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2. TURIUM. Pline, l. 3, c. 3, nomme ainfi une riviere d'Espagne, qui arrofe la ville de Valence, & que Sallufte appelle TURIA. Voyez TURIA & VALENCE. TURKESTAN. Voyez TURQUESTAN. TURMEDA. Voyez AMPHIPOLIS, 2. TURMENTINI, peuples d'Italie. Pline, l. 3, c. 11, les place dans la feconde région & dans les terres. TURMODIGI, peuples d'Espagne. Pline, L. 3, c. 3, dit qu'ils étoient de l'affemblée générale de Clunia, qu'ils y menoient avec eux quatre peuples, entre lesquels il nomme les Segifamonenfes & les Segifamejulienfes. Com. me le nom de TURMODIGI n'eft point connu des autres anciens géographes, le pere Hardouin foupçonne que ce font les Murbogi de Ptolomée.

&

TURMOGUM, ville de la Lufitanie. Elle étoit dans les terres, felon Ptolomée, l. 2, c. 5.

TURMULOS, lieu d'Espagne. L'itinéraire d'Antonin le marque fur la route de Mérida à Sarragoffe, entre CaftraCacilia & Rufticiana, à vingt milles du premier de ces lieux, & à vingt-deux milles du fecond. Delgado, au lieu de TURMULOS, lit TUMULOS, & dit que ce lieu fe nomme aujourd'hui Rocha-Frida.

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& Aqua-Celenia, à feize milles du premier de ces lieux, & à vingt-quatre milles du fecond.

TURPENAY, Turpiniacum, abbaye d'hommes, en France, de l'ordre de S. Benoît, congrégation de S. Maur, dans la Touraine, au diocèfe & à fix lieues de Tours vers le couchant d'hiver, dans la forêt de Chinon, à trois lieues de l'ifle Bouchard. Elle fut fondée l'an 1208 par les feigneurs de l'ifle Bouchard, fur la fin du douziéme fiécle. Le revenu total de cette abbaye eft de trois mille livres.

TURQUESTAIN, feigneurie de France, au pays de l'évêché de Metz, dans les montagnes de Vofge, qui la fépare de l'Alface. Cette feigneurie eft d'une grande étendue. L'évêque Jean d'Apremont la reunit au domaine de fon évêché, vers l'an 1240. Elle a été plufieurs fois engagée pour le tout ou en partie. L'engagement fait à Raoul, duc de Lorraine, par Adhemar de Monteil, évêque de Metz, eft de l'an 1544, mais cette feigneurie n'a point été aliénée à perpétuité. * Longuerue, Description de la France, part. II, pag. 174.

1. TURQUESTAN ou TURKEST AN, grand pays d'Afie. Le Turqueftan, dit d'Herbelot, dans fa bibliotheque orientale, eft le pays des Turcs, comme l'Indoftan eft celui des Indiens. Ce nom a deux fignifications; l'une auffi générale que celle de Touran, qui comprend tous les pays qui font au delà du fleuve Gihon ou Ôxus, à l'égard de la Perfe; l'autre plus particuliere, & qui comprend le pays qui eft au-delà du fleuve Sihon ou Jaxartes: car tout ce qui eft depuis le Gihon jufqu'au Sihon, porte le nom particulier de Maouaralnahar, ou de province Tranfoxane. Albergendi écrit dans fon cinquiéme climat,

que

la province de Turqueftan, qu'il appelle Belad Turk, a pour ville royale & capitale, les villes de Belengiar, de Heftkhan & de Cariat Alhaditha, qui eft éloignée de cinquante parafanges, ou cent de nos lieues de la ville de Cath, qui appartient à la Khouarezmie, & fituée à l'orient du fleuve Gihon. Afrafiab, qui étoit de la race de Tour,

Je croirois que Columelle entend parler du lac JUTUR- fils de Feridoun, étoit roi du Turqueftan, dans le tems

NA. Voyez ce mot.

TURNINUM. Voyez DOERNE. TURNUS, fleuve d'Italie, dans l'Umbrie, felon Vibius Sequefter. Plufieurs exemplaires portent TURMUS, au lieu de TURNUS.

TUROBOLIS, TUROBOLIS MINOR OU TURUBLUM

MINUS, lieu de l'ifle de Sardaigne. L'itinéraire d'Antonin le marque fur la route du port Tibule à Caralis, entre Ti bula & Elephantaria, à dix-huit milles du premier de ces lieux, & à quinze milles du fecond.

TUROBRICA, ville de l'Espagne Botique, felon Pline, l. 3, 6, 1: on croit qu'elle étoit au voifinage d'Alcan

tara.

TUROCELO, ville d'Italie, dans l'Umbrie. Pline, 1. 3, c. 14, la furnomme Netriolum, ou Vetriolum, selop quelques exemplaires.

TURODI, peuples de l'Espagne Tarragonnoife. Ptolomée, l. 2, ‹. 6, leur donne une ville nommée Aqua

Laa.

TURONES ou TURONI, anciens peuples de la Gaule, fur le bord de la Loire. Céfar, l. 8, c. 46, dit qu'il mit deux légions in Treveris, ad fines Carnutum, ut omnem regionem conjunctam Oceano continerent. Il faut lire, comme lifent effectivement les meilleures éditions, Turonis, c'elt à-dire, dans le pays des Turoni, voifins des Chartrains d'un côté, & de l'autre voifins des cités Armoriques ou Maritimes. Lucain, l. 1, v. 437, leur donne l'épithète d'Inftabiles:

Inftabiles Turonos circumfita caftra coercent.

Ils avoient une ville, que Ptolomée appelle Cafarodunum; mais qui prit dans la fuite le nom du peuple : car Sulpice Sévére, Dialog. 3, c. 8, & Grégoire de Tours, 7. 10. c. 29, la nomment TURONI. Les TURONI font les peuples du diocèle de Tours. Voyez Tours.

