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Sur l'appel interjeté par le sieur Maurel, créancier non colloqué arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Toulouse, en date du 9 juillet 1875, ainsi conçu :

Attendu que la loi du 23 mars 1835 n'a pas eu pour objet d'affaiblir la protection accordée par le Code civil aux incapables, ni d'amoindrir les garanties que réclame leur état; que l'exposé des motifs et la discussion protestent contre l'idée qu'une modification serait à cet égard apportée aux principes établis ; qu'aussi la dispense d'inscription de l'hypothèque légale est-elle maintenue au profit de la femme mariée, du mineur et de l'interdit, le seul but de la loi nouvelle étant de restreindre cette dispense à la durée des causes qui l'ont fait naître, de n'en plus laisser indéfiniment le bénéfice aux incapables qui ont recouvré leur capacité; Que la preuve de l'intention de la loi se revèle par ces paroles de l'orateur autorisé à en expliquer la portée et le sens véritable: « Cette faveur » sera maintenue tant que sera maintenue sa raison d'être, tant que >> la femme est dans la dépendance du mari, dont l'intérêt est con» traire au sien, tant que le mineur est sous l'autorité d'un tuteur disposé à se défendre contre toute inscription, si elle était néces»saire; la loi supplée à la résistance du mari ou du tuteur; mais » quand la capacité d'action sera venue à l'un et à l'autre, le besoin » de la publicité reprendra tous ses droits et il ne peut plus être » question que d'accorder un délai pour remplir la formalité pres» crite par la loi commune »; et plus loin on ajoute qu'on ne voudrait en aucun cas « compromettre, même pour l'application du » principe de la publicité des hypothèques, les intérêts du faible » et de l'incapable »;

Attendu que ce sentiment plusieurs fois exprimé sans contradiction au cours des débats législatifs et de telles assurances expliquent le vote sans discussion de l'art. 8, dont la jurisprudence a dû souvent d'ailleurs interpréter et compléter la rédaction insuffisante; que le vague et la généralité des expressions qu'on y trouve ne peuvent être pris en un sens qui serait un démenti à des intentions si formeiles et une dérogation à des principes qu'on déclarait vouloir respecter; qu'il faudrait pour cela un texte impérieux et précis et qui ne laissât aucun doute possible sur la portée de la loi; Qu'il serait difficile de comprendre que le législateur, qui dispense les mineurs d'inscrire leur hypothèque légale contre leur tuteur tant que dure la minorité, pût vouloir les astreindre, sous peine de déchéance, à faire inscrire contre le même tuteur l'hypothèque légale qu'ils recueillent dans la succession d'un frère mineur de la mère, laquelle hypothèque était elle-même dispensée d'inscription jusque-là; Que s'ils sont incapables et dans une dépen lance qui ne leur permet pas d'agir pour inscrire leur hypothèque personnelle, pourquoi seraient-ils plus capables et plus libres pour une hypothèque de même nature et contre le même débiteur, garantis

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sant d'ordinaire les mêmes droits que l'hypothèque pupillaire? Qu'on ne peut donc adopter une interprétation dont le résultat serait de sacrifier les intérêts des incapables et ceux de la famille au profit soit de tiers qui, lorsqu'ils ont traité avec un tuteur, n'ont pu comprendre au nombre de leurs garanties l'inefficacité éventuelle de l'hypothèque légale des mineurs, soit du tuteur lui-même disposé à se défendre contre une inscription sur ses biens propres et qui, par cela même, n'est plus un protecteur mais un adversaire ; Attendu que c'est surtout dans l'espèce soumise à la Cour que cette solution s'impose à l'esprit ; que si, en matière de tutelle, lorsqu'elle a été régularisée au vou de la loi, les mineurs sont protégés contre les actes et les négligences de leur tuteur par des garanties organisées pour la conservation des droits pupillaires, ces garanties font ici complétement défaut; Qu'en effet, au décès de leur sœur Malvina, les enfants Carrat, âgés de 2, 3 et 5 ans, n'avaient d'autres représentant légal que leur père, débiteur des sommes qu'il fallait garantir, et d'autant plus disposé à se défendre contre une inscription, qu'il était gêné et ne voulait porter aucune atteinte à son crédit; - Que la mère des mineurs vivant encore et leur père n'étant qu'un simple administrateur, ils n'étaient protégés ni par l'hypothèque légale qui garantit la gestion du tuteur, ni comme dans la tutelle par la sollicitude et la responsabilité d'un subrogé tuteur; Que frappés de l'incapacité la plus complète, ils auraient donc été absolument livrés, sans défense ni garantie d'aucune espèce, à la discrétion de leur débiteur; que la loi serait inhumaine et imprévoyante si de tels résultats pouvaient se produire, et qu'elle n'a pu le vouloir; - Par ces motifs...

