7. Le courage et les vertus de M. Porcius | d'Athènes, avait fait transporter dans son Caton le firent tellement admirer du sénat, que le jour où, en dépit de César alors consul, il épuisa la séance à parler contre les fermiers publics, et fut, pour ce fait et d'après son ordre, conduit en prison par un licteur, tous les sénateurs se levèrent et le suivirent; ce qui désarma la sévérité de ce divin génie (An de R. 694). royaume les deux statues d'airain d'Harmodius et d'Aristogiton, ces courageux adversaires des tyrans de leur patrie. Longtemps après, Séleucus ordonna de les reporter à leur ancienne place. En route, le vaisseau relâcha à Rhodes; les habitants de cette ville leur offrirent l'hospitalité publique, et les placèrent même sur les lits consa 8. Un autre jour qu'il assistait aux jeux Flo-crés aux dieux. Quel souvenir plus heureux que celui qui attache à un peu de métal une telle vénération! 2. Quel honneur Athènes ne rendit-elle pas à Xénocrate, aussi illustre par son savoir que par ses vertus! Appelé comme témoin devant un tribunal, il s'approcha de l'autel pour jurer, selon l'usage, qu'il avait dit en tout la vérité. Tous les juges, se levant à la fois, déclarèrent qu'il n'avait pas besoin de prêter le serment; et cette formalité à laquelle ils allaient bientôt se soumettre eux-mêmes pour prononcer la sen❘tence, ils crurent devoir en dispenser une vertu raux, donnés par l'édile Messius, le peuple n'o- DE LA MAJESTÉ, CHEZ LES ÉTRANGERS. LIVRE TROISIÈME. CHAPITRE I. DU CARACTÈRE, CHEZ LES ROMAINS. Je vais remonter maintenant comme à la source et au berceau de la vertu; je vais montrer ces premiers traits de caractère qui révèlent une âme destinée à s'élever, avec le temps, au comble de 1. Ajoutons ici quelques exemples étrangers, qui, mêlés avec les nôtres, répandront dans cet ouvrage une agréable variété. Xerxès, maître | la gloire. 7. M. quoque Porcium Catonem admiratio fortis et sinceræ vitæ adeo admirabilem senatui fecit, ut, quum invito C. Cæsare consule adversus publicanos dicendo in curia diem extraheret, et ob id ejus jussu a lictore in carcerem duceretur, universus senatus illum sequi non dubitaret: quæ res divini animi perseverantiam flexit. 8. Eodem ludos Florales, quos Messius ædilis faciebat, spectante, populus, ut mimæ nudarentur, postulare erubuit. Quod quum ex Favonio, amicissimo sibi, una sedente cognovisset, discessit e theatro, ne præsentia sua spectaculi consuetudinem impediret. Quem abeuntem ingenti plausu populus prosecutus, priscum morem jocorum in scenam revocavit; confessus plus se majestatis uni illi tribuere, quam universo sibi vindicare. Quibus opibus, quibus imperiis, quibus triumphis hoc datum est? exiguum viri patrimonium, adstricti continentia mores, modicæ clientelæ, domus ambitioni clausa, paterni generis una imago, minime blanda frons; sed omnibus numeris perfecta virtus: quæ quidem effecit, ut quisquis sanctum et egregium civem significare velit, sub nomine Catonis de finiat. DE MAJESTATE EXTERNORUM. 1. Dandum est aliquid loci etiam alienigenis exemplis, ut domesticis aspersa, varietate ipsa delectent. Harmodii et Aristogitonis, qui Athenas tyrannide liberare conati sunt, effigies æneas Xerxes, ea urbe devicta, in reguum suum transtulit: longo deinde interjecto tempore, Seleucus in pristinam sedem reportandas curavit. Rhodii quoque eas urbi suæ appulsas, quum in hospitium publice invitassent, sacris etiam pulvinaribus collocaverunt. Nihil hac memoria felicius, quæ tantum venerationis in tam parvulo ære possidet. 2. Quantum porro honoris Athenis Xenocrati, sapientia pariter ac sanctitate claro, tributum est? Qui quum testimonium dicere coactus ad aram accessisset, ut more ejus civitatis juraret, omnia se vere retulisse, universi judices consurrexerunt, proclamaruntque, ne jusjurandum diceret: quodque sibimetipsis postmodum dicendæ sententiæ loco remissuri non erant, sinceritati ejus concedendum existimarunt. LIBER TERTIUS. CAPUT I. DE INDOLE CUJUS EXEMPLA SUNT ROMANA. Attingam nunc quasi cunabula quædam et elementa virtutis: animique, procedente tempore, ad summum gloriæ cumulum perventuri, certo cum indolis experimento datos gustus referam. 