateur montoit alors dans la tribune. Chacun à la fin des harangues tendoit la main vers l'orateur, dont l'avis lui plaifoit davantage. Xenophon, Rer. Helen, l. 1, raconte que la nuit ayant furpris le peuple, affemblé un fujet important, fit remettre la délibération à un autre jour,de peur qu'on eût trop de peine à démêler les mains & leurs mouvemens. Ils tendent la main, dit Cicéron pro Flacco, & voilà un décret éclos. Il falloit au moins fix mille citoyens pour le former. On le dreffoit après avoir recueilli les fuffrages, & on l'intituloit du nom ou de l'orateur ou du fénateur, dont l'opinion avoit prévalu, & dont la tribu étoit en tour de préfider; mais fi un météore paroiffoit tout-à-coup, l'affemblée se séparoit fur le champ, & on la renvoyoit à une autre fois. Le jeudi paffoit pour un jour fort malheureux, & cette fuperftition faifoit différer les affemblées qui tomboient au jeudi.

Le dernier des rois d'Athénes a été Codrus, fils de raclides, on lui rapporta que l'oracle avoit répondu que Mélaton. Lorsqu'il étoit prêt de livrer bataille aux He l'armée qui perdroit fon chef feroit victorieufe. Alors il prit l'habit d'un fimple foldat, & fe fittuer. Ses enfans Médon & Nilée fe disputerent le royaume. Les Athéniens en prirent occafion d'abolir la royauté qui avoit duré quatre cens quatre-vingt fept ans, & déclarerent Jupiter feul roi d'Athénes. A la place des rois, ils créérent des gouverneurs perpétuels, qu'ils appellerent Archontes. Ils en eurent treize fucceffivement pendant 316 ans, depuis Médon qui fut le premier jusqu'à Alcméon. La magiftrature perpétuelle ayant encore paru à ce peuple amou reux de l'indépendance, une image trop vive de la royauté, on réduifit l'administration de l'Archonte à dix ans. Il n'y en eut que fept de ce nom, dont le premier fut Charops, & le dernier Eryx. Les Athéniens réduifirent leur administration à un an: mais une puiffance fi limitée n'étant pas capable de contenir les esprits remuans des Athéniens, ils reçurent de Dracon ces loix célébres qui étoient fi rigoureufes,qu'on difoit qu'elles avoient été écrites avec du fang. Elles furent fupprimées vingt-quatre ans après par Solon qui en donna de plus douces. Il les digéra avec Epimenides, ce fage & favant homme qui fit élever en plufieurs endroits du territoire d'Athenes des autels confacrés à un dieu inconnu.

Ces Loix établirent la démocratie, jusqu'à ce que Pififtrate ufurpât la fouveraineté d'Athénes, qu'il laissa à fes fils Hipparque & Hippias. Le premier ayant été tué par Harmodius & Ariftogiton, Hippias prit la fuite, & appella les Perfes, qui vinrent au nombre de cent vingt mille: mais dix mille Athéniens commandés par Miltiade les reçurent & les battirent à Marathon : ils les défirent encore au bout de quelques mois à Salamines, ce qui releva infiniment la gloire d'Athénes. Ce fut dans ce tems que parurent fes plus grands capitaines, fes plus doctes philofophes & fes plus habiles artifans. Mais les Lacédémoniens,jaloux & allarmés de fa puiffance, lui déclarerent la guerre, & après divers combats, Lyfander, leur général, attaqua à l'improvifte les Athéniens dans un lieu de la Cherfonefe,dit le fleuve de la Chévre,(Agos potamos), prit leur flotte, tua trois mille hommes, emporta plufieurs villes, & vint attaquer Athénes, qui fe voyant preffée par mer & par terre, fut contrainte de fe rendre fous des conditions onéreufes, en fe foumettant à trente tyrans. Après 4 ans de fervitude, Thrasybule, un de ses chefs, tua les trente tyrans. Elle eut alors de très-fameux capitaines, Iphicrate, Timothée & Chabrias & vainquit à fon tour les Lacédémoniens, tant par fes propres armes, qu'en fuscitant contre eux celles des Thébains commandés par Epaminondas. Elle foutint enfuite les efforts des peuples de Byfance, de Rhode, & de quelques autres infulaires, qui ne pouvoient fouffrir le tribut qu'elle exigeoit au détroit de l'Hellespont. Sa ruine commença par cet impôt. Elle fut maltraitée après cela par Philippe de

