déposa un rapport le 18 juillet 1881. Une discussion intéressante s'ouvrit devant la Chambre, au cours de laquelle M. Burdeau défendit avec beaucoup de talent son rapport qui avait été violemment attaqué dans la presse. Le débat ne fut pas poursuivi jusqu'au bout et le projet mis à l'écart. Les arrangements intervenus entre la Banque de France et l'Etat devaient pourtant prendre fin le 31 décembre 1897; il fallait qu'avant cette date la question de la prorogation du privilège fût tranchée. Des négociations s'ouvrirent donc entre le ministre des finances et la Banque; elles aboutirent à un projet de traité que M. Cochery déposa sur le bureau de la Chambre vers la fin de 1896. La Chambre nomma aussitôt une commission, en grande majorité favorable au projet, dont M. Ribot fut élu président et dont le rapporteur devait être M. Maurice Lebon. Le principe même du renouvellement du privilège de la Banque de France ne paraissait pas devoir être et ne fut pas en effet sérieusement contesté. Sans doute il était à prévoir que le parti socialiste ne manquerait point de saisir l'occasion de réclamer la création d'une Banque d'Etat; mais l'échec d'une pareille proposition était certain. D'autre part, les partisans du régime de la liberté des banques de circulation se rendaient compte de l'impossibilité actuelle de faire triompher lears idées et de remonter le courant favorable à l'unité en matière d'émission de papier-monnaie. Il pouvait au contraire y avoir des divergences d'opinion 1. Voir l'article de M. Fourier de Flaix : Revue politique et parlementaire, 10 juin 1896. au sujet de la durée du renouvellement. Le projet de traité prorogeait le privilège jusqu'au 31 décembre 1920, c'est-à-dire pendant vingt-trois ans. Cette durée était inférieure à toutes celles précédemment prévues par les lois du 22 avril 1806, du 30 juin 1840 et du 9 juin 1857. La commission de la Chambre jugea pourtant que le traité devrait pouvoir prendre fin ou être modifié après un délai de quinze ans, s'il était dénoncé par une loi un an avant l'expiration de ce délai. Cette clause ne pouvait être qu'avantageuse pour l'Etat, puisqu'elle le mettrait en mesure, si les circonstances étaient favorables, de réclamer en 1911 de nouvelles concessions de la Banque. L'intérêt de celle-ci, au contraire, était de s'assurer une période de tranquillité aussi longue que possible qui lui permît de compenser les sacrifices qu'on lui imposait. Elle se soumit néanmoins sans difficulté à l'exigence de la commission et ne demanda même pas que le droit de dénoncer le traité en 1911 fût réciproque. En même temps qu'elle obtenait le renouvellement de son privilège, la Banque de France voyait élever à cinq milliards le maximum d'émission qu'il lui était permis d'atteindre. Une circulation fiduciaire de cinq milliards est énorme et peut devenir. dangereuse. Aussi est-il remarquable qu'il ne se soit manifesté aucune opposition sérieuse à cette clause. Le projet de traité arrêté par M. Cochery, contenait des stipulations relatives à des avantages concédés à l'Etat et à des avantages aux particuliers. Dans la première catégorie, il faut citer d'abord les versements prévus par l'article 3 : « A partir du premier jour du semestre dans lequel la présente : loi aura été promulguée, et y compris l'année 1920, la Banque versera à l'Etat, chaque année, et par semestre, une redevance égale au produit du huitième du taux de l'escompte par le chiffre de la circulation productive. Pour la fixation de cette redevance, la moyenne annuelle de la circulation productive sera calculée telle qu'elle est déterminée pour l'application de la loi du 13 juin 1878. Le premier paiement semestriel sera exigible quinze jours après l'expiration du semestre dans lequel la loi aura été promulguée. Les autres paiements s'effectueront le 15 janvier et le 15 juillet de chaque année, le dernier devant avoir lieu le 15 janvier 1921.» Dans le projet de 1892, préparé par M. Rouvier, la redevance stipulée était fixée d'une façon ferme à 2,500,000 francs par an. Mieux vaut le principe de la proportionnalité adopté de préférence dans le système actuel et qui est plus