1. Emilius Lépidus était encore un enfant, lorsqu'il fit ses premières armes; il tua un ennemi et sauva un citoyen. Une statue placée, par l'ordre du sénat, dans le Capitole, et qui le représente avec la bulle de l'enfance et la prétexte sans ceinture, atteste encore cette action mémorable. On aurait cru commettre une injustice en estimant trop jeune pour cet honneur celui qui était déjà homme par le courage. Lépidus devança ainsi la vigueur de l'âge par l'ardente précocité de sa bravoure; il rapporta une double gloire d'une bataille où ses années lui permettaient à peine de paraître comme spectateur. En effet, ces armes qui donnent la mort, ces épéesnues, ces traits lancés de toutes parts, ce sinistre bruit de la cavalerie qui accourt, ce choc de deux armées qui fondent l'une sur l'autre, impriment quelque terreur même à la jeunesse; et voilà au milieu de quels hasards l'enfance des Émiliens savait mériter une couronne civique et conquérir des trophées (An de R. 574). 2. Caton enfant donna aussi des marques du même courage. Il était élevé chez M. Drusus, son oncle maternel. Des députés latins vinrent de- | mander à celui-ci, alors tribun du peuple, le droit de cité romaine. Q.Poppédius, chefde l'ambassade et hôte de Drusus, pria Caton d'appuyer auprès de son oncle la cause des alliés. Caton répondit d'un air ferme qu'il n'en ferait rien. Sollicité à plusieurs reprises, il persista dans ce refus. Alors Poppédius le porta jusqu'au faîte de la maison, et le menaça de le jeter en bas, s'il ne cédait à ses prières. Cette menace ne put l'ébranler davantage, et une telle opiniâtreté arracha cette exclamation aux ambassadeurs : Estimons-nous heureux, nous les alliés latins, que ce ne soit 1. Æmilius Lepidus, puer etiam tum progressus in aciem, hostem interemit, civem servavit : cujus tam memorabilis operis index est in Capitolio statua bullata, et incincta prætexta, S. C. posita: iniquum enim putavit, eum honori nondum tempestivum videri, qui jam virtuti maturus fuisset. Præcurrit igitur Lepidus ætatis stabilimentum fortiter faciendi celeritate, duplicemque laudem e prælio retulit, cujus eum vix spectatorem anni esse patiebantur; arma enim infesta, et destricti gladii, et discursus telorum, et adventantis equitatus fragor, et concurrentium exercituum impetus, juvenibus quoque aliquantum terroris incutit. Inter quæ Æmiliæ gentis pueritia coronam mereri, spolia rapere valuit. encore là qu'un enfant; s'il était sénateur, nous n'aurions pas même la consolation d'espérer le droit que nous réclamons. » Caton, dans un age encore si tendre, avait seul la gravité de tout un sénat, et sa persévérance déconcerta les prétentions des Latins au droit de cité (An de R. 662). Il portait encore la prétexte lorsqu'allant un jour saluer Sylla, il vit des têtes de proscrits qu'on venait d'apporter dans le vestibule de sa maison. Saisi d'horreur à ce spectacle, il demanda à son gouverneur, nommé Sarpédon, comment il ne se trouvait personne qui délivrât Rome d'un si cruel tyran. Sarpédon lui ayant répondu que ce n'était pas le désir qui manquait, mais le pouvoir, parce qu'une garde nombreuse protégeait la vie de Sylla, «Donnez-moi un poignard, répliquat-il, et jele tuerai sans peine, ayant l'habitude de m'asseoir avec lui sur le même lit. » Le gouverneur reconnut à ces mots l'âme de Caton; il frémit de son dessein, et ne le conduisit plus chez Sylla sans l'avoir bien fouillé. Est-il rien de plus admirable? Un enfant se surprend dans un repaire de cruauté, et il necraint pas un vainqueur farouche au moment même où celui-ci fait égorger des consuls, des municipes, des légions, plus de la moitié de l'ordre équestre (1). Supposez à sa place Marius lui-même, Marius aurait plutôt songé à fuir qu'à tuer Sylla (An de R. 671). 