JUIN Préparatifs des divers groupes politiques de la nouvelle Chambre pour l'élection du Président. M. Léon Bourgeois accepte l'offre faite par les quatre groupes de la majorité de la candidature présidentielle. Réunion de la nouvelle Chambre des Députés, le dimanche 1er juin. Election de M. Léon Bourgeois à la Présidence provisoire de la Chambre. Election des deux vice-présidents provisoires. CHAMBRE Verification et validation d'un grand nombre d'élections. Lettre de démission de M. Waldeck-Rousseau, Président du Conseil, adressée à M. le Président de la République. Rapide dénouement de la crise ministérielle. M. Combes, sénateur radical de la Charente-Inférieure, accepte la mission de former le nouveau ministère et y réussit. Programme du nouveau cabinet. CHAMBRE: Election du bureau définitif. Discours de M. le Président Léon Bourgeois. Interpellations sur la politique générale du ministère Combes.-Adoption d'un ordre du jour de confiance. Commencement des discussions des élections contestées. -Parti pris de la majorité. Vote de l'enquête parlementaire sur l'élection de M. Syveton, député nationaliste du 2o arrondissement de Paris. - Premières invalidations. Discussion et vote de crédits supplémentaires. Interpellations de MM. Mirman et Maurice Binder sur l'affaire Humbert. SENAT: Discussion et vote de divers projets. CHAMBRE Election de la commission des crédits. Circulaire de M. Combes, Président du Conseil, aux Préfets. Décret présidentiel fermant cent vingt écoles libres ouvertes postérieurement à la loi du 1er juillet 1901. Signature de la paix entre l'Angleterre et les Républiques de l'Afrique du Sud. Election sénatoriale partielle dans le département du Tarn-et-Garonne. Suivant l'usage établi en 1898, la Chambre des députés, issue des élections des 27 avril et 11 mai 1902, se réunit le 1er juin, bien que ce jour-là fût un dimanche, pour l'élection de son bureau provisoire. M. Paul Deschanel, Président de la Chambre de 1898 à 1902, se représenta. Il était le candidat des républicains progressistes et, tant par les éminentes qualités dont il avait fait preuve au fauteuil présidentiel que par les sympathies qu'il s'était créées même auprès de ses adversaires politiques, paraissait devoir réunir les plus grandes chances de succès. Les radicaux qui désiraient placer au fauteuil présidentiel un des leurs et qui craignaient que M. Henri Brisson ne fût pas plus heureux contre M. Paul Deschanel que dans la précédente législature, résolurent de ne pas tenter la chance sur son nom, malgré le vif désir témoigné par le nouveau député de Marseille. Les quatre groupes de la majorité ministérielle, qui venaient de se reconstituer sous les noms d'Union démocratique, de groupe radical socialiste et de groupe socialiste, décidèrent, par une délibération commune de leurs délégués, d'offrir la candidature à M. Léon Bourgeois, député radical de la Marne, ancien Président du Conseil des ministres. M. Léon Bourgeois accepta, après quelques hésitations. Réuni de son côté, dans la matinée du 1er juin au Palais-Bourbon, sous la présidence de M. Krantz, ancien ministre de la guerre, le groupe républicain progressiste, après avoir acclamé la candidature à la Présidence de la Chambre de M. Paul Deschanel, vota à l'unanimité l'ordre du jour suivant : Considérant que le résultat des dernières élections ne peut laisser aucun doute sur la volonté du pays d'imposer à ses élus une politique de liberté, de travail, d'union et d'apaisement; Que les engagements pris par la plupart des candidats sont conformes à son programme; Le groupe des républicains progressistes déclare qu'il ne peut s'associer à une politique de combat et de division qui rendrait tout progrès impossible, qui détournerait la Chambre de la grande œuvre financière et administrative, économique et sociale qu'elle a à accomplir, qui la condamnerait à l'impuissance et mettrait la République en danger. La séance publique de la Chambre s'ouvrit à deux. heures, sous la présidence de M. Rauline, doyen d'âge, député conservateur de la Manche, escorté des six plus jeunes membres de la Chambre comme secrétaires d'âge. M. Rauline prononça une allocution pleine de conseils de sagesse et d'apaisement qui ne furent que médiocrement goûtés à l'extrême gauche, comme en témoigne