Quand l'Académie travailloit à la première Edition de fon Dictionnaire, laquelle parut en mil fix cent quatre-vingt-quatorze, nos Prédéceffeurs crurent le rendre plus inftructif en rangeant les mots par racines, c'est-à-dire, en plaçant tous les mots dérivés ou compofés à la fuite du mot primitif dont ils viennent, foit que ce primitif ait fon origine dans la Langue Françoife, foit qu'il la tire du Latin, ou de quelque autre Langue. On crut encore devoir s'attacher à l'orthographe qui pour lors étoit généralement reçue, & qui fervoit à faire reconnoître l'étymologie des mots. La feconde Édition du Dictionnaire parut en mil fept cent dix-huit, mais fous une forme fi différente de la première, qu'on peut dire qu'alors l'Académie donna plutôt un Dictionnaire nouveau, qu'une nouvelle Édition de l'ancien. On vient de voir par quelle raison les mots y avoient été rangés par racines: mais cet ordre qui dans la spéculation avoit paru le plus convenable, fe trouva d'un ufage fort incommode. Les mots furent donc rangés dans la feconde Edition fuivant leur ordre alphabétique, en forte qu'il n'y en eut plus aucun qu'on ne pût trouver d'abord & fans peine : mais on y fuivit à peu près l'orthographe de la première Édition. Les changemens faits dans la troisième qui parut en mil fept cent quarante, font d'une autre nature, mais ils ne font guère moins importans. On y a perfectionné les définitions des mots; on a tâché de marquer encore plus précisément l'étendue de leur fignification, en ajoutant de nouveaux exemples; on a mis aux verbes irréguliers les temps de leurs conjugaifons qui font en ufage, afin d'épargner à ceux qui confulteront le Dictionnaire, la peine d'aller les chercher dans des Grammaires. Nous nous fommes propofé les mêmes objets, & nous avons tâché de les remplir dans l'Édition que nous donnons aujourd'hui; elle est d'ailleurs augmentée d'un très - grand nombre de mots qui appartiennent, foit à la Langue commune, foit aux arts & aux fciences. De plus, l'Académie a fait dans cette Edition un changement affez confidérable, que les gens de lettres demandent depuis long-temps. On a féparé la voyelle I de la confonne J, la voyelle U de la confonne V, en donnant à ces confonnes leur véritable appellation; de manière que ces quatre lettres qui ne formoient que deux claffes dans les Éditions précédentes, en forment quatre dans celle-ci; & que le nombre des lettres de P'Alphabet François qui étoit de vingt-trois, eft aujourd'hui de vingt-cinq. Si le même ordre n'a pas été fuivi dans l'orthographe particulière de chaque mot, c'est qu'une régularité plus fcrupuleufe auroit pu embarraffer quelques lecteurs, qui ne trouvant pas les mots où l'habitude les auroit fait chercher, auroient fuppofé des omiffions. On eft obligé de faire avec ménagement les réformes les plus raifonnables. À l'égard des autres lettres, on a obfervé dans cette Edition le même ordre alphabétique que dans la précédente ; & fi quelques mots ont changé de place, c'eft que la manière de les écrire ayant changé, il étoit devenu néceffaire de les tirer du rang où ils étoient, pour les mettre dans un autre. La profeffion que l'Académie a toujours faite de fe conformer à l'ufage univerfellement reçu, foit dans la manière d'écrire les mots, foit en les qualifiant, l'a forcée d'admettre des changemens que le public avoit faits. L'Académie n'ignore pas les défauts de notre orthographe; mais on entreprendroit en vain d'affujettir la Langue à une orthographe fystématique, dont les règles fondées fur des principes invariables, demeuraffent toujours les mêmes. L'ufage qui, en matière de Langue, eft plus fort que la raifon, auroit bientôt tranfgreffé ces lois. Il est comme impoffible que dans une Langue vivante, la prononciation des mots reste toujours la même: cependant le changement qui furvient dans la