3. Faustus, fils de ce tyran, louait en pleine école les proscriptions de son père, et menaçait de l'imiter, quand l'âge le lui permettrait. C. Cassius, son condisciple, lui donna un soufflet. Une si noble main eût-elle dû se souiller depuis du plus affreux des parricides (2)? (An de R. 478). (1) Deux mille chevaliers. - (2) Allusion au meurtre de César, ddclaré Père de la patrie; d'où l'expression de publico parricidio. socii, hunc esse tam parvum; quo senatore ne sperare quidem nobis civitateın licuisset. >> Tenero ergo animo Cato totius curiæ gravitatem percepit, perseverantiaque sua Latinos jura nostræ civitatis apprehendere cupientes repulit. Item quum salutandi gratia prætextatus ad Sullam venisset, et capita proscriptorum in atrium allata vidisset, atrocitate rei commotus pædagogum suum Sarpedonem nomine interrogavit, quapropter nemo inveniretur, qui tam crudelem tyrannum occideret: quumque is, non voluntatem hominibus, sed facultatem deesse, quod salus ejus magno militum præsidio custodiretur, respondisset; ut ferrum sibi daret, obsecravit, affirmando, perfacile se eum interfecturum, quod in lecto illius considere soleret. Pædagogus et animum Catonis agnovit, et propositum exhorruit, eumque postea ad Sullam excussum semper adduxit. Nihil hoc admirabilius. Puer in officina crudelitatis deprehensus, victorem non extimuit, tum maxime consules, municipia, legiones, equestris ordinis majorem partem trucidantem. Ipsum Marium si quis illo loci statuisset, celerius aliquid de fuga sua, quam de Sullæ nece cogitasset. 2. Hic spiritus ne M. quidem Catonis pueritiæ defuit : nam quum in domo M. Drusi avunculi sui educaretur, et ad eum tribunum plebis Latini de civitate impetranda convenissent, a Q. Poppedio, Latinorum principe, Drusi autem hospite, rogatus, ut socios apud avunculum adjuvaret, constanti vultu non facturum se respondit; iterum deinde, ac sæpius interpellatus, in proposito perstitit. Tunc Poppedius in excelsam ædium partem levatum, abjecturum inde se, nisi precibus obtemperaret, minatus est; nec hac re ab incepto moveri potuit. Expressa est itaque illa vox hominum : « Gratulemur nobis, Latini | sumque, quum per ætatem potuisset, idem facturum mi. DU CARACTÈRE, CHEZ LES ÉTRANGERS. Demandons maintenant quelques exemples à la Grèce. Cet Alcibiade, dont les qualités furent peut-être aussi funestes à sa patrie que ses vices (les unes ayant servi à la séduire, et les autres à l'opprimer), était allé un jour, dans son enfance, chez Périclès, son oncle; et le trouvant assis à l'écart, d'un air triste, il lui demanda d'où lui venait ce visage soucieux. Celui-ci répondit que, chargé par la république de construire les Propylées de Minerve, qui sont les portes de la citadelle, il avait fait pour cet ouvrage d'énormes dépenses, et ne savait comment rendre ses comptes; que telle était la cause de sa tristesse. << Eh bien ! lui dit Alcibiade, cherchez plutôt un moyen de ne pas les rendre. » En effet, cet homme d'une prudence et d'une habileté incomparables, mais alors destitué d'expédients, suivit le conseil d'un enfant, et engagea les Athéniens dans une guerre contre leurs voisins (1), pour leur ôter le loisir de lui demander ses comptes (Av. J.-C. 437). C'est à cette république à décider enfin si elle doit gémir ou se glorifier d'avoir donné le jour à Alcibiade; car, incertaine dans son jugement, elle flotte encore entre la haine et l'admi 3. Cujus filium Faustum C. Cassius condiscipulum suum in schola proscriptionem paternam laudantem, ip ration. CHAPITRE II. DE LA BRAVOURE, CHEZ LES ROMAINS. Après avoir montré les commencements et les premiers pas de la vertu, je la suivrai dans la (1) La guerre du Péloponnèse, qui dura 27 ans, et eut les suites les plus désastreuses pour toute la Grèce, et surtout pour Athènes. nitantem, colapho percussit. Dignam manum, quæ pu blico parricidio se non contaminaret! DE INDOLE EXTERNUM EXEMPLUM. Et ut a Græcis