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Macédoine, qui gagna fur elle & fur les Béotiens la bataille de Chéronée. Alexandre le Grand la maltraita aufli; mais il fe relâcha depuis en fa faveur. Deux ans après fa mort, Antipater & Cratérus, deux de fes fucceffeurs, gagnerent une bataille fur elle, & mirent garnifon Macédonienne dans Munychia ; & pour affoiblir encore davantage les Athéniens, Antipater en transporta vingtdeux mille dans la Thrace. Callander, autre fucceffeur d'Alexandre, opprima tout-à-fait fa liberté qui lui fut rendue par Antigonus & par Démétrius. Ce même Démétrius. Ce même Démétrius l'affiégea, la prit fur Lachares, un de fes citoyens, quis'en étoit fait le tyran, s'en fit lui-même l'oppreffeur, & fervit de matiére à la valeur d'Olympiodore, qui par une bravoure fans exemple la délivra tout-à-fait des Macédoniens, en ayant diffipé 12 mille lui treiziéine. La magnanimité de fes habitans reprit alors fes premieres forces, & fit fentir aux Gaulois la puiffance de leurs armes. L'Athénien Callipus arrêta la nombreuse armée de Brennus & d'Acichorius, au paffage des Termopyles, & la diffipa en la contraignant d'aller fe répandre ailleurs. Ce fut le dernier triomphe d'Athénes. Les Gaulois ayant épuifé fes forces, elle retomba fous la domination des Macédoniens, & ne put s'en affranchir que par le fecours d'Aratus. Ariftion, l'un de fes citoyens qui s'en étoit fait le tyran, caufa fon malheur. Ce fut fur lui que Sylla la prit & l'abandonna au pillage. Le Pirée fur enfuite faccagé & n'a point été rétabli depuis. Athénes après ce malheur eût été une affreufe folitude, fi le favoir de fes philofophes n'y eût attiré ce qu'il y avoit de gens doctes dans l'univers. Au bout de vingt ans, le grand Pompée discontinua la pourfuite des pirates, pour vifiter les philofophes d'Athénes : par reconnoiffance elle combattit pour lui à Pharfales; ce qui lui auroit été fatal fi elle eût eu affaire à tout autre qu'à Céfar; mais il avoit trop de grandeur pour ne pas lui pardonner. Les paroles qu'il dit à ce fujet, ont été fouvent répétées : Je devrois punir les Athéniens; mais je pardonne aux vivans en faveur des morts.

Athénes oublia ce bienfait pour prendre le parti de Brutus & de Caffius, fes alfaffins, contre Augufte & Antoine, fes vengeurs. Ce dernier, demeuré victorieux à la ba taille de Philippe, traita Athénes favorablement; il y paffa quelque tems dans fa plus haute fortune, s'y fit créer Archonte, & s'accommoda tellement à fes anciens ufages, qu'on l'appelloit ordinairement quaéñaμer ami des Grecs. Lorsqu'il eut perdu la bataille d'Actium, toute la grace qu'il demanda à Augufte, ce fut de pouvoir vivre dans Athénes en homme privé; mais elle lui fut refufée. Augufte laiffa aux Athéniens leurs anciennes loix; mais il leur ôta quelques ifles qui leur avoient été données par Antoine. L'empereur Adrien aimoit fort Athénes, & voulut être le reftaurateur de fes fuperbes édifices. Il y vécut comme un fimple citoyen, brigua la dignité d'Archonte, en fit la charge, s'habilla à l'Athénienne & remit en ufage les loix de Solon. Son inclination pour Athénes paffa à Antonius-Pius fon fucceffeur, qui la transmit à Vérus. Tous deux vinrent à Athénes & y vécurent d'une maniere auffi populaire qu'Adrien; mais trente ans après ou environ, l'empereur Sévére y vint & diminua fes priviléges, pour fe venger de quelque injure qu'il y avoit reçue, dans le tems qu'il y faifoit fes études, n'étant encore qu'un homme privé. L'empereur Valérien en fit rétablir les murailles, trois cens cinquante ans après que Sylla les eut ruinées, ce qui n'empêcha pas que fous l'empire de Claude, fucceffeur de Gallien, elle ne fût faccagée par les Scythes. Environ cent quarante ans après, fous l'empire d'Honorius, elle fut encore prife par Alaric, à la fuscitation de Stilicon. Athénes eut la gloire de donner la naissance à plusieurs impératrices d'Orient : Athanais, fi connue fous le nom d'Eudocie, femme de Théodofe II; la célébre Irene, femme de Léon Chafare, qui fe fit proclamer impératrice après la mort de fon mari & que Charlemagne vouloit époufer; Marie femme de Conftantin Porphirogenete, & Théophanon, qui époufa Staurace, fils de Nicéphore. L'empereur Baudouin attaqua Athénes, dont il fut contraint de lever le fiége; mais le marquis Boniface la prit peu après. Les François la pofféderent jusqu'aux vepres Siciliennes en 1282, que les Catalans & les Aragonnois les en chafferent. Le titre de ducs d'Athénes s'eft confervé fort long-tems en France, il paffa dans la

maifon de la Roche. Guillaume de la Roche, duc d'Athénes, & Sire de Thébes, mourut vers l'an 1 300; fa fille ou fa four Ifabelle veuve de Géofroi de Caritane, porta le duché d'Athénes à Hugues de Brienne, comte de Brienne & de Liches: de ce mariage vint Gautier V tué en 1312, & pere de Gautier VI, comte de Brienne & de Liches, duc d'Athénes & connétable de France. Celui-ci fut tué à la bataille de Poitiers en 1336, fans avoir laiffé d'enfans, ni de Marguerite de Sicile-Tarente, fille de Philippe de Sicile, prince de Tarente & d'Achaïe, ni de Jeanne d'Eu, qu'il époufa en fecondes noces. Cette Jeanne d'Eu, qui étoit fille de Raoul de Brienne, comte d'Eu, connétable de France, prit une feconde alliance avec Louis d'Evreux, comte d'Etampes. On voit fon tombeau en l'abbaye de S. Denis en France, dans une chapelle qu'on appelle Notre-Dame Blanche, avec une épitaphe couçue en ces termes, Cy git madame Jeanne d'Eu, jadis comtelje d'Etampes,& ducheffe d'Athénes, fille de très-noble homme M. Raoul, comte d'Eu & de Guines, laquelle trépassa en la cité de Sienne le 6 Juillet 1383. De la domination des Aragonnois, Athénes paffa fous celle d'une famille, originaire de Florence, appellée Acciaioli, qui avoit aufli la fouveraineté de Thèbes & de Corinthe. Francus ou François, fils d'Antoine Acciaioli, & le huitieme prince de cette maifon, fut enfin contraint de l'abandonner en 1455, à la valeur de Mahomet II, le plus redoutable de tous les empereurs Ottomans. Vettor Capello, général des Vénitiens, la furprit l'an 1464; mais il ne put fe rendre maître du château, & garda fort peu là ville, qui eft demeurée depuis ce tems-là fous la puisfance des Turcs.

