fondateur d'une telle branche ou tribu, à moins que quel que cause violente & étrangere ne trouble cet ordre de fuccession. Un tel mursa doit avoir annuellement la dime de tous les bestiaux de ceux de sa tribu, & la dîme du butin que fa tribu peut faire lorsqu'elle va à la guerre. Toutes les familles qui composent une tribu, campent d'ordinaire ensemble, & ne s'éloignent point du gros de l'ordre sans en faire part à leur mursa, afin qu'il puisse savoir où les prendre lorsqu'il veut les rappeller. Ces murses ne sont confidérables à leur khan qu'à proportion que leurs khans ou tri bus font nombreuses, & les khans ne font redoutables à leurs voisins qu'autant qu'ils ont beaucoup de tribus, & des tribus composées d'un grand nombre de familles sous leur obéissance : c'est en quoi consiste toute la puissance, la grandeur & la richesse d'un khan des Tartares. Il faut observer ici que le mot Orda, est en usage chez tous les Tartares, pour parler d'une tribu qui est assemblée pour aller contre les ennemis, ou pour d'autres raisons particulieres. Quoique la vie errante ait été de tout tems propre aux Tartares, & que même tout ce qu'on en trouve dans l'histoire depuis Ogus-Khan jusqu'aux siécles présens réponde parfaitement aux mœurs, au culte & aux coutumes des peuples qui occupent maintenant la grande Tartarie; cependant plusieurs historiens ont été & font encore du sentiment, que ce pays a été autrefois habité par d'autres peuples plus civilifes; mais sur quoi sont fondées leurs opinions? Jusqu'à présent on n'a eu que des connoissances confuses & fabuleuses de ce pays. D'ailleurs la figure extérieure & ressemblante de tous les peuples du nord de l'Afie, depuis le Japon jusqu'à la ri viere de Wolga, fait beaucoup contre eux. On y trouve cependant deux choses qui embarrassent les curieux. La premiere eft, qu'en plusieurs endroits de la grande Tartarie, vers les frontieres de la Sibérie, on voit des petites collines sous les quelles on trouve des squelettes d'hommes accompagnés des Iquelettes de chevaux, & de plusieurs sortes de petits vases & joyaux d'or & d'argent; on y trouve même des squelettes de femmes avec des bagues d'or aux doigts, ce qui ne paroît convenir en aucune maniere aux habitans d'à present de la grande Tartarie; & cela est si vrai, que du tems que les prifonniers Suédois étoient en Sibérie, ils alloient par troupes à la recherche de ces tombeaux, les Russes de leur côté en faisoient de même : & comme les Callmoucks ne vouloient point permettre qu'on se fit une habitude de venir spolier ces tombeaux jusques bien avant fur leurs terres, ils tuerent en diverses occasions bon nombre de ces aventuriers; en forte qu'il est à présent sévérement défendu par toute la Sibérie d'aller à la recherche de ces tombeaux. La seconde est qu'en 1721, un certain médecin envoyé par l'empereur de la Ruffie pour examiner les diverses plantes & racines que la Sibérie peut produire, étant arrivé en compagnie de quelques officiers prisonniers Suédois du côté de la riviere de Tzulim, à l'ouest de la ville de Krasnoyar, trouva au milieu de la grande Steep, qui regne de ce côté, une espéce d'aiguille taillée d'une pierre blanche, ayant environ feize pieds de haut, & quelques centaines d'autres petites d'environ quatre à cinq pieds de hauteur, disposées tout à l'entour de la premiere; il y avoit une inscription sur l'un des côtés de la grande aiguille, & plusieurs caracteres sur les petites, que le tems avoit déja effacés en plusieurs endroits; & à juger de ce qui reste de l'inscription qu'on trouve sur la grande aiguille, les caracteres n'ont aucune connexion avec ceux des langues qui font à présent en usage dans le nord de l'Afie; & ces fortes d'ouvrages conviennent d'ailleurs si peu au génie des Tartares qu'il est quasi impossible de pouvoir croire, qu'eux, ou leurs ancêtres, ayent jamais été capables de concevoir un semblable dessein; fur-tout si l'on considere que ni dans le voisfinage de l'endroit où ces monumens setrouvent, ni à cent lieues à la ronde, il n'y a point de carrieres d'où on ait pu tirer ces pierres, & qu'elles n'y peuvent avoir été apportées que par la riviere de Jenisea: cependant le fait eft constant. Tour ce qu'on peut dire là-dessus, c'est que le tems & les découvertes que l'on fera peu à peu, à mesure qu'on aura des connoissances plus exactes de ce vaste continent, donneront peut-être des éclaircissemens là-dessus. Mais à l'égard des joyaux d'or & d'argent qu'on trouve dans les tombeaux, il me paroît fort vraisemblable que ce font les tombeaux des Mogoules, qui accompagnerent Zingis-Khan dans la grande irruption qu'il fit dans l'Asie méridionale, & de leurs descendans dans les premieres générations; car comme ces gens emportent quafi toutes les richesses de la Perse, du pays de Charafs'ım, de la grande Boucharie, da royaume de Caschgar, du Tangut, d'une partie des Indes & de tout le nord de la Chine, ils pouvoient avoir beaucoup d'or & d'argent; & d'autant que la plupart des Tartares païens ont encore à présent la coutume, lorsque quelqu'un des leurs meurt, d'enterrer son meilleur cheval, & les plus précieux de ses meubles avec lui, pour pouvoir fervir à fon usage dans l'autre monde, ils n'auront pas manqué pour lors d'enterrer des vases d'or & d'argent avec leurs morts, fi long-tems qu'ils en auront eu; enforte que toute la différence entre ces tombeaux & ceux des Tartates païens d'à présent se réduit seulement à ce qu'il ne leur reste plus de ces richesses, & ce qu'ils enterrent avec leurs morts consiste ordinairement en quelques écuelles de bois & autres semblables ustensiles de peu de prix, qui ne laissent pas de leur paroître un objet considérable par rapport aux services qu'ils en peuvent