1. TURONI. Voyez TURONES.

2. TURONI, peuples de la Germanie, felon Ptolomée, l. 2, c. I I.

TUROQUA, ville d'Espagne. L'itinéraire d'Antonin la marque fur la route de Bracara à Afturica, entre Burbida

que régnoit Caïcaous II, roi de Perfe, de la feconde dynafie, furnommée des Caïaniens ou Caïanides. Ce prince Turc, qui avoit été chaffé de la Perfe, fur la fin de la premiere dynaftie, fut poursuivi dans fes états par Roftam, qui ravagea jufqu'à mille parafanges entieres de fon pays, c'eft-à-dire, que ce héros de la Perfe pénétra jufqu'au fond de la Tartarie, & peut-être jufqu'à la Chine. Les Mufulmans devinrent maîtres du Turqueftan, fous le regne de Valide, fixiéme kalif de la race des Ommiades. Ce fut Catibah, fils de Moflemah, qui, après avoir pris les villes de Bokhara, de Samarcande & de Farganah, pénétra jufques dans le Turqueftan, en prit la capitale & le fort château, nommé Rouindiz, la forterelle d'Airain. On compte auffi, entre les principales villes de ce pays-là, Gend Khogend ou Schahrokhiah, Farial ou Otrar, Isfigiab, Tharaz, Schalg', Caracoum & Khotan. Quelques-uns y ajoutent Caffan & Tchighil: car, pour les tiennent plutôt au pays des Mogols, qui ne peuvent être villes de Caramoran, Almalig & Pifchbalig, elles apparcompris dans le Turquestan, fi ce n'est dans fa fignification la plus ample.

Suivant l'auteur de l'hiftoire généalogique des Tatars, le Turquestan eft borné au nord par la riviere de Jemba & les montagnes des Aigles, qui ne font plus que des côteaux en cet endroit, à l'eft par les états du Contaifch, grand kan des Callmoucks, au fud par le pays de Charafs'm & la grande Boucharie, à l'oueft par la mer Caspienne. Il peut avoir environ foixante-dix lieues d'Allemagne en fa glus grande longueur, & autant à peu près en largeur ; mais fes limites ont été bien plus étendues dans le tems paffé, avant que Zingis-kan fe rendît le maître de toute la grande Tartarie. Dans l'état où ce pays eft à préfent, il eft partagé entre deux kans des Tartares; dont l'un, qui réfide à Taschkant, occupe la partie orientale; & l'autre, qui fait fa réfidence dans la ville de Turqueftan, occupe la partie occidentale de ce pays. Ils font tous deux Mahométans, avec tous leurs fujets, & le dernier eft communément appellé le kan des Cara-Kalpakks, à cause que ces Tartares, qui font une horde particuliere, & qui campent d'ordinaire entre la riviere de Sirr & la mer Cafpienne, le reconnoiffent pour leur kan; & c'est auffi tout ce qu'il en a car pour de l'obéiffance il n'en doit pas beaucoup Y Y y y y y iij

attendre d'eux, attendu que comme ils font affez forts en nombre pour pouvoir faire tête au kan, & que leurs murfes particuliers ont beaucoup de pouvoir fur eux, ceuxci les ont accoutumés de longue-main, à n'obéir aux ordres du kan, qu'autant qu'ils. le trouvent à propos. Ces Cara-Kalpakks, font de vrais voleurs, qui ne vivent abfolument que de ce qu'ils volent, tantôt fur les Callmouks & tantôt fur les fujets de la Ruffie. Ils paffent même fort fouvent les montagnes des Aigles, en compagnie de ceux de la Cafatfchia Horda, & vont faire des courfes bien avant dans la Sibérie, du côté des rivieres de Tobol, Ifeet & Ifchim; ce qui incommode extrêmement les Ruffes, qui habitent dans les bourgades & les villages le long de ces rivieres.

La fituation du Turqueftan, felon les bornes qu'il a aujourd'hui, eft entre le 42d de latitude & le 47, & depuis le 72 de longitude jufques vers le 90, il eft traverfé du fud-ouest au nord-oueft, par le fleuve de Sihon. Par là, on voit combien eft exceffive la longitude qu'on donne ici à la ville capitale.

2. TURQUESTAN ou TURKESLAN, ville d'Afie, dans le Turqueftan. Elle eft fituée à 45d 30' de latitude, & 896 de longitude, fur la rive droite d'une petite riviere qui vient du nord-est se jetter dans la riviere de Sirr, à une petite distance de cette ville. Elle eft la réfidence d'un kan des Tartares, c'est-à-dire, pour l'hiver feulement; car dans l'été, il va camper vers les bords de la mer Cafpienne, & aux environs de l'embouchure de la riviere de Sirr, dans le Jac d'Arall. Quoique Turqueftan foit toute bâtie de briques, elle ne laille pas d'être un fort méchant trou, & il a'y a que fa fituation agréable qui mérite quelque attention; ce qui la fait paffer encore aujourd'hui pour la capitale du pays de ce nom.

TURQUEVILLE, lieu de France, dans la Normandie, au diocèle de Coutance, élection de Carentan. Le feigneur qui en porte le nom y a un château.

TURQUIE, grand état qui s'étend en Europe, en Afie & en Afrique. C'eft l'un des plus vaftes empires qu'il y ait fur la terre; car on lui donne communément huit cents lieues d'étendue d'orient en occident, & environ fept cents du feptentrion au midi.