aliquid, Alcibiades ille, cujus nescio utrum bona, an vitia patriæ perniciosiora fuerint (illis enim cives suos decepit, his afflixit), quum adhuc puer ad Periclem avunculum suum venisset, eumque secreto tristem sedentem vidisset, interrogavit, quid ita tantam in vultu confusionem gereret. At illo dicente, mandato se civitatis Propylæa Minervæ, quæ sunt januæ arcis, ædificasse, consumptaque in id opus ingenti pecunia, non invenire, quo pacto ministerii rationem redderet, atque ideo conflictari: « Ergo, » inquit, « quære potius, quemadmodum rationem non reddas. >>> Itaque vir amplissimus atque prudentissimus, suo consilio defectus, puerili usus est, atque id egit, ut Athenienses finitimo implicati bello rationibus exigendis non vacarent. Sed viderint Athenæ, utrum Alcibiadem lamententur, an glorientur: quoniam adhuc inter exsecrationem hominis et admirationem dubio mentis judicio fluctuatur. CAPUT II. DE FORTITUDINE EXEMPLA ROMANA. liberté de sa marche. Or, sa principale force et son action la plus puissante résident dans la bravoure. Je n'ignore pas, & Romulus, fondateur de notre empire, que, pour ce mérite, c'est toi qu'il faut ici nommer le premier; mais permets que je cite, avant toi, l'exempled'un Romain auquel tu dois bien cet honneur, puisqu'il empêcha ladestruction de cette Rome, ton glorieux ouvrage. 1. Au moment où les Étrusques allaient faire irruption dans cette ville par le pont Sublicius, Horatius Coclès courut se placer à l'extrémité opposée, et y soutint, avec un infatigable courage, tout l'effort des ennemis, jusqu'à ce que l'on eût rompu le pont derrière lui. Heureux alors d'avoir délivré sa patrie d'un péril imminent, il se jeta tout armé dans le Tibre; mais les dieux immortels, admirant sa bravoure, prirent soin de le sauver. En effet, sans être ni brisé en tombant de si haut, ni submergé par le poids de ses armes, ni entraîné par la rapidité des tournants, ni mème blessé par les traits qui pleuvaient sur lui de toutes parts, il parvint à regagner le bord à la nage. Seul, il fixa sur lui les regards de tous ses concitoyens, de tous les ennemis; les uns immobiles d'étonnement, les autres partagés entre la joie et la crainte. Seul, il sépara deux armées engagées dans une lutte furieuse, en repoussant l'une, en protégeant l'autre. Seul, enfin, il fit de son bouclier un rempart aussi sûr pour la patrie que le courant même du Tibre. Aussi les Étrusques pouvaient-ils dire, en se retirant : << Vainqueurs des Romains, nous avons été vaincus par le seul Horatius. » (An de R. 245) 2. Clélie me fait presque oublier ma promesse, actum ipsum prosequamur; cujus ponderosissima vis, et efficacissimi lacerti, in fortitudine consistunt. Nec præterit me, conditor urbis nostræ, Romule, principatum tibi hoc in genere laudis assignari oportere: sed patere, obsecro, uno te præcurri exemplo, cui et ipse aliquantum honoris debes, quia beneficio illius effectum est, ne tam præclarum opus tuum Roma dilaberetur. 1. Hetruscis in urbem ponte Sublicio irrumpentibus, Horatius Cocles extremam ejus partem occupavit, totumque hostium agmen, donec post tergum suum pons abrumperetur, infatigabili pugna sustinuit; atque, ut patriam periculo imminenti liberatam vidit, armatus se in Tiberim misit: cujus fortitudinem dii immortales admirati, incolumitatem sinceram ei præstiterunt; nam neque altitudine dejectus quassatus, neque pondere armorum pressus, nec ullo vorticis circuitu actus, nec telis quidem, quæ undique congerebantur, læsus, tutum natandi eventum habuit. Unus itaque tot civium, tot hostium in se oculos convertit, stupentes illos admiratione, hos inter lætitiam et metum hæsitantes; unusque duos acerrima pugna consertos exercitus, alterum repellendo, alterum propugnando, distraxit; denique unus urbi nostræ tantum scuto suo, quantum Tiberis alveo, munimenti attulit. Quapropter discedentes Hetrusci dicere potuerunt: Romanos vicimus, ab Horatio victi sumus. 