Saint Paul, en fortant de Macédoine, alla à Athénes disputer contre les Stoïciens & contre les Epicuriens. Il leur expliqua la doctrine de la réfurection des morts, & leur montra que le Dieu qu'il leur annonçoit, étoit ce Dieu inconnu, dont ils révéroient les autels. S. Denis, qui étoit du corps célébre des Aréopagites, & une femme illuftre, nommée Damaris, furent les plus confidérables de ceux qui embrafferent le chriftianisme. L'hiftoire en eft rapportée dans le xvII chapitre des actes des apôtres; & cet endroit des cahiers facrés eft fi précieux parmi les Athéniens, que quand un chrétien étranger fe trouve à la célébration de leurs meffes, on ne manque pas de dire cette épitre, au lieu de dire celle du jour courant. Les commencemens du chriftianisme y furent remarquables par le fang de quantité de martyrs, qu'anima l'exemple de Publius leur évêque. L'empereur Adrien étoit alors à Athénes, où il fe faifoit recevoir dans la confrairie des myfteres de Cérès Eleufine. Peu de tems après, Quadratus, fucceffeur de Publius, arrêta le cours de la perfécution par un excellent discours au même empereur, qui étoit venu à Athénes confacrer le fuperbe temple de Jupiter Olympien, qu'il avoit fait rétablir; le philofophe Ariftide, qui étoit chrétien, acheva d'adoucir l'esprit d'Adrien, par une favante apologie du chriftianisme.

L'églife d'Athénes a depuis fourni d'excellens hom mes. Elle a été érigée en archevêché, dépendant du patriarche de Conftantinople, & le métropolitain d'Athénes a préfentement fous lui fept évêchés, Scyros & Andros, dans l'Archipel; Caryftia, dans l'ifle de Négrepont, Porthinia, Diaulis, Hétérotopia & la Valone en terre ferme. On compte jusqu'à cent trois églifes dans Athénes. Il y en a quatre appellées Panagia, parce qu'elles font confacrées à la Vierge, & trois dédiées à faint George. Les plus célébres des autres font, Agios Dimitrios, Agios Joannis, & Agios Chiriachos. Outre ces cent trois églifes, il y en a encore plus de deux cens à une lieue aux environs de la ville. Il est vrai que la plus petite chapelle eft comptée pour une églife,enforte qu'un, feul Papas en gouverne fouvent deux ou trois. Il n'y a qu'un autel dans chacune; on ne célébre la meffe dans quelques-unes que trois ou quatre fois l'année. Quoiqu'il n'y ait point d'Athéniens qui fuivent le rit latin: un tiers de la ville admet la proceffion du faint Esprit & la fupériorité du pape, & les points les plus effentiels qui font en controverfe avec l'églife orientale.

La ville eft peuplée de quinze à feize mille perfonnes, dont les Turcs font partie jusqu'au nombre de mille ou de douze cens. On n'a jamais voulu y fouffrir de Juifs, quoiqu'il y en ait quantité à Thébes & à Négre

pont. Il y a environ deux mille ans que le Macédonien Callander, ayant donné l'administration de la ville au célébre philofophe Démétrius le Phalérien, il s'y trouva 21 mille citoyens, c'eft-à-dire chefs de famille, ce qui fuppofe une grande fuite, dix mille étrangers établis & quatre cens esclaves; c'eft le témoignage d'Athénée, qui l'a emprunté de Ctéficles. Les gens de l'un & l'autre lexe y font bien-faits, & d'un tempérament admirable, qui les fait vivre long-tems; ce qu'ils attribuent à la nourriture, & au miel, dont les Athéniens mangent beaucoup, il y eft exquis. Ils font naturellement fort diflimulés, & d'une humeur très intéreffée. Les femmes y font bonnes, pieufes & fort chaftes. Le langage y eft le plus pur & le moins corrompu de la Gréce; le Grec littéral, qui n'eft guere entendu ailleurs, l'eft à Athénes; quand ils parlent, ils ont un ton mufical, qui approche fort du chant. La plupart des Mahométans d'Athènes ne parlent que la langue Grecque, faute de commerce avec les Turcs de déhors. Quand ils en rencontrent quelqu'un d'un autre pays, ils vont l'aborder; en levant bien haut le pouce vers le ciel. Si l'autre ne fait pas le Grec, la converfation eft finie. L'habit ne fert guere à les discerner. A l'exception du turban, ils font tous vêtus à la Grecque, & rien ne diftingue extérieurement les femmes des Turcs de celles des Grecs.

