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» n'étoit pas feulement en mer; mais que par mer il alloit
» à Tharfis, & c'est une conféquence très jufte, que de
» dire que ces vaiffeaux de Tharfis, dont il eft parlé dans
» les Rois & dans les Paralipoménes, étoient des vaiffeaux
» qui devoient aller à Tharfis. * Apud Eufeb. in chronic.
Le fentiment que réfute ainfi M. Huet, eft pourtant ce-
lui des Septante, qui rendent dans le paffage d'Ifaïe Thar-
fis
par la mer, & de Grotius qui croit que toute la mer a
été ainfi nommée. Voyez ci-après le fentiment de D. Cal-
met & celui du P. Bonfrerius.

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De ceux qui ont cherché THARSIS dans l'ARABIE.

Le Grand, dans une differtation qu'il a jointe au voyage du P. Jérôme Lobo, Differt. 6, p. 263, & où il traite de la mer Rouge & des navigations de Salomon, dit : « On » n'est pas moins en peine pour déterminer où étoit Tharfis » qu'où étoit Ophir. La plus commune opinion eft que Tharfis, proprement dite, eft la Bétique, c'est-à-dire, » l'Andaloufie & les royaumes de Grenade & de Murcie, » en Espagne, & que l'on peut entendre par Tharfis l'Afri» que, & peut être la mer en général ou toutes les côtes. Quelques-uns en plus petit nombre veulent que Tharfis » foit dans les Indes, & même vers la Chine, & chacun » s'efforce d'appuyer fon opinion d'un grand nombre d'au» torités; mais comme nous avons peu d'écrivains du tems » de Salomon qui ayent écrit, ou de fes navigations, ou » de la géographie ; il me femble qu'on ne peut guères ap» porter que des raifons de vraisemblance, & que les té» moignages de Strabon, de Jofeph, de Pline, & de tant » d'autres écrivains qui ont écrit fur ces matieres, peuvent plus fervir à faire connoître l'érudition de ceux qui les » citent, qu'à découvrir la vérité. »

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Avant que de paffer outre, je crois qu'il doit m'être per mis de faire ici une réflexion fur la prétendue inutilité des pallages de Strabon, de Joseph, de Pline, &c. Il n'eft pas vrai que ces auteurs ne puiffent pas être allégués pour examiner où eft un pays dont parle l'écriture fainte; ils n'ont point parlé de Tharfis à la vérité, la raison en eft aisée; Strabon n'avoit vraisemblablement point lu l'écriture fainte, le feul livre où Tharfis foit nommée. Jofeph qui l'avoit lue ne l'avoit pas peut-être aflez exactement comprise; peut-être qu'il a fuivi la tradition de fon tems, qui expliquoit Tharlis par la mer de Tharfe : l'idée des navigations de Salomon s'étoit obscurcie avec le tems; on favoit bien qu'elles s'étoient faites, mais on ne favoit que confufément le terme où alloient les flottes. D'ailleurs, Jofeph auteur peu exact & d'un jugement très-borné, pour ne rien dire de pis, confond perpétuellement les marchandifes d'Ophir & de Thatfis. Il ne peut donc guères fervir feul à éclaircir une difficulté qu'on voit bien qu'il n'a pas fentie; mais Strabon, Pline & les autres géographes en général, peuvent être allégués lorsqu'il s'agit de déterminer un lieu; car outre qu'ils nous apprennent le plus ou le moins de posfibilité qu'il y avoit dans la navigation vers tel ou tel endroit, ils marquent aflez jufte les principales productions de chaque pays; l'argent eft de ce nombre. On rapportoit quantité d'argent de Tharfis. Il faut donc trouver un pays où il y ait eu, ou des mines, ou un commerce abondant, qui y rendoit l'argent très-commun: alors le témoignage des géographes & des autres écrivains anciens qui affurent qu'un pays abondoit de ce métal, joint à la dispofition des lieux, par rapport aux mers, fert à éclaircir la difficulté, en faisant voir la convenance d'une conjecture, ou les inconvéniens d'une autre, à laquelle ces témoi gnages font oppofés; mais fuivons ce que dit l'auteur cité. «Strabon, Pline, Héliodore ne font ni contemporains, ni » témoins oculaires; je crois qu'il faut s'en tenir à l'écriture » fainte, & l'expliquer par elle-même. Cela fuppofé, qu'on confére le pfeaume de David avec ce que nous li» fons dans le troifieme livre des Rois, c. 9, v. 26 & 28, » (cette derniere fituation n'eft bonne qu'à tout confondre; car dans le pallage qu'elle indique, il n'est parlé que d'Ophir & non de Thatfis,) chap. 10, v. 11, & 22.(Le verfer 11 eft encore cité ici mal-à-propos par la même raifon) «dans les paralipomènes, . 2, c. 9, v. 21, C. 20, "V. 36. On trouvera que Tharfis étoit en Arabie. David dit » que les Ethiopiens fe profterneront devant le Seigneur : » que fes ennemis lécheront même la terre: que les rois de -»› Tharfis & les isles feront voir leurs offrandes; que les

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» rois d'Arabie & de Saba apporteront leurs préfens. On » ne peut disconvenir que ce pleaume ne foit une prophétie de la naitfance de Jefus-Chrift, & de la ma» niere dont fa divinité a été reconnue par les Mages; or, ces Mages n'étoient pas d'un pays fort éloigné lès » uns des autres. La myrrhe, l'encens qu'ils ont offert, » marquent affez qu'ils étoient de l'Arabie. David le dit » lui-même.