prononciation d'un terme, en opère un autre dans la manière de l'écrire. Par exemple, quelque temps après avoir ceffé de prononcer le B dans Obmettre, & le D dans Adjoûter, on les a fupprimés en écrivant. En effet l'on ne pourroit apprendre qu'avec peine à lire les Livres écrits dans fa Langue naturelle, fi l'ulage ne changeoit pas quelque chofe dans l'orthographe des mots dont il a changé la prononciation. Toute variable qu'eft la prononciation, elle ne laiffe donc pas de donner en quelques rencontres la loi à l'orthographe. Il eft vrai feulement que cela n'arrive que par degrés. Voici quelle eft, fuivant les apparences, la caufe d'un progrès fi lent. Dès qu'une nouvelle manière de prononcer un mot s'eft généralement établie, on est obligé de fe conformer à l'ufage reçu. On mériteroit des reproches, fi l'on s'obftinoit à conferver la prononciation qui a vieilli. Il n'en eft pas de même des changemens que l'ufage introduit dans l'orthographe. On peut garder l'ancienne fans de grands inconvéniens, & les hommes faits ont de la répugnance à changer quelque chofe dans celle qu'ils fe font formée dès leur première jeuneffe, foit fur les leçons d'un maître beaucoup plus âgé qu'eux, foit par la lecture des Livres imprimés depuis plufieurs années. D'ailleurs il leur faudroit une attention pénible pour fe conformer toujours aux règles d'une orthographe qu'ils n'auroient adoptée que dans un âge avancé. Ils prennent donc le parti de conferver celle à laquelle ils font accoutumés, & ils la gardent, quoiqu'on en fuive déjà une différente. Ce n'eft qu'après qu'ils ne feront plus, que les changemens dont nous parlons, & qu'ils avoient refufé d'adopter, fe trouveront généralement reçus. D'autres raisons introduisent auffi divers changemens dans l'orthographe. Si l'ignorance & la pareffe mettent quelquefois en vogue certaines manières d'écrire, quelquefois c'eft la raifon qui les établit. On les adopte, foit pour adoucir la prononciation de quelque mot, foit afin de n'être pas réduit à se servir d'un même caractère pour exprimer des fons différens, ou de caractères différens pour exprimer le même son. L'Académie s'eft donc vue contrainte à faire à fon orthographe plufieurs changemens qu'elle n'avoit point jugé à propos d'adopter, lorfqu'elle donna l'Edition précédente. Il n'y a guère moins d'inconvéniens dans la pratique, à retenir obstinément l'ancienne orthographe, qu'à l'abandonner légérement pour fuivre de nouvelles manières d'écrire, qui ne font que commencer à s'introduire. Si l'Académie avoit perfévéré dans fa première réfolution, les Étrangers, & même les François, auroient-ils pu fe fervir commodément d'un Dictionnaire où plufieurs mots auroient été écrits autrement qu'ils ne le font communément aujourd'hui, & par conféquent placés ailleurs que dans les endroits où l'on iroit naturellement les chercher ? On ne doit point en matière de Langue, prévenir le Public; mais il convient de le fuivre, en fe foumettant, non pas à l'ufage qui commence, mais à l'ufage généralement établi. Nous avons donc fupprimé dans plufieurs mots les lettres doubles qui ne fe prononcent point. Nous en avóns ôté les lettres B, D, H, S, qui étoient inutiles. Dans les mots où la lettre S marquoit l'alongement de la fyllabe, nous l'avons remplacée par un accent circonflèxe. Nous avons encore mis, comme dans l'Édition précedente, un I fimple à la place de l'Y, par tout où il ne tient pas la place d'un double I, ou ne fert pas à conferver la trace de l'étymologie. Ainfi nous écrivons Foi, Loi, Roi, &c. avec un I fimple; Royaume, Moyen, Voyez, &c. avec un I, qui tient la place du double I: Phyfique Synode, &c. avec un Y, qui ne fert qu'à marquer l'étymologie. Si l'on ne trouve pas une entière uniformité dans ces retranchemens, fi nous avons laiffé dans quelques mots la: lettre fuperflue que nous