Othman, comme il eft dit à l'article des Turcs, eft le fondateur de l'empire ottoman, Il établit fa réfidence à Brufe, dont il fit la capitale de fon empire. Ses fucceffeurs firent plufieurs conquêtes fur les Grecs: Mahomet II renverfa enfin leur empire en 1453, & établit le fiége des empereurs Turcs à Conftantinople où il est toujours demeuré depuis. Les descendans de Mahomet, tous princes guerriers & ambitieux', firent auffi des conquêtes rapides, & l'empire ot. toman devint un des plus vastes du monde. Son circuit, dans fa plus grande étendue en 1680, alloit à l'occident, des deux côtés du Danube, jusqu'à feize petites lieues de Vienne. Il étoit borné par le Vag & le Rabe, rivieres étroites & guéables en beaucoup d'endroits, & qui ne faifoient point une aflez forte bárriere pour la fureté d'une auffi grande ca. pitale que Vienne. Depuis le Rab les frontieres étoient vers le couchant d'été, au pied des montagnes de la Stirie, & tournant vers le fud elles alloient jusqu'à la riviere du Culp, qui, en quelques endroits féparoient les deux empires, & plus avant jusqu'à la riviere de Corana, où elles laiffoient à l'empereur un petit canton de la Croatie. La ligne paffoit un peu au-deflus de Segna, & alloit aboutir au Tivage de la mer Adriatique, fur les confins des états de la république de Venise, ou du côté de l'est jusqu'à Almissa, il y avoit une lifiere qui renfermoit un petit espace de ter rein, & reprenoit enfuite à Cattaro & Budua, & le refte de la mer jusqu'à Conftantinople étoit entierement foumis à la Porte. L'autre ligne prenoit vers le nord, depuis Con ftantinople jusqu'à l'embouchure du Don qui fépare l'Europe de l'Afie, & où l'empire ottoman poffede Azow; & du côté de l'oueft elle alloit aboutir aux forts du Borifthène. Prenant à la droite du Niefter, elle remontoit le long de la riviere, autant que le permettoit les dépendances de Caminietz dans la Podolie, & de Bender dans l'Ukraine. Elle couroit le long des fommets de cette branche du mont Crapack qui borne la Moldavie & la Transilvanie, & fuivant cés montagnes elle s'avançoit jusqu'au bout de la vallée de Marmaros qui dépend de Zatmar. Cette même ligne s'étendoit encore jusqu'à la riviere de Beringiù, qui fe perd dans la Teille, & formoi les limites de deux empires dans

les parties de la Hongrie, qui font au-delà de cette riviere. De-là, tournant entre l'oueft & le nord jusqu'à celle de Sajo, qui fe perd auffi dans la Teifle, elle alloit chercher le Vag dans les dépendances d'Agria & de Naisel. Telles étoient les bornes de l'empire ottoman en Europe, fans compter les ifles de l'Archipel qui lui étoient toutes foumifes. Pour fuivre dans le même ordre le circuit des limites d'Afie & d'Afrique, il faut reprendre la ligne dont je viens de parler aux bords du Don, fous le canon d'Alof, & commencer de-là celles de l'Afie. Elle fuivoit le long des rivages des Palus Méotides jusques au détroit de Caffa, & renfermoit par ce moyen la forterefle de Taman. Cette li. gne alloit gagner dans le voifinage de Taman les montagres qui environnent les provinces tributaires; favoir, la Circaffie, l'Abaffée & la Mingrélie, & côtoyant la partie occidentale de la Géorgie, elle commençoit à féparer l'empire ottoman de celui des Perfes par le fommet d'une partie du mont Caucafe jusqu'aux rivages ultérieurs du Tigre, & au-delà du même fleuve, auffi loin que s'étendoient les dépendances de Babylone. Elle en faifoit le tour, & paffant à Baffora elle alloit jusqu'au golfe Perfique. Là, elle s'étendoit le long du bras de l'Euphrate, qui, tombant dans le Tigre, va fe perdre dans ce golfe proche de Catif, & tournoit du côté de l'eft vers les montagnes de l'Arabie heureufe. Elle alloit enfuite gagner la mer Rouge, & renfermant le pays de la Mecque, elle traverfoit cette mer à peu près vis-à-vis de Suaquen, fortereffe où les Turcs ont gar nifon, quoiqu'elle foit fur le rivage appartenant à l'empire d'Abyllinie. Cette même ligne avançoit encore jusqu'au Nil, au-deffous des cataractes, & prenant les montagnes qui font à la gauche en descendant, & qui enferment la fertile vallée qu'arrofe ce fleuve, elle fe terminoit à peu de distance & à l'oueft d'Alexandrie d'Egypte. Elle alloit joindre de-là celle qui borne la Barbarie le long des côtes de la Méditerranée par les principautés de Tripoli, de Tunis & d'Alger. Ces limites font marquées d'une ligne rouge, qui montre en un coup d'œil dans fa circonférence l'Archipel, la mer de Marmara, le Bosphore de Thrace, la mer Noire, le détroit de Caffa, les Palus Méotides & quantité d'isles, dont quelques-unes font mifes au rang des royaumes, à caufe de leur grandeur & de leur fertilité. Voilà la plus grande étendue qu'ait jamais eu l'empire Ottoman; cependant ces bornes ne feroient pas demeurées dans cette fituation, fi Sultan Mahomet IV & fon vifir Cara Mustafa plein d'orgueil & de préfomption, ne fe fuffent pas achar-. nés au fiége de Vienne, & s'ils euffent fuivi cette fois-là le confeil d'Ibrahim, bacha de Bude. Celui-ci prédifant le mauvais fuccès d'une entreprise aufli téméraire, exhortoit le vifir à faire le fiége de Javarin, en bloquant Gomorrhe, à envoyer attaquer Léopolitat par un corps de troupes, & à faire courir les Tartares & les Hongrois rébelles dans l'Autriche, & de-là dans la Moravie; mais cet avis fut mal récompenfé, & le pauvre bacha fut étranglé par ordre du vifir, après la déroute de Vienne.

Si l'on vient à faire un paralléle de l'empire turc avec l'ancien empire romain, on fera furpris de voir Fespace qu'il occupe fur la carte; mais fi on examine enfuite les différentes circonstances des états qui le compofent, on connoîtra que le fultan n'eft point maître abfolu d'une partie; qu'une autre eft tour à-fait ftérile & inhabitée; que d'un côté des bandes de voleurs font à charge au tréfor public, & qu'il en coute beaucoup d'argent pour entretenir les convois, & faire escorter les voitures publiques qui traversent l'Arabie déferte, & que d'autres provinces font plutôt sujettes de nom que de fait. De ce nombre font la Mecque & le pays d'lemen, qui font cependant ce qu'il y a de meilleur dans l'Arabie heureufe. Ces pays tirent de l'argent de la Porte, & ne lui fourniffent que des Sangiacs, & même la porte paye les garnifons de la mer Rouge, pour la fureté des pélerins qui s'embarquent, & pour garantir ceux qui vont par terre, des courfes des Arabes. Outre cela, l'empire entretient des hôpitaux, & ce grand nombre d'officiers de la mosquée, où eft le tombeau de Mahomet : ainfi tout le vafte terrein de l'Arabie déferte & de l'Arabie heureufe qui contribue tant à la grandeur de l'empire ne fait aucunement partie de fes forces, mais plutôt fert à les diminuer & à les diffiper.

