des flottes, une cavalerie nombreuse, se vit forcé par l'indigence à montrer à lire aux petits enfants de Corinthe. Il donnait aussi aux hommes une grande leçon, par une telle métamorphose: de souverain devenu maître d'école, il leur apprenait à ne pas se fier à la fortune (Av. J.-C. 343). 7. Après lui citons le roi Syphax, autre victime des caprices du sort. Il avait vu Rome et Carthage, dans la personne de Scipion et d'Asdrubal, venir à sa cour pour briguer à l'envi son alliance. Parvenu à ce comble d'illustration, d'être en quelque sorte l'arbitre de la victoire entre les deux plus vaillants peuples du monde, il fut, peu de temps après, chargé de chaînes, traîné devant Scipion par Lélius, son lieutenant, et réduit à ramper en suppliant aux genoux de celui à qui Laguère il avait tendu dédaigneusement, du haut de son trône, une main arrogante (Ans de R. 547, 550). C'est donc quelque chose de bien fragile et de bien passager, et qui ressemble aux hochets de l'enfance, que ce qu'on appelle force et puissance humaines! Ces dons affluent tout à coup, et tout à coup disparaissent; ils ne se fixent nulle part, sur personne, d'une façon stable; emportés çà et là par le souffle inconstant de la fortune, ils vous élèvent au faîte de toutes les grandeurs, et, par un retour imprévu, vous plongent dans un abîme de misères. Aussi ne doit-on ni regarder comme des biens, ni appeler de ce nom, des choses dont le regret double encore l'amertume des maux qu'on endure. set, maximarum opum dominus, exercituum dux, rector classium, equitatuum potens, propter inopiam litteras puerulos Corinthi docuit : eodemque tempore, tanta mutatione majores natu, ne quis nimis fortunæ crederet, magister ludi factus ex tyranno, monuit. 7. Sequitur hunc Syphax rex, consimilem fortunæ iniquitatem expertus : quem amicum hinc Roma per Scipionem, illinc Carthago per Asdrubalem ultro petitum ad penates deos ejus venerat. Cæterum eo claritatis evectus, ut validissimorum populorum tantum non arbiter victoriæ exsisteret, parvi temporis interjecta mora, catenatus a Lælio legato ad Scipionem imperatorem pertractus est : cujusque dexterain regio insidens solio arroganti manu attigerat, ejus genibus supplex procubuit. Caduca nimium et fragilia, puerilibusque consentanea crepundiis sunt ista, quæ vires atque opes humanæ vocantur; affluunt subito, repente dilabuntur : nullo in loco, nulla in persona stabilibus nixa radicibus consistunt; sed incertissimo flatu fortunæ huc atque illuc acta, quos sublime extulerunt, improviso recursu destitutos, profundo cladium miserabiliter immergunt: itaque neque existimari, neque dici debent bona, quæ inflictorum malorum amaritudinem desiderio sui duplicent. | LIVRE SEPTIÈME. CHAPITRE I. DU BONHEUR. Nous avons rapporté de nombreux exemples de l'instabilité de la fortune : on n'en peut citer que bien peu de sa constance; ce qui montre avec quel empressement elle nous accable de ses rigueurs, et de quelle main avare elle dispense la prospérité. Mais une fois qu'elle a pris sur elle d'oublier sa malignité, elle ne se contente pas d'accumuler sur un favori ses plus grands biens, elle lui en laisse encore la possession pour toujours. 1. Voyons donc par quelle suite de bienfaits elle conduisit Q. Metellus au comble du bonheur, sans que sa faveur lui ait jamais manqué, depuis le premier jour de sa vie jusqu'à celui où le destin en marqua le terme. Elle voulut qu'il naquît dans la première ville du monde ; elle le favorisa de la plus noble origine; elle ajouta à ces avantages les plus rares qualités de l'esprit, et des forces corporelles qui devaient lui permettre de supporter toutes les fatigues; elle lui donna une épouse aussi célèbre par sa vertu que par sa fécondité; elle lui accorda l'honneur du consulat, le pouvoir de général, la gloire du plus brillant triomphe; elle lui permit de voir en même temps consulaires trois de ses fils, dont l'un avait même été honoré de la censure et du triomphe, et le quatrième de la préture; elle le laissa enfin marier trois filles, et presser sur son sein la race sortie du leur. Que de naissances, de berceaux, de robes viriles; que de flambeaux d'hyménée, que de diLIBER SEPTIMUS. CAPUT I. DE FELICITATE. Volubilis fortunæ complura exempla retulimus : constanter propitiæ admodum pauca narrari possunt; quo patet, eam adversas res cupido animo infligere, secundas parco tribuere. Eadem, ubi malignitas oblivisci sibi imperavit, non solum plurima et maxima, sed etiam perpetua bona, congerit. 