disait-on, ne porteraient pas le fusil de munition?... Chacun a répondu : Non; et ses parents, son entourage, la voix publique, furent unanimes pour combattre son trop magnanime, trop téméraire dessein. Mais, aux âmes bien nées, La valeur n'attend pas le nombre des années. (CORNEILLE, le Cid.) caporal, bivouaquant au milieu de la neige, dans sa paroisse de Conie. « Comme il ressemble à M. Antonin! » s'écria-t-elle, sans imaginer que ce fût lui, malgré cet air d'enfant qui lui avait fait compassion, et la manière empruntée dont on le voyait s'acquitter de ses travaux manuels. Elle pleura de chagrin en apprenant depuis sa méprise, et en s'accusant de ne pas lui avoir offert l'hospitalité ; quoique personne ne pût en croire ses yeux en le retrouvant dans son uniforme de ligne. Une amie de sa famille, après avoir fait ses efforts afin de l'en dissuader, le quitta avec ces paroles : « La force vous manquera pour accomplir votre résolution. » « Madame, lui répondit Antonin, d'un ton qu'elle n'a pas oublié, et ce fut son dernier adieu, on a toujours la force de remplir son devoir! » Il en vint effectivement à bout vaillamment, grâce à son énergie morale; et elle l'eût ramené à sa famille, l'épée au côté, avec une page honorable à inscrire au début de sa carrière, si des balles homicides ne l'avaient renversé au dernier coup de feu, après qu'il avait supporté avec un courage invincible toutes les calamités de cette guerre désastreuse. Avec sa première lettre, fut décochée au cœur de sa Mère la première atteinte du trait qui, hélas! quatre mois et demi plus tard, perça son cher Antonin! Dans cette journée douloureuse, qui commença le martyre maternel, elle lui écrivit de longues pages pour lui démontrer qu'il voulait entreprendre plus qu'il ne pouvait; que le discernement, la sagesse, le respect pour l'expérience des parents devaient accompagner les inspirations les plus généreuses; qu'avec sa délicatesse, il tomberait sur quelque chemin, épuisé de lassitude, ajoutant à l'armée un embarras plutôt qu'un défenseur; qu'il fallait d'abord apprendre à manier un fusil, à faire des étapes, à devenir soldat, et qu'ensuite, si la guerre continuait, il s'enrôlerait à son tour. Tandis qu'une dépêche télégraphique plus rapide, plus décisive, répondit laconiquement à son fils : « Je ne veux pas que tu t'engages. >>> Mais, la connaissance de l'ardeur d'Antonin, de ses idées arrêtées, de la fermeté de son caractère, rendait superflus, aux yeux même de cette mère, les efforts qu'elle tentait pour défendre, pour sauver son enfant malgré lui. Elle comprenait d'avance que dès qu'il croyait son honneur engagé à partir, par un sentiment exagéré du devoir, rien ne le retiendrait. Antonin ne fut pas convaincu, et il récrivit ce qui suit. Voici cette réponse toute spartiate. Antonin à sa Mère. << La Brunetière, mardi 23 août 1870. « Ma chère Maman, << Je n'ai jamais eu l'idée de partir << pour l'armée sans savoir un mot << de manœuvre et sans connaître le << maniement du fusil. Cela ne se << pratique pas ainsi, pas plus pour « les engagés volontaires que pour « les autres. Ces engagés sont en« voyés au dépôt qu'ils ont choisi, << et, quand ils sont prêts, on les < dirige sur l'armée. Je sais que cet |