2. Immemorem me propositi mei Cloælia pæne facit; Nos quia jam initia, procursusque virtutis patefecimus, eadem enim tempestate, certe adversus eumdem hos. Clélie qui, dans le même temps, contre le même ( par une armée formidable. Il lui trancha la tête, ennemi, dans le même fleuve du Tibre, se signala par un coup d'audace. Elle faisait partie des jeunes Romaines données en otage à Porsenna, notre 6. On vit se signaler aussi par les mêmes exennemi. Pendant la nuit, elle échappe à ses gar- | ploits T. Manlius Torquatus, Valérius Corvus et et lui enleva ses armes, dont il fit hommage à Jupiter Férétrien (An de R. 531). diens, monte sur un cheval, traverse le fleuve à la hâte, et revient à Rome. Une jeune fille délivra ainsi sa patrie des horreurs d'un siége et de toute crainte pour l'avenir, en faisant luire aux yeux des hommes le flambeau du courage. 3. Je reviens maintenant à Romulus. Acron, roi des Céniniens, l'avait provoqué à un combat singulier. Quoique supérieur à l'ennemi par le nombre et par la valeur de ses soldats; quoiqu'il y eût pour lui plus d'avantage à présenter la bataille avec toute son armée qu'à descendre seul dans la lice, Romulus aima mieux saisir le pré⚫sage d'une victoire qu'il ne devrait qu'à son bras. La fortune ne trompa pas son espérance; il tua Acron, mit son armee en fuite, et revint offrir à Jupiter Férétrien les dépouilles opimes enlevées à son adversaire. Arrêtons-nous : un acte de courage que la religion publique a consacré n'a pas besoin d'éloges particuliers (An de R. 4). 4. Après Romulus, Cornélius Cossus fut le premier qui consacra au même dieu de semblables dépouilles. Maître de la cavalerie, il avait tué, dans un combat, le général des Fidénates. Gloire au grand Romulus, qui ouvrit cette brillante carrière! Gloire à Cossus, qui sut l'y suivre! (An de R. 325). Scipion Emilien. Ils tuèrent des généraux ennemis qui les avaient provoqués; mais comme ils avaient combattu sous les auspices d'un chef, ils ne purent dédier à Jupiter les trophées de leur victoire (Ans de R. 392, 404, 602). Le même Scipion Emilien, servant en Espagne, sous les ordres de Lucullus, au siége d'Intercatia, ville des mieux fortifiées, monta le premier à l'assaut. Or, il n'y avait pas, dans toute l'armée romaine, de citoyen que, pour la naissance, les qualités, les exploits futurs, on dût tenir davantage à ménager et à conserver. Mais alors plus un jeune homme était illustre, et plus il affrontait de fatigues et de dangers pour la défense et pour la gloire de la patrie; il aurait eu honte de céder en bravoure à ceux qu'il surpassait en noblesse. Aussi l'Émilien réclama-t-il ce périlleux honneur, auquel se dérobaient les autres. 7. L'antiquité nous offre encore un grand exemple d'intrépidité : les Romains, repoussés par l'armée gauloise, s'étaient retirés dans le Capitole et dans la citadelle. Ce poste ne pouvant pas contenir tous les citoyens, on prit, par pécessité, le parti de laisser les vieillards dans la partie inférieure de la ville, pour que la jeunesse fût moins gênée dans la défense du dernier asile de l'empire. Au milieu de ces tristes et douloureuses conjonctures, la république ne démentit pas son courage. Ceux qui avaient rempli des magistratures se tinrent chez eux, les portes ou 5. Il faut joindre à ces exemples celui de M. Marcellus, qui eut assez de courage et d'intrépidité pour attaquer, près du Pô, avec une poignée de cavaliers, le roi des Gaulois, soutenu | vertes, assis sur leurs chaises curules, et revêtus tem, et in eodem Tiberi, inclytum ausa facinus; inter cæteras enim virgines obses hosti Porsenæ data, nocturno tempore custodiam egressa, equum conscendit, celerique trajectu fluminis, non solum obsidione, sed etiam metu patriam puella solvit, viris lumen virtutis præferendo. 