1. Videamus ergo, quot gradibus beneficiorum Q. Metellum a primo originis die ad ultimum usque fati tempus nunquam cessante indulgentia, ad summum beatæ vitæ cumulum perduxerit : nasci eum in urbe terrarum principe voluit; parentes ei nobilissimos dedit; adjecit animi rarissimas dotes, et corporis vires, ut sufficere laboribus posset; uxorem pudicitia et fecunditate conspicuam conciliavit; consulatus decus, imperatoriam potestatem, speciosissimi triumphi prætextum largita est; fecit, ut eodem tempore tres filios consulares, unum etiam censorium ac triumphalem, et quartum prætorium videret; utque tres filias nuptum daret, earumque sobolem sinu suo exciperet tot partus, tot incunabula, tot viriles toga, tam multæ nuptiales faces, honorum, imperiorum, omnis denique gratulationis summa abundantia, quum interim nullum funus, nullus gemitus, nulla causa tristitiæ: cœ frais dévorent le pays qui les supporte; une petite provision des choses nécessaires et qu'on ne vous envie pas, à des trésors sans cesse exposés aux embûches de la cupidité. Gygès, qui aspirait à voir un dieu partager la vaine opinion qu'il avait de lui-même, apprit ainsi où réside une félicité solide et pure. D gnités et de commandements; en un mot, que de | pareil de troupes, d'armes, de cavalerie, dont les sources de félicitations universelles! et au milieu de tout cela, pas une mort, pas un gémissement, pas une cause de tristesse. Élevez votre pensée jusqu'aux demeures célestes, à peine y trouverezvous une telle félicité, puisque l'on voit les plus grands poëtes donner aux âmes des dieux leur part de peine et d'affliction. Une vie aussi heureuse eut une fin digne de ce bonheur; car Métellus, parvenu à une extrême vieillesse, s'éteignit dans une mort douce, sous les baisers et entre les bras de ceux qu'il chérissait le plus; ses fils et ses gendres portèrent son corps sur leurs épaules à travers la ville, et le mirent eux-mêmes sur le bûcher (An de R. 638). 2. Voilà un bonheur illustre en voici un plus obscur, mais que rehaussa la préférence éclatante d'un dieu. Lorsque Gygès, fier de régner sur la Lydie, empire aussi riche que puissant, alla consulter Apollon Pythien, pour savoir s'il y avait un mortel plus heureux que lui, le dieu, lui répondant du fond de son sanctuaire, lui désigna Aglaus de Psophis. C'était le plus pauvre des Arcadiens; mais, quoique déjà vieux, il n'avait jamais dépassé les limites de son petit champ, et il vivait content des productions et des plaisirs de cet étroit domaine. Apollon, dans son oracle plein de sagesse, fit le tableau fidèle et vrai d'une vie heureuse. Il répondit à Gygès, qui se glorifiait insolemment de l'éclat de sa fortune, « qu'il préférait une chaumière où sourit la sécurité, à un palais attristé par les soucis et l'inquiétude; quelques glèbes de terre cultivées sans crainte, aux fertiles campagnes de la Lydie, dont la possession est si troublée; un ou deux attelages de bœufs d'un entretien facile, à un ap lum contemplare; vix tamen ibi talem statum reperies, quoniam quidem luctus et dolores deorum quoque pectoribus a maximis vatibus assignari videmus. Hunc autem vitæ actum ejus consentaneus finis excepit; namque Metellum ultimæ senectutis spatio defunctum, lenique genere mortis inter oscula complexusque carissimorum pignorum exstinctum, filii et generi humeris suis per urbem latum rogo imposuerunt. 