l'intérim de M. Chichkine, entre les gouvernements de Paris et de Saint-Pétersbourg, notamment au sujet de la dette ottomane. Mal connus dans le public, ces incidents avaient eu pour fâcheuse conséquence de prêter à de faciles railleries de la part des ennemis de l'union franco-russe et de risquer de déchaîner dans notre pays un mouvement de réaction contre l'enthousiasme naguère témoigné à la politique de l'alliance. Cela heureusement ne dura guère. Avec beaucoup d'à-propos Nicolas II saisit l'excellente occasion qui s'offrait de montrer au monde l'étroite entente qui régnait entre son gouvernement et celui de la République ; il tint à ce qu'avant de prendre possession de son nouveau poste, le comte Mouravief se rendît à Paris pour y faire la connaissance de nos ministres et y nouer des relations personnelles avec eux. Cette attention délicate fut hautement appréciée chez nous et produisit un effet considérable que ne diminua en rien l'arrêt difficile à éviter du comte Mouravief à Berlin, à son retour en Russie. Le ministre du Tsar arriva à Paris le 28 janvier et fut, le même jour, présenté au président de la République. Un déjeuner fut offert en son honneur, le lendemain, au quai d'Orsay. M. Hanotaux y porta en ces termes la santé de son hôte : Je suis convaincu, Messieurs, que vous partagerez tous mon sentiment au moment où je lève mon verre pour saluer et féliciter l'homme d'État éminent qu'une auguste volonté vient d'élever à un emploi pour lequel l'ont désigné ses rares qualités et les grands services qui ont déjà marqué sa carrière. Monsieur le ministre, dans le si court séjour que vous avez fait parmi nous, vous avez senti, j'en suis sûr, car cela se sent vite, se porter vers vous toutes les sympathies et tous les suffrages. MESSIEURS, Vous vous associerez, je n'en doute pas, aux vœux bien sincères que je forme, au nom d'un gouvernement et d'un peuple amis, quand j'exprime l'assurance que, dans cette haute charge, le comte Mouravief continue à collaborer longtemps et avec succès à la gloire et à la prospérité du règne de S. M. l'empereur Nicolas II, aux bonnes relations internationales existant entre les puissances et à leurs communs efforts pour le grand bien de la paix et de l'humanité. M. le comte Mouravief répondit : MONSIEUR LE MINISTRE, D'ordre de S. M. l'empereur, étant arrivé dans ce beau pays de France si cher à toute ma patrie, j'ai été heureux de faire votre connaissance et d'entrer en relations personnelles avec vous, mon cher collègue, si vous me permettez de vous nommer ainsi. Je lève mon verre en portant votre santé, convaincu que les relations intimes existant entre nos deux pays resteront, comme par le passé, la garantie la plus solide de la paix. A l'issue de ce déjeuner, les deux ministres eurent ensemble une longue conférence, principalement consacrée aux affaires d'Orient, et l'ambassadeur du Sultan, mandé auprès d'eux, dut emporter cette impression que son gouvernement agirait sagement en ne basant pas sa politique sur l'espoir d'un manque d'unité dans les vues de l'Europe. Deux élections partielles eurent lieu en janvier. MM. l'abbé Gayraud, candidat catholique républi } cain, et Forni, républicain, furent élus députés, le premier dans la troisième circonscription de Brest, en remplacement de Mgr d'Hulst, le second dans l'arrondissement d'Albertville, en remplacement de M. Pierre Blanc. 1 FÉVRIER-MARS CHAMBRE: La question des sucres. - Le régime des mélasses étran- Interpellations et questions: Affaires d'Orient, la question crétoise; la dissolution de l'association des maîtres répétiteurs; les courses de taureaux et les violations de la loi Grammont; l'expulsion de MM. Bueb et Bebel; les mesures à prendre contre le chômage; la mévente des porcs; les dilapidations financières affaires des chemins de fer du Sud; nomination de magistrats; décès de militaires; visites des délégués mineurs; renvoi de mineurs de Rochebelle; les conditions du travail à Madagascar. L'affaire de Panama: question de M. Argelies sur les révélations faites par Arton; une nouvelle instruction judiciaire; demande en autorisation de poursuites contre un sénateur et trois députés; nomination décidée d'une nouvelle commission d'enquête; réimpression et publication au Journal officiel du rapport de M. Vallé. Discussion et vote de projets et propositions de loi relatifs à la propriété foncière en Algérie; la modification de l'article 174 du code d'instruction criminelle; les clôtures et barrières de chemins de fer; la conversion de l'emprunt malgache de 1886. SÉNAT: Discussion et adoption des projets et propositions de loi sur : la protection de la santé publique; la fabrication et la vente des vins artificiels; l'autorisation accordée à la Caisse d'assurances en cas de décès de faire des assurances mixtes; la militarisation des guetteurs d'électro-sémaphores; la création des quatrièmes bataillons; une convention passée par le ministre des travaux publics avec la Compagnie de l'Ouest. Discussion et adoption des conclusions du rapport de M. Labiche sur l'organisation de l'Algérie. - Interpellation de M. Monestier sur les rapports financiers de l'État avec les compagnies de chemin de fer. Vote du budget. -Discussion de la validité des élections sénatoriales de la Mayenne, du Jura et de la Haute-Garonne; validation de M. Constans. CHAMBRE: Nomination d'une commission chargée de faire une enquête sur l'élection de M. l'abbé Gayraud, dans la troisième circonscription de Brest. Élections partielles. La question du régime économique à appliquer à l'industrie sucrière est des plus complexes. C'est ce qui excuse ou tout au moins explique l'invraisemblable incohérence du débat qui s'est déroulé sur cette matière devant la Chambre pendant la seconde quinzaine de janvier et les premiers jours de février. A une époque relativement récente, la France était le premier pays sucrier du monde entier. Cette situation privilégiée ne s'est malheureusement pas maintenue. Plusieurs autres pays notamment l'Allemagne, l'Autriche, la Hollande, la Belgique, la Russie, même l'Egypte et les deux Amériques - ont créé une industrie sucrière et sont vite devenus pour nous des concurrents extrêmement redoutables. Partout, en effet, l'industrie sucrière a pris une grande extension pour des motifs d'ordres divers, parmi lesquels il faut citer en première ligne la facilité de la culture de la betterave et les mécomptes éprouvés dans d'autres cultures. Partout aussi une crise résultant de la surproduction et de la fermeture des marchés extérieurs n'a pas tardé à se manifester; mais nulle part autant qu'en France elle n'a été sensible au producteur et au consommateur à cause de la lourdeur de notre système fiscal et aussi des circonstances exceptionnellement favorables dans lesquelles certaines industries étrangères, en particulier l'industrie allemande, ont pu concurrencer la nôtre et l'attaquer jusque sur le marché national. A l'heure actuelle, la production n'est pas proportionnée à la consommation, la quantité de sucre fabriqué est de beaucoup supérieure à la quantité nécessaire. Dans chaque pays le but poursuivi est donc celui-ci : assurer l'écoulement au dehors du stock national au détriment des sucres étrangers. D'où le système des primes. |