Les trois républiques de Tripoli, de Tunis & d'Alger n'ont rien de commun avec la Porte, qui eft très éloignée de leurs états; & c'eft par un motif de vanité que ces ré

publiques fe difent dépendantes du fultan. Ce monarque en
fait plus de cas qu'elles ne méritent, parce que leurs pira-
teries tiennent principalement en fujétion l'ifle de Malte.
D'ailleurs, fi elles envoient leurs vailleaux pour groffir
la flotte ortomane, elles font bien payées. Encore arrive-
t-il qu'ayant reçu l'argent, leurs escadres ne fortent point
de la Méditerranée, ce qui n'augmente pas le tréfor pure, en retranchant quantité d'abus qui s'y gliffent. Le gou-

blic.

Tout le pays qui eft aux bords de la mer Noire, depuis Azac jusques presque à Trébifonde, ne procure d'autre avantage à fa hautelle que celui de jouir de quelques ports, de recouvrer les bâtimens qui échouent fur ces plages, & par le moyen du fort de Taman, d'être maître du détroit de Caffa, pour entrer dans les Palus Méotides, & de-là pafler à Azac. Depuis ce fort jusqu'à celui de Taman en-delà, d'où commence la ligne du Caucafe, la plaine eft habitée par les Tartares Nogais, les plus cruels de toute la Tartarie. Ceux-ci ne reconnoiffent en aucune maniere le kan de Crimée, & quand il a befoin d'eux, il eft obligé de les enroller à force d'argent que la Porte lui fournit. Les Circaffiens font enfuite plus voifins du Caucafe. On trouve de plus la mer Noire & le fommet de cette haute montagne couverte de forêts de buis, les provinces de l'Abaffée qui confinent à la Mingrelie, fubdivifée dans les principautés d'Iméréte & de Guriel. A caufe du peu de foin qu'on a de cultiver ces contrées, des coutumes barbares des peuples qui les habitent, de la difficulté d'arriver dans les endroits les plus affreux du Caucase où font leurs retraites, & de la proximité de la Géorgie, dont partie eft fujette, & partie tributaire de la Perfe, elles ne laiffent au Turc d'autres avantages, comme on vient de le dire, que de côtoyer la mer Noire depuis Azac jusqu'à Trébifonde. Ils ont même l'incommodité, fur-tout la nuit, de fe tenir toujours fur leurs gardes, pour ne pas être furpris dans les forêts par les habitans du pays. Ces peuples font un trafic confidérable en esclaves, tant hommes que femmes d'une extrême beauté ; & les Turcs les achétent à beaux deniers comptans des mains des freres & des peres de ces malheu reux. La contrée d'Azac julques aux forts du Borifthène eft un véritable défert, entre la Moscovie & la Tartarie Crimée. On n'y trouve d'autre habitation que celle du château d'or, fitué au bout de l'ifthme de la prefqu'ifle de Crimée habitée par les Tartares, qui, loin de payer un tribut, reçoivent des fommes affez fortes, pour fervir dans les troupes du grand feigneur, quoiqu'ils foient obligés de lui fournir dix mille hommes pour les terres dont ils jouisfent. Comme ces Tartares ont cependant l'efprit féditieux, le fultan entretient des garnifons en plufieurs places pour les tenir en respect, & il les paye de l'argent de l'épargne.

Les pays de l'Ukraine de la dépendance de Bender, & Caminietz, dans la Polodie, jufqu'à la riviere de Bug, font totalement ruinés. La Porte y entretient cependant de fortes garnifons, quoiqu'elle n'en tire aucun fecours. Car, par exemple, dans l'angle inférieur que forment dans le Budziack, le Danube, le Niefter & le Bog jusqu'à la Moldavie, ce font des terres habitées par les Tartares qui releles Tartares qui relevent de la Crimée, & ainfi elles n'apportent rien à l'épatgne de Conftantinople; au contraire, les garuifons d'Oczakow & d'Ifmaël, deftinées à tenir ces Tartares dans leur devoir, pour rendre libre & affurée la communication avec ceux de la Crimée, font payées de l'argent de ce tréfor. Les provinces tributaires de la Moldavie & de la Valachie font gouvernées par des fujets du rit grec. Le tribut qu'on en tire eft plutôt au profit des miniftres de la Porte que du tréfor public, & elle eft obligé d'y avoir des garnifons pour contenir ces peuples, puifqu'il eft arrivé qu'ils ont fouvent pris les armes contre le fultan.

L'exercice des loix & de la juftice eft confié à des juges de différens ordres, dont les moins confidérables font les ċadis, enfuite les mullas, & enfin les cadilefquers, dont les jugemens font portés devant le mufti en derniere inftance. Ces juges font diftribués dans tout l'empire par départemens, qui portent le nom de judicature; & la haute dignité de cadilefquer eft partagée en deux; l'une pour l'Europe, & l'autre pour l'Afie. Če corps de juges, qui a le mufti pour préfident, eft nommé ulama; & les affaires confidérables, qui regardent la religion & l'état, font de fon reffort. On parvient au grade de cadilefquer après avoir paffé par les offices fubalternes de la judicature. Le mufti eft choifi

