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ris: quod ipfum non nifi in fine potus intelligitur. Purgat hic corpora, tertianas febres discutit, calculorumque vitia. Eadem aqua igni admota turbida fit, ac poftremo rubescit. Perfonne ne doute que Pline ne parle de la fontaine fi connue aujourd'hui fous le nom d'eaux de Spa, & qui fe trouve dans le diocèfe de Liége, pays qu'habitoient les anciens Tongres.

TUNGTAO, cité de la Chine, dans la province de Huquang au département de Chingchieu, premiere grande cité de la province. Elle eft de 7d 16' plus occidentale que Pekin, fous les 27d 30' de latitude. Atlas Sinenfis.

*

TUNGTING, lac de la Chine, dans la province de Huquang, au territoire d'Yocheu, feptième métropole de la province, à l'occident de cette ville. On dit que ce grand lac s'eft formé par une inondation; auffi y voit-on une affez grande quantité d'ifles très-peuplées, & où font divers temples magnifiques, avec des monaftères. Il y a une de ces ifles qui eft flottante, & qui contient entr'autres un monastère : les racines des arbres & celles des rofeaux font tellement entrelacées les unes dans les autres, & de plus en plus s'entrelacent tous les jours de telle maniere, qu'il n'y a aucun danger que les terres s'éboulent, ni qu'aucune partie de l'ifle fe fépare.

2. TUNGTING, montagne de la Chine, dans la province de Kiangnan, au territoire de Sucheu, troifiéme métropole de la province. C'eft une haute montagne qui fe trouve dans le lac de Tai, où elle forme une ifle, dans laquelle font bâtis plufieurs célébres monastères.

TUNGUON, ville de la Chine, dans la province de Quangtung, au département de Quangcheu, premiere métropole de la province. Elle eft de 3d 12 plus occidentale que Pekin, fous les 22d so' de latitude.

TUNGUSES. Voyez TONGOUS.

1. TUNGXAN, ville de la Chine, dans la province de Huquang, au département de Vuchang, premiere métropole de la province. Elle eft de 3d 10' plus occidentale que Pekin, fous les 30d 13' de latitude.

2. TUNGXAN, fortereffe de la Ghine, dans la pro vince de Fokien, au département de Pumuen, premiere fortereffe de la province. Elle eft de od 57' plus orientale que Pekin, fous les 24d 15' de latitude.

TUNGXING, fortereffe de la Chine, dans la province de Channfi, au département de Gueiyven, premiere forte reffe de la province. Elle eft de 6do' plus occidentale que Pekin, fous les 39d 56' de latitude.

TUNGYANG, ville de la Chine, dans la province de Chekiang, au département de Kinhoa, cinquième métropole de la province. Elle eft de 3d 12' plus orientale que Pekin, fous les 29d 15' de latitude.

1. TUNJA, province de l'Amérique, dans la terre-ferme, au nouveau royaume de Grenade. Cette province furpaffe celle de Bogota en veines d'or, & par la quantité des émeraudes qu'elle fournit. L'air y eft fain & tempéré, & l'on n'y fent presque point de différence entre l'été & l'hiver, & fort peu entre le jour & la nuit, à caufe de la proximité de l'équateur. Cette contrée est voisine des fauvages qu'on appelle Panches. Son terroir eft abondant en froment, & produit la plupart des chofes néceffaire à la vie. La capitale prend le nom de la province. Voyez l'article fuivant. * De Laet, Description des Indes occidentales, l. 9, c. 6.

2. TUNJA, ville de l'Amérique, dans la terre-ferme, au nouveau royaume de Grenade, & la capitale de la province qui lui donne fon nom. Elle eft fituée à vingt lieues de Santa-Fé, fur le haut d'une montagne, & fert de défense contre les courfes des fauvages d'alentour. C'eft la principale ville marchande de ce pays-là. Les habitans peuvent fournir plus de deux cents chevaux propres pour la guerre. Les dominicains ont une maifon dans Tunja, & les cordeliers une autre.

TUNIDRUMENSE. Voyez TYNIDRIMENSE.
TUNIENSIS. Voyez TUNEIENSIS.

1. TUNIS, ville d'Afrique, dans la Barbarie, au royaume de Tunis, dont elle est la capitale, & auquel elle donne fon nom. Elle s'appelloit anciennement TUNES. Voyez TUNEYENSIS. Quelques voyageurs difent qu'il y a trois cents mosquées. Cette ville eft fituée dans une plaine, fur le lac de la Goulette, à quatre lieues de la mer. Elle eft ancienne, & le pays qui en dépend répond à l'Afrique