Arrêtons-nous un moment. David parle des rois d'Arabie & de Saba. On fait que Saba étoit dans l'Arabie heureufe, donc Tharfis y étoit aufli il faudra donc y mettre Tharfis, & les Ifles, nom que l'écriture emploie fouvent pour fignifier l'Archipel, la Gréce & l'Europe, que les anciensHébreux ne connoiffent que fous ce nom-là. Les Mages font figurés par quelques-uns des rois dont il eft parlé dans ce pfeaume, à la bonne heure; mais ce pleaume eft-il borné à l'adoration des Mages? Il eft confacré à prédire les grant deurs de Jefus-Chrift adoré de toutes les nations. Il n'y a qu'à lire depuis le huitième verfet jusqu'à l'onziéme inclufivement. Il y a dans la vulgate, & il dominera d'une mer à l'autre, & depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la terre ; les Ethiopiens (l'hébreu dit : Les habitans du défert) fe profterneront devant lui, & ses ennemis baiseront la terre en fa préfence; les rois de Tharfis & les ifles lui offriront des préfens, les rois d'Arabie & de Saba lui apporteront des dons. TOUS LES ROIS DE LA TERRE L'ADORERONT, TOUTES LES NATIONS LUI SERONT ASSUJETTIES. Faut-il borner à l'adoz ration des Mages le fens de tous ces verfets Point du tout. En lifant tout le verfet l'on voit que le prophète à voulu défigner des peuples diverfement fitués, afin d'exprimer l'étendue du regne du meffie, figuré dans ce faint cantique. Ainfi ce qu'on allégue en preuve, en peut fervit pour la réfutation de ce fentiment. David ne dit pas ce que l'on fuppofe qu'il a dit; favoir, que Tharfis, Saba & l'Arabie étoient des pays voifins. Il fait entendre précisement le

contraire. Suivons l'auteur.

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» Les flottes de Salomon qu'on armoit à Afiongaber, al* »loient à Ophir & à Tharfis ; ou par détachement ou en » femble. Celles de Jofaphat qui périrent dans ce port, de» voient faire la même route & le même commerce. Rex "verò Jofaphat fecerat claffes in mari qua navigarent in » Ophir propter aurum & ire non poterant, quia confracte » funt in Afiongaber, Reg. l. 3, c. 22, v. 29,& particeps » fuit ut facerent naves qua rent in Tharfis feceruntque » claffem in Afiongaber, Paralip. 1. 2, c. 20, v. 36. Il fem»ble que l'écriture confonde ici Tharfis & Ophir, parce » que c'étoient les mêmes navires qui alloient à l'un & à » l'autre : foit qu'ils fe fuflent féparés à la fortie de la mer Rouge, foit que la divifion fe fît ou à Sophala ou ailleurs, » ils revenoient toujours de compagnie; enforte qu'on ap» pelloit cette flotte ou la flotte d'Ophir ou la flotte de Tharfis, comme on voit qu'on marque indifféremment >> ces deux lieux dans l'écriture fainte, en parlant de la de» ftination de ces navires. ››

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Les flottes de Salomon deftinées pour Ophir, & celles qui étoient deftinées pour Tharfis, n'alloient ni ensemble ni par détachement; l'écriture ne le dit en aucun endroit. Elle dit que la flotte d'Ophir alloit à Ophir, & nomme les biens qu'elle en rapportoit. Celle de Tharfis n'alloit qu'à Tharfis, & l'écriture (pécifie de même de quelles fortes de richeffés elle revenoit chargée. La flotte de Jofaphat qui périt au port d'Afiongaber, étoit deftinée pour Ophir, le paffage cité du troifiéme livre des Rois le dit, & ne dit pas qu'elle fut deftinée pour Tharfis. Le paffage des Paralipoménes parle de deux flottes, l'une pour Tharfis, & l'autre à Afiongaper pour Ophir, & cette feconde flotte Dieu la détruifit auffi, comme il eft dit au livre des Rois, où fa destruction eft marquée. L'écriture ne confond donc point Ophir avec Tharfis, le premier paffage ne convient qu'à Ophir, le fecond diftingue les deux flottes & les deux voya ges. Elles ne fe féparoient ni à la fortie de la mer Rouge, ni à Sophala, ni ailleurs, puisqu'elles étoient dans des mers différentes & bien éloignées l'une de l'autre. On ne trouve nulle part dans l'écriture fainte, que la même flotte ait été appellée indifféremment flotte d'Ophir & flotte de Tharfis. L'une n'étoit point l'autre, elles n'avoient rien de commun entre elles. Leur route étoit différente. C'eft ce que je ferai voir dans la fuite de cet article d'une maniere fi fimple & fi nette, que l'on s'étonnera fans doute que tant de savans ayent bronché en un chemin fi uni & fi aifé: mais ne quitTome V. sffff

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tons pas encore le Grand, qui femble avoir raffenblé tous les préjugés qui ont égaré les écrivains antérieurs. «< Lorsqu'Holoferne, dit-il, marcha pour affiéger Béthulie, il »trouva, après avoir traverfé la Cilicie, que les montagnes » étoient occupées par les Juifs. Il fit un grand tour; facca» gea la riche ville de Mélothi; ravagea les terres de Thar>> fis & des Ismaëlites, & en enleva les habitans. Tharfis eft » donc dans l'Arabie, & je crois que ce pays & celui de » Saba en faifoient partie, & que quand David dit : Les Ethiopiens fe profterneront devant lui, les rois de Tharfis, » ceux de Saba, les ifles lui feront des préfens, il parle parti» culierement de l'Arabie, connue autrefois fous le nom » d'Ethiopie, laquelle s'étend le long de la mer Rouge, » jusqu'au golfe d'Ormus, & que c'eft là que les flottes » de Salomon alloient chercher les pierreries & tout ce » qu'Ophir & la côte de Sophala ne pouvoient leur four

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» nir. ››

Je ne fais pourquoi le Grand trouve une fi grande facilité à expliquer Tharfis en faveur de l'Arabie. Il me paroît que fa conféquence ne vient pas affez naturellement après ce qu'il a fait. Holoferne vient de ravager la Cilicie, il a pris quantité de villes, entre autres Melothi, fi cette ville n'eft pas Mallos de Cilicie, on le perd de vue, & on ne fait plus où il va; mais fi c'est la même, le voilà encore en Cilicie, & le faut en eft un peu rude de le transporter delà tout-à-coup avec une armée auffi nombreuse que la fienne, au midi de la Palestine, dans l'Arabie heureuse. J'ai déja répondu à l'abus fait du paffage de David; il eft inutile de le répéter ici.

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Il ne laifle pas de fe propofer des objections auxquelles il tâche de répondre. La premiere regarde Huet, dont nous rapporterons enfuite le fentiment. Ce favant prélat a pris la côte occidentale d'Afrique pour Tharfis en partie, & fuppofe qu'on faifoit le tour de l'Afrique dont il prouve la poffibilité par l'autorité des anciens. « Il n'y a nulle appa»rence, dit le Grand, que dans un tems où la navigation » étoit fort ignorée, des vaiffeaux fortis d'Afiongaber fe » foient éloignés des côtes, qu'ils ayent doublé le cap de » Bonne Espérance, paffé & repaffé la ligne, rangé des pays » incultes & barbares pour aller chercher ce qu'on trouvoit » allez près d'Afiongaber. » J'avoue avec le Grand que, quoique le tour de l'Afrique ne fût pas impoffible, il répugne que les vaiffeaux deftinés pour Tharfis l'ayent jamais fait, non pas pour les raifons qu'il allégue, mais parce qu'il étoit inutile, & que les dangers qu'il eut fallu efluyer pour le faire, euflent été à pure perte.