parmi les cadilefquers, par la faveur du fultan, & encore plus par celle du vifir; & lorfque ces deux grands officiers font unis, ils peuvent faite la loi au grand feigneur même. L'ordre pour le maniement des finances eft fi bien établi, foit pour les charges, foit pour les régiftres, que quelque puiflance chrétienne que ce foit trouveroit de quoi s'inftrui vernement militaire politique eft divifé en deux parties principales; favoir, l'Europe & l'Afie, fous le nom de Romélie & de Natolie, & même d'Obecada, c'est-à-dire, de de-là, par rapport à Conftantinople qui eft en-deçà de la mer. On a confervé dans chacune de ces deux parties du monde les mêmes divifions qu'elles avoient lorfque la Porte les conquit. Ce qui étoit royaume l'eft encore; ce qui n'étoit que province, que département, eft encore aujourd'hui fur le même pied. Ces grands gouvernemens ont le titre de bachalas, dont quelques-uns portent néceffairement le caractère de vifir, d'autres de fimples bachas, qui peuvent quelquefois être du rang des vifirs ou des beglerbegs, qui, tant qu'ils font en charge, prennent le nom de la capitale où eft leur réfidence, & qui eft ordinairement la même que du tems des chrétiens. Ces royaumes & ces provinces font partagés en plufieurs départemens gouvernés par un officier qu'on nomme beg ou fangiac, & ceux ci ont fous eux un certain nombre de zaims & de timariots ; ils font tous également fubordonnés au bacha de la province, aux beglerbergs, ou aux vifits des royaumes, qui donnent audience publique une fois la femaine, accompagnés des premiers officiers de la judicature, des finances & de la milice, pour entendre les plaintes, principalement des zaims & des timariots, des autres foldats, de quelque rang qu'ils foient, & des fujets chrétiens, qu'on nomme indifféremment raja, c'eft à dire, fujets, & des Juifs qu'on appelle Gifrit.

C'est un embarras pour un empire d'avoir à gouverner un peuple compofé de nations différentes, & par rapport au langage, & par rapport à la religion. Cet embarras eft beaucoup plus grand dans l'empire ottoman qu'il ne le feroit encore ailleurs. Le mahométifme a pour maxime fondamentale la deftruction du chriftianifme.Les Turcs n'appellent les chrétiens que par le nom de Giaur, c'est-à-dire, infidéles; cependant ce font ces derniers qui peuplent l'empire. On pourra facilement comprendre que de ce grand nombre de nations différentes, on ne fauroit tirer des milices pour défendre folidement l'empire, à moins qu'à chaque fois les bachas n'enrollent dans leurs départemens la plus vile populace, & tout ce qu'ils peuvent trouver à bas prix, prenant même des chrétiens faute d'autre monde. Pour ce qui eft des troupes de la Moldavie & de la Valachie, les Turcs ne s'en fervent qu'à groffir leur armée, & à difpenfer les braves foldats de certains emplois défagréables, & même pour conferver l'ancien ufage d'avoir ces troupes d'infidéles hors de leurs pays fous les yeux d'une armée, lorfque la Porte eft en guerre avec les puiffances chrétiennes.

Les Turcs qui étoient au timon des affaires, virent bien qu'il falloit déroger à la févérité de l'alcoran. Ils comprirent la néceffité de laiffer vivre les chrétiens, & reçurent même les Juifs, qui, chaflés de l'Espagne, fe réfugioient dans l'empire ottoman. La liberté de s'établir fut de même accordée à toute autre nation, pour en tirer un fervice utile à l'empire; car les Turcs n'auroient jamais pu fuffire feuls à peupler les villes & à faire la guerre en même tems. Maho. met II, conquérant de Conftantinople, après s'être placé fur le trône des empereurs Grecs, commença le premier à changer les loix & les priviléges des Grecs. Cette entreprise avoit été touchée par les fultans fes prédéceffeurs, dans le tems qu'ils régnoient à Burfe. Ils modererent un peu les réglemens barbares qui avoient été faits d'abord'; & enfin Soliman le Grand y mit la derniere main, & fervit de modéle à fes fucceffeurs. Quoique l'avarice des fultans, & bien plus encore celle des vifirs, ait enfreint ces réglemens, les fages Turcs ont toujours détesté cette conduite. Tant de peuples différens oppofés au gouvernement des Turcs, obligerent les empereurs d'en changer la forme. Selon les plans de Mahomet II & de Soliman le Grand, ils ne fe font jamais mêlés de religion ; & le feul réglement qu'ils ayent fait fur ce fujer, eft que fi le feu prend à une églife, elle foit convertie en mofquée, ou qu'on paye une fomme fort confidérable, fi on veut s'en fervir comme auparavant. Les Turcs n'ufent d'aucune violence envers les femmes des chré

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tiens & des Juifs. Les impôts ordinaires & extraordinaires font fort fupportables chez eux. Les élections des dignités eccléfiaftiques font très libres en apparence, & on obferve fort religieufement l'exemption à leur égard; les revenus des églifes & ce que produifent les impofitions, que les patriarches & les archevêques mettent fur le peuple; tout ce détail eft contenu dans les patentes que le fultan accorde, & qu'on nomme Berat. On y voit un réglement politique trèsentendu, & bien différent des préceptes de l'alcoran, qui ordonne l'entiere destruction des chrétiens. Les principaux tributaires, même les fujers qui font dans la Valachie, la Moldavie & la Tartarie Crimée font environnés par des fortereffes, dont les Turcs font les maîtres. Quoique libres dans l'intérieur de leurs états, ces peuples font cependant toujours renfermés au milieu des garnifons des places fortes de l'empire. Tous les villages qu'on donne à ceux qui s'en font rendus dignes, fous le titre de ziamets & des timars, foit que leur valeur ou la faveur les leur faffent obtenir, font autant de gardes qui veillent à la confervation de l'obéiffance & de la fidélité due au fultan, & à l'entretien de ces mêmes villages, fauvegardes & petits gouvernemens. Outre cela, un grand nombre de Turcs ont fait bâtir des maifons dans les endroits les plus confidérables, où ces différentes nations font leur demeure. Ces peuples ne peuvent porter des armes, fans une permiffion particuliere, encore n'eft-ce qu'à l'occafion de quelque voyage, & on les veut modeftes dans leur habillement. Enfin, ce fut à l'inftance des timariots, des zaims, des begs & des beglerbegs qu'on leva ce cruel tribut, pour lequel ces nations chrétiennes devoient donner un certain nombre d'enfans. Ceux qui étoient chargés d'en faire la levée les menoient à Conftantinople, où ils étoient diftribués par ordre du fultan, entre les mains des Turcs les plus opulens; ceux-ci en devoient prendre foin jusqu'à un certain âge; ils les habilloient tous de rouge, pour les diftinguer, & les mettoient enfuite dans le corps des agemoglans, d'où ils les faifoient passer dans celui des ja

niffaires.