2. Clara hæc felicitas : obscurior illa, sed divino splendore præposita: quum enim Gyges regno Lydia armis et divitiis abundantissimo inflatus, Apollinem Pythium sciscitatum venisset, an aliquis mortalium se esset felicior; deus, ex abdito sacrarii specu voce missa, Aglaum psophidium ei prætulit: is erat Arcadum pauperrimus, sed ætate jam senior; terminos agelli sui nunquam excesserat, parvuli ruris fructibus ac voluptatibus contentus; verum profecto beatae vitæ finem Apollo, non adumbratum, oraculi sagacitate complexus est: quocirca insolen. ter fulgore fortunæ suæ glorianti respondit, « magis se probare securitate ridens tugurium, quam tristem curis et sollicitudinibus aulam; paucasque glebas pavoris expertes, quam pinguissima Lydia arva metu referta; et unum aut alterum jugum boum facilis tutelæ, quam exercitus, et arma, et equitatum voracibus impensis onerosum; et CHAPITRE II. DE LA SAGESSE DANS LES PAROLES OU DANS Je vais parler maintenant de cette sorte de bonheur qui consiste uniquement dans la disposition de l'âme et ne s'obtient pas par des vœux, mais qui, né dans le cœur de l'homme éclairé, se révèle par des paroles ou par des actions pleines de sagesse. 1. On rapporte qu'App. Claudius avait coutume de dire : Mieux vaut pour le peuple romain l'action que l'inaction (1). » Ce n'est pas qu'il ignorât combien le repos a de douceur; mais il remarquait que, pour les États puissants, l'agitation des affaires est l'aiguillon de la vertu, et que trop de loisir amène le relâchement et la mollesse. Il faut l'avouer le travail, ce mot qui effraie l'homme, maintint dans leur pureté les mœurs de la république, et le repos, cette chose, même à nommer, si douce, y mêla une DE SAPIENTER DICTIS AUT FACTIS A ROMANIS. Nunc id genus felicitatis explicabo, quod totum in habitu animi est, nec votis petitur, sed in pectoribus sapientia præditis natum, dictis factisque prudentibus enitescit. 1. App. Claudium crebro solitum dicere accepimus, Negotium populo Romano melius, quam otium committi; non quod ignoraret, quam jucundus tranquillitatis status esset; sed quod animadverteret, præpotentia imperia agitatione rerum ad virtutem capessendam excitari, nimia quiete in desidiam resolvi; et sane negotium nomine horridum, civitatis nostræ mores in suo statu continuit: blandæ appellationis quies plurimis vitiis respersit. 2. Scipio vero Africanus turpe esse aiebat in re militari dicere: Non puteram; videlicet, quia explorato et D les questions que le fer doit résoudre, il faut, avant d'exécuter, avoir tout examiné, tout prévu. Et c'est la raison même; car une faute est sans remède, quand les suites en sont abandonnées aux fureurs de Mars. Il disait aussi << qu'on ne doit en venir aux mains avec l'ennemi que si l'occasion est favorable ou la nécessité impérieuse; précepte aussi sage que l'autre. En effet, ne pas profiter, pour vaincre, d'une circonstance heureuse, c'est le comble de la démence; et ne point combattre quand on n'a plus que cette ressource extrême, c'est une lâcheté, dont les conséquences ne sont que funestes. Se conduire ainsi, c'est ne savoir pas, d'un côté, mettre à profit les faveurs de la fortune, et, de l'autre, braver ses rigueurs. 3. Il y a autant de dignité que de profondeur dans ces paroles de Q. Métellus au sénat, après la réduction de Carthage : « Je ne sais pas, dit-il, si cette victoire a fait plus de bien que de mal à la république, parce que si elle fut avantageuse en ramenant la paix, elle n'est pas sans danger en éloignant Annibal: son passage en Italie a réveillé la vertu romaine déjà endormie, et l'on doit craindre que, délivrée d'un rival infatigable, elle ne retombe dans le même sommeil. Il plaçait donc au même rang, parmi les maux de l'État, l'incendie des maisons, la dévastation du territoire, l'épuisement du trésor, et l'affaiblissement de l'antique énergie (An de R. 551). 4. Que de sagesse dans la conduite du consulaire Licinius Fimbria! M. Lutatius Pythia, chevalier romain de la plus grande distinction, l'avait pris pour juge d'un débat où il soutenait contre son adversaire « qu'il était homme de bien.» Fimbria refusa de prononcer dans cette contestation et d'y mettre fin, ne voulant ni dépouiller de sa réputation un citoyen estimé, en jugeant contre lui, ni jurer qu'il était honnête homme, cette qualité emportant avec soi l'idée d'une foule de vertus. 