proconfulaire des anciens. Elle fut poffédée par les Carthaginois, par les Romains & par les Vandales, qui la faccagerent du tems de faint Auguftin. Les Arabes s'en emparerent à leur tour, & après que Ferdinand & Ifabelle eurent chaffé les Maures d'Espagne, une partie fe retira à Tunis & aux environs. Les Espagnols conquirent enfuite une partie de ce pays; Barberouffe le reprit fur eux, & les Turcs s'en rendirent maîtres en 1574. C'est en ce tems qu'on jetta les fondemens du gouvernement qui dure encore aujourd'hui, comme je le dirai à l'article de l'état de Tunis. Voyez no. 3. Les Arabes, qui vinrent de l'Arabie heureufe en Afrique, fous leur roi Melec Ifiriqui, commencerent à faire de Tunis une ville confidérable. C'étoit peu de chofe auparavant; mais elle s'accrut des ruines de Carthage, car les Arabes Mahométans de l'armée d'Occuba, ne fe fentant pas affurés dans cette place, & craignant un nouveau fecours de l'Europe, abandonnerent Carthage, pour s'établir à Tunis, qu'ils embellirent de plufieurs édifices, quoiqu'ils n'y demeuraffent pas fort long-tems, étant allés fixer leur demeure trente lieues plus loin, vers le levant, dans le pays où ils bâtirent Carvan. A l'endroit le plus relevé de Tunis, du côté du couchant, il y a un beau château, & une fuperbe mosquée, avec une tour fort haute & d'une belle architecture. Il y a deux grands fauxbourgs, l'un appellé Bebçuei, de plus de deux mille maifons, å la porte du feptentrion; l'autre nommé Bebel Menara, d'environ mille maisons, du côté du midi, où, lorsque Charles-Quint prit cette ville, demeuroient les chrétiens Rabatins, dès le tems de Jacob Almanfor, roi & pontife de Maroc, de la lignée des Almohades. C'étoient des Mufarabes, & parce qu'ils demeuroient dans le fauxbourg que les Maures appellent en leur langue Rabat, on les nommoit Rabatins. Outre ces deux fauxbourgs, il y en a un troifiéme hors de la porte de la mer, environ à la portée du mousquet du lac. C'eft là que font les magafins & les maifons des marchands chrétiens qui viennent trafiquer à Tunis. Ce fauxbourg n'eft que de trois cents maifons fort petites; mais généralement, il y a plus de vingt mille maifons habitées dans la ville & dans les fauxbourgs. Les rues & les places font fort bien ordonnées : le grand nombre des habitans de cette ville en fait presque toute la force. Ce font pour la plupart des artifans, parmi lesquels fe distinguent les tifferans par leur nombre: ils font la meilleure toile d'Afrique, parce que le fil eft plus fin & mieux tordu qu'ailleurs; c'eft de cette toile qu'on fait ces riches turbans qu'on nomme tunecis, qui font fort eftimées entre les Maures. Au milieu de la ville eft une grande place environnée de boutiques, la foule y est toujours grande, & celles des parfumeurs font ouvertes jusqu'après minuit. Le peuple de Tunis eft doux & civil, & les principaux s'accommodent fuperbement à leur mode; mais il y en a peu qui foient riches. Le bled y eft cher & vient de loin. On n'en recueille pas beaucoup dans les environs, à cause de la pareffe du peuple. D'ailleurs, ils n'oferoient femet les terres un peu éloignées de peur des Arabes; de maniere qu'on ne laboure qu'autour de la ville, dans quelques champs enclos, qu'on arrose par le moyen des roues : les maîtres de ces champs n'en recueillent pas de quoi fe nourrir quatre mois de l'année. Le pain qu'on y mange eft blanc & beau, parce qu'il eft fait de fleur de farine, qu'on repaffe après qu'elle a été moulue, dans des moulins à bras; c'est le manger le plus ordinaire des gens de condition : car le peuple fe fait un manger de farine d'orge, pétrie & cuite dans de l'eau & du fel, qu'on trempe, en mangeant, dans de l'huile ou du beurre. Les pauvres gens fe nourriffent de farine d'orge crue, trempée dans de l'eau & de l'huile, qu'on brouille enfemble, & dont on fert enfuite, avec quelque jus d'orange ou de citron: ce manger pafle pour trèsfain & très-rafraîchiflant. Les hommes, qui font à leur aife, ufent encore d'une certaine confection d'herbes fort chere qu'on nomme harix, qui réjouit toute la perfonne ; de forte qu'en ayant mangé une feule once, on eft gai le refte du jour, & l'on ne redoute auçun péril. Ce font les Turcs, à ce qu'ils difent, qui leur ont appris ce fecret. Au refte, ni dans la ville, ni aux environs, il n'y a aucun moulin à vent ni à eau, point de fontaines, ni puits, ni ruiffeaux mais feulement de grandes cîternes. Il eft vrai qu'il y a dehors un puits d'eau vive, que l'on vend par les rues; on la tient plus faine que celle des cîternes. La principale mosquée de Tunis eft grande, & de très-grand revenu; Tome V. VVuuuu

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elle a une tour fort haute, où font trois pommes de cuivre doré, comme celles de Maroc. Il y a encore plufieurs autres mosquées beaucoup moindres, & d'anciens colléges, la plûpart ruinés, & dans quelques-uns desquels on enfeigne pourtant encore la théologie mahométane: ces colléges font entretenus d'aumônes. La plupart des maifons de la ville font bâties de pierres ou de briques, avec de la chaux: elles font toutes en terralle, afin de faire mieux couler l'eau de la pluie dans les cîternes. Les plat-fonds font de plâtre, embellis d'or & de différentes couleurs, parce qu'on rouve peu de bois dans la ville pour faire des ais. Le plancher des chambres eft par petits carreaux de ciment ou de marqueterie & les maifons n'ont ordinairement qu'un étage; les veftibules font frais & propres, parce que les hommes y demeurent la plupart du tems à s'entretenir & à faire leur négoce, pour empêcher leurs amis ou leurs gens d'entrer dans l'appartement où le tiennent leurs femmes. Il y a, dans la ville, plufieurs bains, où l'on eft mieux accommodé que dans Fez, quoiqu'ils ne foient ni fi grands, ni fi beaux, & qu'il n'y ait point d'eau courante. On rencontre, hors de la ville, d'amples vergers, qui rapportent de fort bons fruits, & plufieurs citrons & oranges, qui font foigneufement cultivés, fur-tout dans les jardins du prince. Autour de la ville, à une ou deux licues à la ronde, il y a de grandes contrées d'oliviers, où l'on recueille affez d'huile pour la provifion des habitans, & on en porte vendre jusques près de l'Egypte. Comme le bois commun eft rare à Tunis, on emploie celui d'olivier à faire du charbon. Les femmes y font belles & fort parées, elle fe couvrent le vifage quand elles forzent. Ces peuples font fi crédules, qu'ils tiennent pour faints les foux qui vont par les rues, & leur font du bien, & à leurs parens. Cette ville n'eft pas forte, & n'est enceinte que d'une muraille fort baffe, particulierement du côté du midi & du couchant. Près du lac eft un arsenal, où il y a de quoi conftruire plufieurs galeres. De l'autre côté du lac, fur le bord de la mer, eft la fortereffe de la Goulette, & le canal par où l'eau entre dans le lac.* Marmol, Royaume de Tunis, l. 6, c. 16.

