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La Chambre avait hâte d'ailleurs d'en finir avec ce débat, qu'une pluie d'amendements menaçait d'éterniser. Elle dut pourtant y dépenser encore plusieurs séances, et c'est seulement le 1er juillet que l'ensemble du projet fut adopté par 419 voix contre 97.

En outre de ces trois lois particulièrement importantes, la Chambre adopta: un projet de loi concernant les primes à la filature de la soie et les encouragements à la sériciculture et à la filature de la soie; une proposition de loi tendant à la répression des violences commises sur les enfants; un projet de loi relatif aux pouvoirs disciplinaires des administrateurs de communes mixtes en Algérie; un projet de loi portant réduction du droit fixe de recommandation applicable aux objets affranchis à prix réduit; un projet de loi modifiant l'article 18 du décret du 17 vendémiaire an II, relatif à la vente des navires, et un autre projet modifiant le décretloi disciplinaire et pénal du 24 mars 1852, concernant la marine marchande. Divers projets : approuvant des conventions signées avec le Guatemala, le Pérou et la république de Costa-Rica, pour la protection des marques de fabrique et de commerce, et la garantie de la propriété industrielle; portant adhésion dela France aux conventions signées entre la république Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, le Paraguay, le Pérou, l'Uraguay et CostaRica, pour la garantie de la propriété littéraire et artistique; portant approbation de la convention passée entre la France, la Belgique et les Pays-Bas, relativement au service de la Caisse d'épargne entre les trois pays.

A l'occasion d'un projet de loi portant ouverture de crédits supplémentaires, une discussion s'engagea à propos des dépenses relatives à la cérémonie célébrée à Notre-Dame, en l'honneur des victimes du Bazar de la Charité, sur un sujet qui pouvait paraître épuisé depuis l'interpellation du 29 mai. M. Hubbard proposait la suppression pure et simple du crédit de 14,000 francs, relatif à la cérémonie de Notre-Dame; M. Trouillot voulait seulement qu'à titre d'indication ce crédit fût réduit de 100 francs; mais la Chambre leur donna tort à tous deux et vota les crédit tels que le Gouvernement les demandait.

La Chambre aborda, au début de juillet, l'examen des projets fiscaux du Gouvernement et en poursuivit la discussion jusqu'à la clôturé de la session parlementaire. Le premier de ces projets portait suppression de la contribution personnelle-mobilière et de celle des portes et fenêtres; en remplacement, il créait une nouvelle taxe d'habitation d'un mécanisme quelque peu compliqué, tendant << à atteindre l'ensemble des facultés des contribuables d'après les signes extérieurs du revenu » et augmentait l'impôt foncier sur les propriétés non bâties. Le second tendait à la remise aux communes du quart du principal de l'impôt foncier sur les propriétés non bâties, c'est-à-dire un peu plus de 25 millions, et compensait cet abandon par un relèvement de la taxe sur les valeurs mobilières. D'après le projet de M. Cochery, les communes auraient dû appliquer ces 25 millions à la suppression de la prestation individuelle; mais la commission du budget avait jugé préférable d'affecter ces ressources à la suppression totale ou partielle des centimes additionnels portant sur les quatre contributions directes.

Ces projets furent violemment attaqués, et M. Ca

vaignac, notamment, s'efforça de démontrer qu'ils n'étaient qu'un trompe-l'œil. M. Krantz, rapporteur de la commission du budget, lui répondit et présenta brillamment leur défense. Mais le jeu de l'opposition ne consistait qu'à gagner, ou plutôt perdre du temps, et il n'y avait pas de raison pour qu'â grands coups d'amendements on n'éternisât la discussion. Là était le danger, parce que la Chambre avait hate de partir en vacances et que, d'autre part, il était difficile au Gouvernement de se contenter du vote pur et simple des quatre anciennes contributions directes et d'accepter un nouvel ajournement des réformes financières qui aurait été trop facilement exploité contre lui. Il fallait pourtant prendre un parti, car l'impossibilité apparaissait de plus en plus d'aboutir avant la fin de la session. C'est dans ces conditions que le Gouvernement se résolut à déposer un projet de loi tendant à l'ajournement de la répartition des contributions directes et à la répartition des centimes additionnels départementaux pour 1898. La combinaison consistait, d'une part, à remettre la première opération jusqu'après le vote des Chambres sur la réforme fiscale et à réserver pour une session extraordinaire des conseils généraux la répartition des contingents entre les arrondissements, et, d'autre part, à donner immédiatement à ces assemblées le droit de régler leur budget des recettes sur la base des principaux des contributions directes de l'année précédente, ainsi qu'elles le font chaque année.

