Etat actuel de la législation. Pour fonder un établissement d'enseignement secondaire, il suffit de produire un diplôme de bachelier et un certificat de stage constant que l'on a été attaché, pendant cinq ans, à un établissement d'enseignement secondaire, fùt-ce même en qualité de simple surveillance : le diplôme de directeur couvre l'insuffisance des maîtres de qui on ne requiert ni grades universitaires ni aptitude pédagogique. Contre les audaces dangereuses d'un personnel enseignant ainsi recruté en dehors de toute surveillance et de toute garantie, l'inspection facultative, telle que la prévoit, sans l'organiser, la loi de 1850, est une sauvegarde singulièrement précaire dont l'expérience a d'ailleurs montré l'impuissance, Entre cette liberté qui exclut le contrôle et le monopole qui exclut la liberté il appartenait au législateur républicain d'instituer un système qui conciliât l'existence d'un enseignement privé avec les droits imprescriptibles de l'Etat sur l'enseignement national. C'est de cette préoccupation que sont nés les projets de loi déposés par M. Jules Ferry, le 11 décembre 1880, par M.Paul Bert le 9 décembre 1881 et par M. Duvaux le 30 janvier 1883. C'est aussi la pensée du projet qui vous est soumis. Esprit du projet. Ce projet distingue deux sortes de garanties: les premières concernent les chefs d'établissements, les autres les professeurs et surveillants. Il est incontestable que le savoit et la moralité du chef d'établissement sont des garanties fondamentales dont l'Etat a le devoir d'exiger la justification pour le libre exercice de l'enseignement privé. Longtemps on a pu considérer le diplôme de bachelier comme constituant une garantie suffisante de savoir pour le chef d'établissement, tandis que le titre de licencié semblait, selon l'expression de M. Gabriel Compayré dans son rapport à la Chambre des députés du 27 juin 1882, « un brevet de spécialiste inutile à qui n'intervient pas personnellement dans l'enseignement. Aujourd'hui, il est indispensable que les chefs d'établissements privés possèdent au moins les mêmes connaissances générales et présentent les mêmes titres exigés des plus humbles fonctionnaires de l'enseignement public. Mais les diplômes et les grades qui peuvent établir l'instruction acquise n'établissent nullement les aptitudes pédago giques de ceux à qui ils ont été conférés. Jules Ferry se plaisait à rappeler sur ce point l'opinion si fortement exprimée par M le duc de Broglie, dans son rapport présenté à la Chambre des pairs, le 22 avril 1844: « Pour diriger convenablement un établissement d'éducation « quelconque il ne suffit pas de posséder à un certain degré << la connaissance des choses que l'on se propose d'enseigner; «< il faut avoir étudié sérieusement les principes généraux de « l'éducation, les méthodes approuvées, les ouvrages qui <«<font autorité en cette matière. Il faut posséder les qualités << de l'esprit qui rendent propres à exercer sur la jeunesse un << salutaire ascendant; il faut être soi-même un homme bien << élevé. << La production d'un diplôme de bachelier, ou même de li«< cencié, ne garantissant ni la possession de ces connaissan« ces spéciales, ni celle des qualités nécessaires, il faut à la << société une garantie qui résulte d'un examen ad hoc et qui << soit constatée par l'admission au brevet spécial de capa<«< cité. » L'aptitude pédagogique. Nous ne faisons pas preuve d'une excessive rigueur en exigeant les garanties de capacité professionnelle et le certificat d'aptitude spéciale qui, déjà en 1844, apparaissaient comme nécessaires à M. le duc de Broglie. Ces exigences auront,en outre, le mérite de rendre impossible l'interposition de ces directeurs fictifs derrière lesquels se sont tant de fois abrités et pourraient encore s'abriter des entreprises d'industrie scolaire ou des associations en révolte contre la loi. Ces dispositions formulées dans l'article 1er s'appliquent également aux directrices d'établissement secondaire de jeunes filles qui devront produire, à défaut d'un diplôme de licencié, un diplôme d'enseignement secondaire dont un règlement, délibéré en conseil supérieur de l'instruction publique, devra déterminer le mode de collation. Elles seront également astreintes à produire le certificat d'aptitude prévu pour les directeurs d'établissements de garçons. Le développement de notre enseignement secondaire de jeunes filles nous permet et nous commande d'exiger les mêmes garanties que que pour l'enseignement secondaire des garçons. Les conditions d'ouverture. Les directeurs et directrices d'établissements d'enseignement secondaire devront joindre à leur déclaration d'ouverture l'indication des localités qu'ils ont habitées, des emplois ou des professions qu'ils ont exercés depuis l'âge de 20 ans, le plan des locaux scolaires avec les titres de propriété et de jouissance. Ils devront, en outre, signer une déclaration constatant qu'ils n'appartiennent pas à une congrégation non autorisée c'est-à dire qu'ils ne contreviennent pas à la loi du 1er juillet 1901 sur les associations. Pour que le contrôle de l'Etat puisse s'exercer utilement, il faut que les chefs d'établissements fassent connaître à l'inspecteur d'académie, en même temps que leur intention d'ouvrir un établissement la liste de leurs collaborateurs de tous ordres et le programme de leur enseignement. Ils devront,en outre, fournir sur leurs collaborateurs les mêmes renseignements qui sont exigés d'eux-mêmes et produire une déclaration individuelle constatant qu'aucun n'appartient à une congrégation non autorisée. Enfin, la production du casier judiciaire complet achèvera de prémunir l'inspecteur d'académie contre les surprises d'une déclaration faite, en fraude de la loi, par une personne incapable d'enseigner. Les établissements privés d'enseignement secondaire doivent pouvoir s'alimenter des ressources que leur fourniront