Un Africain nommé Abelchit, fit foulever la ville de Carvan, fous le calif Caim. Celui-ci envoya contre lui des armées d'Arabie, qui le défirent & le tuerent. Ses deux fils, après fa mort, fe dérobant à la cruauté des Arabes, fe fauverent, l'un à Tunis, l'autre à Bugie. Jofef Abu Téchifien, roi des Almoravides, marcha contre eux, & après s'être emparé des provinces du couchant, voyant que bien loin de lui réfilter ils s'humilioient devant lui, il leur laiffa leurs états, à la charge de quelque reconnoiffance; de forte qu'ils régnerent pailiblement, eux & leurs fuccesfeurs, pendant tout le regne des Almoravides; mais les Almohades étant enfuite devenus les maîtres, Jacob Almanfor attaqua leurs descendans, & leur ôta les royaumes de Tunis & de Bugie. Sur le déclin de l'empire des Almohades, les Arabes du royaume de Tunis s'étant foulevés, affiégerent le gouverneur que le roi de Maroc tenoit dans Ja ville de Tunis, & le prefferent à la fin de fi près, qu'il fut contraint de demander du fecours. Le roi de Maroc y envoya vingt gros navires chargés de troupes, fous la conduite d'un grand capitaine de Séville, nommé Abduledi, qui étoit descendu de la tribu de Muçamuda. Il aborda à Tunis, où trouvant la ville à demi ruinée des courfes des Arabes, pour les appaifer, il leur accorda une partie du revenu de l'état, & fir en forte qu'ils laifferent depuis les villes de ce royaume en repos, dont il demeura le maître. Il laiffa pour fucceffeur un fils nommé Buzacharias, qui ne fut pas moins fage & moins vaillant que fon pere, & qui jouit de cet état pendant les troubles des Bénimérinis & des Almohades, bâtiffant un château au lieu le plus élevé de la ville de Tunis. Il étendit même fes conquêtes jusqu'à Tripoli, puis tournant la Numidie & la Libie, il mit à contribution tout ce pays, jusqu'aux Négres; de forte qu'en mourant, il laiffa, à fon fils Abu Ferez, un grand tréfor. Ce prince, fe voyant riche & puiffant, fongea à s'emparer de toute l'Afrique, qu'il voyoit alors déchirée par les guerres civiles. Maître du royaume de Tunis, il marcha contre celui de Trémecen, & fit ce roi tributaire. Celui de Fez, qui affiégeoit alors Maroc, lui envoya de grands préfens, & le reconnut même pour fon fouverain. Il retourna donc à Tunis, avec le titre de roi d'Afrique, qu'il prit. Après fon retour, il s'occupa du foin d'établir

tout,

l'ordre dans fa maifon, & établit dans fa cour les mêmes charges & les mêmes cérémonies que pratiquoient les rois & pontifes de Maroc : il prit le premier le titre de roi de Tunis. Il y avoit onze principales charges dans fa cour; la premiere étoit celle de munafit, qui donnoit ordre à comme un vice-roi; car il rendoit compte de tout ce qu'il avoit fait, & pourvoyoit, par l'ordre du prince, aux charges de la guerre & du gouvernement. La feconde étoit celle de mézuar, qui commandoit à tous les gens de guerre, & à la garde du roi ; par fon ordre toutes les charges fe payoient. La troifiéme étoit celle de gouverneur ou de grand-maître, fur lequel on fe repofoit pour la garde du palais, & de la ftructure de tous les ouvrages que le roi entreprenoit ; il avoit jurisdiction civile & criminelle, comme la propre perfonne du fouverain. La quatriéme étoit celle de fahab tunes : il avoit charge de la police & de la juftice: quand les Arabes faifoient quelques dommages dans les contrées, il alloit contr'eux: de nuit, il faifoit la ronde, avec plus de deux cents archers, par les rues de Tunis; il faifoit prendre les malfaiteurs & les châtioit. La cinquième étoit celle de fecrétaire d'état ; il écrivoit & répondoit pour le roi, & avoit autorité d'ouvrir toutes les dépêches, pourvu qu'elles ne fuffent pas du munafit ou du mézuar. La fixiéme charge étoit celle de grand écuyer, qui étoit en la préfence du roi : lorsqu'il tenoit confeil, il affignoit à chacun fa place, & envoyoit les huiffiers où il étoit befoin; c'étoit le favori du roi qui exerçoit cette charge, car il avoit droit de lui parler à toute heure. La feptième étoit celle de fur-intendant, qu'ils appelloient zahab el hareta; c'étoit lui qui avoit le foin de tout le revenu, & qui le diftribuoit, par ordre du roi, figné du munafit & du mézuar. La huitième étoit celle de treforier de l'épargne, qui recevoit tous les revenus des entrées, tant par mer que par terre, qui étoit de deux & demi pour cent des marchandises des Maures, & dix pour cent des chrétiens plus ou moins, felon la volonté du roi. La neuvième étoit celle du grand douanier, qui recevoit tous les deniers de la douane des marchandifes qui fortoient hors du royaume par mer. La dixième étoit celle de grand pourvoyeur ou commiffaire général des vivres, qui avoit foin de fournir la maison royale de tout ce qui étoit néceffaire, & étoit comme le maître d'hôtel. L'onziéme enfin, étoit la charge de grand tréforier, à qui on rendoit compte de tout le domaine; c'étoit une charge importante, parce qu'il affiftoit au compte, avec le munafit & le mézuar. Če prince étoit fervi dans fon palais par des filles & des eunuques. La cour de fes descendans étoit, dans la fuite des tems, devenue encore plus éclatante & plus nombreuse: car ces rois entretenoient quinze cents cavaliers pour la garde de leurs perfonnes, dont la plûpart étoient Mufarabes ou renégats, à qui ils donnoient de grands appointemens. Ils étoient commandés par un chef Mufarabe, qui avoit grande autorité dans l'état. Il y avoit auffi cent cinquante vieux gentilshommes expérimentés dans les chofes de la guerre & du gouvernement, de qui le roi prenoit confeil dans les chofes importantes, & qui fervoient, dans les armées, comme des maréchaux de camp. Ils avoient auffi cent arquebufiers renégats, qui fervoient de gardes du corps à pied, & étoient autour de la perfonne du roi, tant à la ville qu'aux armées, quoique les cavaliers mufarabes l'approchallent de plus près. Il y avoit d'autres gardes à pied, qui marchoient devant lui, & c'étoient des archers turcs. Au côté droit du roi, quand il fortoit, étoit le grand eftafier, qui portoit une lance droite, & ne quittoit point fon étrier; à fa gauche étoit un qui pottoit fa tondache, & un troifiéme derriere lui, avec un cheval & une arbalète. Tous ceux-là étoient à cheval, environnés d'autres officiers & maîtres de cérémonies. La monnoie que battoient ces monnoie que battoient ces princes, étoit des pièces d'or, qui valoient cinq quarts d'écus, & des petites piéces d'argent, de la valeur de fix maravedis, dont il en faut trentedeux pour un écu.