5. La toge a fourni ces exemples de sagesse; le suivant eut les camps pour témoins. Le consul Papirius Cursor, faisant le siége d'Aquilonie, voulait livrer l'assaut. Quoique les poulets sacrés ne donnassent aucun signe favorable, l'augure annonça les plus heureux auspices. Informé de ce mensonge, Papirius tint le présage pour bon en ce qui le regardait lui et l'armée, et il commença l'attaque; toutefois il plaça l'imposteur devant la première ligne, afin que les dieux, dans leur colère, eussent une tête à frapper comme victime expiatoire. Soit hasard, soit effet de la providence divine, le premier trait lancé par l'ennemi frappa l'augure à la poitrine, et l'étendit mort. A cette nouvelle, le consul, plein de confiance, donna l'assaut, et prit Aquilonie. C'est ainsi qu'une réflexion rapide lui suggéra le moyen de punir l'offense faite au général, de venger la religion outragée, de s'assurer la victoire. Il se montra homme sévère, consul religieux, général intrépide, en saisissant, du seul coup d'œil de sa sagesse, et le point où devait s'arrêter la crainte, et le genre de peine dû au coupable, et le gage offert à l'espérance (An de R. 460). 6. Je vais passer maintenant aux traits de sagesse du sénat. Lorsqu'il envoya contre Annibal les consuls Claudius Néron et Livius Salinator, égaux en mérite, mais divisés par la plus eum judicasset, fama spoliaret; aut juraret virum bonum esse, quum ea res innumerabilibus laudibus contineatur. 5. Forensibus hæc, illa militaribus stipendiis prudentia excusso consilio, quæ ferro aguntur, administrari oportere arbitrabatur summa ratione Inemendabilis enim est error, qui violentiæ Martis committitur; idem negabat, aliter cum hoste confligi debere, quam si aut occasio obve-exhibita. Papirius Cursor consul, quum Aquiloniam opnisset, aut necessitas incidisset : æque prudenter; nam et prospere gerendæ rei facultatem omittere, maxima dementia est; et in angustias utique pugnandi compulsum abstinere se prælio, pestiferum ignaviæ affert exitum; eorumque qui ista committunt, alter beneficio fortunæ uti, alter injuriæ nescit resistere. 3. Q. quoque Metelli quum gravis, tum etiam alta in senatu sententia: qui devicta Carthagine, «<< nescire se, illa victoria bonine plus an mali reipublicæ attulisset, asseveravit ; quoniam, ut pacem restituendo profuisset, ita Annibalem submovendo, non nihil nocuisset : ejus enim transitu in Italiam, dormientem jam populi Romani virtutem excitatam; metuique debere, ne acri æmulo liberata in eumdem somnum revolveretur : » in æquo igitur ma lorum posuit, uri tecta, vastari agros, exhauriri ærarium, et prisci roboris nervos hebetari. 4. Quid, illud factum Licinii Fimbriæ consularis quam sapiens! A M. Lutatio Pythia, splendido equite Romano judex aditus de sponsione, quam is cum adversario, quod vir bonus esset, fecerat, nunquam id judicium pronun tiatione sua finire voluit, ne aut probatum virum, si contra pugnans prælium vellet committere, pullariusque, non prosperantibus avibus, optimum ei auspicium renuntiasset, de fallacia illius factus certior, sibi quidem et exercitui bonum omien datum credidit, ac pugnam iniit. Cæterum mendacem ante ipsam aciem constituit, ut haberent dii, cujus capite, si quid iræ conceperant, expiarent. Directum est autem sive casu, sive etiam cœlestis numinis providentia, quod primum e contraria parte missum erat telum, in ipsum pullarii pectus, eumque exanimem prostravit id ut consul cognovit, fidente animo et hostes invasit, et Aquiloniam cepit. Tam cito animadvertit, quo pacto injuria imperatoris vindicari deberet, quemadmodum violata religio expianda foret, qua ratione victoria apprehendi posset. Egit virum severum, consulem religiosum, imperatorem strenuum; timoris modum, pœnæ genus, spei viam, uno mentis impetu rapiendo. 