A MADEMOISELLE M. F. D. R. MADEMOISELLE, Voici un étrange monstre que je vous dédie. Le premier acte n'est qu'un prologue, les trois suivants font une comédie imparfaite, le dernier est une tragédie et tout cela cousu ensemble fait une comédie. Qu'on en nomme l'invention 'Cette pièce mérite véritablement le nom que lui donne Corneille, et pouvoit être regardée comme un sommeil de l'auteur après la tragédie de Médée : mais quel réveil que la pièce du Cid, qui suivit immédiatement cette farce! Le personnage de Matamore fit cependant le succès de l'Illusion comique, et la conserva même assez long-temps au théâtre, Le public, dont le goût n'étoit pas encore formé, prenoit pour beau ce qui n'étoit que bizarre, ou même extravagant. Les Visionnaires de Desmarets, comédie qui n'étoit remplie que de personnages aussi outrés que celui de Matamore, furent très applaudis; et dans les plus belles années du siècle de Louis XIV, madame de Sévigné, qui faisoit assez peu de cas des tragédies de Racine, convient qu'elle s'amusa beaucoup aux Visionnaires. Rien ne bizarre et extravagante tant qu'on voudra, elle est nouvelle; et souvent la grace de la nouveauté, parmi nos François, n'est pas un petit degré de bonté. Son succès ne m'a point fait de honte sur le théâtre, et j'ose dire que la représentation de cette pièce capricieuse ne vous a point déplu, puisque vous m'avez commandé de vous en adresser l'épître quand elle iroit sous la presse. Je suis au désespoir de vous la présenter en si mauvais. état, qu'elle en est méconnoissable: la quantité de fautes que l'imprimeur a ajoutées aux miennes la déguise, ou, pour mieux dire, la change entièrement. C'est l'effet de mon absence de Paris, d'où mes affaires m'ont rappelé sur le point qu'il l'imprimoit, et m'ont obligé d'en abandonner les épreuves à sa discrétion. Je vous conjure de ne la lire point que vous n'ayez pris la peine de corriger ce que vous trouverez marqué ensuite de cette épître. Ce n'est pas que j'y aie employé toutes les fautes qui s'y sont coulées; le nombre en est si grand, qu'il eût épouvanté le lecteur : j'ai seulement choisi celles qui peuvent apporter quelque justifie mieux ces vers de Boileau, qu'il seroit dur pourtant d'appliquer à madame de Sévigné : Tous les jours, à la cour, un sot de qualité Peut juger de travers avec impunité; A Malherbe, à Racan, préférer Théophile, etc. (P.) corruption notable au sens, et qu'on ne peut pas deviner aisément. Pour les autres, qui ne sont que contre la rime, ou l'orthographe, ou la ponctuation, j'ai cru que le lecteur judicieux y suppléeroit sans beaucoup de difficulté, et qu'ainsi il n'étoit pas besoin d'en charger cette première feuille. Cela m'apprendra à ne hasarder plus de pièces à l'impression durant mon absence. Ayez assez de bonté pour ne dédaigner pas celle-ci, toute déchirée qu'elle est; et vous m'obligerez d'autant plus à demeurer toute ma vie, MADEMOISELLE, Le plus fidèle et le plus passionné de vos serviteurs, CORNEILLE. ACTEURS. ALCANDRE, magicien. PRIDAMANT, père de Clindor. DORANTE, ami de Pridamant. MATAMORE, capitan gascon, amoureux d'Isabelle. CLINDOR, suivant du Capitan, et amant d'Isabelle. ADRASTE, gentilhomme, amoureux d'Isabelle. GÉRONTE, père d'Isabelle. ISABELLE, fille de Géronte. LYSE, servante d'Isabelle. GEOLIER de Bordeaux. PAGE du Capitan. CLINDOR, représentant THÉAGENE, seigneur anglois. ISABELLE, représentant HIPPOLYTE, femme de Théagène. LYSE, représentant CLARINE, Suivante d'Hippolyte. ÉRASTE, écuyer de Florilame. TROUPE de domestiques d'Adraste. TROUPE de domestiques de Florilame. La scène est en Touraine, en une campagne proche de la grotte du magicien. |