Les rois de Tunis eurent par la fuite de longues & cruelles guerres à foutenir contre ceux de Fez, & les fuccès de ces deux rivaux furent toujours alternatifs. Enfin, Barberouffe fe rendit maître de Tunis, & obligea les habitans de reconnoître, pour leur fouverain, le grand feigneur. Le roi de Tunis recourut à Charles-Quint,& pour l'engager à le remettre dans fes états, il lui promit d'être fon vaffal, & de le joindre, avec quantité de les parens &

de fes amis, lorsqu'il feroit paffe en Barbarie, de fournir fon armée de vivres, & de donner quelque paye à fes troupes. L'empereur, réfolu d'aller en perfonne à cette entreprife, donna ordre fecretement qu'on tint prêtes fes galeres, & les gros navires qui fe trouvoient dans tous les ports d'Espagne, de Gênes, de Naples & de Sicile; qu'on fit provifion de vivres, de munitions & de toutes fortes d'équipages de guerre; mais cela ne put fe faire fi fecretement que Barberouffe n'en eut avis; & comme il étoit brave & généreux, il fe mit en état de défense le mieux qui lui fut poffible; il fe pourvut d'armes, de mmunitions & de vivres, manda tous les corfaires du Levant, & tous les gens d'Alger & des autres places de la Barbarie, dépêcha vers tous les rois d'Afrique, pour implorer leur fecours contre leur commun ennemi, en leur repréfentant que la perte de Tunis entraîneroit infailliblement celle de toute la Barbarie. Il fit travailler en toute diligence aux fortifications de la Goulette : enfin, il prépara tout ce qui étoit nécelfaire pour faire une vigoureuse défense. L'empereur ayant aflemblé une flotte de quatre cents voiles, entre lesquelles on comptoit quatre-vingt-dix galeres royales, partit en 1555, vers la fin de juin, du port de Cagliari en Sardaigne; il avoit fait embarquer vingt quatre mille fantaffins de différentes nations, outre quinze cents chevaux. Cette armée navale rafa le cap de Carthage & toute la côte de Marfa ; & après avoir doublé le cap, on commença à descendre en bon ordre; toutes les troupes furent débarquées, fans que les Turcs ni les Maures s'oppofaffent à cette descente. On forma le camp dans les environs de Carthage, & on dreffa la tente de l'empereur fur une colline, entre Carthage & la tour de l'Eau. Saint Louis fe campa là quand il affiégea Tunis. Barberoulle voyant que toute l'armée avoit pris terre, fit bonne mine, quoiqu'il redoutât une fi grande puiffance: il avoit pris à få folde quinze mille Arabes, tous gens de cheval, à qui il donnoit quelque chofe, outre leurs appointemens, pour les contenter; il les envoya, après avoir pris ferment de fidélité de leurs chefs, escarmoucher contre les Chrétiens, ce qu'ils firent d'abord avec quelque fuccès; mais ayant été enfuite repouffés vivement, ils fe ralentirent beaucoup de leur premiere ardeur; cependant l'empereur avoit tenu confeil, pour favoir fi l'on iroit à Tunis avant que d'attaquer la Goulette; on y réfolut à la fin, de ne pas laiffer une place fi forte derrieres & l'on ouvrit la tranchée : bien-tôt on battit la ville en breche: Charlesquint animoit tout par fa préfence, l'on monta à l'affaut, l'on renverfa tout ce qui s'oppofoit au paffage, & l'empepaffage, & l'empereur fut maître de la Goulette. Il y peric quinze cents Turcs & cinquante Chrétiens feulement. Après que l'armée chrétienne eut repofé huit jours, elle décampa, & commença à marcher vers la ville de Tunis, toujours en ordre de bataille, fans que perfonne pût quitter fon rang. L'empereur lui-même, accompagné de Muley Hascen, roi de Tunis, qui étoit venu le trouver durant le fiége de la Goulette, marchoit à la tête d'un escadron de quatre cents feigneurs & gentilshommes de marque, tous fort bien armés. Cependant Barberouffe qui fe voyoit perdu dans la perte de la Goulette & de fon armée navale, à cause qu'il n'avoit point d'autre reffource, ne laiffoit pas, comme un homme de grand cœur, de vouloir fauver ce qui lui reftoit & défendre la ville de Tunis, fur l'espérance de quelque favorable changement. Ayant donc appris par fes espions l'état des forces de fon ennemi, il fit allembler tous les chefs, tant Turcs qu'Arabes, avec les principaux de la vilie; & leur repréfentant le peu de troupes de l'empereur en comparaifon des fiennes, les encouragea par de beaux discours à témoigner leur valeur pour la défenfe de leur bien, de leur prince & de leur patrie, & leur dit beaucoup de chofes à leur avan. tage & au défavantage des Chrétiens; pour conclufion il leur fit jurer de nouveau de lui être fidéles. Il n'eut pas plutôt achevé de leur parler, qu'il fe fit des cris de joie dans l'affemblée avec de grands pronoftics d'une prochaine victoire, & le ferment fut renouvellé ; mais comme Bar berouffe étoit extrêmement défiant, pour prévenir tous les accidens, il envoya querir pendant la nuit dans le château tous les chefs Turcs, & leur découvrit le danger où ils étoient entre deux ennemis; il les avertit de ne fe fier ni à ceux de Tunis ni aux Arabes, & que ce feroit pour eux le meilleur parti de fe fauver tous enfemble. Son avis étoit de