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La feconde objection eft celle-ci, il falloit trois ans pour ce voyage. Il y répond ainfi : » Le tems de trois ans qu'on employoit pour des voyages fi courts, ne paroîtra pas trop long, fi l'on fait réflexion qu'ils alloient le long des terres, » que la navigation eft difficile, qu'étant à Sophala il falloit » remonter des rivieres, abattre & façonner les bois que >> ces vailleaux apportoient. » La réponse eft auffi frivole que l'objection. Les trois ans employés à ce voyage font une ancienne erreur qui fe trouve dans Jofeph, & qui a été répétée dans une infinité de livres. L'écriture fainte dit que le voyage de Tharfis ne fe faifoit qu'une fois tous les trois ans; & non pas qu'on y employoit trois ans. Sophala ne peut répondre qu'a Ophir, où l'écriture dit que la flotte alloit tous les ans, qu'a-t-il de commun avec Tharfis, où l'on n'alloit que tous les trois ans ?

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La troifiéme objection regarde Jonas. >> Si on dit que Jo> nas voulant aller à Tharfis, s'embarqua à Joppé, aujour » d'hui Jaffa, port de la Palestine, dans la Méditerranée » pour aller à Tharfis, & qu'ainfi le vaiffeau qui le portoit, » étoit obligé de faire tout le tour de l'Afrique. Nous » REPONDRONS qu'il peut y avoir eu une autre Tharfis » mais que quand ce feroit le pays dont nous parlons, » Jonas peut fort bien s'être embarqué à Joppé, pour pas» fer à quelque lieu plus proche de la mer Rouge, » Ce n'eft pas répondre à l'objection. Selon cette interprétation, le vailleau fur lequel Jonas s'embarqua, ne feroit pas parti pour Tharfis, mais pour un port différent de Tharfis; or l'écriture dit formellement que ce vaiffeau faifoit voile pour Tharfis. Et furrexit Jonas ut fugeres in Tharfis à facie Domini, & descendit in Joppen, & invenit navem euntem in Tharfis : & dedit naulum ejus, & descendit in eam ut iret cum eis in Tharfis à facie Domini. Si Thathis étoit un de ces rivages où l'on alloit par la mer Rouge, il n'y auroit pas eu à Joppé des vaisseaux pour ce pays-là,

puisque de Joppé les vaiffeaux n'avoient aucun autre paslage pour aller dans les mers méridionales, qu'en faifant le tour de l'Afrique; circuit inconcevable par fon inutilité, quand on fonge qu'il n'y avoit qu'à s'embarquer à Afiongaber, pour s'épargner un détour fi long, fi dangereux & i peu connu en ce tems là.

De ceux qui ont cherché THARSIS dans les INDES.

Bochart convient que Tharfis doit être à portée de la Méditerranée, & toutes les recherches tendent à faire voir que tous les paffages s'y accordent; mais celui des Paralipoménes l'embarraffant, il en conclut qu'il falloit qu'il y eut une autre Tharfis dans la mer des Indes, & proche d'Ophir, qui eft, felon lui, la Taprobane, c'eft-à-dire, Ceilan. Et comme les conjectures ne lui manquent point au befoin, il ajoute que c'eft peut-être le cap de Cori, à la pointe de la presqu'ifle en deçà du Gange. Elle reflemble affez, dit-il, à la pointe de Calpé, voiline de Tartellus, où il avoit déja pofé fon autre Tharfis; cela, poursuit-il, peut avoir fait naître aux Phéniciens la penfée d'appeller cette pointe Tharfis, parce que ces deux lieux étoient fort éloignés de Tyr, & qu'on y alloit chercher des métaux. On a vu dans les paffages de S. Jérôme déja cités, que ce faint trouvoit dans les autres qui l'avoient précédé une opinion déja établie en faveur d'une Tharfis dans les Indes. Il est vrai qu'il femble citer Jofeph pour cette feconde, auffibien que pour la premiere; mais je ne trouve point dans Jofeph même, que cet hiftorien ait connu d'autre Tharfis que Tarfe & la Cilicie & Huet, de Navigat. Salomon. C. 3, v. 12, a manqué d'exactitude quand il a imputé à Jofeph d'avoir fait deux Tharfis, & d'avoir prétendu que l'une étoit la ville de Tharfe en Cilicie, & placé l'autre dans les Indes: furquoi il cite le livre des antiquités, l. 1, c. 7, & l. 9, c. 11. Jofeph en l'un & en l'autre endroit ne parle que de Tharfe en Cilicie, & ne dit pas le moindre mot de Tharfis dans les Indes,

Le favant le Clerc déférant trop au fameux paffage des Paralipoménes mal entendu, juge qu'on en peut conclure que Tharfis doit avoir été un pays des Indes, & rapporte le fentiment de Bochart, fans oublier fa conjecture fur le voifinage d'Ophir, & la reffemblance du cap Cori avec le promontoire de Calpé en Espagne. Il examine enfuite le fentiment de Huet, que nous rapporterons ci-après, & conclut ainfi : « J'aime donc mieux chercher dans les » Indes, avec Bochart, la Tharfis dont il eft parlé ici (fur le troifiéme livre des Rois, c. 10, v. 22) quoique nous » ne puiffions nous affurer par aucune conjecture en quel » endroit elle étoit, finon qu'elle devoit être près d'Ophir.>>

Opinion de D. Calmet.

Dom Calmet balance entre l'opinion qui prend Tharfis pour toute la mer, & celle qui met une double Tharfis, l'une dans la Méditerranée, l'autre aux Indes. « Sanctius » dit-il, croit que la mer en général eft nommée Tharfis, » & que les vaiffeaux de Tharfis font ceux qu'on employe » dans les voyages de mer, par oppofition aux nacelles & » aux barques dont on fe fert fur les rivieres, les Sep» tante traduifent quelquefois Tharfis par la mer, & » l'Ecriture donne également le nom de vaiffeaux de Thar» fis à ceux qu'on équipoit à Afiongaber, fur la mer Rou»ge, & qui alloient dans l'Océan, comme à ceux qu'on équipoit à Joppé & dans les ports de la Méditerranée. » Nous ne voyons guères, ajoute-t il, d'autre moyen que » celui-là, pour expliquer tous les paffages où il eft parlé des vaiffeauu de Tharfis.