Il y a trois mosquées à Athénes, une dans le château; c'est le beau temple de Minerve, & deux dans la ville, dont la principale eft le panthéon qu'Adrien y fit bâtir. Il y a quatre jurisdictions dans Athénes; favoir celle du Sardar, qui loge dans la ville dont il eft gouverneur; il eft chef des Janniffaires ou de la miiice du plat pays; celle du Disdar, qui eft gouverneur du château, & qui y loge, commandant les Janniffaires de la garnifon; celle du Cadi, qui eft logé dans la ville, & qui y fait tout à la fois la fonction de lieutenant criminel, & de juge de police. La quatriéme jurisdiction appellée des Vecchiades, est affectée aux chrétiens, ce font vingt-quatre vieillards, choifis entre les meilleures familles chrétiennes d'Athénes, pour régler les affaires particulieres de chrétien à chrétien. Comme on peut appeller de leur fentence devant le Cadi, ils agiffent plutôt en médiateurs qu'en juges, & tâchent d'engager les parties à s'accommoder à l'amiable. Ces Vecchiades portent de petits chapeaux, pour fe diftinguer des autres habitans. Ils poffédent cette charge pendant leur vie, & lorsqu'il en meurt quelqu'un, les autres nomment à fa place & font approuver leur élection par le Cadi. Leur tribunal n'a point de lieu fixe; ils s'affemblent tantôt chez les Paléologues, tantôt chez les Capitanakis, ou chez les plus anciens d'entre eux. Leur fecrétaire ou greffier garde les minutes de tous les contrats qu'on paffe à Athénes, pour les ventes & achats de maifons & de biens immeubles. Le Cadi les ratifie. Les chrétiens n'ont pas de peine à s'affranchir pour un peu d'argent du tribut des enfans pour le caratge, qui eft le tribut par tête, il eft à Athénes de deux écus tous les ans ; mais les femmes n'y payent rien.

Le chateau d'Athénes, qui du tems qu'elle floriffoit, étoit au milieu de la ville & que l'on appelloit indifféremment, Glaucopium, Parthenon, Cecropia, Polis, Acropolis & Enneapylon, parce qu'il avoit neuf portes, quoiqu'il n'y eût qu'une avenue, eft préfentement fur une montagne que les anciens appelloient Tritonion, parce qu'elle étoit confacrée à la déeffe Minerve. Elle elt fort escarpée du côté de la ville, & on la nomme Caftro. Sur le haut du roc,on voit une des églifes appellées Panagia. Elle paffe pour la grotte fi fameufe dans l'antiquité, par les avantures d'Apollon & de Creufe, fille du roi d'Athénes. On tient que les Athéniens en firent enfuite un temple qu'ils confacrerent en commun à Apollon & à Pan. Rien n'eft plus célébre que le chemin qui conduit de Panagia au château. Ce font les ruines du Lycée, fameufe école où Ariftote enfeignoit la Philofophie: l'esplanade en eft agréable, mais on n'y voit aucune marque du lieu où les Athlétes s'exerçoient à la lute, & qu'on appelloit Palaftra. C'étoit fur ce même terrein que les jeunes hommes d'Athénes, nouvellement levés dans des tems de guerre, alloient apprendre l'exercice. Les Athé niens y venoient auffi manger en public certains jours. On y voit encore les ruines d'un aqueduc, & l'on démêle l'endroit où étoit autrefois la fontaine Panopis, que l'on appelloit aufli Diocharis, parce qu'elle étoit au dé

hors d'une des portes de la ville, qui avoit ce nom. Il y a encore quelques arbres, mais leur tronc ne tient rien de ce platane, dont la groffeur exceflive a été citée par de grands auteurs. Comme l'ombrage & la fraîcheur des arbres que l'on y voit, en avoit fait le lieu de la promenade des Athéniens, ils l'appelloient par cette railon Péripatus. Il y a grande apparence que cette commodité y attira Ariftote, & lui donna lieu d'enfeigner fes disciples en fe promenant, d'où ceux de fa fecte ont été nommés Péripatéticiens. Dans le premier tems, le Lycée avoit été un temple confacré à Apollon, furnommé Lycien. Proche de là étoit le tombeau de Nicus, roi de Megare. C'étoit encore au Lycée qu'étoit le tribunal du Polemarque, le troifiéme des neuf Archontes, dont la dignité ne duroit qu'un an. Le premier étoit appellé par excellence Archonte ou Eponyme; & le fecond, roi des facrifices. Les fix autres prenoient en commun le nom de Thesmothethes. Ce tribunal du Lycée étoit pour les étrangers. Pendant la guerre le Polémarque étoit capitaine général de la république, & pendant la paix, juge des différens qui furvenoient entre les étrangers & les habitans. Près du tribunal on voyoit le temple de Lycus ou Lycius, fils de Pandion. Sa ftatue repréfentoit un loup, & il y en avoit de pareilles à tous les tribunaux de la ville. J'ai traité de l'Areopage dans un article particulier.

A la gauche de l'Aréopage eft une colline égale en hauteur à celle du château. Les anciens lui donnoient le nom de Mujeon, à caufe du poëte Mufée, qui venoit y réciter fes ouvrages. Elle s'appelle aujourd'hui l'Arc de Trajan, parce qu'on y voit les débris d'un arc de triomphe que l'empereur Trajan y fit élever. L'avenue qui conduit dans le château n'eft plus embellie du fuperbe avant-portail qu'ils nommoient Propylaa, dont on tient que la ftructure avoit couté deux mille talens, c'eft-à-dire, un peu plus de deux millions fix cent mille liv. de notre monnoie. On ne trouve plus aujourd'hui que les ruines du Propylaa; mais ils annoncent encore fa grandeur. On voit à côté un double corps de garde fait de mauvaife maçonnerie, dont on confioit autrefois les clefs à un homme de marque qu'on tiroit au fort: il ne les gardoit qu'un jour. Il y avoit trois fortes d'animaux, qui n'entroient jamais dans le château; le chien, à caufe de fa lubricité; la chèvre de peur qu'elle ne mangeât les branches de l'olivier facré; & la corneille, par une expreffe défense de Minerve.