y

tuer auparavant tous les Chrétiens esclaves, qu'on tenoit renfermés dans les cachots du château. Deux braves corfaires Chéfut-Cenan & Cenan-Bey, s'oppoferent à ce delfein, en difant qu'une action fi noire les rendroit odieux à tout le monde, outre qu'ils s'appauvriroient par-là, puisque c'étoit leur principal butin; ils ajouterent à cela qu'il leur reftoit encore du tems pour en délibérer, & qu'il falloit laiffer cela pour un coup de défespoir. Barberoulle confentit, donna ordre de pourvoir à leur fureté, & employa tout le refte de la nuit à ordonner ce qu'on feroit le lendemain. Après avoir rallié toutes les forces, il fortit le 21 juillet à la pointe du jour, avec quatre-vingt-dix mille combattans, Turcs, Maures, Arabes & Béréberes, & plufieurs piéces d'artillerie; il fe vint camper à une lieue de Tunis, dans une plaine appellée Caçar Mexévi, où il y a des vergers & des puits d'eau vive; il rangea là fes troupes en bataille. En cet état il attendit l'armée chrétienne avec plus de réfolution que d'espérance; car Muley Hascen avoit envoyé fecretement dans Tunis quelques Maures pour femer des billets qui portoient : Chaffez les Turcs qui font vos tyrans, & recevez votre roi qui vous aime qui vous fait bien du bien. Ces billets avoient ému les habitans, qui s'étoient emportés à des paroles qui ne plaifoient pas à Barberouffe, & qui l'avoient déterminé à fortir avec fes troupes hors de la ville. Charles Quint ayant appris fa fortie, partit avec quelques-uns des fiens, & fon guidon rouge qui fervoit à le faire remarquer, pour reconnoître les ennemis; ayant vu leur pofte, il retourna à fon armée, courut par-tout encourager les foldats, difant : Que c'étoit là le jour que Dieu avoit deftiné pour prendre vengeance des infidéles, qui avoient caufé tant de maux & fait tant d'outrages à la chrétienté; il leur recommanda fur-tout de bien garder leur rangs, & fit marcher fes troupes. Barberouffe voyant que l'armée ennemie s'approchoit, commanda aux Arabes de l'attaquer de tous côtés qu'ils firent avec beaucoup de furie & de bruit; mais la mousqueterie des aîles fit fa décharge fi à propos, qu'elle les obligea de reculer aufli vite qu'ils s'étoient avancés, fans qu'ils ofaffent plus s'approcher. Comme l'empereur fe vit délivré de l'importunité de leurs attaques, & que les Turcs n'abandonnoient point le pofte où étoit l'eau, dont fes gens avoient grand befoin, il fit avancer l'artillerie, & donnant pout mot JESUS-CHRIST: fon avant-garde marcha contre les ennemis; aulli-tôt l'artillerie joua de part & d'autre, mais avec peu d'effet. La moufqueterie turque fit fa décharge, celle des Chrétiens de plus près; en même tems ceux-ci mirent l'épée à la main, & les Turcs lâcherent le pied, abandonnant leur pofte avec fept pièces d'artillerie. Barberouffe, avec les autres chefs, courant par-tout; tâcha en vain de leur faire tourner tête. Pour couvrir fon deshonneur, il fit fonner la retraite & marcher au pas vers la ville; il fit alte près des murailles, pour obferver la contenance des victorieux; mais la foif & l'ardeur du jour avoient fait débander les Chrétiens autant que les Turcs. On couroit autour des puits buvant l'eau & le fang tout enfemble, car les ennemis y avoient jetté des corps morts dedans. Cette bataille ne fut pas fanglante, il n'y eut que trois cents Turcs ou Maures de tués, & dix-huit Carétiens feulement. La nuit venue, l'empereur craignant quelque nouvelle entreprise d'un rufé ennemi qui ne s'étoit pas encore retiré, fit rallier toutes les troupes fous leurs drapeaux, & les tint en ordre de bataille, faifant faire bonne garde toute la nuit.

Barberouffe en fit autant fous les murs de la ville, mais ayant appris que la plus grande partie du peuple s'étoit retirée vers les montagnes, & que chacun plioit bagage, auffi bien les Arabes que les Maures, il remonta promptement à cheval, & arrivant à l'endroit où il avoit laiffé les Turcs & les Arabes, il fit affembler tous leurs chefs. Comme il délibéroit avec eux s'il étoit plus avantageux de livrer une autre bataille que de défendre la ville, les Turcs qu'il avoit laiffés au château arriverent. Ceux-ci faifant réflexion que Barberouffe avoit donné ordre à fes gens de charger le tréfor & les autres chofes de prix, de le tenir prêts & de mettre quelques barils de poudre fous les grandes voûtes où étoient enfermés les efclaves chrétiens, afin de les faire fauter en l'air ; ils crurent qu'il fe difpofoit à partir & le fuivirent. Dès qu'il les vit arriver, il s'écria qu'il étoit perdu, que fon château & fon tréfor étoient pris, & que les esclaves chrétiens étoient en liberté : en même tems Tome V. V Vuuuu ij