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» Car d'un côté (c'est toujours D. Calmet qui parle) » nous voyons affez clairement que Tharfis fignifie la ville » de Tharfe & la Cilicie, & de l'autre nous remarquons qu'on équipoit des vaifleaux de Tharfis, ou pour aller à Tharfis, dans des lieux d'où l'on ne peut préfumer qu'on » voulût aller à Tharfe en Cilicie. Par exemple, l'auteur » du livre de Judith décrivant la route d'Holoferne, dit » qu'il alla en Cilicie, & qu'il pilla tous les enfans de Tharfis. Jonas fuyant devant la face du Seigneur, s'embar"qua à Joppé, pour aller en Tharfis, apparemment à Tharfe en Cilicie. Les prophétes Ifaïe & Ezéchiel met» tent parmi les vaiffeaux marchands qui venoient trafiquer à Tyn, ceux de Tharfis La Cilicis étoit tout-à-fait

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» à portée de Tyr, & il n'y a guères d'apparence qu'on y » vint trafiquer des côtes de l'Océan. Enfin le Pfalmiste » met les rois de Tharfis avec ceux des ifles: Reges Tharfis & Infula. Or les ifles marquent ordinairement celles » de la Méditerranée & les pays maritimes, où les Hé» breux avoient accoutumé d'aller par cette mer. » De tous ces paffages on peut conclure, felon D. Calmet, que le pays de Tharfis étoit fur la Méditerranée, & qu'apparemment c'eft la Cilicie.

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Après avoir raisonné ainsi, le paffage des Paralipoménes le rappelle, & lui fait tirer un double conféquence qui n'eft pas fort jufte, parce qu'elle porte à faux, comme je le ferai voir dans la fuite. « Lors donc, dit-il, qu'on voit »équiper des vaiffeaux destinés à aller à Tharfis, dans la » mer rouge & à Afiongaber, on doit conclure, ou qu'il » y a deux pays de Tharfis, l'un fur l'Océan, l'autre fur la Méditerranée, ce qui ne nous paroît nullement probable: ou » que les vaiffeaux de Tharfis en général, ne fignifient que » des vaiffeaux de long cours, de grands vaiffeaux oppo» fés aux barques & aux nacelles. »

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Cette explication, qu'il donne en dernier lieu, touchant les vaiffeaux de Tharfis, n'eft qu'une alternative qui lui a paru néceffaire pour concilier une feule Tharfis, où l'on alloit par la Méditerranée, avec le paffage des Paralipoménes. Cette conciliation eft inutile, & par conféquent l'alternative qui n'a d'autre fondement que cela, devient auffi inutile. Il n'eft pas encore tems de le démontrer.

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Sentiment du pere BONFRERIUS.

Le pere Bonfrerius, favant jéfuite, qui a éclairci quantité de difficultés de la géographie des livres facrés, avoue que la question touchant Tharfis eft très-obfcure. « Bien des »gens, dit-il, ont été fort en peine de dire où elle étoit, principalement à caufe que dans les endroits de l'écriture » où il eft parlé de Tharfis dans le texte hébreu vn, » la vulgate & les Septante retiennent quelquefois ce mot, » & quelquefois l'expriment par Carthage ou par le mot de » Mer. Jofeph l'explique de la mer de Tharfe Tharficum » mare, ou par le pays de Tharfe ; d'autres l'entendent » d'une contrée dans les Indes. Pineda, dans fon grand ou» vrage fur Salomon, prétend que c'eft Tarteflus en Espa» gne. Cette diverfité d'opinions eft une preuve de l'obscu» rité & de la difficulté. » Le pere Bonfrerius, après avoir renvoyé fon lecteur à fon commentaire fur l'écriture Genefe, chapitre 10, v. 4, & fait espérer un plus grand éclairciffement dans fon travail fur le III liv. des Rois, ajoute « Pour moi, je perfifte encore à préfent dans ce » fentiment, qu'il faut trouver une notion du mot Tharfis » qui foit commune à tous les paffages de l'écriture fainte; » de forte qu'on les y puifle tous rapporter. Et je crois que » c'eft celle-ci, que par ce nom on entende en général les » lieux où il faut aller par mer, foit que ces lieux foient des » ifles ou des pays d'outre-mer, où l'on ne pourroit arriver » par terre fans un grand détour, & fans beaucoup d'in» commodités. Il y a pourtant un lieu de l'écriture, (Ju» dith, chap. 2, verf. 13,) où il femble que les enfans de Tharfis font nommés pour les habitans de Tharfe & les >> Ciliciens».

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Il est remarquable que Tharfenfes, les habitans de Tharfe, & Mallota, les habitans de Mallos, en Cilicie, font nommés ensemble en un même paflage des Machabées, liv. 2, chap. 4, verf. 30. Contigit Tharfenfes, & Mallotas feditionem movere eo quod Antiochi regis concubina dono effent dati. On ne peut pas douter qu'il ne foit là queftion de Tharfe & de Mallos, villes voisines. Antiochus y vint d'abord, les foumit, & leur laiffa pour fon lieutenant, Andronic. Cette remarque aura fon usage fi on regarde le pasfage des Machabées comme une explication du paffage de Judith. Une chose en quoi le pere Bonfrerius s'accorde avec Huet, c'eft fa pensée sur la néceffité de trouver une feule Tharfis, à laquelle conviennent tous les paflages de l'écriture où le nom fe trouve employé. La duplicité de Tharfis leur déplaît à l'un & à l'autre, & je crois, comme eux, qu'on doit l'éviter. « Il n'y avoit point de néceffité, dit »Huet, de navigat. Salom. cap. 3, verf. 12, de s'imaginer qu'il y eût deux Tharfis, comme a fait Jofeph, qui pré»tend que l'une étoit la ville de Tharfe de Cilicie, & » place l'autre dans les Indes ». ( J'ai déja fait voir que c'est Huet qui se trompe, & que Jofeph ne dit point cela, du