l'extrait suivant : Il n'y a ici que des vainqueurs, et le couronnement de la victoire, c'est la paix. (Applaudissements. Bruit à l'extrême gauche. M. VAZEILLE: « A conditions que les vaincus s'inclinent »>.) Il n'est ni bon, ni juste, d'apporter, au sein de la représentation nationale, les animosités du champ de bataille. Nous représentons sans doute des opinions différentes, mais nous sommes tous élus au même titre. Le suffrage universel, qui est notre maître à tous, nous a choisis comme il l'a voulu, et la paix parlementaire que je réclame de vous en son nom n'est que l'hommage obligatoire que nous devons à la liberté souveraine de ses choix. M. Rauline termina son discours par un hommage ému à la population de la Martinique, si cruellement éprouvée par la catastrophe du 8 mai. Il fut ensuite procédé, par scrutin public à la tribune avec appel nominal, à l'élection du Président provisoire. La Chambre, qui devait se composer de 591 députés, n'en comptait en réalité que 588. Trois circonscriptions n'avaient pas en effet de représentant: 1° celle de SaintPierre (Martinique), par suite de la catastrophe du 8 mai survenue trois jours avant le scrutin de ballottage ; 2o celle de Lille (2e circonscription), M. Lorthiois, député nationaliste, étant mort, le 11 mai, une demi-heure après la clôture du scrutin qui le faisait député; 3o la circonscription de Jonzac (Charente-Inférieure), la commission de recensement des votes ayant décidé de ne pas proclamer le résultat du scrutin. Sur les 588 députés dont se composait la Chambre réunie le 1er juin, 15 députés seulement étaient absents. y eut donc 573 votants. M. Léon Bourgeois fut élu Président provisoire de la Chambre des députés par 303 voix contre 267 à M. Paul Deschanel, soit à 36 voix de majorité. Il y eut 2 bulletins blancs et un bulletin au nom de M. Henri Brisson. La proclamation du scrutin fut saluée par les applaudissements répétés de la majorité qui, poussant plus loin ses avantages, nomma deux de ses membres aux deux postes de vice-présidents provisoires : M. Etienne, député républicain ministériel d'Oran (Algérie), par 292 voix, et M. Maurice Faure, député radical de la Drôme, par 281 voix. M. Guillain, ancien ministre des colonies, candidat des républicains progressistes, obtint 211 voix et M. Gauthier (de Clagny), candidat des nationalistes, 157. Le bureau provisoire étant ainsi constitué, M. Léon Bourgeois pris place au fauteuil présidentiel. Après avoir adressé à ses collègues les remerciements d'usage, il prononça ces quelques paroles qui furent saluées par la majorité comme une réponse irritée aux conseils d'apaisement donnés quelques instants auparavant par le doyen d'âge, M. Rauline: Nous n'avons, en ce moment, à accomplir qu'une œuvre limitée, mais essentielle. Nous nous y consacrerons tous avec le même sentiment du devoir: impitoyables à la corruption ou à la fraude. (Vifs applaudissements à gauche. Bruit à droite.) M. MAURICE BINDER. La corruption, ce sont les fonds secrets qui l'organisent. (Très bien ! à droite; bruit à gau che.) M. WALTER. M. LE PRÉSIDENT. A bas la calotte! ... mais inaccessibles à la passion politique, nous assurerons, par une juste et scrupuleuse vérification de nos pouvoirs, le respect des volontés de la nation. (Très bien! très bien! à gauche.) M. Léon Bourgeois termina sa courte allocution par des félicitations au doyen et aux secrétaires d'âge de la Chambre, ainsi que par une allusion au récent voyage du Président de la République en Russie et par un salut attristé à la mémoire des innombrables victimes de la Martinique. M. Gérault-Richard, député socialiste de la Guadeloupe, saisit alors la Chambre d'un ordre du jour << envoyant à la population martiniquaise l'assurance <«< de son fraternel dévouement ». Cet ordre du jour, dont l'affichage fut ordonné dans toutes les communes des Antilles françaises, réunit l'unanimité de la Chambre qui leva aussitôt sa séance en signe de deuil. L'élection de M. Léon Bourgeois à la Présidence de la Chambre attesta ce fait, déjà facile à constater après le scrutin de ballottage, de l'existence d'un fort contingent radical dans la nouvelle Chambre, contingent dans lequel les anciens députés républicains progressistes qui s'étaient ralliés à M. Waldeck-Rousseau en 1899, enten |