dre service à mon pays. Et si l'accueil qui a été fait au président de la République par Leurs Majestés impériales, par la famille impériale, par le peuple russe, dépasse par sa cordialité et son empressement tout ce que je pouvais espérer, j'en reporte le mérite et l'honneur à la France, à son gouvernement, à ses représentants dans les deux Chambres, à ses serviteurs de tout ordre, qui maintiennent le bon renom de notre pays aux yeux du monde. Devant l'armée russe, il m'a été particulièrement agréable d'entendre acclamer dans la personne de son chef l'armée française; je lui transmets, je transmets à la marine et à tous mes chers concitoyens la part qui revient à chacun dans les précieux témoignages d'amitié qui m'ont été donnés. Ce voyage n'a pas seulement eu pour résultat de resserrer des liens d'affection, d'honneur et d'intérêt entre deux puissantes et loyales nations; il aura, j'en suis sùr, un écho bienfaisant dans le cœur de tous ceux qu'abrite en deçà et au-delà de nos frontières le drapeau tricolore. Il nous déterminera à cesser, à tempérer au moins et à adoucir nos querelles intérieures plus apparentes que profondes et dont l'éloignement fait bien comprendre la vanité. Nous aurions grandement raison de consacrer à l'examen des affaires du pays, à l'étude et à la solution des problèmes financiers, économiques et sociaux qui nous pressent une activité et une ardeur que nous ne savons pas toujours utilement dépenser. Il y a meilleur emploi à faire de notre zèle patriotique : c'est de le détourner du côté de ces grandes questions de la protection des intérêts généraux, dont vous nous avez signalé, monsieur le Président, en ce qui concerne la région du Nord, les plus essentiels. Nous en prenons bonne note et nous examinerons avec grande attention les demandes de votre magnifique département. Nous avons le devoir strict de nous appliquer à cette étude et vous auriez le droit, si nous oubliions que le pays vit, non pas de disputes personnelles, mais surtout d'industrie, d'agriculture, de commerce, de nous rappeler que nous devons d'abord assurer sa prospérité matérielle, condition de son essor intellectuel et de sa moralité. Pour cela, l'union de tous les bons citoyens est nécessaire. Depuis que j'y convie mes compatriotes de tous les partis, avec une persévérance que les polémiques les plus diverses n'ont pas découragée, j'ai la grande satisfaction de la voir se réaliser chaque jour. Plus que jamais, il faut y sacrifier nos sentiments et nos intérêts particuliers et travailler d'un même cœur à faire passer dans nos institutions les idées généreuses dont la France a été le porte-drapeau. Il y a assez de réformes sociales à préparer, assez de bien à faire, assez de misères à soulager, assez de désastres trop récents à réparer. Je bois au département du Nord, à ses représentants, à leur union et à l'union de tous les Français dans la République. Le Président de la République, accompagné des membres du gouvernement, repartit ensuite pour Paris, où il arriva dans la soirée du 27 mai. M. Waldeck-Rousseau, Président du Conseil, attendit la fin d'un voyage que M. le Président Loubet fit dans les derniers jours de mai à Montélimar, et l'élection par la nouvelle Chambre de son bureau, fixée au dimanche 1er juin, pour remettre au Chef de l'Etat la démission collective du cabinet. Un scandale dont les conséquences politiques et judiciaires devaient occuper et passionner pendant longtemps l'opinion publique éclata dans les premiers jours du mois de mai. Mme Thérèse Humbert, femme de M. Frédéric Humbert, ancien député radical de Seine-et-Marne, et bellefille de feu M. Gustave Humbert, ancien garde des sceaux et ancien premier président de la Cour des Comptes, avait été instituée légataire universelle, par un vieil Anglais nommé Crawford, mort en 1883, aux termes d'un testament daté de Nice le 6 septembre 1877. Ce vieil Anglais, qui n'avait point d'héritiers directs, mais seulement deux neveux, laissait à Mme Frédéric Humbert et à sa sœur Marie Daurignac le tiers de sa fortune et les deux tiers à ses deux neveux, à la condi tion que ceux-ci serviraient à Mme Humbert une rente viagère annuelle de 360.000 francs. La fortune léguée s'élevait à un total d'une centaine de millions de francs. Pour des raisons demeurées longtemps mystérieuses, Mme Humbert, au lieu d'entrer immédiatement en possession de la fortune qui lui revenait, avait demandé à transiger avec les frères Crawford et, aux termes d'un accord provisoire intervenu entre eux et elle, avait été, le 14 mars 1883, constituée séquestre des cent millions de francs. Pendant des années, Mme Humbert, qui vivait à Paris avec un très grand luxe, avait, en soutenant contre les Crawford d'innombrables procès, emprunté à toutes sortes de banquiers et d'hommes d'affaires des sommes fort importantes évaluées à plus de trente millions. Quelques-uns de ces banquiers avaient été ruinés par les prêts qu'ils lui avaient consentis et qu'ils n'avaient pu se faire rembourser. M. Waldeck-Rousseau, plaidant en 1897 dans un des procès auxquels l'affaire HumbertCrawford avait donné naissance, avait appelé cette affaire « la plus grande escroquerie du siècle ». Cinq années s'étaient encore passées depuis cette date et les Humbert empruntaient toujours. Brusquement, dans les premiers jours de mai 1902, le journal le Matin commença une campagne contre les Humbert. Des créanciers mécontents déposèrent des plaintes contre eux, l'ouverture du coffre-fort dans lequel devaient figurer les cent millions dont ils avaient été déclarés séquestres fut ordonnée par la justice. Quand on se présenta à leur domicile, le 9 mai, pour procéder à l'ouverture du coffre-fort, les Humbert avaient pris la fuite pour une destination inconnue, le coffre-fort était vide! Les premiers résultats de l'instruction judiciaire ouverte contre les Humbert aboutirent à cette constatation neveux et les cent millions que l'oncle Crawford, ses n'avaient jamais existé! Par ce fait que les Humbert avaient occupé pendant de longues années une situation importante dans la société parisienne et dans le monde politique, par l’importance aussi des sommes escroquées, cet événement eut une répercussion considérable. Le 20 mai, M. le conseiller d'Etat Jacquin, qui avait été le confident et l'ami le plus intime des Humbert, envoya sa démission au garde des sceaux, tout en affirmant qu'il n'avait rien su des actes malhonnêtes dont les Humbert s'étaient rendus coupables. Une effroyable catastrophe se produisit, le 8 mai, dans l'île de la Martinique. Le volcan de la Montagne-Pelée, qui paraissait éteint depuis de longues années, entra en éruption et, en quelques secondes, détruisit de fond en comble la jolie ville de Saint-Pierre et causa la mort de près de 40.000 personnes. Des souscriptions s'ouvrirent aussitôt dans le monde entier au profit des victimes de ce terrible désastre. En quelques mois une somme de plusieurs millions de francs fut réunie. Une élection sénatoriale partielle eut lieu le 6 avril dans le département du Var. En voici le résultat: MM. Clémenceau, ancien député, rad. SOC.... 344 Elu. 122 MM. Pierre Blanc, conseiller général, et Reymonencq, ancien conseiller municipal de Toulon, qui avaient posé leurs |