tirer dans leurs petits ménages. Ajoutez à cela, que vû la vénération extraordinaire que tous les Tartares païens ont généralement pour le tombeau de leurs ancêtres, on peut prendre l'opposition que les Callmoucks firent à ceux qui alloient à la recherche de ces tombeaux, comme une marque certaine de ce qu'ils regardoient ces tombeaux comme ceux de leurs ancêtres, puisqu'il n'y a que cette seule considération qui peut avoir porté des gens aussi pacifiques que le sont naturellement les Callmoucks, à en venir aux voies de fait dans une semblable occasion. Les Tartares, pour marquer leur amour & leur vénération à leurs sujets, ont dans tous les tems pris leur nom. Nous avons vu que les Moguls ou Mongals ont pris ce nom de deux princes, leurs chets. C'est aufli d'Ufbeck-Khan que vient le nom des Tartares Ufbeck de la grande Boucharie & du Charass'm. Les Moungales de l'est ont adopté le nom de Mansueurs de Mansueu-Khan, bisayeul du défunt empereur de la Chine. Tout nouvellement les Callmacki Dsongari, sujets du Contaisch ou Grand Khan des Callmoucks, viennent de prendre le nom de Contaischi, ensorte qu'on ne les appelle plus préfentement dans la Sibérie, & les autres pays voisins que Contaisches. Les Tartares, quoiqu'ils ayent des habitations fixes, ne laislent pas en voyageant d'un endroit à l'autre de porter avec eux tous les effets de prix qu'ils peuvent avoir, ce qui est encore un reste de vivre de la maniere de leurs ancêtres, avant qu'ils euffent des demeures fixes; de-là vient que lorsqu'il leur arrive de perdre une bataille, leurs femmes & leurs enfans restent ordinairement en proie au vainqueur avec tout leur bétail, & généralement tout de qu'ils ont. Ils n'agissent ainsi que pour ne pas laisser leurs biens & leur famille en proie aux autres Tartares leurs voisins, qui ne manqueroient pas de profiter de leur ablence pour les venir enlever à la premiere occafion. D'ailleurs comme on ne fau roit voyager dans les vastes landes de ce pays, qu'en menant avec loi là quantité de bétail vivant dont on peut avoir besoin pour sa subsistance en chemin, ils trouvent plus de commodité à mener toute leur famille ave eux, qui en peut avoit besoin, que d'en être chargés eux-mêmes dans le tems qu'il s'agit de toute autre chofe, & cette maniere de voyager avec toute forte de bétail vivant est li néceflaire dans ces quartiers, où l'on ne trouve à plusieurs cents lieues que de l'herbe, & quelquefois de l'eau, que les caravanes de la Sibérie qui vont trafiquer a Pekin, font obligées d'en ufer de même depuis Sélingınskoy jusqu'à Pekin... Comme les Tartares paiens menent une vie fort simple, ils ne s'appliquent pas tant à faire des esclaves qui leur puiffent fervir, que les Tartares Mahometans: tout le bien des premiers consistant en bétail, qu'ils ont ordinairement sous leurs yeux, & pour la garde duquel ils n'ont besoin que de leur famille, ils n'ont garde de fe charger de bouches inutiles. Il n'y a don que les khans & les morfes qui gardent des esclaves pour le service de leurs familles lorsqu'ils en font fur leurs ennemis, & le reste en est réparti parmi leurs sujets, afin d'en augmenter le nombre, ce qui augmente en même tems leur revenu; mais chez les Tartares Mahometans les esclaves font un objet confiderable: ils ne commencent même fort souvent la guerre avec leurs vorfins que pour faire des esclaves, dont ils gardent pour leur fervice autant qu'ils en ont besoin', & vont vendre le reste où ils peuvent. Ce commerce va même si loin chez les Circas. ses, les Daghestans & les Tartares de Nagai, que faute d'autres esclaves, ils ne se font pas une affaire de s'entrevoTome V. Hhhhh A der les enfans, & de les aller vendre; & s'ils n'en peuvent attraper, ils vendent leurs propres enfans au premier qui se présente. Un Circaffe ou Tartare Daghestan, s'il est las ou mécontent de sa femme, il la vend à la premiere occafion, & s'il a une fille qui a quelque beauté, il ne manque pas de la bien promener par tout, afin de la pouvoir vendre plus profitablement. Enfin, le commerce des esclaves fait toute Jeur richeffe, & c'est pour cette raison que dès qu'ils voient une occafion favorable à faire un bon nombre d'esclaves, il n'y a ni paix ni alliance qui puisse tenir auprès d'eux contre une si dangereuse amorce. Tous les Tartares généralement, même les peuples païens de la Sibérie, confervent encore la même façon à peu près en leurs bâtimens : car, soit qu'ils habitent dans des hutes, ou qu'ils ayent des demeures fixes, ils ne manquent pas de laissfer toujours une ouverture au milieu du toit, qui leur fert en même tems de fenêtre & de cheminée : les hutes des Callmoucks & des Moungales font en rond, d'un assemblage de plusieurs grosses perches d'un bois léger de la hauteur de la hute, jointes ensemble par des bandes de cuir, afin de les pouvoir dreffer & transporter avec d'autant plus de facilité; ils les couvrent en-dehors d'un feutre épais pour y pouvoir être à l'abri du froid & du mauvais tems; la place du feu est au milieu de la hute, directement au-dessous du trou qu'ils laissent au milieu du comble, & les dortoirs font tout à l'entour de la hute contre la clôture. Les murfes & autres gens de distinction parmi eux, ont des hutes plus commodes & plus spacieuses; ils ont même en été de grandes tentes de Kitayka, & en hiver des loges de planches couvertes de feutre, qu'ils peuvent aifément montet & démonter. Le peu de Callmoucks qui ont des habitations fixes, les bâtislent en rond à l'imitation des hutes de ceux de leur nation, avec un toit en espéce de dôme, ce qui fait un tout d'environ deux toises de hauteur, dont le dedans est tout-à-fait semblable à celui des hutes dont on vient de donner la description, n'y ayant ni