Le temple de cette déeffe qui fert de mosquée dans le château, fut bâti par les foins de Périclès, à la place d'un autre qui avoit été brûlé par les Perfes. Il y employa les célébres architectes Ictinus & Callicrate que Vitruve appelle Carpion. Ce fut dans ce temple que Phidias mit autrefois fa Minerve d'or & d'yvoire, qui a fait l'admiration de toute l'antiquité. Les chrétiens firent de ce temple une églife, & lui donnerent le nom de fainte Sophie. Il n'y a rien dans l'ordre dorique, qui approche de ce chef-d'œuvre. La beauté de fon frontispice, fur lequel on lit l'inscription fameufe au Dieu inconnu, ne fait pas moins de plaifir aux yeux que celle des portiques qui font fur les ailes, & des figures qui enrichiffent cette partie extérieure. Parmi ces figures on admire particulierement un lion de marbre: le fcrupule du Mahométisme, qui ne fouffre aucune figure de chofe animée, s'eft tû en faveur de ces grandes beautés. On voit une image de la Vierge peinte à la voûte. Elle a un œil gâté d'une mousquetade qu'un Mahométan y a tirée autrefois. Les Turcs con viennent avec les chrétiens que le facrilége fut puni, & qu'il y eut du miracle. Les premiers difent que la balle chaffée en bas de la voûte le tua, & les autres qu'il demeura perclus du bras droit. L'architecture du dedans, quoiqu'aufli réguliere que celle du dehors, n'eft pas fi pompeufe. La mosquée eft un peu fombre pour un bâtiment fi élevé; mais il a été de la prudence de l'architecte d'y faire peu d'ouvertures; & de lui donner beaucoup de folidité pour réfifter à la force du vent qui y fait beaucoup de bruit, fitôt qu'il trouve un peu de paffage. Les lampes qui y font en très-grand nombre, ont toutes de grands lambeaux d'oripeau qui y pendent, & le vent les pouffe les unes contre les autres avec un cliquetis fort importun à l'oreille. En entrant dans cette mosquée on eft frappé d'une lueur extraordinaire, qui vient de deux pierres polies & éclatantes, placées affez près l'une de l'autre dans le gros mur au fond de ce bâtiment. Ces pierres renvoyent l'image de deux lampes allumées qui jettent une

couverts

fort grande lumiere, & l'éclat augmente à mefure qu'on avance. Les Turcs attribuent la caufe de cette lumiere à un miracle de Mahomet, & prétendent qu'elle parût le jour même que le Sultan Mahomet II convertit cette ville en mosquée. Devant ces pierres lumineufes on voit une chaire de marbre blanc; autrefois la place de l'archevêque, & aujourd'hui celle de l'Iman ou Miniftre, quand il explique l'Alcoran; aux deux côtés de la chaire dans le gros mur, fous deux embrasemens réduits ou de marbre, où les chrétiens enfermoient les ornemens de l'autel. A cinquante pas du temple, on trouve un puits que les Athéniens comptent pour une des plus curieufes raretés de leur pays. Son eau eft falée & a la couleur de celle de la mer. Toutes les fois que le vent du midi fouffle, elle que le vent du midi fouffle, elle eft agitée, & fait un grand bruit dans le fond du puits. Du terre-plain du château on découvre toutes les ifles du golfe d'Engia. Sur ce terre-plain il y a une petite pointe de rocher, qui n'en a point d'autre à côté d'elle. On dit que c'eft celle qui fervit de fiége à Siléne quand il vint dans ce château avec Bacchus. Tout eft plein de ruines du côté où logent les Janniffaires, fi on excepte l'arsenal bâti par Lycurgue fils de Lycophron. Il paroit encore avec une magnificence & une élévation qui furprennent, furtout une grande tour qui fait partie de cet édifice. C'eft un des premiers objets qui font discerner le château aux navires qui entrent dans le golfe d'Engia. C'étoit peut-être là-desfus qu'on avoit placé cetre ftatue de Minerve qui étoit d'une fi exceffive grandeur, que du promontoire de Sunion on en découvroit le casque & la lance. Lycurgue fit cet arsenal de marbre, & entre les munitions de guerre qu'il y renferma, on remarquoit une provifion de cinquante mille flèches. Comme les Grecs ne fréquentent plus en ces lieux où l'on ne voit que des démolitions, qui fuppofent des bâtimens autrefois magnifiques, & que le fecours de la tradition manque; on ne fauroit discerner où étoient les temples de Jupiter, furnommé le Tutélaire, de Minerve Poliade, de Neptune, d'Aglaure, de fa fœur Pandrofe, de la Victoire, non plus que celui de Venus que fit bâtir Phédre, voulant s'acquitter du vœu qu'elle avoit fait pour obtenir de ne plus fonger à Hippolyte. Le dehors de la ville qui eft à l'orient du Lycée, eft occupé par des jardins fort agréables. Ils s'étendent jusqu'au quartier qu'on appelloit autrefois Amafonion, à caufe de la bataille qui s'y donna entre Théfée & les Amazones. Les Athéniens y éleverent une colomne nommée Amazonia & ces femmes belliqueufes y firent auffi bâtir le temple Amazonion.