On peut s'imaginer quelle doit être la crainte de la Porte, malgré les précautions qu'elle prend, ayant fous fa domination tant de peuples différens, qui ont chacun leur religion & leur langue particuliere; elle en a eu des preuves à l'égard des Efclavons, qu'on nomme aujourd'hui Rafciens; & fi elle en vouloit agir autrement, elle rifqueroit d'avoir la guerre avec les puiflances voifines, & même avec fes propres fujets; de voir les terres incultes, & de ne pouvoir exiger les tributs qui rempliffent fon tréfor. En Turquie on ne voit guères de payfans Turcs, fi ce n'eft quelques-uns dans la Bofnie, & dans les plaines de Dobra, pays fitué entre le Danube, la mer Noire, le mont Hémus & la riviere de Jantra, & où les Turcs ont envoyé d'Afie des pay fans pour le peupler, de peur que les Tartares de Budziack ne s'en emparaffent. Toutes ces confidérations ont rendu le gouvernement des provinces, ariftocratique.

Le fultan, comme tous les defpotes qui ne tiennent leur puiffance que de la force, eft toujours expofé à perdre le trône, même la vie. La milice, qui eft auprès de fa perfonne, & qu'on nomme capiculy, a le pouvoir de le mettre en prifon, de le faire mourir, & de lui donner pour fuceeffeur un de fes freres ou de fes enfans. Lorfque tout le corps de cette milice de Conftantinople eft réuni fous les ordres de l'Ulama, le fultan, ce monarque defpotique, paffe du trône au fond d'un cachot, fi on ne l'étrangle pas lui & fon vifir.

La nation turque en général eft fort fobre dans le manger. Les loix obligent les Turcs à faire leur priere dès le point du jour, & par conféquent à fe lever matin; après cette priere ils déjeûnent fort légerement; à midi ils mangent quelques fruits; trois heures avant le coucher du foleil ils goûtent, & avant une heure & demie de nuit ils foupent. Ils ont ainfi réglé les heures des repas, parce que les autres font employées à la priere & aux exercices de leurs profeffions, foit qu'ils regardent leur commerce ou d'autres affaires à la Porte, & à différens divans. Les Turcs mangent du pain fans levain, qui eft rond, & tout au plus épais d'un demi-pouce. Le mouton eft leur viande ordinaire: ils ne mangent que fort peu de bœuf, point de veau, & très rarement du poiflon; mais le riz, le froment mondé, les pois, les lentilles, le miel, le fucre & toutes fortes d'épiceries, particulierement le poivre, font leur commune nourriture; ils mangent beaucoup de fruits, tant

nouveaux que fecs, & fur-tout du jardinage. Il n'entre dans leurs cuifines que la chair des animaux qui ont été égorgés avec de certaines cérémonies. Ils apprêtent en gé néral leurs viandes, ou en les faifant fimplement bouillir, ou en les taillant par morceaux & les mettant étuver, ou les faifant rôtir. C'eft de cette derniere façon qu'ils mangent principalement les poules & les agneaux qu'ils laiffent entiers, les farciffant d'autre chair hachée avec quantité d'épiceries. Ils font auffi une espèce de tourtes feuilletées; ils font bouillir dans l'eau le riz & le froment mondé, le faifant égouter lorfqu'il eft cuit, & l'accommodant enfuite avec du beurre; c'eft la véritable nourriture des foldats, elle eft bonne, légere, facile à digérer & fort aisée à apprêter; enfin ils mangent tous les mêmes viandes, toutes très nourriffantes, & le rôti n'eft guères en ufage que chez les grands. Leurs tables font bien-tôt dreffées, tout le monde fait qu'ils mangent à terre.

Après le repas chacun fe remet à fa place autour de la chambre, pour rendre graces à Dieu, & on fe falue enfuite mutuellement; c'eft alors qu'ils boivent, car ils ne le font point pendant le repas, & ils y fuppléent par les viandes liquides & les fruits cuits. Lorfque quelque chrétien, qui n'eft point fujet du fultan, mange chez eux, on lui fert à boire, s'il le veut, ou de l'eau ou du vin. Les Turcs ufent de différentes boiffons pour compenfer le vin qui leur eft défendu par l'alcoran, quoique nonobftant cette défense plufieurs en boivent en fecret. Ces boiffons font l'eau de puits, de riviere & de fontaine ou du laitage de plufieurs animaux & des liqueurs froides & chaudes; les plus ordinaires de celle-ci font le caffé & le faleppe qu'ils font avec de la racine de fatirion. Leur plus exquife boiffon froide eft le forbec, compofé du fuc de cérifes & d'autres fruits. Ils boivent toujours affis, à moins que la néceffité ne les oblige à fe tenir debout. Ils mettent en été l'eau commune à la glace, lorfqu'ils peuvent en avoir, ou en jettent dans les vales de verre & de porcelaine, dans lefquels ils boivent. Il croyent beaucoup mériter auprès de Dieu, lorfqu'ils pratiquent des fontaines fur le grand chemin, & qu'ils font conduire des eaux dans les villes, foit pour boire, foit pour fe laver avant leurs prieres. C'eft fur ce préjugé que Soliman fit rétablir le grand aqueduc qui conduit l'eau à Conftantinople, & qui le partage en neuf cents quarante-fept fontaines.