3. Redeo nunc ad Romulum, qui ab Acrone Ceninensium rege ad dimicandum provocatus, quamquam et numero et fortitudine militum superiorem se crederet, tutiusque erat toto cum exercitu, quam solum in aciem descendere, sua potissimum dextra omen victoriæ rapuit: nec incepto ejus fortuna defuit. Occiso enim Acrone, fusisque hostibus, opima de eo spolia Jovi Feretrio retulit. Hactenus istud, quia publica religione consecrata virtus, nulla privata laudatione indiget. 4. A Romulo proximus Cornelius Cossus eidem deo spolia consecravit, quum magister equitum ducem Fidenatium in acie congressus interemisset. Magnus initio hujusce generis inchoatæ gloriæ Romulus: Cosso quoque multum acquisitum est, quod Romulum imitari valuit. 5. Ne M. quidem Marcelli memoriam ab his exemplis separare debemus, in quo tantus animi vigor fuit, ut apud Padum Gallorum regem ingenti exercitu stipatum, cum paucis equitibus invaderet: quem protinus obtruncatum armis exuit, eaque Jovi Feretrio dicavit. 6. Eodem et virtutis et pugnæ genere usi sunt T. Manlius Torquatus, et Valerius Corvus, et Æmilianus Scipio. Hi enim ultro provocantes hostium duces interemerunt; sed quia sub alienis auspiciis rem gesserant, spolia Jovi Feretrio non posuerunt consecranda. Idem Scipio Emilianus, quum in Hispania sub Lucullo duce militaret, at. que Intercatia prævalidum oppidum circumsederetur, primus mœnia ejus conscendit; neque erat in eo exercitu quisquam aut nobilitate, aut animi indole, aut futuris actis, cujus saluti magis parci et consuli deberet; sed tunc clarissimus quisque juvenum, pro amplificanda et tuenda patria, plurimum laboris ac periculi sustinebat, deforme sibi existimans, quos dignitate præstaret, ab his virtute superari; ideoque Æmilianus hanc militiam, aliis propter difficultatem vitantibus, sibi depoposcit. 7. Magnum inter hæc fortitudinis exemplum antiquitas offert. Romani Gallorum exercitu pulsi, quum se in Capitolium et in arcem conferrent, inque his collibus morari omnes non possent, necessarium consilium in plana urbis parte seniorum relinquendorum ceperunt, quo facilius juventus reliquias imperii tueretur; cæterum ne illo quidem tam misero, tamque juctuoso tempore civitas nostra virtutis suæ oblita est; defuncti enim honoribus, apertis januis, in curulibus sellis, cum insignibus magistratuum, quos gesserant, sacerdotiorumque, quæ erant | tris ad confirmandos animos salutare laxamentum daret. des insignes du pouvoir qu'ils avaient exercé, des sacerdoces dont ils avaient été honorés. Ils voulaient garder, à leurs derniers instants, les ❘ ornements et toute la splendeur de leur vie passée, et en même temps animer le peuple, témoin de leur fermeté, à supporter plus courageusement ❘ ses malheurs. Leur aspect en imposa d'abord aux ennemis, frappés à la fois de la nouveauté du spectacle, de la magnificence de ces vêtements, de ce genre inconnu d'audace. Mais qui pouvait douter que des Gaulois, et des Gaulois vainqueurs, ne passassent bientôt de l'admiration à la moquerie et à toutes sortes d'outrages? C. Atilius n'attendit pas que l'insolence fût arrivée à son comble: un Gaulois lui ayant caressé la barbe, il lui asséna sur la tête un grand coup de son bâton augural; et comme le Barbare furieux se ruait sur lui pour le tuer, le Romain se jeta lui-même avec empressement au-devant de ses coups. Ainsi le vrai courage ne connaît point la servitude, et la résignation ignore le déshonneur: céder à la fortune lui paraît une nécessité plus dure que le plus affreux trépas; elle imagine des genres de mort nouveaux et éclatants, si c'est mourir que de terminer ainsi ses jours (An de R. 363). 8. Payons maintenant à la jeunesse romaine le tribut d'honneur et de gloire qui lui est dû. Voyant le consul C. Sempronius Atratinus soutenir contre les Volsques, auprès de Verrugue, un combat où la fortune lui était contraire, les cavaliers, pour empêcher la déroute de notre armée, qui commençait à plier, descendirent de cheval, et se formèrent d'eux-mêmes en centuries de fautassins. Ils rompirent les lignes ennemies, s'ouvrirent un passage, allèrent occuper une hauteur voisine, et, attirant ainsi sur eux tous les efforts des Volsques, ils donnèrent heureusement à nos légions le temps de se rassurer et de reprendre haleine. Au moment donc où l'ennemi ne songeait déjà qu'à ériger des trophées, la nuit vint mettre fin au combat, et il se retira, incertain s'il était vainqueur ou vaincu (An de R. 330). 