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Pourvoi en cassation par le sieur Maurel, pour violation des art. 2135, 2278 C. civ., et de l'art. 8 de la loi du 23 mars 1855; — Et, le 22 août 1876 (ch. civ.:

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LA COUR; Vu l'art. 8 de la loi du 23 mars 1855; Attendu que cet article, en imposant aux héritiers de la femme, du mineur ou de l'interdit, l'obligation de faire inscrire l'hypothèque légale de leur auteur dans l'année qui suit la dissolution du mariage ou la cessation de la tutelle, ne fait aucune exception pour le cas où ces héritiers seraient eux-mêmes mineurs ou incapables; que cette exception ne peut être suppléée par le juge; qu'elle serait d'ailleurs contraire au vœu de la loi qui a voulu favoriser le développement du crédit foncier, en limitant à la durée du mariage ou de la tutelle, la dispense d'inscription accordée à l'hypothèque légale; que cette faveur exorbitante, à laquelle on a voulu assigner un terme fixe, pourrait en effet se prolonger indéfiniment par des minorités ou autres in capacités successives, si les héritiers majeurs et maîtres de leurs droits étaient seuls tenus de prendre inscription dans le délai fixé par la loi; que la propriété immobilière resterait ainsi grevée, pendant un nombre d'années illimité,

des charges occultes dont le législateur a cru nécessaire de l'affranchir par des considérations d'intérêt public; que si, dans certaines circonstances, l'intérêt particulier des héritiers mineurs peut avoir à souffrir de la déchéance prononcée par la loi, il n'appartient pas aux tribunaux de leur attribuer, pour ce cas, une protection exceptionnelle, que le législateur ne leur a pas accordée et qu'il leur a expressément refusée dans d'autres cas analogues (art. 2278 C.civ);

Attendu, en fait, que les mineurs Carrat, héritiers de leur sœur Malvina, n'ayant pas fait inscrire, dans l'année du décès de cette dernière, l'hypothèque légale qu'elle avait sur les biens d'Auguste Carrat, son tuteur légitime, étaient déchus du droit de faire remonter cette hypothèque au 14 mai 1848, jour de l'ouverture de la tutelle; D'où il suit qu'en maintenant leur collocation à cette date, dans l'ordre ouvert sur le prix des biens dudit Auguste Carrat, l'arrêt attaqué a violé l'article ci-dessus visé; Casse.

Au mot Inscription hypothécaire, no 625 du DICT. NOT. (4° édit.); annotez: V. Art. 21593 J. N.

ART. 21594.

BAIL.

DROITS EN SUS.

ACTE SOUS SEINGS PRIVÉS.

ENREGISTREMENT.

Trib. civ, de Gourdon. - 1er juin 1876.

Lorsqu'un bail de biens immeubles, fait par acte sous seings privés, n'a été ni enregistré dans les trois mois de sa date, ni déposé à un bureau d'enregistrement par le bailleur dans le cours du quatrième mois, la Régie est-elle fondée à exiger du preneur et du bailleur deux droits en sus au minimum de 50 fr. chacun? -L. 23 août 1871, art. 14.

L'affirmative résulte du jugement que nous rapportons cidessous. Nous présentons ci-après des observations sur cette décision qui pourrait bien être fondée, quoique nous ayons émis tout d'abord une opinion différente. Voici d'abord dans quelles circonstances le jugement a été rendu :

Par un acte sous seings privés en date du 29 janvier 1873, le sieur Irondelle a affermé au sieur Jean Bertrandil une partie de la maison qu'il possède dans la ville de Gramat. Ce bail consenti pour une durée de trois ans, au prix annuel de 300 fr., n'a été présenté à la formalité de l'enregistrement que le 24 février 1874, jour où il a été déposé dans l'étude de Me Calmels d'Artinsac, notaire à Gramat. Lors de la présentation de l'acte à l'enregistrement, le receveur perçut d'abord le droit simple et ensuite 60 francs pour droit en sus et décimes, conformé

ment aux articles 1er de la loi du 6 prairial an 7, et 14 de celle du 23 août 1871. Mais un vérificateur a pensé qu'il était encore dû une somme égale de 60 fr. par le bailleur, aux termes de l'article précité de la loi du 23 août 1871, ledit article infligeant la même amende au preneur et au bailleur. Pour en obtenir le paiement la Régie a fait décerner une contrainte contre le sieur Irondelle, bailleur, sous la date du 23 novembre 1875. Irondelle a formé opposition à cette contrainte, le 1er décembre 1875, et a assigné l'administration devant le tribunal civil de Gourdon.