Les Turcs font dans le fond plus portés au repos qu'à l'activité; cependant ce naturel fait plus ou moins d'im preffion fur eux, à mesure qu'ils habitent fous de différens climats. Les Turcs Afiatiques aiment fur-tout beaucoup leurs commodités. Au contraire, ceux de l'Albanie & de quelques autres parties de l'Illyrie, trouvent une vie active &

laborieufe plus à leur goût. Ceux de Conftantinople se plaisent à avoir quantité de couffins pour s'y affeoir & pour s'appuyer; ils font fort pareffeux, languiffans dans cette molle oifiveté. La plus grande partie des Turcs fe repose ainfi la nuit & la meilleure partie du jour; les artisans même vivent de cette maniere, & tâchent à fe procurer la commodité de travailler affis. Ils n'agiffent que par pure néceffité; la chaffe eft fort peu en ufage parmi eux, encore ne confifle-t-elle qu'à faire courre le lievre par des chiens; ils ne favent point tirer en vol. Ils montent à cheval lorfque la néceffité l'exige, & fe raffeyent enfuite le plutôt qu'ils peuvent. Les groffes fatigues font pour ces miférables qui font réduits à une extrême pauvreté, comme les Grecs & les payfans Arméniens qui viennent de la campa gne chercher à gagner leur vie dans les villes, & enfin pour les efclaves. Les jeunes gens, fur tout ceux qui veulent embraffer le genre de vie des janiffaires, fe divertiffent à la lutte & à fe défier entr'eux à qui portera fur la paume de la main une pierre plus péfante, & courant quel ques pas, à qui la jettera plus loin. Les enfans s'exercent dans les places de Conftantinople, à fe lancer avec la main les uns contre les autres, des dards qu'ils nomment gerit, longs de deux pieds & demi ; ils font paroître leur adreffe à en parer les coups. Cet exercice fe fait quelquefois à che val dans le ferrail, parmi les pages du fultan, comme encore parmi des bachas, pour divertir leurs maîtres, & ils repréfentent alors, quoique très-imparfaitement & affez mal en ordre, nos carroufels. Leurs larges étriers font attachés fort courts, afin qu'ils puiffent fe lever debout & lancer le dard avec plus de force & de dextérité, & parer en même tems le même tems le coup que l'adverfaire porte.

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Le fommeil eft réglé parmi eux, de même que les veilles, par la diftribution des heures pour les prieres. Après priere du foir, qu'on nomme jaczi, & qu'on fait un peu après la premiere heure de la nuit, chacun a la liberté d'aller repofer jufqu'à demi-heure avant le jour, & en hiver jufqu'à deux heures. Ils fe retirent pendant ce tems d'auprès des femmes avec lefquelles ils ont paffé la nuit, & fe lavent pour le préparer à la priere; on les y appelle du haut des tours des mosquées, & on employe ordinairement, à cet office des jeunes gens qui ont la voix forte; ces crieurs s'appellent movedins ou movezzins. Quoiqu'ils cherchent toute leur commodité pour dormir, ils ne fe deshabillent pourtant jamais tout-à-fait ; ils gardent leur habillement de deffous, & fe couvrent la tête avec une écharpe plus groffe que celle qu'ils portent de jour. Ils veillent facilement, leur frugalité dans le boire & le manger y contribue. Ils dorment quelquefois durant le jour un quart-d'heure en été ; mais ils auroient honte de paffer l'heure, & on les regarderoit comme des ivrognes ou comme des gens qui ont le défaut de prendre des pilules d'opium préparé. Ce vice eft fort commun aux maîtres des langues dans les mofquées, & cette forte d'ivrognerie les rend fous, & leur donne une couleur pâle & jaunâtre, qui les fait d'abord reconnoître; cependant rien n'eft plus commun parmi les Turcs de Con ftantinople, qui abregent par-là leur vie, parce qu'ils mangent peu, & qu'ils contractent l'habitude de ne pouvoir dormir fans ce remede.

Les Turcs ne croyent pas, que pour conferver la fanté, il y ait de meilleurs remedes que ceux qui procurent la tranfpiration. Ils font ufage des bains fudorifiques, les uns trois, les autres quatre fois la femaine, & joignent le motif de leur fanté à celui de la préparation qu'exige la priere parfaite, quoique pour s'y préparer, il ne foit pas néceffaire de fe procurer une fueur violente. Il y a dans Conftantinople trente-trois bains fomptueufement bâtis, & qui pendant le jour ont des heures marquées pour les hommes, & d'autres pour les femmes; ainfi on peut juger fi l'ufage de fe baigner n'eft pas exceffif parmi les Turcs. Des bains fi fréquens ne peuvent qu'affoiblir & efféminer le tempérament des hommes, en tenant les pores ouverts. De-là vient le fréquent ufage des pélifles, & même la néceffité de s'en fervir; il faut qu'ils foient toujours bien couverts, tant de nuit que de jour, & ils aiment mieux fouffrir le chaud que le froid. Lorfqu'ils fe fentent la moindre incommodité, ils vont chez le chirurgien pour fe faire faigner, & ne font pas difficulté de fe faire ouvrir la veine au milieu de la rue; ils fe font appliquer des ventoufes, & veulent des purgatifs & des vomitifs très-violens. Plus le reméde opere, plus on vante l'habileté du médecin, qui, pour les contenter, doit pouffer les chofes à l'excès. Si le malade meurt, le médecin ne perd jamais, tout au plus, que fon falaire; du refte les héritiers fe confolent aifément, attribuant toutes choses à la destinée & à la volonté de Dieu. Ils n'épargnent rien pour fomenter chez eux la lubricité; ils fe fervent fans difcrétion des remedes violens. Ils fument tellement du tabac, qu'ils s'endorment la pipe à la bouche. Ils ne crachent jamais & avalent toute leur falive, ce qui leur cause à la barbe, à la tête, aux fourcils & aux autres parties du corps où il croît du poil, certains feux volages qui s'étendant peu à peu, font tomber le poil, fans qu'il puiffe enfuite revenir. Il eft inouï que les Turcs lâchent des vents, ce feroit pour eux une extrême honte, & la compagnie prendroit cette action pour un outrage; mais en récompenfe ils rotent fans aucun égard; & quoique cela ne foit pas fort honnête, cependant ils ne le tiennent pas pour indécent, puifqu'un Turc ne pourroit pas faire fa priere fans s'être auparavant purifié. L'hypocrifie regne beaucoup parmi eux; on ne les entend parler que de la grandeur & de l'unité de Dieu, à qui ils rendent de continuelles actions de graces; mais excepté un petit nombre, qui avec une foi fincere mêlent les larmes à leurs prieres, la plus grande partie ne prie que du bout des levres, pour plaire à la populace, & s'acquérir par-là la réputation d'homme pieux, quoique dans le fond ils n'ayent point de foi. Les grands & les courtifans font ordinairement de ce nombre. Ils ont coutume, lorfqu'ils en ont le moyen, de faire bâtir des mofquées, des fontaines fur le grand chemin, des ponts, des hôtelleries publiques qu'on nomme kans ou caravanserais, & ils affignent des fonds pour leur fubfiftance. Ils établiffent dans les vil