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moins aux endroits cités par Huet.) « De même que » Théodoret, in Ezech. cap. 38, verf. 13 & in Jon. cap. I, » in Pfalm. 71,& Quaft. 36, in libr. Reg. qui place la pre» miere dans les Indes, & la feconde à Carthage. Saint Jé» rôme met au contraire la premiere à Carthage, la fe» conde dans les Indes. Bochart dit que l'une eft à l'occident » dans l'Espagne, qui eft celle où alloient les vaiffeux qui » partoient de Tyr, & l'autre à l'orient dans les Indes, du » côté de l'ifle de Taprobane, où les vaiffeaux d'Alionga» ber abordoient. Ce qui a fait inventer cette opinion à ces » auteurs, c'est qu'ils ne pouvoient comprendre que des » vaiffeaux partis de Joppé fur la mer Méditerranée, com» me celui de Jonas & d'autres partis d'Afiongaber fur la » mer Rouge, comme ceux de Salomon & d'Hiram, ayent pu par des routes entierement oppofées, arriver au même » pays de Tharfis. C'eft encore ce qui avoit fait fuppofer à » Bochart qu'il devoit y avoir deux Ophirs, ne pouvant au» trement fe débarraffer de l'obscurité & de la contradiction » apparente des livres faints ».

En effet, c'eft cette prétendue contradiction qui a fait imaginer une Tharfis où l'on alloit par la mer Rouge. Huet croit la concilier par le fyftême qu'il avance, & que nous rapporterons ci-après en fon licu. Il s'eft appliqué à chercher un lieu où l'on pût aller par la Méditerranée & par la mer Rouge, ce qui ne fe préfentant qu'aux côtes occidentales de l'Afrique, il fuppofe que Bochart eût changé de fentiment, s'il eût fait attention que dès le tems de Salomon, on avoit commencé à doubler le cap qui eft à l'extrémité de l'Afrique, qui a été nommé depuis, cap de BonneEspérance, & que dès-lors on ne le faifoit aucune peine de faire le tour de l'Afrique. Il emploie tout le quatrième chapitre de fon livre à prouver que ce circuit avoit été fait véritablement, en quoi il accufe jufte; mais cette érudition devint inutile pour expliquer la Tharfis de l'écriture. Pour la trouver, il ne falloit pas faire une navigation fi longue & fi dangereufe. La Tharfis des livres faints demande un lieu où l'on alloit habituellement ; & quelques exemples finguliers ne fuffifent pas pour prouver que le tour de l'Afrique fût une chofe ordinaire. Outre cela, cette navigation vio◄ lente n'eft néceffaire que pour fauver le respect dû au pasfage des Paralipoménes, & dès qu'on fait voir qu'il n'a pas befoin de cette explication, cette navigation est toute à pure perte.

Auteurs qui ont cherché Tharfis dans la Méditerranée.

Tous les paffages où il eft parlé de Tharfis, à l'exception de deux, s'accordent très-bien à chercher ce pays-là dans la Méditerranée. Le troifiéme livre des Rois, le fecond des Paralipoménes, chap. 9, les pleaumes, Ifaïe, Ezechiel, Jonas, s'accommoderoient affez d'une Tharfis, ou fituée fur cette mer, ou placée quelque part ; de forte qu'en partant de Tyr, de Joppé, ou de quelque autre port de la même côte, on pouvoit arriver à Tharfis, à proportion de l'état où pouvoit être alors la navigation. Le troifiéme livre des Rois dit que la flotte d'Ophir s'équipoit à Afiongaber; mais il ne le dit pas de la flotte de Tharfis. Jonas s'embarque à Joppé, aujourd'hui Jaffa, port de la Terre-Sainte, fur la Méditerranée, & il fe met fur un vaiffeau dont la deftination eft pour Tharfis. Cela eft clair, donc Tharfis eft fur la Méditerranée, ou s'il eft hors de cette mer, il la faut traverfer & en fortir pour arriver à Tharfis. Si la Tharfis où alloit le vaiffeau qui portoit Jonas avoit été dans les Indes, feroitil parti de Joppé? Quel détour, long, périlleux & inutile n'auroit-il point fait pour aller de là aux Indes. La mer Méditerranée renfermoit donc Tharfis, ou du moins en étoit le chemin ; mais fi Tharfis étoit dans la mer Méditerranée, en quellieu de cette mer faut-il chercher ce pays? Eft-ce en Afrique? en Europe ou en Afie? Les fentimens font partagés. Je vais rapporter les principaux.

Le paraphrafte chaldaïque croit que Tharfis eft l'Afrique, au troifiéme livre des Rois, chap. 10, verf. 22,& au 23 chapitre d'Ifaïe, où nous avons vu que les interprétes mettent Carthage pour Tharfis, ce qu'ils font encore fur le 27 chapitre d'Ezechiel, j'entends les Septante; car en ce dernier endroit le paraphrafte cité rend Tharfis par la mer, quoique fur Ifaïe il eut adopté le mot de Carthage. SaintAthanafe, Quaft. ad Antioch. faint Cyrille, lib. 5, in Ifai. &in Jon. 1. Théodoret, in Pfalm. 71, in Ezech. 38, in Jon. 1, ont parlé de même.

Tome V.

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Quelques-uns ont conjecturé que ce pouvoit être Tunis en Afrique. Le géographe de Nubie, II part. Climat. 3 › pag. 87, dit que Tunis eft une très-ancienne ville; que fon nom dans les annales eft Tharfis ; mais qu'après que les Mahométans l'eurent prife & ornée de nouveaux édifices, ils l'ap pellerent Tunes. Le bon Arabe El Edrift n'avoit lu ni PoTybe, ni Tite-Live, ni Strabon, ni Diodore de Sicile, &c. qui ont tous vécu avant Mahomet, & n'ont connu cette ville que fous le nom de Tunes. A l'égard de fa conjecture il l'avoit prife des Rabins. Leusden a fait imprimer la prophétie de Jonas avec la paraphrafe chaldaique, la Mazore grande & petite, & les notes de Jarehi, d'Aben Ezra & de Kimchi. On y lit, p. 39, cette remarque d'Aben Ezra : Dixit Haggaon, Tatlila effe Tarfum; fed rabbi Mebascher dicit quod fit urbs THUNES in Africa. Le géographe arabe qui avoit lu plus de rabins que d'auteurs grecs, a pu facilement adopter l'opinion des uus, & ignorer ce que les autres avoient écrit.

