Pour créer, à côté du dégrèvement, les ressources correspondantes, M. Cavaignac déposa un contreprojet qui les demandait à l'impôt sur le revenu. Mais son amendement, combattu par le Gouvernement et par la commission du budget, fut rejeté ainsi qu'un autre contre-projet de M. Mougeot. En revanche, la Chambre adopta un amendement de MM. Flandin et Bozérian qui déterminait les bases du dégrèvement. Et l'ensemble du projet, ainsi complété, fut adopté le 20 juillet par 496 voix contre 18. Au Sénat, la discussion ne dura qu'un jour et se termina par un vote conforme à celui de la Chambre à la majorité de 217 voix contre 2. Parmi les divers projets ou propositions de loi votés entre temps par la Chambre, il convient de signaler un projet de loi relatif à diverses mesures de décentralisation et de simplification concernant les services du ministère des finances; un projet de loi tendant à l'approbation d'une convention passée avec les compagnies de chemins de fer au sujet du service des colis postaux de 5 à 10 kilogrammes; un projet de loi tendant à l'extension de l'admission temporaire à une nouvelle catégorie de fils de laine; la proposition de loi modifiée par le Sénat et relative à la publicité à donner au mariage. A l'époque même où l'empereur et l'impératrice de Russie venaient de quitter la France, le bruit avait couru que le président de la République irait rendre sa visite à Nicolas II. Ce bruit, d'abord vague, s'était précisé et l'on apprit, au début de juillet, que le Tsar venait d'adresser à M. Félix Faure une lettre d'ir vitation où il exprimait dans les termes suivants la satisfaction avec laquelle il le verrait accepter, à son tour, l'hospitalité de la Russie: « Les vraies sympathies qui unissent mon Empire à la France amie, et les sentiments qui vous sont personnellement voués, Monsieur le Président, doivent vous être trop connus pour que j'aie besoin de vous assurer de la joie avec laquelle votre arrivée sera accueillie par la Russie entière. » Au point de vue de notre droit constitutionnel, il ne semblait pas qu'aucune discussion pût s'engager sur la possibilité pour le chef de l'État d'accepter cette invitation. Rien dans les textes qui nous régissent ne s'oppose à ce que le président de la République sorte du territoire. Au surplus, le Gouvernement, dès qu'il fut avisé de cette invitation, tint à mettre le Parlement en mesure de faire connaître son opinion, « de s'associer par son vote à l'acceptation du président de la République et de lui imprimer ainsi le caractère d'une manifestation nationale ». Il déposa donc un projet de loi tendant à l'ouverture des crédits nécessaires au voyage. Au nom de la commission du budget, M. Krantz, rapporteur général, rédigea un rapport dont les conclusions tendaient à l'adoption du projet. Seuls MM. Dejeante, Renou et Faberot tentèrent de s'y opposer, et ce dernier formula sa protestation en termes tels, que M. Brisson, aux applaudissements de la Chambre entière, déclara qu'il dédaignait de les relever, parce qu'ils ne le méritaient même pas. La Chambre vota le crédit à l'unanimité moins 29 voix socialistes, le reste du parti ayant tenu à ne pas se mettre en désaccord avec le sentiment général du pays. Au Sénat, M. de Lareinty déclara que la somme de 500,000 francs demandée était insuffisante et pré senta un amendement tendant à porter le crédit à un million. Mais M. Hanotaux répondit que la question n'était pas dans le chiffre proposé et qu'il suffisait que le Sénat s'associât à son tour à la pensée du Gouvernement. Sur cette observation, le projet fut adopté à l'unanimité des votants. Le Sénat adopta, sur le rapport de M. Cazot, le projet de loi tendant à accorder aux femmes majeures et jouissant de leurs droits civils le droit d'être témoins dans les actes de l'état civil. Allant plus loin que la Chambre qui avait déjà voté cette réforme, le Sénat l'étendit aux actes notariés, avec cette seule restriction que le mari et la femme ne pourront être témoins ensemble dans un testament. Il adepta en seconde lecture, sur le rapport de M. Bérenger, le projet de loi tendant à la répression des outrages aux