6. Nunc ad senatus acta transgrediar; quum, adversus Annibalem, Claudium Neronem et Livium Salinatorem consules mitteret, eosque ut virtutibus pares, ita inimicitiis acerrime inter se dissidentes videret, summo studio in gratiam reduxit; ne propter privatas dissentiones rem DE LA SAGESSE DANS LES PAROLES OU DANS LES violente inimitié, il mit tous ses soins à les ré- | Numides et des autres peuples de ces contrées, concilier, dans la crainte que leurs dissensions dont l'inquiète férocité ne laissait aucun espoir particulières ne leur fissent négliger les affaires d'une paix solide (An de R. 602). de l'État. Si, en effet, il n'y a point d'accord entre des hommes associés au même pouvoir, chacun d'eux s'attache bien plus à contrarier les opérations de son collègue qu'à faire réussir les siennes propres ; et lorsqu'il s'y mêle une haine implacable, ils deviennent l'un pour l'autre des adversaires plus redoutables que pour l'ennemi (An de R. 546). Ces deux mêmes citoyens ayant été cités devant le peuple par le tribun Cn. Bébius, pour avoir exercé la censure avec trop de rigueur, le sénat les dispensa, par un décret, de répondre à cette accusation, voulant placer audessus de la crainte de tout jugement une magistrature instituée pour demander et non pour rendre des comptes (An de R. 549). C'est par le même sentiment de sagesse que le sénat punit de mort le tribun du peuple Ti. Gracchus, qui avait osé publier la loi agraire, et qu'il décida qu'en vertu de cette loi du tribun, trois commissaires feraient, par têtes, une distribution de terres au peuple : conduite habile, puisqu'elle fit disparaître à la fois et l'auteur et le prétexte d'une sédition effroyable (An de R. 620). Que de prudence encore dans sa politique à l'égard du roi Masinissa! Voyant que ce prince, dont le zèle et la fidélité avaient si puissamment secondé Rome contre les Carthaginois, ne mettait plus de bornes à ses conquêtes, il fit passer une loi qui déclarait Masinissa désormais affranchi de la domination romaine. Cette mesure lui conserva l'amitié d'un roi qui avait si bien mérité de la république, et en même temps ferma son enceinte aux importunités des Maures, des publicam parum utiliter administrarent; quia consimili imperio nisi concordia inest, major aliena opera interpellandi, quam sua edendi cupiditas nascitur ; ubi vero etiam pertinax intercedit odium, alter alteri, quam uterque contrariis castris, certior hostis proficiscitur. Eosdem senatus, quum ob nimis aspere actam censuram a Cn. Bæbio tribuno plebis pro rostris agerentur rei, causæ dictione decreto suo liberavit; vacuum omnis judicii metu eum honorem reddendo, qui exigere debet rationem, non reddere. Par illa sapientia senatus, qua Ti. Gracchum tribunum plebis Agrariam legem promulgare ausum, morte multavit. Idem, ut secundum legem ejus per triumviros ager populo viritim divideretur, egregie censuit. Siquidem gravissimæ seditionis eodem tempore et auctorem et causam sustulit. Quam deinde se prudenter in rege Masinissa gessit! Nam quum promptissima et fidelissima ejus opera adver sus Carthaginienses usus esset, eumque in dilatando regno avidiorem cerneret; legem ferri jussit, qua Masinissæ ab imperio populi Romani solutam libertatem tribueret. Quo facto quum optime meriti benevolentiam retinuit, tum Mauritania et Numidiæ, cæterarumque illius tractus gentium nunquam fida pace quiescentem feritatem a valvis suis repulit. 1. Le temps manquerait plutôt que les faits tirés de notre histoire; car c'est moins encore à la force qu'à la sagesse que notre empire doit de s'être accru et conservé. Payons donc le tribut d'une muette admiration à la plupart des actes de la politique romaine, pour donner place aux exemples que nous fournissent les annales étrangères. Socrate, qui fut comme l'oracle de la sagesse humaine sur la terre, pensait que nous ne devons rien demander aux dieux que le bonheur, parce qu'eux seuls savent ce qui convient à chacun de nous, tandis que nos vœux ont souvent pour objet des choses qu'il vaudrait