chambres, ni fenêtres, ni greniers, mais le tout consistant en une seule piece de la hauteur & du contour de tout le bâtiment, mais les Moungales de Nieucheu, que le commerce qu'ils ont avec les Chinois commence à dégourdir peu-à-peu, ont des maisons plus commodes & plus spacieuses: ils les bâtissent en quarré, & donnent environ dix pieds de hauteur aux murailles des côtés, le toit en ressemble à peu près à ceux de nos maisons de paysans: ils y pratiquent même en quelques endroits de grandes fenêtres d'un papier de soie fort mince, accommodé exprès, & des dortoirs maçonnés de deux pieds de hauteur sur quatre de largeur, qui regnent tout à l'entour de la maison, & leur fervent en même tems de cheminée: car ils ont l'invention d'y faire du feu en-dehors d'un côté de la porte, & la fumée circulant par ce canal tout à l'entour de la maison n'en fort que de l'autre côté de la porte, ce qui, communiquant une médiocre chaleur à ces dortoirs, leur est d'une grande commodité en hiver. Toutes les habitations des Tartares, soit fixes, soit mouvantes, ont leurs portes tournées au midi, pour être à l'abri des vents du nord qui sont fort pénétrants par toute la grande Tartarie. A moins que toute la grande Tartarie ne soit entre les mains d'un seul prince, comme elle l'étoit du tems de Zingis-Khan, il est impossible que le commerce y puisse fleurir: car maintenant que ce pays est partagé entre plusieurs princes, quelque porté que puisse être l'un ou l'autre d'entre eux à favoriser le commerce, il n'en peut rien faire, si ses voisins se trouvent dans des sentimens opposés. Les Tartares mahométans sur-tout, sont d'une indocilité extraordinaire là-dessus, & prévenus en faveur de la noblesle de leur extraction, ils regardent le trafic comme un métier indigne d'eux; ils se font gloire de dépouiller tout autant de marchands qu'il leur en tombe entre les mains, ou du moins de les rançonner à un si haut prix, qu'ils en perdent pour jamais l'envie d'y revenir; ce qui rend la grande Tartarie quasi inaccessible aux marchands des nations de l'ouest, qui doivent absolument passer, ou fur les terres des Tartares mahométans, ou sur leurs frontieres, pour y entrer; mais du côté de la Sibérie, de la Chine & des Indes, les marchands y peuvent aborder en toute liberté, puisque les Callmoucks & les Moungales négocient fort paisiblement avec les sujets des états voisins qui ne font pas en guerre avec eux. Comme chez tous les Tartares le pere est en quelque ma niere le maître souverain de sa famille, rien n'égale le respect que les enfans en quelque âge ou situation qu'ils puissent se trouver, font accoutumés de marquer à leurs peres : mais les meres sont peu considérées. Lorsque le pere vient à mourir, les enfans doivent employer plusieurs jours à pleurer sa mort, & renoncer pendant ce tems à toutes fortes de plaisirs, de quelque nature qu'ils puissent être, même les fils doivent s'abstenir en ces occasions de la compagnie de leurs femmes pendant plusieurs mois. Outre cela les enfans font indispensablement obligés de ne rien menager pour rendre les funérailles de leur pere aussi honorables qu'il leur est possible, selon les coutumes du pays; & après tout cela, ils doivent du moins une fois par an aller faire leurs dévotions auprès du tombeau de leur pere, & se souvenir des obligations infinies qu'ils lui ont. Les Tartares païens remplissent des devoirs si saints avec la derniere exactitude; mais ceux qui professent le culte mahométan n'y prennent pas garde de si près, sur-tout en ce qui regarde les honneurs qu'ils font obligés de rendre à la mémoire de leur pere après sa mort. Voyez les différens articles de TARTARES qui suivent, & le mot TARTARIE. Les Tartares BASKIRS OU BASCHKIRS. Voyez BAS KIRS. Les TARTARES - BURATTES. Voyez plus bas l'article TARTARES-TUNGUSES. Les Tartares DE BUDZIACK habitent vers le rivage occidental de la mer Noire, entre l'embouchure du Danube & la riviere de Bog. Ils font une branche des Tartares de la Crimée: mais ils font indépendans du khan de Crimée & de la porte: leur extérieur, leur religion & leurs coutumes font tout-à-fait conformes à celles des Tartares de la Crimée; mais ils sont plus braves. Le brigandage fait la principale occupation de leur vie, & il n'y a ni paix, ni treve, ni amitié, ni alliance qui les en puisse retenir; ils vont même faire quelquefois des courses sur les terres des Turcs, d'où ils enlevent tous les chrétiens sujets de la Porte qu'ils peuvent attraper, après quoi ils se retirent chez eux. Lorsque les Turs ou d'autres puissances voisines envoyent de gros corps d'armée contr'eux, ils se retirent sur certaines hauteurs toutes environnées de marais, vers le rivage de la mer Noire, d'où il est quasi impossible de les déloger, parce qu'on ne sauroit y aborder que par des défilés fort étroits, où cinquante hommes peuvent arrêter facilement toute une armée nombreuse: & comme ces hauteurs qui sont d'une assez grande étendue, sont les feules terres que les Tartares de Budziack cultivent, & que les pâturages n'y manquent pas, ils n'ont rien qui les presse de sortir de-là avant que leurs ennemis se soient retirés; cependant ils ménagent les Turcs. Jusqu'à présent les Tartares de Budziack n'ont point eu de khan particulier, mais ils vivent sous le commandement des murses, chef des différens hordes qui composent leur corps, ils peuvent faire environ trente mille hommes. Ils font les plus méchans de tous les Tartares.