C'étoit là 'étoit dans l'ancienne ville la porte appellée Ithonia. C'est encore préfentement le chemin de Phalax, & c'eft fur ce chemin, près de cette même porte, qu'étoit le tombeau d'Antiope reine de ces amazones. Ces jardins occupent auffi l'endroit où étoit la place publique qu'on appelloit n,où les affemblées du peuple fe tenoient, & ou tant d'excellens orateurs ont prononcé leurs harangues. Autour du tribunal qui étoit au milieu de cette place, il y avoit une petite étendue de terre qu'ils appelloient vià, parce qu'elle étoit environnée de cordages, pour empêcher que les juges ne fuffent incommodés de la foule. Le Lithos étoit à côté. C'étoit une grande pierre où montoit le crieur public pour faire faire filence. Plus loin étoit un cadran folaire, & au bout de la place un temple dédié aux mufes. On découvroit à côté la maifon de Cimon & d'Elpinice, & delà on entroit dans le quartier appellé Chryfa, célebre par le campement des Amazones. Près du lieu où eft aujourd'hui l'hospice des capucins, on voit un petit édifice que les Athéniens appellent To phanari tou Diogenis, c'est-à-dire, la lanterne de Diogene. C'est le réfervoir des eaux d'une fontaine. Les anciens le nommoient Analogaon, parce qu'il eft bâti en pupitre; mais comme on voit au-deffus une coupe qui a la figure d'une lanterne, le vulgaire dit aujourd'hui que c'eft la lanterne de Diogene, par allufion à un trait de ce philofophe, qui pour le mocquer de l'humeur efféminée des Athéniens, courut parmi le peuple en plein jour une lanterne à la main, criant qu'il cherchoit un homme. Plutarque dit que l'Analogæon a été l'ouvrage & le préfent d'un Diogene, qui commandoit les garnifons Macédoniennes du pays Attique, & qui à la perfuafion d'Aratus, les fit fortir du Pirée, de Munychia, de

Salamis & du château de Sunion.

Lafeconde mosquée d'Athènes étoit autrefois le tem

ple de Venus - Uranie, bâti par Egée, & réparé par Adrien. Il y avoit une ftatue de Venus, de la main de Phidias. Le temple de Vulcain, appellé aujourd'hui le Catholicon, qui eft l'églife archiepiscopale d'Athènes, n'est pas loin de là. La Maifon des vents eft après cette mosquée. C'eft une tour octogone de marbre blanc. Chircheftes fit graver fur chaque face une figure de vent; quelqu'un y ajouta un cadran folaire. On voyoit fur cette tour un triton d'airain, qui tournant au gré du vent, montroit avec une verge qu'il tenoit, celui qui regnoit alors. Ce triton n'existe plus, & des huit cadrans on n'en voit que fept, encore n'ont-ils plus d'aiguilles pour marquer les heures. Le huitiéme eft enfermé dans la maifon d'un Turc qui tient à cette face. Vis-à-vis de la maifon des vents, un peu plus haut, tirant vers le Ceramique, eft le portique appellé Pacilé, ou Porticus varia. C'eft le plus confidérable de tous ceux qui embelliffoient l'ancienne Athènes. On l'appelloit le portique par excellence, pour le diftinguer des autres. Auparavant il étoit nommé Pifianactios. Pendant la fplendeur d'Athènes, fes peintres les plus fameux avoient représenté à l'envi dans ce portique, les actions mémorables des grands capitaines de la république, & le célebre Polygnote y fit des chefs-d'œuvre, dont il ne voulut point de récompenfe. Selon les favans, la réputation du portique lui eft venue du philofophe Zenon, qui y établit l'école des Stoïciens. Le mot de Stoa, qui fignifie portique, donna le nom à ces philofophes appellés auparavant Zenoniens. L'hospice des capucins, qui font aujourd'hui en poffeffion de la miflion d'Athènes, eft un petit édifice de marbre blanc, & d'une ftructure délicate. Le vulgaire l'appelle indifféremment, to Phanari tou Demofthenis, & to Palati tou Demofthenis, tantôt la lanterne de Démofthene, tantôt fon palais. Les Athéniens veulent que ce foit-là fameux orateur, à qui une épaiffeur de langue ôtoit la liberté & la grace de la prononciation, fe mettoit de tits cailloux dans la bouche pour fe dégager de cette épaiffeur, & former sa voix. Le travail du Phanari & fes fa baffes tailles font admirables.

que ce

pe

La porte de Dipylon eft la feule qui reste aujourd'hui de l'ancienne ville. Il y en a trois de fuite affez grandes, mais fi bien travaillées qu'elles méritent d'être mifes au nombre des plus célebres antiquités. Voici ce que TiteLive, 1.31, c. 24, en dit en parlant de Philippe, roi de Macédoine. Ad Dipylon acceffit; porta ea, velut in ore urbis pofita, major aliquantò, patentiorque quam catera, & intra eam, extraque, lata funt via. Lucien dit qu'on y révéroit le tombeau du médecin Toxaris, que les Athéniens reclamoient pour la fiévre. Il ajoute que ce tombeau étoit fur la main gauche du chemin qui conduit à l'académie, ce qui répond aux environs du temple de Théfée. On y voyoit auffi le tombeau d'Antemocritus ; ce héros que les Mégariens tuerent contre le droit des gens. Cette porte étoit auffi appellée Thryafia, Thratia, & Ceramique. A main droite du Dipylon, on voit une très-ancienne & très-belle muraille de marbre, & un portique ruiné. C'étoit autrefois le Gymnafion de Ptolomée, roi d'Egypte, où entre plufieurs ftatues d'airain, il y en avoit de Mercure, qui étoient de pierre, & qui paffoient pour les plus beaux ouvrages d'Athènes. Par ce mot Gymnafion, les Athéniens entendoient un lieu également deftiné aux exercices du corps, & à l'étude des belles-lettres. Cicéron étudia fous le philofophe Antiochus, dans le Gymnafion de Ptolomée, au midi duquel étoit la maifon de Themiftocle, dans le quartier de Melite. A côté de ces ruines l'on voit quelques reftes d'une ancienne muraille de briques, proche du mont de S. George. A main gauche du chemin de l'académie, & tout proche de Dipylon, on voit l'ancien temple de Théfée, remarquable par les fêtes que les anciens y folemnifoient en fon honneur, & par les diftributions des farines que l'on y faifoit aux pauvres de la ville. Ce qui prouvoit mieux la vénération des Athéniens pour leur fondateur, c'est qu'ils avoient fait de ce temple un afyle inviolable, où les esclaves maltraités de leurs patrons venoient fe refugier. Il fut bâti après la bataille de Marathon, confacré pendant les victoires de Cimon, réparé comme les autres par l'empereur Adrien, & depuis par les libéralités des princes chrétiens qui en firent une églife. Il y avoit autrefois autour de ce temple quatre lieux fort remarquables, un tribunal, une prifon, l'Horcomofion, où la paix fut conclue entre Thé