la générosité des particuliers ou des associations, la contribution de l'Etat, des départements et des communes. Mais, en ce qui concerne l'Etat, les départements et les communes, l'allocation sous forme de subventions ou de bourses, doit être entourée des précautions que stipule l'article 2. Il est nécessaire également que les établissements privés d'enseignement secondaire ne puissent, en usurpant les noms de << lycées» ou de « collèges », faire une concurrence déloyale à notre enseignement secondaire public. Cette défense est édictée par l'article 3. Ces prescriptions ou ces prohibitions ne sont nullement des entraves à la liberté de l'enseignement, puisque tout Français âgé de vingt-cinq ans, hormis les cas d'incapacité dont l'énumération est reprise et complétée par l'article 4, peut ouvrir un établissement privé d'enseignement secondaire. La seule mesure préventive contre l'ouverture d'un établissement privé d'enseignement secondaire est l'opposition formée par l'inspecteur d'académie, soit dans l'intérêt des bonnes mœurs et de l'hygiène, soit pour déclaration incomplète ou inexacte. Cette procédure d'opposition, qui se trouvait déjà indiquée dans l'article 64 de la loi de 1850, est organisée conformément à la loi du 30 octobre 1886 sur l'enseignement primaire. Les grades. De même, en ce qui concerne le personnel enseignant, nous estimons qu'il importe de soumettre les maîtres de l'enseignement public à l'obligation des grades. « Ces préventions opiniâtres contre les grades, » qu'imaginait M. de Falloux, n'existent plus s'il est vrai qu'elles aient jamais existé les diplômes universitaires sont admis par tous comme les meilleures preuves de savoir et de capacité. Mais il serait injuste, soit d'exiger des grades uniformes de tous les professeurs, quel que soit leur enseignement, soit de fixer arbitrairement le nombre de licenciés que chaque établissement doit compter pour être en règle avec la loi. Ces différents systèmes, qui furent ceux de M. Jules Ferry et de M. Paul Bert, ne sauraient plus convenir à la complexité croissante de l'enseignement secondaire. Nous avons donc, tant pour les professeurs des établissements de garçons que pour les maîtres et maîtresses des établissements de filles, proportionné les exigences de grades ou de titres au degré de l'instruction donnée. Ainsi nous espérons obtenir de tous ceux à qui incombe la responsabilité de l'enseignement un minimum d'aptitude professionnelle. Toutes ces garanties seraient vaines si, par une inspection rigoureusement organisée et des sanctions efficaces, le respect de la loi n'était assuré. L'inspection par l'Etat. La loi de 1850 avait bien prévu l'inspection des établissements privés, mais avait omis d'en déterminer l'objet et le fonctionnement. A l'inspection facultative, nous entendons substituer l'inspection obligatoire régulière et sérieuse, portant tout à la fois sur la moralité, l'hygiène et l'enseignement lui-même dont on devra contrôler, non pas la valeur pédagogique, mais la conformité avec la Constitution et les lois. Enfin, les prescriptions de la loi seront sanctionnées de pénalités correctionnelles ou universitaires, comportant les unes et les autres, à titre de pénalité accessoire, la fermeture, facultative ou obligatoire, de l'établissement dont le chef ou les maîtres auront contrevenu à l'une de leurs obligations. La fermeture de l'établissement pourra même être prononcée par le conseil académique dans l'intérêt unique de la salubrité, d'après l'article 12. L'article 23 contient une disposition analogue à celle qui a été adoptée dans la loi du 16 juin 1881 relative au brevet de capacité de l'enseignement primaire il dispense les chefs d'établissement qui, eu égard à leur âge et à la durée de leurs services dans l'enseignement, peuvent être considérés comme ayant implicitement satisfait aux prescriptions de la loi nouvelle. Les petits séminaires. Une certaine catégorie d'établissements, les établissements d'enseignement secondaire ecclésiastiques ou petits séminaires bénéficient, en vertu de l'ordonnance de 1814, d'une situation privilégiée que l'article 70 de la loi de 1850 a consacrée. La plupart d'entre eux ne constituent plus aujourd'hui, en réalité, que des établissements d'enseignement secondaire libre s'adressant à toute clientèle scolaire sans exception et préparant, comme les autres, aux mêmes examens et aux mêmes grades. Il convient donc de les soumettre au régime de droit commun; c'est ce qui résulte de l'abrogation de l'article 70 de la loi de 1850. PROJET DE LOI Article 1er. Tout Français âgé de vingt-cinq ans au moins et n'ayant encouru aucune des incapacités prévues par la présente loi peut ouvrir un établissement privé d'enseignement secondaire aux conditions suivantes : to Faire une déclaration d'ouverture à l'inspecteur d'académie du département où sera situé l'établissement; 2o Produire avec sa déclaration les pièces ci-après dont il lui sera donné récépissé, dans un délai de cinq jours au maximum : a) Son acte de naissance; b) L'indication des localités qu'il a habitées et des emplois qu'il a occupés, ou des professions qu'il a exercées depuis l'âge de vingt ans ; c) La déclaration qu'il n'appartient pas à une congrégation non autorisée ; d) S'il s'agit d'un établissement de garçons, le diplôme de licencié de l'ordre des lettres ou des sciences exigé des professeurs de l'enseignement public; s'il s'agit d'un établissement secondaire de filles, le diplôme de licencié prévu ci-dessus ou le diplôme d'enseignement secondaire des jeunes filles délivré, après examen public, suivant un règlement délibéré en conseil supérieur de l'instruction publique; e) Un certificat d'aptitude aux fonctions de directeur ou de directrice délivré dans des conditions qui seront déterminées par un règlement d'administration publique après avis du conseil supérieur de l'instruction publique ; |