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aussi durable que la justice, et dont les imperfections, suite de l'inexpérience de ses auteurs, seront facilement réparées.

« Nous avons eu à combattre des préjugés invétérés depuis des siècles, et mille incertitudes accompagnent les grands changemens. Nos successeurs seront éclairés par l'expérience, et c'est à la seule lueur des principes qu'il nous a fallu tracer une route nouvelle; ils travailleront paisiblement, et nous avons essuyé de grands orages; ils connoîtront leurs droits et les limites de tous les pouvoirs, nous avons recouvré les uns et fixé les autres; ils consolideront notre ouvrage; ils nous surpasseront, et voilà notre récompense. Qui oseroit maintenant assigner à la France le terme de sa grandeur? qui n'éleveroit ses espérances ? qui ne se réjouiroit d'être citoyen de cet empire ?

Cependant telle est la crise de nos finances, que l'état est menacé de tomber en dissolution avant que ce bel ordre ait pu s'affermir. La cessation des revenus fait disparoître le numéraire; mille circonstances le précipitent au-dehors du royaume; toutes les ressources du crédit sont taries;

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la circulation universelle menace de s'ar rêter, et si le patriotisme ne s'avance au secours du gouvernement et de l'administration des finances, qui embrasse tout, notre armée, notre flotte, nos subsistances, nos arts, notre commerce, notre agriculture, notre dette nationale, la France se voit rapidement entraînée vers la catastrophe où elle ne recevra plus de loix que des désordres de l'anarchie.... La liberté n'auroit lui un instant à nos yeux que pour s'éloigner, en nous laissant le sentiment amer que nous ne sommes pas dignes de la posséder. A notre honte et aux yeux de l'univers, nous ne pourrions attribuer nos maux qu'à nous-mêmes. Avec un sol si fertile, avec une industrie si féconde, avec un commerce tel que le nôtre, et tant de moyens de prospérité, qu'est-ce donc que l'embarras de nos finances? tous nos besoins du moment sont à peine les fonds d'une campagne de guerre; notre propre liberté ne vaut-elle pas ces luttes insensées où les victoires mêmes nous ont été funestes ?

« Ce moment une fois passé, loin de surcharger les peuples, il sera facile d'a méliorer leur sort. Des réductions qui n'at

teignent teignent pas encore le luxe et l'opulence, des réformes qui ne feront point d'infortunés, des conversions faciles d'impôts, une égale répartition établiront avec l'équilibre des revenus et des dépenses un ordre permanent, qui, toujours surveillé, sera inaltérable; et cette consolante perspective est assise sur des supputations exactes sur des objets réels et connus. Ici les espérances sont susceptibles d'être démontrées, l'imagination est subordonnée au calcul.

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>> Mais les besoins actuels! mais la force publique paralysée ! mais pour cette année et pour la suivante cent soixante millions d'extraordinaire !..... Le premier ministre des finances nous a proposé, comme moyen principal pour cet effort qui peut décider du salut de la monarchie, une contribution relative au revenu de chaque citoyen.

>> Prenez entre la nécessité de pourvoir sans délai aux besoins publics et l'impossibilité d'approfondir en peu d'instans le plan qui nous étoit offert; nous avons craint de nous livrer à des discussions longues et douteuses, et ne voyant dans les propositions du ministre rien de contraire à nos devoirs, nous avons suivi le sentiment de Tome II.

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la confiance, en préjugeant qu'il seroit le vôtre. L'attachement universel de la nation pour l'auteur de ce plan nous a paru le gage de sa réussite, et nous avons embrassé sa longue expérience comme un guide plus sûr que de nouvelles spéculations.

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L'évaluation des revenus est laissée à la conscience des citoyens; ainsi l'effet de cette mesure dépend de leur patriotisme. Il nous est donc permis, il nous est ordonné de ne pas douter de son succès.

>> Quand la nation s'élance du néant de la servitude vers la création de la liberté, quand la politique va concourir avec la nature au déploiement immense de ses hautes destinées, de viles passions s'opposeroient à sa grandeur; l'égoïsme l'arrêteroit dans son essor; le salut de l'état peseroit moins qu'une contribution personnelle !

« Non, un tel égarement n'est pas dans la nature; les passions même ne cèdent pas à des calculs si trompeurs. Si la révolution qui nous a donné une patrie pouvoit laisser indifférens quelques François, la tranquillité du royaume, gage unique de leur sûreté particulière, seroit du moins un intérêt pour eux. Non, ce ce n'est point au sein du

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bouleversement universel, dans la dégradation de l'autorité tutélaire, lorsqu'une foule de citoyens indigens, repoussés de tous les atteliers des travaux, harceleront une impuissante pitié ; lorsque les troupes se dissoudront en bandes errantes, armées de glaives et provoquées par la faim; lorsque toutes les propriétés seront insultées l'existence de tous les individus menacée, la terreur ou la douleur aux portes de toutes les familles; ce n'est point dans ce renversement que de barbares égoïstes jouiroient en paix de leurs coupables refus à la patrie; l'unique distinction de leur sort, dans les peines communes, seroit aux yeux de tous un juste opprobre; au fond de leur ame, un inutile remords.

Eh! que de preuves récentes n'avonsnous pas de l'esprit public qui rend tous les suceès si faciles! avec quelle rapidité se sont formées ces miliçes nationales, ces légions de citoyens armés pour la défense de l'état, le maintien de la paix, la conservation des loix! Une généreuse émulation se manifeste de toutes parts; villes, communautés, provinces, ont regardé leurs privilèges comme des distinctions odieuses;

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