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fée & les Amazones, & le théâtre de Regilla. Hérode 'Athénien fit élever ce théâtre, parce que celui de Bacchus, quoique grand & magnifique, ne fuffifoit pas à la foule des fpectateurs, qui accouroient aux repréfentations publiques. On voit aujourd'hui, près du temple de Théfée, un grand lion couché à terre, & représenté & représenté comme s'il dormoit, à la différence de ceux de la marine & du château, qui femblent être en furie. On paffe enfuite le long des jardins, qui font fur les ruines du faubourg de l'Académie ou du Céramique; car on lui donne l'un & l'autre nom.

A cinq cens pas de la ville, le grand chemin eft coupé par deux autres qui font un carrefour, où autrefois étoit un Mercure, furnommé Tetracephalos. L'orateur Ephialtes, qui de l'aveu de Périclès, diminua l'autorité de l'Aréopage, avoit fon tombeau proche de là. Vers la porte de la ville, par où l'on va à Raphti, on voit le Triclinion. C'est une grande pierre qu'on a trouvée en fouillant des terres. Elle est enrichie d'un bas-relief merveilleux qui représente une falle & un banquer des anciens, d'où vient le mot de Triclinion. Un Grec l'a fait placer à la muraille de fa maison pour en embellir la face. Au dehors de la porre de Raphti font les ruines du palais d'Adrien à main gauche, & à côté le lieu qu'ils appellent Ta Mnimouria, c'est le cimetiere des Turcs qui fe font enterrer hors des villes par tout le Levant. Les anciens Athéniens obfervoient étroitement cette coutume, & c'étoit une grace extraordinaire que de fouffrir des tombeaux dans l'enceinte des murailles. Les chrétiens fe font aujourd'hui enterrer dans les églifes. En allant au port de la riviere d'Iliffus, on trouve l'endroit où a été le tribunal nommé Ardettos. Les juges y faifoient un ferment folemnel à Jupiter, à Apollon & à Cerès, de prononcer felon les loix du pays, & felon la conscience au défaut des loix. Il y avoit un autel confacré aux mufes, furnommées Illiffiades, & l'on y montroit l'endroit où avoit été ny tué Codrus, dernier roi d'Athènes. Près du port font les ruines d'une chapelle qu'ils appellent Agios Phrancos, On y voit encore l'image de S. François peinte à la muraille. Les Acciaioli bâtirent cette chapelle en fon honneur, dans le tems qu'ils étoient maîtres du pays. Ce faint y eft encore en fi grande vénération, que les chrétiens donnent fort fouvent fon nom à leurs enfans quand ils les batifent. Au-delà du pont et le quartier qu'on appelloit indifféremment Agra & Agra. Ce fut-là, dit-on, que Borée enleva Orithie, fille d'Erechteus, roi d'Athè nes, & que Diane prit pour la premiere fois le plaifir de la chaffe. Le terrein eft fabloneux. On y voit force perdrix, mais moins délicates que les nôtres. Il y a auprès de là une petite hauteur où font les ruines du temple de Diane, furnommée Agrotera, ou la Chaffereffe. Cette déeffe, felon Plutarque, préfidoit auffi-bien à la pêche qu'à la chaffe ; & en cette qualité on la furnommoit Dictymne. Les Athéniens lui faifoient tous les ans dans le temple d'Agrotera un facrifice de cinq cens boucs, pour s'aquitter envers elle d'un vau qu'ils firent le jour de la bataille de Marathon. De la colline où font ces débris, on découvre les reftes du Stadion Panathenaicon. Elles attirent encore l'admiration, tant elles font magnifiques. Ce Stadion étoit une carriere pour les courfes qu'on faifoit publiquement: fa figure eft une portion d'ovale, coupée felon fa largeur. Il femble que la nature ait pris plaifir à former une colline, qui regne auffi en portion d'ovale comme pour borner le terrein de cette carriere. Les rangs des degrés qui fubfiftent encore font de marbre blanc. L'empereur Adrien y donna un jour aux Athéniens le fpectacle d'une chaffe de mille bêtes fauvages. Au pied de la colline du temple de Diane, il y a un temple de Cerès, qui eft entier & de marbre blanc : il fert d'églife Grecque, & l'on y voit la peinture d'un crucifix qui mérite d'être admirée. Hercule y fut autrefois initié aux petits myfteres de Cerès; les grands myfteres étoient célébrés dans un autre temple confacré à cette même déeffe, & on l'appelloit Eleufinion. De là tournanr à main droite, on découvre les magnifiques colonnes & le fuperbe portail qui reftent du palais d'Adrien, qui voulant en faire un Gymnafium, n'y avoit rien épargné, tant pour le choix du marbre que pour la dorure & la beauté des lambris: le vulgaire l'appelle Didascalion. Il y fit mettre la bibliothéque de Pifftrate, qui a été le premier qui ait pris le foin d'en dreffer une qu'on croit être la plus ancienne du