Dom Calmet dit, dans fon dictionnaire de la bible, que le Clerc entend par Tharfis THASSus, ifle & ville dans la mer Egée. Il fe peut faire que ce favant homme ait placé cette penfée quelque part dans fes ouvrages, qui font en grand nombre, mais au moins ce n'eft pas dans le lieu où il auroit pu la faire valoir, s'il eût véritablement été de ce fentiment, c'est-à-dire, dans fon commentaire, fur le livre des Rois ou fur les Paralipoménes. Il n'en dit pas le moindre mot, & femble adopter l'opinion de Bochart que nous rapporterons en fon lieu; ce qui foit dit ici en paffant. A dire vrai, il y auroit eu de la folie à mettre Tharfis à l'ifle de Thaffus ; d'où feroient venus dans cette ifle de l'Archipel l'argent & les autres richeffes que l'on rapportoit de Tharfis en abondance ? Cette idée ne mérite pas une plus ample explication.

Jofeph, Antiq. lib. 8, c. 2, & le paraphrafte arabe prétendent que par Tharfis il faut entendre la ville de Tharfe en Cilicie. Le premier fur-tout, parlant de Salomon, dit qu'il avoit un grand nombre de vaiffeaux fur la mer de Tharfe. Εν τῇ Ταροικῇ λεγομένη θαλάττη, dans la mer furnommée Tharfienne. Racontant l'hiftoire de Jonas, il fubftitue fans détour, Tharfe à Tharfis ; & de peur qu'on ne s'y méprenne, il a foin de dire que c'eft à Tharfe de Cilicie, Es Tapoor in TAS Buxias, que Jonas vouloit aller. A n'envifager que le livre de Jonas, Tharfe y convient affez. Cette même ville convient encore au Conteres reges Tharfis des pleaumes, & à l'autre paffage Reges Tharfis & Infula du pleaume 71. Ezechiel fait venir les vaiffeaux de Tharfis à Tyr, rien de plus naturel que de l'entendre des vaiffeaux de Tharfe dans la Cilicie. Le pillage des enfans de Tharfis rapporté dans le livre de Judith, s'entend commodément du pays qui dépendoit de Tharfe en Cilicie. Holopherne pille tous les enfans de Tharfis. Jofeph, l. 1, c. 6, de la traduction d'Arnauld d'Andilli, explique Tharfis par Tharfe. Selon lui, «Tharfis fils de Javan, qui étoit l'un des fils de Ja"phet, fils de Noé, & qu'il appelle Tharfus, donna son » nom aux Tharfiens qui font maintenant les Ciliciens » dont la principale ville fe nomme encore aujourd'hui Tharfe ». Huet, que ce fentiment, n'accommodoit pas, le réfute ainfi par des raifons dont il n'a pas apperçu le fondement ruineux : « Pour aller à Tharfis, il fallut conftruire » une flotte à grands frais fur la mer Rouge, & avec beau» coup de peine, & entreprendre un voyage de long cours. » Il eft vrai, continue-t-il, qu'en partant de Joppé & de Tyr, on auroit abrégé beaucoup le chemin pour aller à » Tharfis ; que c'étoit la route que tenoit le navire fur lequel Jonas étoit monté, & que les Phéniciens la pre>> noient ordinairement ; mais des vaiffeaux qui devoient » s'arrêter à Ophir en allant à Tharfis, étoient obligés de prendre une autre route ». Avant que de réfuter ce qu'il y a de faux, examinons un peu le fyftême de Huet.

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Sentiment de Huet.

Ce favant prélat prétend dans fon traité des navigations de Salomon, cap. 3, que « le nom de Tharfis a été donné » à la partie occidentale de l'Afrique & de l'Espagne; de » forte néanmoins, qu'il convient de nommer proprement » Tharfis Gadis, & les lieux du voifinage de Gibraltar & » du fleuve Bætis, & de l'entendre de façon, que quelque. » fois on donne ce nom à une fignification d'une plus "grande ou moindre étendue ».

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Strabon dit que les Phéniciens avoient coutume d'aller » dans ces pays-là, & qu'ils y avoient bâri des villes. Il » femble aufli vouloir defigner Tharfis, lorsqu'il dit que la » ville de Tyr devint fameufe par le commerce qu'elle fai» foit en Afrique, en Espagne, & même au-delà des co» lonnes d'Hercule; & lorsque Jofeph fait mention des es» claves amenés d'Ethiopie, & que Jonathan interpréte Chaldéen, avec le rabin David Kimchi, rend Tharfis » par Afrique, je crois qu'on peut autant l'entendre de » cette partie de l'Afrique, qui eft fur l'Océan, que de » celle qui donne fur la Méditerranée. On doit encore en» tendre dans ce fens, ce que Anaftafe Sinaite, (in Hexa» hemer. lib. 10,) dit, quand il rend Tharfis par Hespérie » occidentale, auffi-bien que les vers d'un ancien počte dans l'épigramme de Lefbie, qui fe trouve parmi les épigram» mes qu'a ramaffées Pithou (1.3;) car, quoique cela puifle fe dire en même tems de l'Espagne, rien n'empêche qu'on ne le puiffe auffi appliquer à l'Afrique occidentale, où fe trouvent les Hesperiens de la Libye, près » du mont Adas, & le promontoire d'Hesperie, les Hespé» riens d'Ethiopie, la mer Hespérienne, fous laquelle on comprend tout ce grand Océan, qui environne l'Afrique » occidentale & l'ifle d'Hespérie, fituée fur le lac Triton, » voifine de l'Océan, de laquelle Diodore fait mention. » Le même Strabon affure que les Tyriens alloient fouvent » dans ces contrées & qu'ils avoient bâti trois cents villes » fur la côte de la Libye. Joignez encore à ces autorités celle d'Eufébe, qui, dans fa chronique, dit que l'on en» tend le nom d'Espagne, fous celui de Tharfis, fentiment qui a été adopté par la plupart des modernes, qui veulent » que Tarteffus & Tarfeion foient les mêmes que Tharfis. » C'eft ainfi qu'en ont parlé Goropius, Hispan. l. 5,6,7, » Grotius, in III Reg. c. 10, verf. 28, Pineda, de reb. Salo» monis, l. 4, c. 14,, Emanuel Sa, inII. Paralip. c. 9, V. 21, » & Bochart, Phaleg. l. 3, c. 7, & Chanaan, l. 1, 6. 34 » » & perfonne ne doutera que les Phoniciens n'ayent fréquenté fouvent la côte d'Espagne, lorsqu'on fera atten>>tion qu'en cherchant la Bretagne & Thulé, ils ont été » obligés de la côtoyer, qu'ils y ont élevé plufieurs monu» mens pour prouver qu'ils y ont été, & qu'Himilcon Carthaginois, avoit mis par écrit la relation du voyage qu'il y fit. » La feconde preuve le tire des marchandifes de Tharfis : « On trouve en Espagne ou en Afrique de » toutes les especes de marchandifes que la flotte de Tharlis » apporta. L'Espagne produit de l'or, de l'argent & d'autres » métaux, elle fournilloit auffi, fuivant le témoignage de » Pline, 1. 37, . 9, des pierres chryfolites, qui, au fenti» ment de plufieurs, étoient appellées Tharfis. L'Afrique ne » fournifloit pas feulement de l'or, mais encore de l'yvoi»re, des finges & des perroquets, ce qui est confirmé, tant par le témoignage des anciens, que par une expérience » journaliere ».