avons ôtée dans d'autres, c'eft que l'ufage le plus commun ne nous permettoit pas de la supprimer. EXPLICATION DES ABRÉVIATIONS dont on fe fert dans ce Dictionnaire. LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE: À nos amés & féaux Con feillers, les gens tenans nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand Confeil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieutenans civils, & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra, SALUT. L'ACADÉMIE FRANÇOISE, dont à l'exemple du Roi Louis XIV notre Prédéceffeur & très-honoré Bifaïeul, nous avons bien voulu nous déclarer le Chef & le Protecteur, nous ayant fait repréfenter qu'elle continue de donner tous fes foins à la perfection de la Langue Françoife, en forte que non-feulement elle a revu & augmenté fon Dictionnaire pour en donner une nouvelle Edition, mais qu'elle a fait auffi diverses obfervations fur la Langue, & travaillé à plufieurs Ouvrages de même nature, qu'elle défireroit faire imprimer, s'il nous plaifoit de lui accorder des lettres de Privilége, tant pour la réimpreffion de fon Dictionnaire, que pour l'impreffion des autres Ouvrages qu'elle a entrepris; offrant pour cet effet de les faire imprimer & réimprimer en bon papier & beaux caractères, conformément à la feuille imprimée & attachée pour modèle fous le contrefcel des Préfentes. A CES CAUSES, voulant favorablement traiter ladite Académie, tant en confidération du mérite & de la capacité des perfonnes qui la compofent, qu'à caufe de l'avantage que le Public peut retirer des Ouvrages auxquels elle s'applique, nous avons permis & permettons par ces Préfentes à ladite Compagnie de faire imprimer, vendre & débiter en tous les lieux de notre obéiffance, par tel Imprimeur qu'elle voudra choifir, & autant de fois que bon lui femblera, fon Dictionnaire revu & augmenté, & tous les autres Ouvrages qu'elle aura faits, & qu'elle voudra faire paroitre en fon nom, en un ou plufieurs Volumes, conjointement ou féparément, fur papier & caractères conformes à ladite feuille imprimée, & attachée pour modèle fous notredit contrefcel; & ce pendant le temps & efpace de vingt-cinq années confécutives, à compter du jour de la date des Préfentes : Faifons très-expreffes défenfes à tous Imprimeurs, Libraires, & autres perfonnes de quelque qualité & condition que ce fit, d'imprimer ou de faire imprimer, en tout ni en partie, aucun des Ouvrages de ladite Académie, ni d'en introduire, vendre ou débiter aucun d'impreffion étrangère dans notre Royaume, fans le confentement par écrit de ladite Académie, ou de ceux qui auront fon droit, à peine contre chacun des contrevenans de trois mille livres d'amende, applicable un tiers à Nous, un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris, & l'autre tiers à ladite Académie, ou aux Libraires dont elle fe fera fervie; & à peine aufli de confifcation des Exemplaires, & de tous dépens, dommages & intérêts; à condition néanmoins que dans trois mois, à compter de ce jour, ces Préfentes feront enregiftrées tout au long far le Regiftre de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris: Que l'impreffion de chacun defdits Ouvrages de l'Académie fera faite dans notre Royaume & non ailleurs ; & qu'elle fe conformera, ou ceux qui auront droit d'elle, en tout aux Réglemens de la Librairie, & notamment à celui du 10 Avril 1725; & qu'avant de les expofer en vente, il en fera mis deux exemplaires de chacun dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, & un dans celle de notre très-cher & féal Chevalier le fieur DAGUESSEAU, Chancelier de France, Commandeur de nos Ordres ; le tout à peine de nullité des Préfentes. Du contenu defquelles vous mandons & enjoignons de faire jouir pleinement & paifiblement ladite Académie ou ceux qui auront droit d'elle, fans fouffrir qu'il leur foit fait aucun