Les motifs de l'opposition sont pris d'abord de ce que la loi du 23 août 1871 n'imposerait, à défaut d'enregistrement dans les délais, qu'un seul droit en sus; qu'en tout cas, la disposition de l'article 14 de ladite loi aurait été modifiée par l'art. 6 de la loi du 28 février 1872, qui n'impose qu'un seul droit en sus à la charge du bailleur, et qu'il y a présomption que c'est le bailleur lui-même, c'est-à-dire le sieur Irondelle, qui a acquitté le droit, dès l'instant où ce n'est aucune des parties contractantes qui a présenté l'acte à la formalité; que, par suite, il y avait lieu d'annuler la contrainte.

Mais ces moyens n'ont pas été admis par le tribunal de Gourdon, et un jugement du 1 juin 1876 a ordonné l'exécution pure et simple de la contrainte, par ces motifs :

Attendu, au fond, que les dispositions de l'art. 14 de la loi du 23 août 1871 sent formelles; qu'elles prescrivent la perception du droit en sus à la fois contre le bailleur et le preneur en matière de baux écrits, et que l'art. 6 de la loi du 28 février 1872, relatif exclusivement à la déclaration des baux faits sans écrit, n'a aucunement modifié la susdite loi;

Attendu, à l'égard de la prétention du sieur Irondelle qu'il y aurait présomption qu'il aurait lui-même payé ce droit, que cette présomption est détruite par les circonstances de la cause; que c'est en effet le preneur, le sieur Bertrandil, qui a déposé en l'étude du notaire Calmels le sous seing privé dont s'agit; qu'il n'a pu faire ce dépôt qu'après avoir fait enregistrer l'acte, qui l'a été d'ailleurs le même jour, c'est-à-dire à l'effet d'effectuer le dépôt; que par suite la prétention du sieur Irondelle, d'avoir lui-même payé le droit, n'est aucunement justifiée.

OBSERVATIONS. L'art. 14 de la loi du 23 août 1871 qu'il s'agit d'appliquer et d'interpréter est ainsi conçu :

« A défaut d'enregistrement ou de déclaration dans les délais » fixés par les lois des 22 frimaire an 7, 27 ventôse an 9 et » par l'art. 11 de la présente loi, l'ancien et le nouveau pos»sesseur, le bailleur et le preneur sont tenus personnellement

» et sans recours, nonobstant toute stipulation contraire, d'un » droit en sus, lequel ne peut être inférieur à 50 francs.

» L'ancien possesseur et le bailleur peuvent s'affranchir du > droit en sus qui leur est personnellement imposé, ainsi que › du versement immédiat des droits simples, en déposant dans » un bureau d'enregistrement l'acte constatant la mutation, » ou, à défaut d'acte, en faisant les déclarations prescrites par l'art. 4 de la loi du 27 ventôse an 9 et par l'art. 11 de la » présente loi.

» Outre les délais fixés pour l'enregistrement des actes ou » déclarations, un délai d'un mois est accordé à l'ancien pos>>>.sesseur et au bailleur pour faire le dépôt ou les déclarations >> autorisées par le paragraphe qui précède. »

Nous arrêtant aux termes du premier paragraphe de l'article précité, qui dispose qu'à défaut d'enregistrement de l'acte de vente ou de bail dans le délai de trois mois, l'ancien et le nouveau possesseur, en cas de vente, le bailleur et le preneur, en cas de bail, seront tenus personnellement d'un droit en sus (et non de deux droits en sus), nous avions pensé qu'un seul droit en sus était exigible; que l'ancien et le nouveau possesseur en étaient seulement tenus solidairement, ainsi que le bailleur et le preneur; mais que ce serait ajouter aux termes de la loi que de percevoir en ce cas deux droits en sus (V. art. 20181, no 21, et 20247 J. N.).

La décision du tribunal de Gourdon fonde la perception des deux droits en sus sur la disposition du deuxième alinéa, qui permet à l'ancien possesseur et au bailleur de s'affranchir du droit en sus qui leur est personnellement imposé, en déposant l'acte à un bureau d'enregistrement; d'où l'on conclut que c'est un second droit en sus qui leur est ainsi appliqué personnellement, indépendamment de celui qui était déjà établi par les lois antérieures contre le nouveau possesseur et contre le preneur.

Nous reconnaissons même que cette interprétation n'est après tout que logique et conforme aux nouvelles dispositions introduites dans sa législation fiscale, pour assurer le payement des droits dus pour les transmissions de propriété, d'usufruit ou de jouissance de biens immeubles. Du moment, en effet, qu'on voulait assujettir l'ancien possesseur et le bailleur, ainsi que l'acheteur et le preneur, au payement des droits d'enregistrement des actes constatant ces transmissions, du moment surtout qu'on leur accordait à eux-mêmes un délai supplémentaire d'un mois pour s'affranchir, vis-à-vis du trésor, de l'avance du droit simple

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