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La quatrième preuve qu'il tire de la facilité du voyage de Tharfis, n'eft pas plus folide, quand en plaçant ce pays fur la côte occidentale de l'Afrique, on fuppofe que l'on s'y rendoit de la mer Rouge. Ce voyage au contraire devoit être très-dangereux & très-difficile dans des tems où la navigation étoit très imparfaite. Le cap des Aiguilles & le cap des Tempêtes ne font pas fi ailés à doubler que Huet fe l'eft figuré; ainfi voilà deux preuves qui ne prouvent rien en sa faveur, parce qu'elles confiftent en des propofitions qui ont elles-mêmes befoin d'être prouvées.

La cinquiéme appuie fur une prétendue deftination de la flotte de Jofaphat; il fuppofe que les paroles du troifiéme livre des Rois, c. 22, v. 49, font à peu près ce fens dans l'hébreu : Jofaphat fit conftruire des vailleaux deftinés pour Tharfis, qui devoient passer en Ophir, pour y prendre de l'or, mais ils n'y allerent point, parce qu'ils furent brifés devant Afiongaber.

Sauf le respect dû à la grande érudition de Huet, l'hébreu ne fignifie point cela, l'hébreu dit fimplement: Jofaphat fit conftruire des vaiffeaux de Tharfis, pour aller à Ophir, à caufe de l'or; mais ils n'y allerent point, parce qu'ils furent brifés à Afiongaber. Schmidt, profeffeur de Strafbourg, qui a fait une verfion latine très-littérale, fe

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lon l'hébreu, dit: Jeboschaphatus fecit naves Tarschischi, ut abirent in Ophirem ob aurum; fed non abierunt, fracte enim funt naves in Ezion-Geber, Le Clerc traduit amfi ce même pallage: Jofaphatus etiam fecerat naves Tharfenfes que Ophiram irent ad petendum aurum; fed non profecta funt, nam fracta funt naves Hetfiongeberi; & dans une note il explique ainfi : Naves Tharfenfes, hoc eft, naves ita fabricatas quemadmodum naves que Tharfin navigabant, & Huet lui-même traduit fimplement naves Tharfis, des navires de Thatfis, ce qui veut dire, bâtis fur le modéle de ceux que l'on envoyoit à Tharfis. Nous dirions fimplement des vailleaux de Tharfs, non que leur destination fût pour Tharfis, car ceux-ci devoient aller à Ophir, ni qu'ils cusfent été conftruits à Tharfis, puisqu'ils avoient été construits à Afiongaber, qu'ils n'en partirent point & qu'ils y furent brifés, mais parce qu'ils étoient conftruits à la maniere des vaiffeaux qui faifoient effectivement le voyage de Tharfis; on a en françois la même façon de parler. Nous appellons points de Fenife des dentelles de points faites à Paris ou ail leurs, parce qu'elles font faites fur le modéle des points dont Venife faifoit ci-devant un grand commerce. Ce pas fage ne prouve point ce que M. Huet veut en conclure. Il faut lui prêter un fens étranger & forcé, pour en inférer que ces vaiffeaux étoient deftinés pour Tharfis ; il fignifie encore moins que ces vaiffeaux devoient, chemin faifant; paffer à Ophir. Dès qu'il ne fignific point tour cela, il eft inutile de poufler plus loin la conféquence, & d'ajouter que ces deux lieux étoient fitués de maniere que la même flotte pouvoit aller de l'un à l'autre, fans fe détourner de fon chemin. L'Ecriture diftingue ces deux flottes, leurs marchandises & les ports d'où elles partoient. Les livres des Rois & des Paralipoménes, parlent des deux flottes fans les confondre, & on y voit que la flotte d'Ophir par toit d'Afiongaber, parce que c'étoit alors une nouveauté pour les Juifs d'avoir un port & des flottes fur la mer Rouge; on ne voit point que leur royaume fe foit étendu fi loin fous David, encore moins fous Saul; ainfi il étoit néceffaire de dire en quel endroit de la mer Rouge on s'embarquoit; aufli l'écriture dit-elle que c'étoit à Afiongaber, & en marque même les particularités comme on a vu au mot Ophir.

Il n'en eft pas de même de Tharfis ; on y alloit par la Méditerranée, au bord de laquelle la Paleftine eft fituée. On y alloit du port de Joppé, on venoit de Tharfis à Tyr. Les Phéniciens les plus grands voyageurs de l'antiquité, faifoient fouvent ce voyage, & les Juifs du tems de Salomon, n'avoient pas befoin qu'on leur dît de quel côté on s'embarquoit pour Tharfis, ils le favoient; voilà pourquoi le livre des Rois & celui des Paralipoménes ne marquent point d'où partoit la flotte qui alloit à Tharfis; mais du tems des prophétes il s'eft trouvé des occafions où cette fpécification étoit néceflaire ; & les écrivains facrés n'y ont pas manqué alors. Jonas s'embarque à Joppé, fur un vaisfeau qui va à Tharfis, les vaiffeaux de Tharfis viennent à Tyr, & ainfi des autres paffages.

Ce préjugé d'une flotte équipée à Afiongaber, pour aller à Tharfis, a empêché M. Huet de découvrir la véritable Thatfis, & lui a fait prendre le parti de croire que les flottes de Tharfis faifoient le tour de l'Afrique. L'idée faulle qu'il s'étoit faite là deffus, l'a engagé à foutenir que Tharfis n'eft aucun port de la Méditerranée; ce font deux erreurs qui viennent de la premiere.