piqua de ce côté-là avec quelques-uns des fiens, fans dire mot à perfonne, & arrivant à la porte du château, lorsqu'il étoit déja grand jour, il la trouva fermée; alors il commença à le défespérer, à s'arracher la barbe; & d'un œil allumé de colère, il appella par leurs noms quelques renégats de les amis pour les obliger à ouvrir, mais la fortune étoit changée; car les Turcs ne furent pas plutôt partis, que les renégats qu'il avoit laiffés pour mettre le feu aux poudres, rompirent les chaînes des chrétiens & les mirent en liberté. Ceux-ci commencerent à jetter des pierres fur Barberouffe, & montant aux créneaux, firent figne aux chrétiens avec de la fumée de poudre à canon, & avec une enfeigne que les Turcs avoient gagnée fur les Espagnols avant la prife de la Goulette pour faire avancer l'armée, & tirerent même quelques coups de canon; cependant l'empereur marchoit en bataille droit à la ville avec l'artillerie à la tête, & n'appercevant perfonne, il ne favoit à quoi s'en tenir. Quelques Maures vinrent avertir que les chrétiens s'étoient rendus maîtres du château, que Barberoulle s'étoit campé de l'autre côté de la ville, attendant que les chrétiens y fuffent entrés, pour s'enfuir avec plus de fureté. Auffi-tôt Charles-Quint fit marcher au château le marquis de Guaft à la tête des mousquetaires Espagnols. Barberouffe, voyant les chrétiens approcher, fe retira avec fon armée. Le marquis de Guast fut reçu avec joie dans le château. Alors les Espagnols commencerent à grimper en divers endroits le long de leurs piques fur les murailles, & ouvrirent la porte à leurs compagnons. La ville fut faccagée avec toute la licence & la cruauté dont on a coutume d'ufer en cette rencontre. Le roi de Tunis confidérant ce défordre, pria l'empereur de commander qu'on ne fit captif pas un habitant, ce qui, ayant été divulgué, chacun tuoit ceux qu'il rencontroit. Le roi fut donc contraint de faire une autre demande, & de prier qu'on fe contentât du butin, & qu'on fit les hommes prifonniers, ce qui fut ordonné. Il mourut peu de chrétiens par la main des ennemis, mais plufieurs s'entretuerent pour s'arracher le butin, & plufieurs des pauvres captifs qui s'étoient foulevés dans le château, furent maffacrés pour avoir les richeffes qu'ils emportoient.

Il y eut plufieurs révolutions dans Tunis depuis ; car Barberouffe, pour rétablir sa réputation, avoit rassemblé une autre flotte, & tirant vers Minorque, furprit la ville de Mahon & la faccagea; de-là courant les côtes de la chrétienté, il fit de grands dégats par-tout, emmenant quantité de biens & d'esclaves fans aucun obstacle. Au bruit de ces victoires plufieurs places du royaume de Tunis fe fouleverent & reçurent garnifon turque, ce qui engagea Muley à implorer de rechef l'affiftance de l'empereur, & à l'aller trouver. Etant arrivé à Naples, il apprit que fon fils Muley Humida avoit fait accroire au peuple que fon pere étoit allé en Europe pour embraffer la religion des chrétiens, & qu'en même tems s'étant emparé du château & de la ville de Tunis, il en avoit pris le titre de roi. A cette nouvelle, il pria le vice- roi de lui donner quelques troupes pour aller venger cette perfidie. Il s'embarqua donc avec deux mille Italiens: étant arrivé à Tunis, il alla jusqu'aux portes de la ville, croyant que fon fils ne l'attendroit pas, & que les habitans l'auroient d'abord reçu; mais ceux ci vinrent fon. dre fur fon armée compofée de ces Italiens & de quelques Maures, en tuerent ou prirent la plus grande partie, & du nombre de ces derniers fut Muley Hascen. On le mena dans Tunis, & on le mit en prison; fon fils lui donna le choix deux jours après, de la mort ou de l'aveuglement, & comme il eut accepté celui-ci, on lui fit perdre la vue avec un baffin ardent qu'on lui mit devant les yeux. Peu de tems après, Abdulmalic, frere de Muley Hascen, entra déguisé dans la ville, un jour de fête que ceux de Tunis ne penfoient à rien, & avec plufieurs de fa faction répandus en différens endroits, il entra dans le château, tua les gardes qui étoient à la porte, & s'en rendit le maître. Alors fe faififlant du Sayd, fils aîné d'Humida, il lui fit perdre la vue, il remit fon frere Hascen en liberté, il fe fit déclarer roi de Tunis, & ne régna que trente-fix jours. Après fa mort, Mahomet fon fils fut reçu avec l'applaudiffement du peuple, & ne régna que quatre mois ; car Humida qui avoit été occupé au fiége de Biferte, pendant que ces révolutions & changemens étoient arrivés à Tunis, le voyant tout d'un coup exclu de la capitale & presque de tout l'état, qui avoit fuivi l'exemple de Tunis, alla d'un lieu à Du côté des Maures, on affure qu'il en mourut plus de l'autre demander du fecours aux Arabes & aux autres peufoixante-dix mille perfonnes, & on voyoit à la campagne, ples; mais comme il étoit à Gelves, quelques habitans do par-tout de grands monceaux de femmes & d'enfans fuf- Tunis, mécontens du gouvernement, le rappellerent; il foqués & morts de foif; on avoit fait plus de quarante s'embarqua d'abord; & étant descendu dans la ville de mille prifonniers, hommes, femmes ou enfans. Après Monefter, il affembla des Arabes, & avec le plus de gens que le fac eat duré trois jours, comme on vit que les fol- qu'il put, il furprit Tunis, Mahomet ayant pu à peine se dats faifoient tomber les maifons à force de fouiller dans la fauver à la Goulette; il s'empara de la ville & du château, terre pour y trouver des tréfors, on commanda à tous d'en il fortir, & les foldats chargés de dépouilles & d'esclaves, vinrent au camp près des fauxbourgs; enfuite l'empereur remit la ville de Tunis au pouvoir du roi, à ces conditions: premierement, que tous les chrétiens captifs, de quelque nation qu'ils puiffent être, en arrivant là, feroient mis en liberté fans payer aucune rançon; que le commerce feroit libre aux chrétiens dans tout le royaume, & qu'ils pourroient s'y établir & bâtir des églifes & des monaftères pour y vivre felon leur religion; qu'on ne recevroit dans Tunis aucun corfaire, ni Turc, ni Maure; qu'on ne leur fourniroit point de vivres, & qu'on ne les affifteroit en rien ; que la Goulette demeureroit à l'empereur & à fes fucceffeurs pour jamais, & que le roi & les fiens payeroient douze mille écus d'or par an pour l'entretien de la garnifon, puisque c'étoit la fureté de l'état ; que toute la pêche du corail feroit pour toujours à l'empereur; que les rois de Tunis en reconnoiffance de la faveur qu'on leur avoit faite, & pour marque de dépendance, enverroient tous les ans au roi d'Espagne fix chevaux & douze faucons, moyennant quoi ils feroient obligés de les défendre contre leurs ennemis. Après que ces articles eurent éré jurés & fignés de part & d'autre, l'empereur laiffa pour la fureté de Muley Hascen, jusqu'à ce que le pays fut paifible, deux cents foldats qui devoient garder le château & fa perfonne; enfuite il vint fe rendre avec l'armée dans fon vieux camp au milieu des ruines de Carthage, & ayant fait embarquer toutes les troupes après en avoir renvoyé une partie en Espagne, avec le refte il prit la route de Mehédie que les chrétiens appellent Aftique; mais il s'éleva la nuit une tempête qui écarta les vaiffeaux & les galeres, les diffipant par toutes ces mers. L'empereur aborda avec les galeres à Trapani en Sicile, ce qui fit avorter le refte de l'entreprise,