9. Que d'intrépidité aussi dans la jeunesse de l'ordre équestre, dont l'admirable bravoure sauva du reproche d'imprudence Fabius Maximus Rullianus, maître de la cavalerie, lequel dans la guerre contre les Samnites, leur avait inconsidérément livré bataille. Voici ce fait : Papirius Cursor, retournant à Rome pour prendre de nouveaux auspices, avait laissé à Rullianus le commandement de l'armée, avec défense de la mener contre les ennemis. Toutefois, celui-ci livra bataille; mais le succès ne répondit point à sa témérité: il allait, sans aucun doute, être battu. Alors nos généreux chevaliers, ôtant la bride à leurs chevaux, les aiguillonnent de l'épéron, et les lancent contre les Samnites. L'opiniâtreté de cette vigoureuse attaque arrache à l'ennemi la victoire; et, avec la victoire, ils rendent à la patrie l'espérance que lui avait donnée le grand nom de Rullianus (An de R. 429). 10. Quelle ne dut pas être encore la vigueur de ces soldats qui, s'étant mis à la poursuite d'une flotte carthaginoise, emportée dans une fuite rapide par les coups redoublés des rames, la ramenèrent à la nage, à travers les dangers même de la mer, comme s'ils eussent marché de pied ferme sur la terre (Vers 535)! 11. La même époque nous offre un semblable exemple d'intrépidité dans ce soldat qui, à la bataille de Cannes, où Annibal terrassa les Romains sans abattre leur courage, saisit avec ses bras adepti, consederunt, ut et ipsi in occasu suo splendorem et ornamenta vitæ præteritæ retinerent, et plebem ad fortius sustinendos casus suo vigore provocarent. Venerabilis eorum aspectus primo hostibus fuit, et novitate rei, et magnificentia cultus, et ipso audaciæ genere commotis: sed quis dubitaret, quin et Galli et victores illam admirationem mox in risum, et in omne contumeliæ genus conversuri essent? Non exspectavit igitur hanc injuriæ maturitatem C. Atilius; verum barbam suam permulcenti Gallo scipionem vehementi ictu capiti inflixit, eique propter dolorem ad se occidendum ruenti cupidius corpus obtulit. Capi ergo virtus nescit; patientia dedecus ignorat; fortunæ succumbere tristius ducit omni fato; nova et speciosa genera interitus excogitat, si quisquam interit, qui sic exstinguitur. 8. Reddendus est nunc Romanæ juventuti debitus honos et gloriæ titulus, quæ, C. Sempronio Atratino consule cum Volscis apud Verruginem parum prospere dimicante, ne acies nostra jam inclinata propelleretur, equis delapsa, se ipsam centuriavit, atque hostium exercitum irrupit. Quo dimoto, proximum tumulum occupavit, effecitque, ut omnis Volscorum in se conversus impetus legionibus nos Itaque quum jam de tropæis statuendis cogitarent, prælium nocte dirimente, victoresne, an victi discederent, incerti abierunt. 9. Strenuus ille quoque flos ordinis equestris, cujus mira virtute Fabius Maximus Rullianus magister equitum bello, quod adversus Samnites gerebatur, male commissi prælii crimine levatus est: namque Papirio Cursore propter auspicia repetenda in urbem proficiscente, castris præpositus, ac vetitus in aciem exercitum ducere, nihilominus manus cum hoste, sed non tam feliciter, quam temere, conseruit: procul enim dubio superabatur. Cæterum optimæ indolis juventus, detractis equorum frenis, vehementer eos calcaribus stimulatos, in adversos Samnites egit, obstinataque animi præsentia extortam manibus hostium victoriam, et cum ea spem maximi civis Rulliani patriæ restituit. 10. Qualis deinde roboris illi milites, qui vehementi ictu remorum concitatam fugæ Punicam classem, nantes lubrico pelagi, quasi camporum firmitate, pedites in littus retraxerunt? 11. Ejusdem temporis et notæ miles, qui Cannensi prælio, quo Hannibal magis vires Romanorum contudit, |