* Hift. des Tatars, p. 473 & suiv. Les TARTARES-CALLMOUCKS. Voyez CALLMOUCKS. Les TARTARES DE LA CASATSCHIA ORDA. Voyez CASATSCHIA ORDA. Les TARTARES DE LA CRIMÉE OU PETITS TARTARES, sont les Tartares dont on a eu jusqu'ici le plus de connoifsance en Europe, à cause de leurs fréquentes invasions dans la Pologne, la Hongrie & la Ruffie. Leurs khans prétendent descendre en droite ligne de Zugi-Khan, fils aîné de Gingis-Khan ou Gengiscan, comme nous le prononçons. Ces Tartares sont présentement partagés en trois branches, dont la premiere est celle des Tartares de la Crimée; la seconde, des Tartares de Budziack ; & la troisieme, des Tartares Koubans. Les Tartares de la Crimée sont les plus puissans de ces trois branches, on les appelle aussi les Tartares de Perekop, de la ville de ce nom, ou les Tartares Saporovi. Les Polonois leur donnent ce nom parce qu'ils habitent au-delà des cataractes du Boristhene. Voyez CRIMÉE. : Les TARTARES CIRCASSES. Voyez CIRCASSIE. DAGISTAN. Les TARTARES KOUBANS habitent au fud de la ville d'Affof, vers les bords de la riviere de Kouban, qui a fa source dans la partie du mont Caucase que les Ruffes appellent Turki Gora, & vient se jetter dans les Palus Méotides, à 46d 15' de latitude, au nord-est de la ville de Daman. Ces Tartares font encore une branche de ceux de la Crimée, & étoit autrefois foumis au khan de cette presqu'isle; mais depuis environ soixante ans ils en ont un particulier, qui est d'une même famille que ceux de la Crimée. Il ne reconnoît point les ordres de la Porte, & se maintient dans une entiere indépendance, par rapport à toutes les puissances voisines. Les Tartares Koubans occupent à la vérité quelques méchans bourgs & villages le long de la riviere de Kouban; mais la plus grande partie d'entr'eux vit sous des tentes vers le pied des montagnes du Caucase, où ils vont chercher un asyle lorsqu'ils se voyent pressés de trop près par les puitlances voisines; ils ne subsistent absolument que de vols & de brigandages; ils font même des courses jusqu'à la riviere de Wolga, & la paffent fort souvent en hiver pour aller surprendre les Callmoucks & les Tartares de Nagaï. C'est pour couvrir le royaume de Casan contre leurs invasions que le feu empereur de la Russie a fait élever ce grand retranchement, qui commence auprès de Zaritza, fur la Wolga, & vient aboutir au Don, vis-à-vis de la ville de Twia. Les Tartares de Kouban ne different en rien de ceux de la Crimée, excepté qu'ils ne sont pas tout-à fait si aguerris, & qu'ils ont moins d'ordre & de subordination parmi eux. Les Turcs les ménagent extrêmement, parce que c'est principalement par leur moyen qu'ils se fournissent d'esclaves Circaffes, Géorgiennes & Abasses qui sont fort recherchées en Turquie, & qu'ils craignent qu'en cas qu'ils vouluflent les poufler trop, ils ne se missent sous la protection de la Russie, ce qui incommoderoit furieusement les provinces voisines de la Turquie. Lorsque les Tartares de la Crimée sont menacés de quelque grande tempête, ou qu'il s'agit de quelque grand coup à faire, les Tartares Koubans ne manquent pas de leur prêter la main : ils peuvent faire environ quarante mille hommes tout au plus. * Histoire des Tatars, P. 474. Les TARTARES MOUNGALES OU MUNGALES. Le pays que la tribu des Tatars & ses diverses branches ont occupé autrefois, est cette partie de la grande Tartarie, que nous connoissons maintenant sous le nom du pays des Moungales. Il est à présent borné à l'est par la mer orientale, au fud par la Chine; à l'ouest par le pays des Callmoucks, & au nord par la Sibérie. Il est situé entre les 40 & sod de latitude, les 110 & les 1 50d de longitude. Ses frontieres commencent vers les 42d d de latitude fur le rivage de la mer Orientale, au nord de la Corée, & courant de là à l'ouest, elles côtoyent les montagnes qui séparent cette presqu'ifle & la province de Leaotun de la grande Tartarie. Enfuite elles viennent joindre la grande muraille de la Chine vers les 142d de longitude, & la suivent sans interruption jusqu'à l'endroit où la grande riviere de Hóaag se jette dans la Chine,' à travers la grande muraille, vers les 38d de latitude; de-là tournant au nord-ouest elles côtoyent le pays des Callmoucks,& viennent gagner les sources de la riviere de Jeniséa. Elles suivent même cette riviere sur la rive occidentale jusque vers les 49d de latitude, & revenant enfuite à l'est, elles vont gagner la riviere de Selinga au-dessus de Selinginskoy; puis continuant à l'est, elles côtoyent les pays dépendants de la Sibérie, & viennent aboutir à la rive méridionale de la riviere d'Amur, vers l'endroit où la riviere d'Albaffin s'y jette de l'ouest-sud-ouest; elles suivent enfin toujours les bords de cette grande riviere jusqu'à fon embouchure dans la mer Orientale ; ensorte que le pays des Moungales n'a pas moins de quatre cents lienes d'Allemagne en sa plus grande longueur, & environ cent cinquante en fa plus grande largeur. Comme ce pays fait une partie confidérable de la grande Tartarie, il participe aufli à tous les avantages & à toutes les incommodités qui font propres à ce vaste continent; cependant parce qu'il est plus montueux que le pays des Callmoucks, il est plus rempli d'eau & de bois. Il s'y trouve cependant des endroits très-stériles. Les Moungales qui habitent à présent ce pays, descendent de ceux qui, après avoir été pendant plus d'un siècle en poffeffion de la Chine, en furent rechaflés vers l'an 1368, & comme une partie vint s'établir vers les sources des rivieres de Jeniféa & Selinga, & l'autre alla s'habituer entre la Chine & la riviere d'Amur, vers la mer Orientale; on trouve deux fortes de Moungales fort différens les uns des autres en langue, en religion, en coutumes & en manieres; savoir, les Moungales de l'ouest appellés aussi Calcha-Moungales, qui habitent depuis la Jeniféa jusque vers les 134d de longitude, & les Moungales de l'est ou Nieucheu-Moungales, qui habitent de puis les 134d de longitude jusqu'aux bords de la mer Orien tale. Les