fit mourir cruellement tous ceux du parti contraire, demeura enfuite paifible poffeffeur de Tunis jusqu'en l'an 1570, que Aluch Ali, gouverneur d'Alger, fe faifit de la place en trahifon par l'entremise de quelques habitans. Il en prit poffeffion au nom du grand feigneur; mais bientôt après, les Turcs furent chaffés de Tunis par dom Juan d'Autriche, qui établit pour roi, Mahomet, frere d'Humida, & pour gouverneur de la part de l'empereur, Gabriel Villon, Milanois. Petro-Carrero, Espagnol, eut le com-. mandement de la garnifon de la Goulette; dans le même

Villon fit conftruire dans Tunis un château fur le modéle de la citadelle d'Anvers. Mais l'empereur Amurat, que l'accroiffement des Espagnols inquiétoit, équipa une flotte de cent foixante galeres, ontre plufieurs vaiffeaux montés de quarante mille hommes, rant Maures que Turcs, fous la conduite de l'Amiral Ochiali, & leva de plus une puiflante armée de terre, dont le bacha Sinan étoit le général; cependant don Juan, amiral d'Espagne, étoit au-deffous de la Sicile avec trente galeres, & les princes d'Italie, tâchoient d'en équiper d'autres. On mit fur les galeres tous ceux qui avoient abandonné l'églife romaine, & plufieurs fortes de criminels qu'on promit d'abfoudre, fi l'un d'eux feulement pouvoit mouiller à la Goulette. Les Turcs qui leur avoient fermé le paffage, firent fi grand feu & fur la Goulette & fur la citadelle de Tunis, qu'enfin ils les emporterent; on fit main baffe fur les chrétiens, & l'on n'en réferva que quatorze qui furent envoyés à Conftantinople pour y fervir de trophée; on démolit les murs & la citadelle de la ville, & on fit bâtir une autre fortereffe près du port. Depuis ce tems les Turcs font demeurés en pollefy fion de Tunis & de fes dépendances, ce qui a mis fin au royaume, qui avoit duré trois cents foixante-dix ans, depuis que les fondemens en avoient été jettés pat

Abu-Ferez. Quant au nouveau gouvernement que les Turcs ont établi à Tunis, voyez TUNIS, no. 3.

Muley Hascen affuroit qu'il étoit le trente-cinquiéme roi de fa famille, qui avoit regné l'un après l'autre dans Tunis, par l'espace de quatre cents cinquante ans, & qu'ils étoient venus en droite ligne de Melchior, l'un des trois Mages. Il portoit pour armes en fon écu, une lance entre deux épées, qui avoient la pointe en haut, avec trois crois fans au-deffus, le tout couronné, avec une étoile fur la couronne, pour marque de leur descendance; mais quelques-uns des auteurs Africains difent que ces rois de Tunis viennent des Hentetes, qui eft une branche de la tige de Muçamuda, l'une des cinq principales de l'Afriqué. D'au tres rapportent qu'ils font descendus d'Omar, fecond calife; c'eft pourquoi ils prennent le titre d'Amir, & prétendent être les fuccefleurs légitimes de Mahomet. Ces rois de Tunis ont régné long-tems en Sicile, & depuis ont été tributaires des Normands fur le déclin de l'empire des Arabes, du tems que Roger troifiéme gouvernoir, environ l'an 1145 enfuite ils l'ont été des rois de France en 1276; car faint Louis étant mort au fiége de Tunis, fon frere Charles, roi de Sicile, accourut au fecours des chrétiens, & contraignit le roi Muley Moztança à lui payer tribut. 2. TUNIS, royaume d'Afrique, dans la Barbarie, dont il étoit le quatriéme & le dernier du côté de l'orient. Il comprenoit autrefois les provinces de Conftantine, de Bugie, de Tunis, de Tripoli & d'Effab; c'eft-à-dire, la plus grande partie du gouvernement de l'Afrique, & avoit plus de cent vingt lieues de longueur le long de la mer; mais Effab n'eft plus aujourd'hui de fes dépendances. Tri poli fait un royaume à part, & Bugie & Conftantine font incorporées au royaume d'Alger; ainfi Tunis a confervé feulement les villes du reffort de la province. Voyez l'article précédent.