mœurs et dont l'article unique était ainsi conçu : Article unique. L'article premier de la loi du 2 août 1882 est modifié ainsi qu'il suit : Sera puni d'un emprisonnement de un mois à deux ans et d'une amende de 100 à 5,000 francs, quiconque aura commis le délit d'outrage aux bonnes mœurs: Par la vente, la mise en vente ou l'offre d'écrits ou imprimés, de prospectus, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou objets obscènes ou de nature à provoquer à la débauche; Par leur distribution, même gratuite, par leur remise à la poste, ou à tout agent de distribution; Par leur exposition ou affichage sur la voie publique ou dans un lieu public; Par des chants, scènes ou propos de même nature proférés publiquement; Par des annonces ou correspondances publiques d'un ; caractère licencieux ou de nature à provoquer à la débauche. Les écrits, dessins, affiches, etc., incriminés et les objets ayant servi à commettre le délit seront saisis ou arrachés. La destruction en sera ordonnée par le juge- · ment de condamnation. Les peines pourront être portées au double si le délit a été commis envers des mineurs. M. Girault (du Cher) demandait qu'on y ajoutât un paragraphe additionnel ainsi conçu: Tout individu surpris dans une maison de prostitution clandestine sera arrêté, séance tenante, et remis à l'autorité judiciaire compétente, qui même avant de statuer, livrera son nom à la publicité. Tout agent, qui, pour une cause quelconque, n'aura pas opéré l'arrestation, sera passible de l'article 331 du Code pénal. Mais sur les observations de M. Bérenger, qui ne voyait pas de lien entre cet article et la loi en discussion, le Sénat décida de s'en tenir au texte déjà voté. Il adopta également une proposition de loi ayant pour objet la publicité du mariage par la mention de la célébration en marge de l'acte de naissance, des conjoints, dans le but de prévenir la bigamie et le dol dans les contrats. De même, il adopta en deuxième délibération une proposition de loi tendant à modifier les articles 407 et 433 du code de commerce relatifs à l'abordage de navires et à la prescription de toutes les actions en paiement pour fret, gages et loyers des officiers, matelots et autres gens de l'équipage. Il vota le projet de loi tendant à autoriser l'acquisition par l'Etat des bâtiments du collège SainteBarbe; la proposition de loi (1re délibération) ayant pour objet de modifier le paragraphe 8 de l'art. 15 du décret du 24 février 1852, qui prive de leurs droits électoraux les officiers ministériels destitués; une proposition de loi modifiant divers articles du Code civil relatifs aux actes de l'état civil; des projets de loi portant approbation 1° du règlement et des tarifs arrêtés par la conférence internationale télégraphique de Budapesth, le 22 juillet 1896; 2° des déclaration signées à Paris, le 28 janvier et le 24 mars 1897, au sujet des services télégraphiques. entre la France, la Belgique, les Pays-Bas et le grand-duché de Luxembourg, ainsi que des déclarations signées à Paris les 20 mars, 10 février et 31 mars 1887, et relations télégraphiques entre la France, l'Allemagne, la Suisse et la Russie. La question des octrois, vint le 3 juin, à l'ordre du jour, de la Haute Assemblée. M. Bardoux, rapporteur, qui prit seul la parole dans la discussion générale, fit l'exposé de l'état dans lequel se présentait la discussion. En mai 1893, la Chambre avait voté un premier projet dont l'article premier, ainsi conçu, renfermait toute la réforme : << Les communes auront le droit de remplacer leurs octrois, en tout ou en partie, sous réserve de l'approbation législative, par des taxes directes. « Ces taxes ne devront être prélevées que sur des propriétés ou objets situés sur la commune ou les revenus en provenant. Elles devront s'appliquer à toutes les propriétés, objets ou revenus de la même nature. Elles devront être proportionnelles. » C'est sur ce texte que la commission sénatoriale avait d'abord délibéré et déposé un rapport. Mais la législature ayant pris fin sans que ce rapport fût discuté, la Chambre des députés, vota le 22 novembre 1895, un nouveau projet de loi différant |