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que jamais, pour reprendre sa marche en avant, de l'union de tous ses enfants.

Préparée, pour ainsi dire, par ces diverses manifestations politiques, la reprise des travaux parlementaires eut lieu le 14 janvier.

Ce fut M. Rauline, député conservateur de la Manche, qui, en qualité de doyen d'âge, ouvrit à la Chambre la session ordinaire de 1902, dans un discours empreint de bonne humeur et de courtoisie.

La majorité ministérielle avait décidé de ne pas opposer de concurrent à M. Paul Deschanel, président sortant, à la veille de la consultation électorale de 1902. Mais radicaux et socialistes s'étaient cependant concertés pour s'abstenir en masse et empêcher ainsi, au 1er tour, la réélection de M. Paul Deschanel par défaut de quo

rum.

Leur calcul fut déjoué, le quorum fut atteint et même dépassé de 16 voix et M. Paul Deschanel fut réélu, au premier tour de scrutin, par 288 voix sur 307 votants..

Tout le bureau de la Chambre fut d'ailleurs réélu dans la séance du 14 janvier.

Furent réélus vice-présidents: MM. Georges Cochery et Aynard, républicains progressistes, par 258 et 256 voix, et MM. Maurice Faure et Mesureur, radicaux socialistes, par 226 et 198 voix.

Les huit secrétaires furent renommés avec les suffrages suivants :

MM. Brindeau, républicain progressiste, 242 voix ; Robert Surcouf, républicain progressiste, 240 voix; Raoul Bompard, radical, 239; Rajon, radical, 237; Rouland, républicain progressiste, 235; Massé, radical, 231; de l'Estourbeillon, conservateur, 227; Compayré, socialiste,

200.

:

Les trois questeurs furent réélus M. Le Chevallier, républicain progressiste, avec 254 voix; M. Gustave Rivet, radical, avec 242, et M. Guillemet, radical, avec 235.

Conformément à son règlement le Sénat ne se réunit le 14 janvier que pour entendre l'allocution de son vénéré doyen d'âge, M. le sénateur inamovible Wallon. L'élection du bureau du Sénat n'eut lieu qu'à la séance suivante, le 16 janvier.

Sur 242 votants, M. Fallières, président sortant du Sénat, obtint 190 voix et fut, en conséquence, réélu. Neuf suffrages se perdirent sur divers sénateurs et 43 bulletins blancs furent trouvés dans l'urne.

L'élection des vice-présidents fut plus disputée.

Le groupe de la gauche démocratique, comprenant les sénateurs radicaux et radicaux socialistes, refusa d'accepter la désignation faite par le groupe du centre gauche de M. Alfred Mézières, sénateur de Meurthe-etMoselle, présenté à la vice-présidence en remplacement de M. Franck-Chauveau, sénateur de l'Oise, qui se retirait, suivant l'usage, après quatre années de vice-présidence.

Dans une réunion plénière des groupes de gauche du Sénat, tenue avant la séance du 16 janvier, les candidatures de MM. Barbey et Chaumié, républicains ministériels, et de MM. Poirrier et Desmons, radicaux, furent adoptées.

Les candidatures de MM. Peytral, vice-président sortant, et Alfred Mézières, présenté par le centre gauche, se trouvaient donc exclues de la liste du « bloc » sénatorial.

Au scrutin public du 16 janvier furent élus vice-présidents M. Barbey, avec 167 voix; M. Poirrier, avec

142 voix; M. Peytral, avec 126 voix, et M. Desmons, avec 125 voix.

M. Mézières venait ensuite avec 120 voix, puis M. Chaumié avec 119 voix.

L'exclusion prononcée par les groupes radicaux avait donc réussi contre l'honorable M. Mézières, mais échoué à l'égard de l'honorable M. Peytral.

Les secrétaires élus furent M. Rambourgt, républicain progressiste, 192 voix; M. Bodinier, conservateur, 192 voix; M. Teisserenc de Bort, républicain progressiste, 192 voix; M. Bourgeat, républicain, 189; M. Francoz, républicain, 186; M. Denoix, républicain, 183; M. Darbot, radical, 173; M. Leydet, radical socialiste, 168.