3. TUNIS, état d'Afrique, dans la Barbarie, fur la côte de la mer Méditerranée, qui le baigne au nord & à l'orient. Il a au midi divers peuples Arabes, & au couchant le royaume d'Alger & le pays d'Ezab. Cet état répond à peu près à l'ancien état de Carthage, tel qu'il étoit avant les grandes conquêtes qu'il fit dans la fuite. Le peuple eft un mélange de Vandales, de Maures, de Turcs & de renégats de toutes nations.

Cet état a été plus grand qu'il n'eft, on le divife à pré. fent en huit provinces ou contrées, dont chacune prend le nom du chef-lieu. Voici leurs noms :

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Le gouvernement & l'air dans l'état de Tunis font à peu près les mêmes qu'à Tripoli; mais le terroir y eft un peu plus fertile, fur-tout vers l'occident, parce qu'il n'eft pas fi fec que vers l'orient. Outre les huit provinces dont nous avons parlé, il y a des ifles qui dépendent de l'état de Tunis; favoir, Lampedoufe, Linofa, Gamelera & Querquenes. Malte & Pentalarée en étoient aufli, avant qu'elles fuffent prifes par les Espagnols, qui les ont cédées aux chevaliers de faint Jean de Jérufalem. * Introduct. à l'hiftoire de l'Afrique, c. 2, p. 169.

A parler généralement, l'état de Tunis n'eft nullement propre à faire de grandes conquêtes. Les dignités de Dey, de Bey & de Bacha, partagent trop l'autorité quand elles font divifées; & fi quelqu'un les réunit, il peut compter d'attirer fur lui l'envie de tous les fujets. Le gouvernement, tel qu'il eft établi, eft exposé à un flux & reflux perpétuel, & à des orages qui renverfent les plus hautes fortunes.

Sinan bacha de la famille des Cigalles de Gênes, après avoir fait la conquête de Tunis, vit bien qu'un état compofé de fujets, de mœurs, de coutumes & d'intérêts différens ne pouvoit fubfifter fans un grand ordre, des loix féveres & l'autorité de quelque grand prince, fous la protection duquel il pût gouverner un corps fi monftrueux. Il le mit fous celle du grand-feigneur, & y établit une milice, compofée d'abord de cinq mille Turcs, divifés en deux cents pavillons; c'eft-à-dire, en autant de compagnies de vingt-cinq hommes chacune; c'eft ce qu'on nomme oldak, & chacune fous un capitaine ou oldak-bachi. Les deux cents oldakbachi étoient pris des Oldacks. C'étoient les foldats les plus anciens, & ils avoient le commandement par ancienneté, à moins que quelque exploit éclatant n'en eût avancé quelqu'un plus promptement que les autres. Les plus anciens oldak-bachis montoient à la dignité d'oldak : c'étoit une espéce d'exemts du bacha. Ils paffoient enfuite à celle de bachi - odolar, ou conseillers du divan, qui, après fix mois de fervice, devenoient boulouk-bachis: ce font ceux qu'on envoye en garnifon dans les places de l'état, avec le titre d'Aga. On en faifoit quatre par an, Sinan ordonna auffi que parmi les boulouk bachis, on prir tous les fix mois le plus ancien pour la dignité de bachaoux ou chaoux-bachi ; ainfi l'espoir des dignités entretenoit le foldat dans le devoir. Il établit de plus le divan, à qui il donna une grande autorité; il n'étoit presque compofé que de gens de guerre; le bacha y affiftoit au nom du grand feigneur, qu'il repréfentoit; un aga y préfidoit; avec un kaya ou lieutenantgénéral. Huit chaoux ou huiffiers, deux cogias ou écri◄ vains, quatre boulouk-bachis, & vingt bachis odolar compofoient ce confeil, qui terminoit toutes les affaires tant publiques que particulieres, avec une autorité fans bornes.* Introduct. à l'hiftoire de l'Afrique, c. 2, p. 39.

La charge de bey, qui étoit le grand tréforier, fut créée en même tems. Cette charge fe donnoit à l'enchere de fix mois en fix mois, & ne pouvoit être confervée qu'un an au plus. C'étoit le receveur des deniers publics, destiné à recevoir le carage ou tribut des Maures, qui font comme les payfans. Pour les y contraindre, il marchoit à la tête d'un nombre de troupes qu'on lui donnoit. L'argent que les beys ont eu occafion d'amaffer, & l'autorité que leur charge leur donnoit fur les troupes qu'ils ont eu foin de ménager, a été l'origine de leur accroiffement & de l'abaiffement des bachas, du divan & du dey.

Le bacha étoit d'abord fouverain dans l'état de Tunis, dont toutes les parties n'avoient de mouvement que celui qu'il leur communiquoit. Il nomma pour fon fucceffeur Kilic Ali-Bacha, qui mourut après avoir régné deux ans. Comme c'étoit un homme d'un petit génie, haï de la milice & du divan, l'autorité de bacha qu'on lui donna, fut transférée à l'aga du divan, & depuis ce tems, les bachas n'ont plus eu de puiffance dans Tunis. Ils y demeurent néanmoins pour faire reffouvenir les Tuniffiens qu'ils fe font mis autrefois fous la protection du grand-feigneur. Ils jouiflent d'une penfion fort modique, & font très-peu de figure dans le gouvernement.

Les agas gouvernerent l'état à la tête du divan d'une maniere affez paifible l'espace de quinze ou feize années, fé fuccédant l'un à l'autre, jusqu'à ce que la taife ou milice fe fouleva contre les boulouk-bachis, dont elle maffacra la plus grande partie, & transféra l'autorité à Kalif, qui ré. gna le premier fous le nom de Dey. V Vuuuu iij

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