mieux ne pas obtenir. Partout enveloppée de ténèbres, dans quel vaste champ d'erreurs, âme insensée des mortels, n'égares-tu pas tes aveugles prières? Tu convoites les richesses, fatales au plus grand nombre; tu aspires aux honneurs, qui ont perdu tant d'ambitieux; tu roules en toi-même des désirs de royauté, lorsque tant de catastrophes attestent les misères du trône; tu recherches avec ardeur de superbes alliances; mais si elles font parfois l'illustration des familles, elles en causent parfois aussi la ruine entière. Cesse donc de soupirer follement après les choses qui, au lieu du bonheur que tu en espères, ne t'apporteront que l'infortune, et abandonnetoi à la volonté du ciel : qui peut facilement dispenser les biens peut aussi les choisir le plus convenablement. DE SAPIENTER DICTIS AUT FACTIS AB EXTERNIS. 1. Tempus deficiet domestica narrantem; quoniam imperium nostrum non tam robore corporum, quam animo. rum vigore, incrementum ac tutelam sui comprehendit : majore itaque ex parte Romana prudentia in admiratione tacita reponatur, alienigenisque hujus generis exemplis detur aditus. Socrates, humanæ sapientiæ quasi quoddam terrestre oraculum, nihil ultra petendum a diis immortalibus arbitrabatur, quam ut bona tribuerent, quia ir demum scirent, quid unicuique esset utile; nos autem plerumque id votis expetere, quod non impetrasse melius foret. Etenim densissimis tenebris involuta mortalium mens, in quam late patentes errore cæcas precationes tuas spargis; divitias appetis, quæ multis exitio fuerunt; honores concupiscis, qui complures pessumdederunt; regna tecum ipsa volvis, quorum exitus sæpenumero miserabiles cernuntur; splendidis conjugiis injicis manus; at hæc ut aliquando illustrant, ita nonnunquam funditus domos evertunt. Desine igitur stulte futuris malorum tuorum causis, quasi felicissimis rebus, inhiare, teque totum cœlestium arbitrio permitte; quia qui tribuere bona ex facili solent, etiam eligere aptissime possunt. Idem expedita et compendiaria via eos ad gloriam pervenire dicebat, qui id agerent, ut quales videri vel a Socrate disait encore que le chemin le plus | coups de l'adversité. Ce philosophe, voyant un facile et le plus court pour arriver à la gloire, de ses amis accablé de douleur, le conduisit sur c'est de travailler à devenir ce que l'on veut pa- la citadelle, et lui dit de promener ses regards raître. C'était donner clairement aux hommes le sur toutes les maisons qui étaient à leurs pieds. conseil d'embrasser la vertu même, plutôt que Quand celui-ci l'eut fait, Réfléchis mainted'en poursuivre l'ombre. Un jeune homme lui nant, lui dit-il, de combien de chagrins ces toits demandait s'il devait se marier, ou garder le cé- furent jadis la demeure, le sont aujourd'hui, le libat. « Quelque parti que vous preniez, lui ré- seront encore dans les siècles futurs, et cesse de pondit-il, le repentir le suivra. D'un côté, une déplorer, comme s'ils n'atteignaient que toi, des vie solitaire, point d'enfants, votre race éteinte, maux qui sont communs à tous les mortels. » un étranger pour héritier; de l'autre, une con- C'est ainsi qu'il le consola, en lui prouvant que les tinuelle sollicitude, des plaintes éternelles, une villes ne sont qu'un triste réceptacle de calamités dot reprochée, les airs superbes de vos nouveaux humaines. Il disait encore que «< si les hommes parents, les bavardages d'une belle-mère, les pouvaient réunir tous leurs maux, chacun aipiéges d'un suborneur, l'incertitude du sort de merait mieux remporter les siens, que de prenvos enfants. » Il ne voulait pas que, dans une dre sa part de misères à la masse commune. » D'où question hérissée de difficultés, le jeune homme il concluait qu'il ne faut point, pour des malfit son choix comme pour une partie de plaisir. heurs qui sont l'effet du hasard, s'abandonner, Quand les Athéniens, dans leur démence cricomme si on les supportait seul, à un amer déminelle, eurent porté la déplorable sentence qui sespoir (Av. J.