Moungales en général font d'une taille médiocre, mais bien renfoncée; ils ont le tour du visage fort large & plat, le teint basanné & le nez écrasé, mais les yeux noirs & bien coupés; leurs cheveux font noirs & forts comme du crin, ils les coupent ordinairement fort près de la racine & n'en gardent qu'une feule touffe au fommet de la tête, qu'ils laissent croître de leur longueur naturelle; ils ont fort peu de barbe, & portent des chemises & des caleçons fort larges de toile de coton, ou de quelque autre petite étoffe : leurs robes leur viennent jusqu'à la cheville du pied, & font communément faites aussi de toile de coton, ou d'une petite étoffe qu'ils doublent de peaux de brebis. Les Moungales de l'ouest portent auffi quelquefois des robes entieres de ces peaux; ils les attachent sur les reins avec de larges courroies de cuir; leurs bottes font fort larges & ordinairement faites de cuir de Russie; leurs bonnets sont petits & ronds, avec un bord de fourrure de quatre doigts de large. Les habits des femmes sont à peu près les mêmes, excepté que leurs robes sont plus longues, leurs bottes font ordinairement rouges, & leurs bonnets plats avec quelques petits ornemens. Les armes des Moungales consistent dans la pique, l'arc, la fleche & le fabre qu'ils portent à la chinoise. Ils vont à la guerre à cheval comme les Callmoucks; mais il s'en faut beaucoup qu'ils foient aussi bons soldats que ces derniers. Les Moungales de l'ouest habitent sous des tentes, & ne vivent que du produit de leur bétail, qui consiste en chevaux, chameaux, vaches, brebis, & est généralement d'une fort bonne qualité; mais il ne peut être mis en comparaison avec celui des Callmoucks, ni pour l'apparence, ni pour la bonté: excepté leurs brebis qui surpassent quasi celles des Callmoucks; elles ont la queue d'environ deux empans de longueur, & d'autant de tour à peu près, pefant ordinairement entre dix & douze livres, qui n'est quasi qu'une seule pièce d'une graisse fort ragoutante, les os n'en étant pas plus gros que ceux de la queue de nos brebis; ils ne nourriffent que des beftiaux qui broutent l'herbe, & ils ont fur-tout les pourceaux en horreur. Les petits marchands chinois viennent en foule leur porter du riz, du thé-bouy, qu'ils appellent cara tzchay, du tabac, de la toile de coton & d'autres petites étoffes, plusieurs menus ustensiles, & enfin tout ce dont ils peuvent avoir besoin, qu'ils leur troquent contre du bétail; car ils ne connoissent point l'usage de la monnoie. Ils confervent le culte du Dalai-Lama, quoiqu'ils ayent un grand-prêtre particulier appellé Kutuchta ; enfin il y a en tout peu de différence entre eux & les Callmoucks. Ils obéiffent à un khan, qui étoit autrefois comme le grand khan de tous les Moungales; mais depuis que ceux de l'est se sont emparés de la Chine, il est beaucoup déchu; cependant il est encore fort puissant, pouvant aisément mettre cinquante à soixante mille chevaux en campagne. Le prince qui regne présentement sur les Moungales de l'ouest s'appelle Tuschidtu-Khan, il fait son séjour vers les 47d de latitude, fur les bords de la riviere d'Orchon, & l'endroit où il campe ordinairement est appellé Urga, & est à douze journées au fudest de Selinginskoy. Plusieurs petits khans des Moungales, qui habitent vers les sources de la Jeniféa & les déferts de Goby, lui font tributaires, & quoiqu'il se soit mis lui même sous la protection de la Chine, pour être mieux en état de faire tête aux Callmoucks, cette commiffion n'est au fond que précaire & honoraire, obtenue de fon pere par les intrigues des lamas; car loin de payer le moindre tribut à l'empereur de la Chine, il ne se passe point d'année que cet empereur ne lui envoye des présens magnifiques, & la cour de Pekin, d'ailleurs accoutumée de traiter fort tudement les peuples qui lui font tributaires, en use en toutes occasions avec tant de ménagement à l'égard de ce prince, qu'on voit bien qu'elle le redoute plus qu'aucun autre de ses voisins, & ce n'est pas fans raison; car s'il lui prenoit fantaisie de s'accommoder avec les Callmoucks aux dépens de la Chine, il donneroit fort affaire à l'empereur. Les Meungales qui font sous l'obéissance de Tuschidtu Khan, sont proprement iffus de la tribu des Tartares, & de plusieurs autres tribus turques établies en ces quartiers, que Gengis-Khan foumit, & qui se firent ensuite une gloire d'être comprises sous le nom de Moungales, que ce prince avoit rendu fi illuftres: à celles-ci vinrent se joindre ceux des Mogoules fugitifs de la Chine, qui trouverent moyen de se sauver par l'ouest. Les Moungales de l'est vivent la plupart de l'agriculture, & ressemblent en tout aux Moungales de l'ouest, excepté qu'ils sont plus blancs, fur tout tout le sexe. On y trouve même de Tame V. Hhhhhij très-belles femmes. La plupart des Moungales de l'est ont des demeures fixes; ils ont même des villes & des villages, & font en tout beaucoup plus civilisés que le reste des Moungales & Callmoucks. Ils ne sont ni sectateurs du culte du Dalai Lama, ni du culte des Chinois: le peu de religion qu'ils ont paroît être un mixte de ces deux cultes, qui se trouve quafi réduit à quelques cérémonies nocturnes qui tiennent plutôt du sortilège que de la religion. Ils descendent quasi tous de ceux d'entre les Mogoules fugitifs de la Chine. Comme la vie voluptueuse des Chinois à laquelle ils s'étoient accoutumés depuis long-tems les avoit trop amolis pour qu'ils pussent se réfoudre à reprendre la vie simple & pauvre de leurs ancêtres, ils se mirent à bâtir des villes & des villages, & à cultiver les terres à l'exemple des Chinois. Ils font venus à bout de rentrer une seconde fois en poffeffion de la Chine, & il n'y a pas apparence que les Chinois