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n'était pas moins attaché à la liberté de l'enseignement. Plus récemment, l'un des chefs du parti socialiste, M. Jaurès, ne s'était-il pas également prononcé pour la liberté d'enseignement? Et aussi M. Henry Maret, qui avait écrit ironiquement ceci : « Républicains, mes frè<< res, ne renonçons jamais au péril clérical, nous nous <«< retirerions ainsi le pain de la bouche. »

M. Aynard rappela enfin à la Chambre que le régime parlementaire était fait pour ajouter aux libertés acquises et non pour y retrancher, et termina sa vigoureuse improvisation par l'évocation de cette parole prononcée à l'Assemblée de 1850 par Edgar Quinet : « La Républi« que, c'est la liberté donnée à tout le monde. » « Nous << avons la République, vous nous devez la liberté promise, <«< conclut M. Aynard, je vous somme de tenir votre pro

<< messe. »>

Le Président de la Chambre donna alors lecture du texte du projet de résolution de M. Brisson proposant d'améliorer le sort des instituteurs et d'abroger la loi Falloux dans les termes de la proposition soumise au Sénat.

<<< C'est la soumission devant le Sénat, s'écria M. Ribot <«< de sa place, faite par ceux qui ont toujours demandé <«< la suppression du Sénat. « Ce n'est pas même le « Sénat, que vous vouliez supprimer, qui vous sert d'é«< gide à vous, socialistes; vous allez fouiller dans le

<< secret d'une commission du Sénat l'arme dont vous << voulez vous servir pour satisfaire vos passions. C'est << un peu trop d'humilité. »

M. Brisson riposta qu'il avait toujours, quant à lui, voté pour l'existence du Sénat et qu'il préférait lui demander des leçons de républicanisme que de «< s'abaisser << à chercher l'appui de la réaction »>.

La première partie du projet de résolution, manifes

tant la sympathie de la Chambre aux instituteurs, fut adoptée par 523 voix contre 20.

Le vote eut lieu ensuite sur la seconde partie ainsi

conçue :

La Chambre, adhérant au principe de la proposition faite au Sénat et déjà favorablement accueillie par cette assemblée pour l'abrogation de la loi Falloux.

Le vote donna lieu à pointage. Finalement, cette seconde partie fut adoptée à 24 voix de majorité, par 266 voix contre 242.

La majorité comprenait 195 radicaux socialistes ou radicaux, 44 socialistes, 26 progressistes ministériels, I nationaliste.

La minorité comprenait 123 républicains progressistes

dont une trentaine votant habituellement pour le ministère, 4 radicaux dissidents et 115 députés comprenant la droite, les ralliés et les républicains nationalistes.

38 membres s'étaient abstenus, dont 14 radicaux, 4 radicaux antiministériels et 24 républicains progressistes.

Les ministres députés avaient voté pour le projet de résolution Brisson.

Ce projet devait constituer la partie essentielle, pour ne pas dire unique, du programme radical aux élections générales de 1902.

La discussion du budget de la guerre fut précédée d'un grand débat sur la réduction de la durée du service militaire, autre partie du programme radical.

Le débat s'engagea à la séance du 21 février (après midi) sur un projet de résolution de M. Gouzy, député radical socialiste du Tarn, en faveur de la réduction du temps de service militaire à deux ans.

Malgré l'intervention de M. Waldeck-Rousseau, Président du Conseil, qui signala à la Chambre l'inconvénient d'une discussion qui ne pourrait se terminer que par un vœu, le Sénat seul étant saisi d'une proposition de loi sur la réduction du service militaire, la Chambre désireuse, à la veille des élections, de se livrer à une manifestation électorale, repoussa, par 389 voix contre 167, l'ajournement demandé par le Président du Conseil.

M. Gouzy prit alors la parole pour développer son projet de résolution. Il ne se dissimulait pas que la principale critique dirigée contre le service militaire de deux ans portait sur la diminution des effectifs, qui menaçait d'en être la conséquence. A son avis, la suppression totale des dispenses devrait parer à ce danger et permettre de maintenir le chiffre de 575.000 hommes nécessaire en temps de paix.