-C. 565). le condamnait à mort, il reçut le poison de la main du bourreau, sans s'émouvoir et sans changer de visage. Déjà la coupe touchait ses lèvres, lorsque Xanthippe, son épouse, s'écria, au milieu des larmes et des sanglots, qu'il mourait innocent. « Eh quoi! lui dit-il, aimerais-tu mieux que je monrusse coupable? » O sagesse immense, que l'approche même de la mort ne put mettre en défaut! (Av. J.-C. 399) 2. Que de sagesse aussi dans cette maxime de Solon, « que personne ne doit être appelé heureux pendant sa vie, parce que l'on est, jusqu'au dernier jour, en butte aux vicissitudes de la fortune! >> C'est donc le tombeau qui consacre à jamais la félicité humaine, en la dérobant aux lent, tales etiam essent: qua quidem prædicatione aperte monebat, ut homines ipsam potius virtutem haurirent, quam umbram ejus consectarentur. Idem ab adolescentulo quodam consultus, « utrum uxorem duceret, an se omni matrimonio abstineret; » respondit, « utrum eorum fecisset, acturum pœnitentiam. Hic te, inquit, solitudo, hic orbitas, hic generis interitus, hic heres alienus excipiet : illic perpetua sollicitudo, contextus querelarum, dotis exprobratio, affinium grave supercilium, garrula socrus lingua, subsessor alieni matrimonii, incertus liberorum eventus. >> Non passus est juvenem in contextu rerum asperarum, quasi lætæ materiæ facere delectum. Idem, quum Atheniensium scelerata dementia tristem de capite ejus sententiam tulisset, fortique animo et con. stanti vultu potionem veneni e manu carnificis accepisset admoto jam labris poculo, uxori Xanthippæ inter fletum et lamentationem vocifer anti innocentem eum periturum; Quid ergo, inquit, nocenti mihi mori satius esse duxisti ? Immensam illam sapientiam, quæ ne in ipso quidem vitæ excessu oblivisci sui potuit! 2. Age quam prudenter Solon, neminem, dum adhuc viveret, beatum dici debere, arbitrabatur ; quod ad ultimum usque fati diem ancipiti fortunæ subjecti essemus. Felicitatis igitur humanæ appellationem rogus consummat, qui se incursui malorum objicit. Idem quum ex 3. Priène, la patrie de Bias, étant tombée au pouvoir de l'ennemi, tous ceux des habitants qu'avaient épargnés les fureurs de la guerre s'enfuyaient chargés de ce qu'ils avaient de plus précieux. On lui demanda pourquoi il n'emportait rien « Je porte avec moi tous mes biens,» répondit-il. C'était dans son âme et non sur ses épaules qu'il les portait, ces biens que l'œil n'aperçoit pas, mais que voit la raison; qui, renfermés dans le sanctuaire du cœur, ne peuvent nous être enlevés ni par la main des hommes ni par celle des dieux; qui, toujours avec nous au sein de nos foyers, y sont aussi dans notre fuite (Av. J.-C. 569). 4. Voici maintenant de Platon une pensée " amicis quemdam graviter mærentem videret, in arcem perduxit, hortatusque est, ut per omnes subjectorum ædificiorum partes oculos circumferret ; quod ut factum animadvertit, «< Cogita nunc tecum, inquit, quam multi luctus sub his tectis et olim fuerint, hodieque versentur, insequentibusque seculis sint habitaturi : ac mitte mortalium incommoda tamquam propria deflere. » Qua consolatione demonstravit, urbes esse humanarum cladium consepta miseranda. Idem aiebat, « si in unum locum cuncti mala sua contulissent, futurum, ut propria deportare domum, quam ex communi miseriarum acervo portionem suam ferre mallent. » Quo colligebat, non oportere nos, quæ fortuito patiamur, præcipuæ et intolerabilis amaritudinis judicare. 3. Bias autem, quum patriam ejus Prienem hostes invasissent, omnibus, quos modo sævitia belli incolumes abire passa fuerat, pretiosarum rerum pondere onustis fugientibus, interrogatus, quid ita nihil ex bonis suis secum ferret: Ego vero, inquit, bona mea mecum porto. Pectore enim illa gestabat, non humeris; nec oculis visenda, sed æstimanda animo : quæ domicilio mentis inclusa, nec mortalium, nec deorum manibus labefactari queunt; et ut manentibus præsto sunt, ita fugientes non deserunt. 4. Jam Platonis, verbis adstricta, sed sensu prævalens sententia; qui tum demum beatum terrarum orbem fu |