les en chaslent si tôt. Les trois plus considérables villes qu'ils poslédoient avant cette révolution, étoient Kirin, Ula & Ninkrita, situées sur la rive orientale de la riviere de Songoro, qui se jete dans la grande riviere d'Amur, à douze journées de son embouchure. La ville d'Ula située à 44 20′ de latitude, étoit la capitale de tout le pays de Nieuchen, & la résidence du plus puissant des Moungales de l'est. Ils avoient outre celui là divers autres petits khans, qui, quoique bien moins considérables, ne laissoient pas de se conferver dans une indépendance entiere à son égard; mais depuis que les khans d'Ula ont été allez heureux pour s'emparer de la Chine, ils ont absolument réduit tous les Moungales de l'est sous leur obéitfance, & fi on trouve encore quelques defcendans de ces petits princes qui portent le titre de khan, ce n'est plus qu'une petite fatisfaction que la cour de Pekin leur veut bien laisser; car au fond, ils ne sont que des esclaves de la volonté de l'empereur de la Chine. Encore observe t-on d'en arrêter toujours les plus confiderables avec leurs familles à la cour, sous prétexte de leur faire honneur comme à des princes du fang. Depuis que les Moungales de l'est sont en poffeffion de la Chine, ils ont bâti plusieurs autres villes, bourgs & villages vers les frontieres de la Chine, & ils s'étendent de jour en jour davantage de ce côté. Leur langue est un mélange de la langue chinoise & de l'ancienne langue mogoule, qui n'a quasi aucune connexion avec la langue des Moungales de l'ouest. * Hift. générale des Tatars, , p. 167 & fuiv. Les TARTARFS NOGAIS OU NOCAIZI habitent une plaine unie, laquelle est située près des fleuves Axai & Sulack: ce font le Jaick & le Wolga. Le pays est borné à l'orient par les Cosaques du Jaick, au septentrion par les Callmoucks de la dépendance de l'Ajuka-Khan, à l'occident par les Circafses, enfin au midi par la mer Caspienne. Une partie de ce peuple étoit foumise au schamchall, & en dépendoit: ils furent conquis par les Russes en 1722. L'autre partie obéissoit au fultan Mamuth Axai. Ceux qui dépendoient du schamchall entrerent dans sa rebellion en 1725, & une partie fut exterminée l'année suivante par les troupes de Ruffie; l'autre fut dispersée : mais depuis que le schamchall a été arrêté, ils font revenus dans leur pays, & se sont soumis. Ils dépendent présentement du commandant de Suetoy Kreft. Ces Tartares n'ont ni maisons ni villages : ils habitent l'été & l'hiver, qui n'est pas rigoureux, dans leur pays, sous des tentes qu'ils transportent dans les lieux de leur plaine, où se trouve le meilleur pâturage. Ils vivent uniquement du provenu de leurs bestiaux, qui consistent principalement en chameaux, chevaux & bêtes à cornes. Ils n'ont point d'autre trafic que celui des chevaux & des chameaux à deux bosses, qui font des dromadaires. Ils payoient au schamchall un tribut qui consistoit en quelque bétail. Présentement on leuren impose un qu'ils font obligés de porter à Suetoy-Krest. Ce sont en général de mauvais foldats. Leurs armes consistent en fleches; quelques-uns ont des sabres. * Description des peuples à l'occident de la mer Caspienne, faite sur les lieux par M. Garber, officier au service de la Ruffie. Les TARTARES TELANGOUTS habitent maintenant les environs d'un lac, que les Ruffes appellent Ofero Teleskoy, & les Callmoucks Altan-nor: ils sont sujets du contaisch, & menent à peu près la même vie que les autres Callmoucks. L'Ofero Teleskoy est situé vers les 52a de latitude au nord est du lac Sayflan, & peut avoir environ dix-huit lieues de longueur sur douze de largeur : c'est de ce lac que la grande riviere d'Obi a sa source : elle porte d'abord le nom de Bi, & ne prend celui d'Oti qu'après qu'elle a reçu les eaux de la riviere de Chatun, qui vient s'y décharger du sud eft, environ à vingt lienes de l'ofero Teleskoy. Le cours de la riviere d'Irtis vient se jetter du sud-tud. ouest, à 60d 40' de latitude; ensuite elle tourne tout-àfait au nord, & va se décharger vers les 65d de latitude dans la Guba Taffaukoya, par laquelle ses eaux sont portées dans la mer Glaciale, vis-à-vis de la Nova Sembla, vers les 70t de latitude, après un cours d'environ cinq cents lieues. Cette grande riviere est extrémement abondante en toutes fortes d'excellens poissons; ses eaux font fort blanches & légeres, & les bords sont fort élevés, & par-tout couverts de grandes forêts; mais ils ne font cultivés qu'en fort pen d'endroits vers Tomskoy. On trouve fur les rives de l'obi de fort belles pierres fines, & entr'autres des pierres transparentes rouges & blanches, en tout semblables aux agates, dont les Ruffes font beaucoup de cas. Il n'y a point d'autres villes sur les bords de cette riviere que celles que les Russes y ont bâties depuis qu'ils font en possession de la Sibérie. Le grand nombre de rivieres qui viennent de côté & d'autres tomber dans cette riviere, la grossiffent, en forte qu'en passant devant la ville de Narym, à plus de quinze lienes de son embouchure, elle a déja une demi-lieue de largeur. La Guba Tafsaukoya, par laquelle la riviere d'Obi se décharge dans la mer Glaciale, est un grand golfe de cette mer dont nous avons eu peu ou point de connoissance jusqu'ici. Il s'étend depuis les 65d jusqu'au détroit de Naslau, & n'a pas moins de soixantedix lieues d'Allemagne en sa plus grande largeur. Comme, Outre l'obi, Nadim, Purr & Tafs, & un grand nombre d'autres moindres, y viennent y tomber, il n'est pas étonnant que les eaux de ce golfe foient douces jusques bien près du Weygatz. Son fond est par-tout argilleux & affez uni: & comme le froid y est trop grand pour que la glace de la Guba se puisse fondre tout à-fait dans l'été, on la trouve toujours