Le service d'un an avec un corps nombreux de rengagés, système proposé par certains députés républicains progressistes, lui paraissait impraticable et surtout dangereux, car il favoriserait la reconstitution d'une armée de «prétoriens >>.

Pour assurer de bons cadres (sous-officiers et caporaux), M. Gouzy pensait que le meilleur moyen consisterait à exiger de tout candidat aux fonctions publiques un certain temps de service sous les drapeaux avec le grade de sous-officier.

M. Gouzy termina son exposé par quelques considérations sur le rôle des volontaires improvisés de 1792, qui n'avaient pas eu besoin d'un long service sous les drapeaux pour gagner la bataille de Valmy.

M. Le Hérissé, député radical nationaliste d'Ille-etVilaine, donna son adhésion à la réduction du service

militaire à deux ans, mais sous la condition préalable de la suppression totale des dispenses. Il donna à ce sujet quelques chiffres intéressants. La réduction du service militaire à deux ans devait, par la suppression d'une classe sous les drapeaux, causer un déficit de 123.000 hommes, la suppression totale des dispenses devait, d'autre part, faire entrer dans les rangs de l'armée 66.000 hommes. Le déficit total ressortait donc encore à 57.000 hommes.

Sans doute pour le combler presque complètement, le ministre proposait de recourir à un système de rengagements dont il espérait obtenir 14.000 sous-officiers et 36.000 caporaux et soldats. Mais encore fallait il que les rengagés pussent être assurés d'avoir, immédiatement après leur sortie du régiment, les emplois civils qu'on leur promettait.

La conclusion de M. Le Hérissé était qu'il convenait d'agir avec prudence, de prendre toutes les précaution s nécessaires et de résoudre la question de la durée du service militaire en faisant abstraction de toutes préoccupations politiques et électorales et avec le seul souci de la sécurité nationale.

A la séance du 24 février (matin), M. Lasies, député nationaliste du Gers, préconisa la réduction du service. militaire à un an et la constitution d'un fort noyau de troupes composées de rengagés.

M. Berteaux, député radical socialiste de Seine-et-Oise, affirma que l'instruction militaire pouvait s'accommoder de deux années seulement de service et qu'en puisant de nouveaux soldats dans les services auxiliaires on arriverait aisément à l'effectif nécessaire.

Il conclut par cette déclaration-l'événement devait se charger malheureusement de la démentir que l'exemple de la République du Transvaal en guerre contre l'Angle

terre montrait qu'une armée nationale pouvait lutter avantageusement contre une armée de métier.

Après quelques observations de M. Suchetet, député conservateur de la Seine-Inférieure, sur la nécessité d'obtenir les rengagements préalablement à toute réduction du service militaire, M. Adrien Lannes de Montebello, député républicain progressiste de la Marne, prit la parole.

Il commença par déclarer que la Chambre ne pouvait résoudre une question aussi grave par « un vœu de conseil général ».

Quant au gouvernement, il avait bien, au Sénat, par l'organe du ministre de la guerre, reconnu la nécessité de mesures préparatoires à la réduction du service militaire, mais il ne les avait pas prises.

Or, sans ces mesures préparatoires, il devait manquer à notre armée 50.000 hommes au moins, dont 14.000 sous-officiers.

M. de Montebello insista avec force sur cette diminution des cadres. Aujourd'hui, avec le service de 3 ans, les sous-officiers étaient pris parmi le contingent de la 2 classe. Mais avec le service de 2 ans, où trouverait-on des sous-officiers, puisque ceux-ci partiraient tous le même jour avec la libération de la 2o classe à laquelle ils appartiendraient. On voit le trouble profond et la désorganisation qui résulteraient d'une telle manière de procéder.

Il ne pouvait donc être question d'une réduction du service militaire qu'à la condition de procéder par étapes et par des rengagements préalables de sous-officiers et de soldats.

Quant à la suppression des dispenses, et surtout de celles pour soutiens de famille, elle n'était pas si aisée à

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