Du nom de Tharfis.

Ce nom, comme nous avons dit, avoit deux fignifications; l'une d'une forte de pierre précieufe; l'autre d'un homme appellé Tharfis : l'écriture fainte le nomme le fecond entre les enfans de Javan, quatriéme fils de Japhet, qui étoit le troifiéme fils de Noé. Jofeph dit, au livre premier des antiquités, c. 6, que ce Tharfis, qu'il nomme Tharfus, peupla la Cilicie. Tharfis s'étant établi dans la Cilicie, fa poftérité la peupla, & eut fans doute beaucoup de liaisons avec les Phéniciens, grands navigateurs. Les Grecs prétendent que le nom de Cilicie vient de Cilix, qu'ils font frere de Cadmus. Cela doit avoir formé entre les deux peuples un grand commerce maritime. La fituation de Tharfe, dans un tems où l'on fuivoit les côtes, fans s'en écarter que le moins qu'il étoit poffible, en faifoit un entrepôt commode.

Tharfis & Cetim étoient freres, felon la genefe. Tharfis habita la Cilicie, felon Jofeph, & il fe trouve dans la Cilicie un canton nommé la CETIDE; Ptolomée en nomme les principaux lieux. Voyez CETI DIS. S. Bafile, évêque de Séleucie, in vita Thecla, l. 1, parlant du Calydnus, riviere voifine de la Séleucie d'Ifaurie, dit qu'elle a fa fource dans le fond de la Cétide.

Les Phéniciens, ayant une colonie à Carthage, poufferent aifément leur navigation jusqu'au détroit de Gibral tar, où ils eurent des établiffemens confidérables. Tous les anciens hiftoriens en font pleins de témoignages ; ils fortirent du détroit & furent les fondateurs de Cadix. Arrien, 1.2, 6. 16, dans fon expédition d'Alexandre, parle de plufieurs Hercules, & prétend qu'Hercule adoré par les Ibé riens (les Espagnols) à Tarteffus, où étoient certaines colonnes nommées Colonnes d'Hercule, étoit l'Hercule Tyrien ; car, ajoute-t-il, Tarteffus a été bâtie par les Phéniciens: on y éleva un temple en l'honneur d'Hercule, & on lui faifoit des facrifices à la maniere des Phéniciens. Arrien entend par là la ville fituée dans une ifle que les Latins nommerent Gades. C'est de celle là que Pline, l. 4, c. 22, dit: Noftri Tarteffon appellant, Pani GADIR ita punica lingua Gepem fignificante il ne faut pas la confondre avec une autre Tartefjus nommée Carteia. Pline, l. 3, c. 1, qui fait auffi mention de celle-ci en ces termes : Carteia Tartefos à Gracis dicta, les diftingue très bien, elle avoit été aufli fondée par les Phéniciens; mais, felon la remarque de Bochart, il y avoit une troifiéme Tarteffus, que les Phéniciens ne bâtirent point, & qu'ils trouverent toute fondée. Elle étoit au bas du Guadalquivir, qui entroit anciennement dans la mer par deux embouchures. Strabon, 1. 3, p. 140, dit : Le Guadalquivir fe partage en deux; l'ifle, qui eft entre ces deux embouchures, à cent ftades de côte le long de la mer, felon quelques-uns, & plus felon d'autres. Il dit plus bas: Comme le Guadalquivir entre dans la mer par deux embouchures, on dit qu'il y a eu au milieu une ville nommée TARTESSUS, comme la riviere, & que l'on appelloit TARTESSIDE, le canton poffédé à préfent par les Turdules. Paufanias, Eliac. 2, dit de même: On dit qu'il y a en Espagne le fleuve Tarteffus, qui descend dans la mer par deux embouchures, entre lesquelles il y a une ville de même nom. Il n'eft pas étonnant que Pline n'ait point nommé cette Tarteffus, qui n'exiftoit déja plus du tems de Strabon. Bochart croit donc que cette ancienne ville ne fut point fondée par les Phéniciens; mais qu'ils la trouverent fondée en venant dans ce pays là. Il eft vrai que le Guadalquivir n'a aujourd'hui qu'une embouchure; mais outre que la même chofe eft arrivée à quan tité d'autres rivieres, les anciens atteftent qu'elle en avoit eu deux. On vient d'en voir les preuves dans Strabon & dans Paufanias, ajoutons y Ptolomée, qui fait mention de l'embouchure orientale du feuve Betis Βαίτιος τὸ ἀνατολικὸν Sea. Il faut en conclure qu'il y en avoit une autre fans doute occidentale duris, qui aujourd'hui ne fe trouve point dans fon livre, apparemment par la négligence des copistes.

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C'eft certe troifiéme Tarteffus, la plus ancienne de toutes, que les Hébreux ont appellée Tharfis, fi nous en croyons Bochart; & c'eft là que les premiers Phéniciens, qui y allerent, trouverent des richelles immenfes. Il y a un paffage confidérable d'Ariftote, dans fon livre des Merveilles on dit que les premiers Phéniciens qui navigerent à Tartellus, y échangerent l'huile & autres ordures qu'ils portoient fur leurs vaiffeaux, contre de l'argent, en telle quantité, que leurs navires ne pouvoient ni le contenir ni le porter. Il ajoute qu'ils fe firent des ancres d'argent, & tout le refte de la vaiffelle & des uftenfiles. Hérodote, . 4, c. 152, marque par quelle aventure un vaiffeau des Samiens fut porté à Tarteffus. Le capitaine s'appelloit Colaus, & fut le premier Grec qui fit ce voyage. Il paroît par le discours d'Hérodote, que ce port n'étoit pas fréquenté pour lors, que Colaus y trouva de grandes richeffes, & revint avec une charge qui fit fa fortune, fa part feule ayant monté à fix talens.

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Il eft remarquable que les trois Tarteffus étoient dans la Bétique; l'une favoir, Carteia, dans la baie de Gibraltar; l'autre Gadir ou Gades, au golfe de Cadix ; l'ancienne à l'embouchure du Guadalquivir, entre les deux forties de ce fleuve. Joignez à cette fituation la richeffe du pays en argent, fi vantée par les anciens hiftoriens, qui confirment Sffff iij

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