monde. Jamais livres n'ont tant couru que ceux-là dans les pays étrangers. Xerxès les ayant emportés en Perfe, Séleucus Nicanor les renvoya fort long-tems après à Athènes, d'où Sylla les enleva encore pour les emporter à Rome, mais l'empereur Adrien les fit revenir pour en orner fon Gymnasion. On voit près de ces colonnes le cimetiere des Turcs, & à côté eft un temple de Junon: ce n'eft que les débris d'un plus grand que fit bâtir Adrien, & qui fut dédié en commun à Junon & à Jupiter, furnommé Panhellenion. 11 fert à préfent d'églife Grecque.

La grande rue du Céramique ou du Bazar eft encore aujourd'hui la plus belle de la ville: elle tiroit fon nom de Ceramus, fils de Bacchus & d'Ariane. Le Céramique du fauxbourg qui conduifoit à l'Académie, tiroit le fien des potiers de terre qui y travailloient, comme le mot grec le défigne. Le Panthéon eft fur un des côtés de la rue du Céramique. Les connoiffeurs lui donnent la préférence fur celui de Rome, bâti par Agrippa. Ce fut l'empereur Adrien qui fit bâtir celui d'Athènes. Les chrétiens le confacrerent à la Vierge fous le nom de Panagia. Les Turcs en ont fait une mosquée. Les chevaux qu'Adrien y fit placer, ouvrage de Praxitele, y font encore, & les curieux vont les admirer. Les portiques qui regnoient anciennement depuis-là jusqu'à la porte de Dipylon, n'étoient remarquables que parce qu'ils fervoient de rendez-vous & de promenades aux courtifanes d'Athènes, & qu'on y voyoit leurs noms avec ceux de leurs amans écrits fur les colonnes & fur les murailles. Le Bazar, autrefois la place Céramique, eft fur l'enfilade de la même rue. Anciennement il y avoit un autel dédié à la miféricorde, & à quelque diftance de là un autre appellé Dodecathéon, parce qu'il étoit confacré aux douze dieux. A côté du Dodecathéon étoit le lieu appellé Cyclos, où l'on vendoit tous les prifonniers de guerre. La boucherie publique fépare le Bazar d'une autre grande place, que les anciens appelloient fimplement Agora. Comme elle touchoit aux deux quartiers de Colones & de Colytos, les deux bouts qui y répondoient en prenoient auffi le nom. On y voit une célebre ftatue de Mercure, furnommé Agoraus, femblable à une autre qui étoit devant le Pocilé: on la nomine préfentement la place du cadi, à cause qu'il y demeure, & que fon ferrail y donne. Vis-à-vis de la même place on voit le Catholicon, nom que donnent les chrétiens à l'églife archiepiscopale. La tradition affure encore aujourd'hui que c'étoit un temple de Vulcain : c'est le même qui lui étoit confacré en commun avec Minerve. Cette déeffe y avoit une statue avec les yeux bleus, de la couleur des eaux de la mer; parce que, felon la remarque de Paufanias, quelques uns la croyoient fille de Neptune. S. Augustin dit que l'on trouva dans ce temple un enfant expofé, qu'un dragon enveloppoit. Sur la même ligne du Catholicon, vis-a-vis la place du cadi, on voit le Phylaki, ou prifon publique : le temple de VenusUranie, changé aujourd'hui en mosquée, est derriere le Phylaki. Le quartier qu'on appelloit Colytos, où Platon & Timon nâquirent, eft au-deffous de la place du cadi, en tirant au fud: c'eft où demeuroit l'orateur Eschines concurrent de Démofthene. Tertullien dit que les enfans qui naiffoient dans ce quartier commençoient à parler plutôt qu'ailleurs; & fi l'on s'en rapporte à Philoftrate, ils étoient extraordinairement beaux, ce qui les faifoit appeller les délices de la Gréce. Le quartier de Melite n'étoit diftingué de celui-ci que par une colonne. La nymphe Mélite lui donna son nom : elle a été une des maîtresfes d'Hercule, qui avoit un temple dans ce quartier; fa ftatue, qu'on y voyoit, étoit un ouvrage de Geledas, célebre fculpteur, & maître de Phidias. On y trouvoit encore trois autres temples; un de Diane, furnommée Ariftobule, bâti par Thémiftocle; un de Melanippe, fils de Théfée, & un d'Euryface, fils d'Ajax. Alcibiade étoit descendu de cet Euryface. Le palais de Thémistocle étoit auffi fitué en ce quartier-là: Epicure & Phocion y demeuroient. L'hiftoire dit qu'on y voyoit un grand édifice, où s'affembloient ceux qui travailloient pour le théâtre. L'ancien quartier nommé Colonos, étoit auprès de celui de Melite, féparé feulement par un grand portique, qu'ils appelloient Macraftoa, parce qu'il étoit compofé de cinq autres que l'on avoit joints enfemble. C'étoit dans ce Colonos que s'affembloient anciennement les ouvriers & les petites gens mercenaires qui cherchoient à travailler pour les habitans; auffi l'appelloit-on Myfthios.

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