avantageux pour l'Etat aussi bien que pour la Banque elle-même : pour l'Etat, parce que la somme qu'il aura à percevoir dépassera celle de 2,500,000 francs et s'élèvera probablement jusqu'à 3,000,000 de francs par an en moyenne; pour la Banque, parce qu'elle ne courra pas le risque d'avoir une trop lourde charge à supporter dans les mauvaises années. Le nouveau traité dispose que la Banque renonce aux intérêts dus par l'Etat pour les diverses avances qu'elle lui a faites et dont elle s'interdit de réclamer le remboursement pendant la durée de son privilège. En outre, la Banque consent à faire « une nouvelle avance de 40 millions dont la réalisation sera subordonnée aux autorisations législatives à intervenir ». Cettestipulation d'une nouvelle avance ne fut pas approuvée par tout le monde, et cette opinion fut émise que « l'Etat, dont le crédit est suffisant pour lui permettre de réaliser, dans d'excellentes conditions, tous les emprunts nécessaires, aurait dû garder intact pour les temps de crise l'appui que peut lui prêter la Banque ». Sur l'emploi à faire de ces 40 millions, on discuta longtemps; un courant se dessinait en faveur de la création d'un établissement de crédit agricole qui servirait d'intermédiaire entre la Banque et les agriculteurs. Mais la commission finit par décider que cette question ne serait pas tranchée par le projet de loi à l'étude et qu'à son sujet il serait statué ultérieurement. Aux termes de l'article 13, « la Banque de France versera au Trésor public, dans le mois qui suivra la promulgation de la présente loi, une somme représentant la valeur des billets de banque de tous les anciens types, à impression noire, qui n'auront pas été présentés au remboursement. Ces billets seront, en conséquence, retranchés du montant de la circulation, le Trésor prenant à sa charge le remboursement desdits billets qui pourraient être ultérieurement présentés aux guichets de la Banque jusqu'à l'expiration de son privilège, ou tout au moins jusqu'à une prorogation nouvelle, si elle intervient avant 1920; la Banque restera en possession du montant des billets autres que ceux qui sont mentionnés au paragraphe précédent et dont le remboursement ne lui aura pas été demandé ». De ce fait, l'Etat s'assurait encore un bénéfice évalué à 7 millions; car si les billets de banque sont imprescriptibles et toujours payables à quelque époque que remonte leur émission, ceux d'entre eux qui sont perdus ou volés ne sont pas remboursables, même lorsque leur destruction est prouvée. Aux termes de l'article 14, la Banque sera tenue de trébucher dans les encaisses de ses succursales et bureaux auxiliaires et de transporter, à ses frais, à l'Hôtel des monnaies, les pièces d'or légères dont la réfection aura été ordonnée. La Banque s'engage encore, sans qu'il en résulte pour elle une lourde charge, à effectuer à ses frais, entre ses diverses succursales et bureaux auxiliaires et son siège central, les transports des monnaies divisionnaires disponibles dans ses caisses, qui lui seront demandées par le ministre des finances, pour l'alimentation des caisses des comptables du Trésor public. Enfin, en cas de dénonciation de l'Union latine, l'État ne serait pas tenu de rembourser immédiatement à la Banque la somme représentant la valeur des pièces de 5 francs étrangères qu'elle possède, mais seulement les sommes qu'il recevrait lui-même des États étrangers. La Banque promet, d'autre part, son concours à certains services publics. C'est ainsi qu'elle devra payer gratuitement, concurremment avec les caisses publiques pour le compte du Trésor, les coupons des rentes françaises et des valeurs du Trésor; elle promet de concourir gratuitement à l'émission des rentes françaises et des valeurs du Trésor; elle s'engage à ouvrir ses succursales et bureaux auxiliaires aux comptables du Trésor pour toutes opérations de versement et de prélèvement au compte courant du Trésor. De ces obligations nouvelles acceptées par la Banque de France, résultera pour elle une augmentation de dépenses par suite de la création nécessaire d'un assez grand nombre d'emplois; le public et le Trésor y trouveront une |