Si le Parlement adoptait, à la rentrée, comme le Gouvernement l'espérait, les projets de réforme qui lui étaient soumis, en y comprenant l'abrogation de l'article 26 de la loi du 8 août, il suffirait aux conseils généraux, réunis en session extraordinaire, pour effectuer la répartition de l'impôt d'État, d'apporter dans la quotité des centimes votés au cours de leur session d'août les corrections que comporterait la législation nouvelle, sans avoir à modifier le montant effectif, en recettes et en dépenses, de leur budget de 1898.

L'article unique du projet disposait par son paragraphe premier que la répartition des contributions directes de 1898 serait effectuée par les conseils généraux dans une session extraordinaire, dont la date serait fixée par décret, dès que le Parlement aurait voté les contributions directes de 1898. Le paragraphe 2 fixait les bases d'évaluation des recettes départementales, en se conformant aux règles suivies chaque année. D'après le paragraphe 3, les centimes départementaux et communaux seraient votés dans les limites et suivant les conditions fixées par la loi du 20 juillet 1896.

L'extrême gauche combattit ce projet de toutes ses forces et l'on vit successivement à la tribune MM. Millerand, Chiché, Cavaignac, Goblet, reprocher avec véhémence au Gouvernement ce que l'un d'eux appela « la plus honteuse des banqueroutes >>>> et développer à nouveau une véritable interpellation sur sa politique générale. M. Méline leur répondit, et la Chambre, après avoir déclaré l'urgence, ordonna la discussion immédiate.

C'est à ce moment que M. Gabriel Dufaure déposa • un amendement tendant à supprimer le paragraphe fer de l'article unique, paragraphe ainsi conçu: « Les conseils généraux répartiront les contributions directes de l'exercice 1898 dans une session extraordinaire ». Et pour préciser sa pensée, M. Du

faure ajouta: « La signification de notre amendement. est celle-ci: nous désirons que le Gouvernement nous présente un projet pour le vote des contributions directes, dans la forme habituelle; nous désirons également que la Chambre prenne l'engagement ferme de discuter, aussitôt que possible, les réformes fiscales qu'il propose et le projet d'impôt sur le revenu qui s'y rattache d'une façon toute naturelle. » Par 270 voix contre 245, la Chambre vota l'amendement Dufaure. M. Cochery déclara aussitôt que, pour se conformer aux volontés de la Chambre, le Gouvernement allait déposer un projet de loi sur les contributions directes.

Les radicaux et les socialistes avaient voté l'amendement de M. G. Dufaure, ne trouvant pas mauvais, dans l'occasion, d'accepter le concours d'une partie de la droite. M. Millerand s'empressa d'interpréter ce vote selon les intérêts de ses amis et déclara que, puisque la Chambre venait de repousser le projet que le Gouvernement avait apporté pour interrompre la discussion des réformes fiscales, sa volonté évidente était de reprendre son ordre du jour et de poursuivre jusqu'au bout cette discussion. Mais la Chambre ne fut pas dupe de cette habileté, et par 270 voix contre 257, elle refusa d'adopter la motion qui lui était présentée.

Aussi bien, le Gouvernement ne tarda-t-il pas à prouver qu'il ne renonçait point à la réforme fiscale. En déposant, en effet, le projet relatif aux contributions directes, il demanda à la Chambre de réaliser immédiatement le dégrèvement proposé du quart du principal de l'impôt foncier des propriétés non bâties.

La lutte recommença alors toujours aussi ardente.

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