Les questeurs élus furent M. Gayot, républicain progressiste, 217 voix; M. Dusolier, républicain, 190 voix, et M. Cazot, républicain, 183 voix.

M. Paul Deschanel prononça à la séance de la Chambre du 16 janvier, en prenant possession du fauteuil présidentiel, le discours d'usage.

Il en consacra l'objet à donner à la Chambre, qui allait comparaître devant les électeurs, quelques titres à leur sympathie. Il rendit hommage aux « compétences profondes et variées» que les discussions des lois d'affaires avaient mises en lumière à la tribune du Palais Bourbon et salua dans quelques-uns des rapports élaborés par les commissions parlementaires « de véritables

monuments >>.

M. le Président Deschanel indiqua toutefois la nécessité, pour la Chambre, de « s'imposer une discipline un <«< peu plus rigoureuse et d'améliorer, par quelques «< changements très simples, ses méthodes de travail ».

La Chambre, après avoir entendu le discours présidentiel, régla son ordre du jour et commença par décider de consacrer toutes ses séances à la discussion du

budget de 1902, sauf toutefois la séance du vendredi, qui continua à demeurer réservée aux interpellations. Puis, à la demande de M. Lauraine, député radical de la Charente-Inférieure, elle résolut, par 270 voix contre 255, de siéger le mercredi pour discuter des propositions de loi concernant le régime des mélasses.

L'ordre du jour ainsi réglé, la Chambre voulut discuter immédiatement une interpellation de M. Guieysse, député radical socialiste du Morbihan, sur le rappel à l'activité de service du général Geslin de Bourgogne, jadis privé de son commandement pour certaines paroles prononcées dans une réunion d'anciens élèves d'un collège religieux.

L'interpellation de M. Guieysse, député ami du ministère, fut moins une interpellation qu'une protestation.

Il protesta contre le rappel à l'activité d'un officier «< qui avait fait l'éloge de l'esprit clérical ». C'était un acte qui formait «< un contraste frappant et choquant » avec le récent discours de Saint-Etienne qui accentuait l'orientation à gauche du gouvernement.

Le général André, ministre de la guerre, répondit que la punition qu'il avait jadis infligée au général Geslin de Bourgogne ne pouvait pas être éternelle et qu'une année de mise en disponibilité lui avait paru un châtiment suffisant.

Mais il rassura M. Guieysse sur son intention « de « marcher dans la voie tracée à Saint-Etienne parle Président du Conseil ». 383 voix contre 83 votèrent ensuite l'ordre du jour pur et simple accepté par le ministre.

La séance du 17 janvier (vendredi) fut consacrée à la discussion d'une interpellation, déposée en 1900, « au siècle dernier », comme le dit, en commençant de la

développer, son auteur, M. Cunéo d'Ornano, député bonapartiste de la Charente.

Cette interpellation visait « les violations des lois, << décrets et règlements militaires commises par le minis«<tre de la guerre ».

Elle faillit être fatale au ministère Waldeck-Rousseau, ou tout au moins au général André, ministre de la guerre.

M. Cunéo d'Ornano critiqua les décrets par lesquels le ministre de la guerre s'était réservé le pouvoir exclusif sur l'avancement des officiers. Il y vit un retour aux pures traditions de la monarchie et « la destruction de << cette conception démocratique de l'avancement qui « suppléait à l'instabilité des ministres par la stabilité << des institutions ».

Sans doute les commissions de classement pouvaient avoir leurs défauts, mais les officiers avaient plus confiance en elles que dans l'impartialité d'un homme soumis à des influences politiques. D'ailleurs la désignation des membres des commissions de classement appartenant au ministre, l'autorité de celui-ci était sauvegardée.

M. Cunéo d'Ornano affirma que les décrets du général André avaient été pris en violation de la loi de 1832 sur l'armée et de la loi du 5 janvier 1872 qui avait institué la commission de classement. Or, les lois ne pou vaient être modifiées par décret.

Puis l'interpellateur, entrant dans le domaine des faits, reprocha au ministre d'avoir donné de l'avancement et des faveurs à tous les officiers qui, dans la fameuse « affaire Dreyfus », avaient pris parti pour le condamné et d'avoir, d'autre part, frappé des officiers sans motifs, simplement parce qu'il les jugeait suspects au point de vue politique.

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