couverte de glaçons qui flottent de côté & d'autre fur ce golfe; & c'est la raison pourquoi les strousses ou bateaux des Russes n'osent se risquer trop avant sur la Guba. Lorsque le printems est assez beau pour que les glaçons qui descendent de l'Obi & de la Jéniséa, puissent se fondre avant d'arriver aux embouchures de ces rivieres, les eaux font balles pendant toute l'année dans l'Obi, la Jéniféa, l'Irtis, & dans toutes les autres rivieres qui ont communication avec celle-ci; mais lorsque le printems est froid & humide, en forte que les glaçons bouchent les embouchures de ces rivieres, alors elles débordent de tous côtés, & en font faire de même à toutes les autres rivieres qui ont communication avec elles. * Hift. générale de Tatars, p. 114 & fuiv. Les TARTARES TUNGUSES. De Krasnajar, en descendant la Jéniséa jusqu'à Jéniseskoi, le pays est habité par les Tartares Tungules, & par les Tartares Burattes. Čes derniers demeuroient autrefois aux environs de Sélinginskoi; mais lorsqu'ils commencerent à se joindre aux Moungales, à l'instigation des Chinois, on les a transférés aux environs du lac de Baikal, dans les montagnes, & ils payent leur tribut aux czars en pelleteries. A l'égard des Tungufes, ils font belliqueux, & peuvent mettre quatre mille hommes sur pied, bien montés & armés d'arcs & de fleches; ainsi les Moungales n'oferoient faire des courses dans leurs quartiers, si ce n'est à la dérobée, pour enlever des chevaux & du bétail. Ils s'habillent en hiver de peaux de moutons, & portent des bottines à la chinoise. Leurs bonnets ont une bordure d'une fourrure large, qu'ils hausfent & baissent suivant le tems qu'il fait, & ils ont une ceinture garnie de fer, large de quatre doigts, avec une fleche qui leur fert de flute. Ils vont tête nue & rafés en été, n'ayant qu'une treffe par derriere à la chinoise: ils portent un habit de toile bleue de la Chine, piquée de coton, & ils font fans chemise. Ils ont naturellement peu de barbe, leur visage est assez large, & ils ressemblent aux Callmoucks. Lorsque leurs provisions commencent à diminuer, ils vont par hordes à la chasse du cerf & des rennes, qu'ils enferment dans un cercle, & ils en tirent un grand nombre qu'ils partagent entr'eux : car il arrive rarement qu'ils manquent leur coup. Les femmes font à peu près vêtues commes les hommes: la seule différence qu'on y trouve, c'est qu'elles ont deux tresses de cheveux qui leur pendent des deux côtés de la tête, & leur tombent sur le sein. La pluralité des femmes est permise aux Tun guses, & ils les achetent sans se mettre en peine si elles ont été pollédées par d'autres. Ils croyent qu'il y a un Dieu au ciel, auquel ils ne rendent cependant aucun culte, & ils ne lui adressent point de prieres. Quand ils veulent confulter leur faitan ou magicien, pour savoir s'ils auront du succès à la chasse ou dans leuts courses, ils le vont trouver pendant la nuit en battant la caisse. Lorsqu'ils veulent se divertir, ils font de l'arak de lait de vache, qu'ils laissent aigrir, & qu'ils distillent à deux ou trois reprises entre deux pots de terre bien bouchés, avec un petit tuyau de bois: ils font ainsi une bonne eau de-vie, dont ils boivent jusqu'à perdre tout sentiment. Les femmes ne sont pas plus réservées que les hommes fur cet article. Parmi les Tungufes tout monte à cheval, hommes, femmes, garçons & filles; & tous se servent d'arcs & de fléches. Au lieu de pain ils mangent des oignons de lis jaunes sechés: ils en font une forte de bouillie, après les avoir réduits en farine; mais ils n'ont aucune connoissance du labourage ni de l'agriculture. Chez eux, comme ailleurs, on estime ceux qui ont de grandes richesses : ils les acquierent par le commerce qu'ils font avec les Targasi & les Xixi, qui sont sous la domination des Chinois. Ce trafic consiste principalement en pelleteries, qu'ils négocient contre de la toile & du tabac. Les Tunguses prétendent être descendus des Targasi ou des Aorsi, avec lesquels ils font des alliances, & vivent en bonne intelligence. * Le Brun, Voyage, t., p. 434 & fuiv. Les TARTARES TUNGUSES DE NISOVIER habitent en partie sur les bords de la riviere Tunguska. Ils ont les cheveux noirs & longs, noués par derriere, & ils leur tombent sur le dos comme une queue de cheval. Leur visage est assez large, sans avoir le nez plat, & ils ont les yeux petits comme les Callmoucks. Ils vont nuds en été, tant hommes que femmes, à la réserve d'une ceinture de cuir qui couvre leur nudité. Les femmes ont leurs cheveux tressés avec du corail, auquel elles attachent des petites figures de fer. Les hommes & les femmes portent au bras gauche un certain pot rempli de bois fumant, qui empêche les mouches de les piquer. Ces infectes se trouvent en si grande quantité sur la riviere de Tunguska, qu'on est obligé, pour s'en garantir, de se couvrir le visage & les mains. Ces Tartares y sont si accoutumés, qu'ils ne les sentent qu'à peine. Ils aiment la beauté, dont ils ont cependant une idée fort finguliere, puisque, pour y contribuer, ils se font coudre & piquer le front, les joues & le menton avec du fil trempé dans une graille noire, qu'ils retirent enfuite des cicatrices, dont les marques leur demeurent, & font estimées parmi eux comme un grand ornement; aussi n'en voit-on guères qui n'en ayent de pareilles. L'hiver ils s'habillent de peaux de rennes fans aprêt, dont le devant est orné de peau de cheval, & le bas de peau de chien, fans se servir de toile, ni de laine, & ils font une espèce de ruban, & du fil de peau de poisson. Ils se couvrent aussi la tête de peaux de rennes, sans en ôter les cornes, furtout lorsqu'ils vont à la chasse de ces animaux, dont ils approchent, par ce moyen, en se glissant sur l'herbe. Lorsqu'ils