trouble ou empêchement: Voulons que la copie des Préfentes, qui fera imprimée tout au long au commencement ou à la fin de chacun defdits Ouvrages, foit tenue pour dûment fignifiée, & qu'aux copies collationnées par l'un de nos amés & féaux Confeillers & Secrétaires, foi foit ajoutée comme à l'Original: Commandons au premier notre Huiffier ou Sergent fur ce requis, de faire pour l'exécution d'icelles tous actes requis & néceffaires, fans demander autre permiffion, & nonobftant Clameur de Haro, Charte Normande, & Lettres à ce contraires : CAR tel eft notre plaifir. Donné à Paris le trentième jour du mois d'Avril, l'an de grâce mil fept cent cinquante, & de notre Règne le trentecinquième. Par le Roi en fon Confeil. SAINSON. L'Académie Françoise a cédé le préfent Privilége au fieur BRUNET, fon Libraire, fuivant les conditions portées dans fes Registres. A Paris le vingt Juin mil sept cent cinquante. MIRABAUD, Secrétaire perpétuel de l'Académie. Registré ensemble la Ceffion ci-derrière fur le Regiftre XII de la Chambre Royale des Libraires & Imprimeurs de Paris, No. 431, fol. 309, conformément aux anciens Réglemens, confirmés par celui du 28 Février 1723. A Paris le 22 Juin 1750. LE GRAS, Syndic. L'Académie a cédé le préfent Privilége à la Veuve BRUNET, fuivant les conditions portées dans fes Regiftres. A Paris le premier Décembre mil fept cent foixante. DUCLOS, Secrétaire perpétuel de l'Académie. Registré enfemble le Privilege & les deux Ceffions fur le Registre XV de la Chambre Royale & Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris, No. 266 & 267, conformément aux anciens Réglemens, confirmés par celui du 28 Février 1723. A Paris ce 28 Février 1761. G. C. SAUGRAIN, Syndic. www DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE FRANÇOISE. A A Lettre voyelle, la première de l'Alphabet. En ce fens il eft fubftantif, & dans la prononciation on le fait long. (Un grand A. Un petit A.) On dit communément de quelqu'un qui ne fait pas lire, & figurément de quelqu'un qui eft fort ignorant, qu'Il ne fait ni A, ni B. On dit, Une panfe d'A, pour dire Le commencement de la formation de la lettre A, qui dans l'écriture ordinaire s'écrit a. Et dans ce fens, quand on a donné quelque chofe à écrire à quelqu'un, & qu'il n'y a point encore travaillé, on dit proverbialement qu'll n'en a pas fait une panfe d'A. La même chofe fe dit figurément, pour donner à entendre qu'un homme qui avoit entrepris de compofer quelque ouvrage, n'y a point encore travaillé, ou pour fignifier qu'un homme n'a nulle part à un ouvrage d'efprit qu'on lui attribue. Il n'y a pas fait une panfe d'A. A, Prépofition, qui, felon les mots auxquels elle fe joint, reçoit diverfes fignifications, dont les principales peuvent fe réduire aux Prépofitions fuivantes, Après. Avec. Dans. En. Par. Pour, Selon, Suivant, Sur. Vers. À, dans la fignification d'Après. (A deux mois de la. A deux jours de là. Tome I.. que je vois. À ce que vous dites. If faur: donc à votre compte, à votre avis.) A, dans la fignification de Sur. (Monter à cheval. Mettre pied à terre. A peine de la vie. Un oifeau qui fe bat à la perche. ) Aller pas à pas. Arracher brin à brin. A, dans la fignification de Par.(Obtenir A, dans la fignification de Pour. (Pren- Bâtir à la manière d'Italie. Vivre à fa A, entre deux noms de nombre, fignifie Il fert auffi à marquer le Lieu. (Se tenir à l'entrée du bois. Il demeure à deux lieues d'ici, à vingt lieues de la.. Être à l'écart, à l'abri, a découvert.) La Situation. (A droite. A gauche. A côté. A pied. A cheval.) La Pofture, le Geste. (Etre à genoux, Prier à mains jointes. Recevoir à bras ouverts.) La Manière de vivre, de s'habiller de fe mettre, de marcher, &c. ( Vivre à la Françoife. S'habiller à l'Espagnole.. Un homme a foutane, à cheveux courts. Marcher à petits pas. Courir à toutess A. |