les des féminaires & des ecoles, pour y inftruire la jeunef-
fe; ils font ces établissemens de maniere, qu'ils puiffent ap
porter un certain revenu à leurs defcendans. Ce qui les dé-
termine le plus d'en agir ainfi, c'est que fi le capital qu'ils
employent pour cela, reftoit entre leurs mains, il feroit.
confifqué au plus tard après leur
mort, au lieu que dès qu'il

eft confacré à Dieu, ni aucune loi, ni tout le pouvoir du
fultan ne fauroient l'aliéner. Dans Conftantinople, il y a
pour la grande priere du vendredi quatre cents quatre-
vingt-cinq mofquées, dont fept font nommées impériales,
parce qu'elles ont été bâties
parce qu'elles ont été bâties par des empereurs Turcs à
grands frais. Toutes ces mofquées ont des revenus très-con-
fidérables; il y a de plus dans chaque quartier des endroits
particuliers, appellés meschites ou mofquées ordinaires.
pour la priere, outre celle du vendredi. On en compte
quatre mille quatre cents quatre-vingt-quinze, fréquentées
uniquement par les Turcs. Les inarets, espéces d'hôpitaux
où l'on donne à manger aux pauvres, felon l'ordre prescrit
par les fondateurs, font au nombre de cent, & il y a cinq
cents quinze écoles publiques. Les Turcs font au refte fort
charitables envers les étrangers, de quelque religion qu'ils
foient. Ceux qui demeurent dans les villages, proche des
grands chemins, vont fe promener avant midi & vers le
foir, pour découvrir s'il ne paroît point de paffager: en
trouvent-ils quelqu'un, ils l'invitent à loger chez eux, &
même ils difputent fouvent à qui le recevra.

L'étude fait une de leurs principales occupations, & c'est à tort que le vulgaire les accufe de ne favoir pas lire, & d'entendre à peine l'alcoran. Il n'y a pas un favant parmi eux, qui ne fache à fond ces trois langues; le turc, le perfan & Patabe : la langue turque eft un compofé des deux autres. On étudie premierement, dans les écoles, les élémens de leur fauffe religion; on s'y inftruit des matieres de la foi, & on s'y forme le jugement. Ceuxqui veulent ensuite faire des progrès dans les belles lettres, s'exercent continuellement à bien écrire en profe & en vers, & écrivent enfuite leurs hiftoires, avec beaucoup d'esprit, & une fcrupuleuse exactitude, s'attachant à détailler jusqu'aux moindres circonftances. Ils s'appliquent beaucoup à la logique, & à toutes les autres parties de l'ancienne philosophie, & fur-tout à la médecine. L'alcoran ne leur défend que les diflections anatomiques, dans la croyance que l'ame ne fort pas entiere, en un inftant, du corps d'un Mahométan. Elle paffe, felon eux, de membre en membre, jusqu'à la poitrine, d'ou enfin, elle l'abandonne, & par conféquent, difent ils, en difféquant un corps, on tourmenteroit le patient.

L'alchymie leur déplaît infiniment; ils compofent leurs remédes fuivant les anciennes recettes d'Avicenne & de Dioscoride, & ont quelque connoiffance de la botanique. Ils s'appliquent beaucoup à la géométrie, à l'aftronomie, à la géographie & à la morale. Ils ne font point imprimer leurs ouvrages; mais ce n'eft pas, comme on le croit communément, parce que l'imprimerie leur eft défendue, ou que leurs ouvrages ne méritent pas l'impreffion. Ils ne veulent pas empêcher tant de copiftes, qui dans la feule ville de Conftantinople, font à peu près au nombre de quatre-vingt-dix mille, de gagner leur vie ; & c'est ce que les Turcs ont dit eux-mêmes aux Chrétiens & aux Juifs, qui vouloient l'imprimerie dans l'empire, pour en faire leur profit.

On peut dire qu'il n'y a point de gouvernement, dans l'univers, qui ait des regiftres auffi exacts que les Turcs en tout ce qui concerne les traités avec les puiffances étrangeres; les domaines; le cérémonial qu'on y obferve;

expédition des ordres; les arrêts; les officiers actuelle ment à fon fervice; enfin, des finances. D'un autre côté on peut les blâmer par rapport au luxe, qu'ils pouffent à l'excès. Prennent-ils poffeffion d'une charge, que la faveur leur a fait obtenir, ou que quelque belle action leur a procurée ? On leur voit auli-tôt un certain air de gravité & d'autorité, qui les fait paroître ou être nés, ou avoir vieilli dans les emplois. Ont-ils quelque heureux fuccès ? leur orgueil monte à fon dernier période : ils le moquent de toutes les autre nations, & difent que la terre eft trop bornée pour étendre leurs conquêtes. Ont-ils au contraire quelque échec ? ils paroiffent entierement abattus. Si l'évé nement n'avoit pas fait connoître jusqu'où va leur confternation, on auroit de la peine à fe l'imaginer. Lorsqu'après leurs difgraces, ils voient une lueur de fortune, ils repren Tome V. Z Z z z z z

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