font à portée, ils ne manquent guères de les percer de leurs fléches. Quand ils veulent se divertir ils se mettent en rond, & l'un d'entre eux se tient au milieu du cercle, un bâton à la main, dont ils tâchent de donner sur les jambes de ses compagnons en tournant; mais ils l'évitent avec tant d'adresse, qu'il arrive rarement qu'ils en soient atteints; & s'il en touche un, on plonge dans la riviere celui qui a reçu le coup. Ils posent les corps de ceux qui meurent parmi eux tout nuds sur un arbre, & les y laissent pourrir; ensuite de quoi ils mettent les os en terre. Ils n'ont point d'autres prêtres que leur schaman ou magicien; mais ils ont tous des idoles de bois dans leurs cabanes d'une demi-aine de long & de forme humaine, auxquelles ils présentent à manger ce qu'ils ont de meilleur, comme les Oftiaques, & avec aussi peu de propreté. Ces cabanes qui font faites d'écorce de bouleau, sont ornées en-dehors de queues & de crinieres de chevaux, de leurs arcs & de leurs fleches, & il y en a peu qui ne foient entourées de jeunes chiens pendus. Ils se nourrissent de poisson en été, & ont des barques d'écorces d'arbres cousues ensemble, qui ne laissent pas de contenir sept à huit personnes, & qui sont longues, étroites & fans bancs. Ils s'y tiennent à genoux, & se fervent de rames larges par les deux bouts, qu'ils tiennent par le milieu. Ils les manient avec beaucoup d'adresse & d'agilité, mouillant tous en même tems sur les grandes rivieres comme sur les petites. Ils pêchent en été & chassent tout l'hiver. Durant cette derniere saison, ils se nourriflent de cerfs, de rennes & de choses pareilles. Les TARTARES USBECKS DE LA GRANDE BOUCHARIE. Voyez BUCHARIE. Les TARTARES USBECKS DE CHARASS'M. Leur pays est habité présentement par les Sartes, qui font les anciens habitans de ce pays; les Turkmanns, qui vinrent s'y établir long-tems avant les Tartares, après s'être séparés des Kanklis, parmi lesquels ils habitoient auparavant dans le pays de Turkestan; & par les Ufbecks qui font les Tartares, qui y vinrent avec Schabacht, sultan, & les autres descendans de Scheybani-Khan, fils de Zuzi-Khan. Les Sartes & les Turkmanns s'entretiennent de leur bétail & de l'agriculture, mais les Ufbecks vivent, pour la plûparc de rapine; & comme ils font un même penple avec les Usbecks de la grande Boucharie, ils ont aussi le même extérieur, le même culte, les mêmes inclinations & les mêmes coutumes, excepté qu'ils font beaucoup moins polis & plus inquiets. Ils habitent en hiver dans les villes & villages qui font vers le milieu du pays de Charass'm, & en été ils viennent camper pour la plus grande partie aux environs de la riviere d'Amû, & dans les autres endroits où ils peuvent trouver de bons pâturages pour leur bétail, en attendant quelque occasion favorable pour brigander. Les Ufbecks du pays de Charass'm font incessamment des courses sur les terres voisines des Perfans, tout comme les Ufbecks de la grande Boucharie, & il n'y a ni paix ni treve qui les en puisse empêcher, puisque les esclaves & autres effers de prix qu'ils en emportent en ces occafions, font toute leur richesse. Lorsque les forces de cet état ne sont pas partagées, il peut facilement armer quarante à cinquante mille hommes d'assez bonne cavalerie. * Hift. des Tatars, p. 515. TARTARES-ZAPOROGES. Voyez TARTARIE. TARTARI, nom qu'Hermolaüs & Paul Emile donnent aux peuples du Chersonnese Taurique, que Pline appelle Tractari. Leunclavius prétend, qu'au lieu de Tartari, il faut lire Tatari, & que ce nom est formé de celui d'une riviere nommée Tatarus. Voyez TRACTARI. * Ortélius, Thefaur. TARTARIE, (la grande) comprend tous ces vastes pays qui font renfermés entre le fleuve Etel ou Volga, & la mer Oriental. Au midi elle est bornée par la Chine, par le Tibet & par le fleuve Gihon; au nord elle confine dans toute fon étendue à la Sibérie. Les anciens l'appelloient Scythie, lui donnoient à peu près les mêmes limites, excepté du côté du nord, parce que la Sibérie leur étoit totalement inconnue. Les montagnes qui environnent ce vaste pays de tous côtés, semblent annoncer que la nature a voulu l'appuyer. Au nord des fources du Gange, on trouve une chaîne, qui courant du nord à l'ouest, va jusqu'à Kaschgar, continue fon cours à l'ouest, prend ensuite au nord-ouest, en ferpentant le long du fleuve Sirr ou Jaxartes, jusques vers Tharaz. Du côté de l'orient elle va gagner les frontieres de la Chine, suit la grande muraille, remonte au nordest vers Leao-tong, & se termine sur le bord de la mer Orientale. Dans toute cette étendue, elie porte chez les Tartares le nom Koutchouq-tag & d'Uskunglug-tugra. Plus au nord, à l'ouest de la riviere d'Irtisch, au nord du lac Saillan, on trouve une autre chaîne de montagnes qui court vers l'est, cotoyant la riviere de Selinga jusqu'au lac Paikal; delà elle va gagner la rive septentrionale du Heuve Amour, vers Nerzinskoi, & fuit ce grand fleuve jusqu'à la mer Orientale: elle porte le nom d'Oulong tag ou de Tougra-toubous long: mais ce n'est qu'une continuation de celle qui est plus au midi, appellée Toutchong-tag. Elles sont jointes ensemble par un rameau, qui part de la derniere, à l'ouest des fources de la Jéniféa, court du fud au nord, en cotoyant la rive occidentale de cette grande riviere, jusqu'au 52d de latitude, qu'elle trouve l'Oulongtag, ou grande montagne. Cette chaîne de montagnes est ce qu'on appelloit anciennement Kutt, & maintenant Altai. Ces deux grandes chaînes de montagnes se joignent encore vers le nord de la mer Caspienne, & après s'être abbaillées considérablement, elles se relevent & vont ga gner la ville de Samara, où elles portent le nom d'Aralltag, ou montagnes des Aigles, & courant alors directeHhhhhiij |