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d'aller jusqu'à la prohibition. Ce fut en vain, et la Chambre n'hésita pas à voter une nouvelle élévation de tarifs qui portait au quadruple les droits établis en 1892!

L'examen du budget de 1897, si longtemps négligé, fut repris après cette discussion, et malgré de nouvelles interruptions, conduit à terme.

L'ensemble du budget fut voté le 17 février. C'était bien tard. Encore ce résultat n'avait-il été obtenu que parce que le Gouvernement s'était décidé à disjoindre du budget ses projets de réforme fiscale.

Débarrassée de la loi de finances, la Chambre entendit toute une série d'interpellations relatives tant à la politique étrangère qu'aux affaires intérieures. De toutes les questions ainsi soulevées, celle qui fixa le plus l'attention, et à juste titre, fut l'éternelle question d'Orient. M. le comte de Mun qui déjà avait interpellé le ministre des affaires étrangères au sujet des massacres d'Arménie, porta à la tribune la question crétoise. La Crète, en effet, où l'on croyait le calme rétabli, du moins pour quelque temps, se trouvait de nouveau en pleine fermentation. Les journaux annonçaient que de graves événements venaient de se produire sur divers points de l'île, et notamment à la Canée; que, pour fuir les incendies et les massacres, de nombreuses familles chrétiennes avaient dû se réfugier à bord des vaisseaux en rade. Ces faits étaient malheureusement exacts. D'après les renseignements reçus au quai d'Orsay, tant du consul général de France que du commandant de notre division navale, des désordres avaient éclaté tout à la fin de janvier

à Candie. Un navire français, le Wattignies, avait été envoyé sur les lieux, en même temps qu'un bâtiment autrichien y arrivait et, après quelques pourparlers, les désordres avaient paru cesser; le Wattignies regagna la baie de la Sude. Mais, tout de suite après, d'autres troubles éclataient à Rétymo, puis à la Canée, et, à partir du 2, les événements se précipitaient. Dès le début, le gouverneur chrétien de l'île et les consuls s'étaient concertés pour essayer de mettre fin aux troubles; mais, malgré eux, la lutte continua.

Le consul de France prit alors soin de la défense de nos nationaux et de nos protégés qui s'étaient réfugiés dans la partie de la ville où se trouvait la mission française. Nos marins, d'autre part, descendus à terre avec ceux des bâtiments étrangers, s'efforçaient d'arrêter l'incendie. M. Hanotaux espérait encore que ces événements prendraient fin rapidement, grâce à l'intervention simultanée de toutes les puissances. Cette espérance ne devait malheureusement pas se réaliser. Alors même qu'il se serait agi seulement d'arracher au Sultan les réformes nécessaires et de protéger les chrétiens sur un point du territoire ottoman, la tâche eût été difficile et singulièrement compliquée par l'état même de l'empire turc et par la force d'inertie et la mauvaise foi de la diplomatie ottomane. Mais ce qui plus que tout aggravait la situation, c'était l'intervention à peu près inévitable de la Grèce. Par sa situation géographique, aussi bien que par des affinités de races, la Crète semble être un prolongement de la Grèce, et tôt ou tard, devra faire partieintégrante du royaume hellénique. Dès maintenant, les Crétois sont considérés par les Grecs comme des frères séparés, par la force seule, de la mère patrie, dont le premier devoir est de les aider à secouer le joug odieux du Sultan. A vouloir résister à ce sentiment national, le roi Georges comprit qu'il risquerait d'être brisé. Il ne s'y hasarda pas et, vers la fin de la seconde quinzaine de février, une escadre de six torpilleurs, commandée par le prince Georges, bien connu pour ses sentiments panhelléniques, alla, à La Canée, rejoindre les deux navires grecs qui y mouillaient, dans le but avoué d'empêcher tout débarquement de troupes turques. Le départ de cette petite flotte donna lieu en Grèce à des manifestations patriotiques nombreuses et s'effectua aux acclamations du peuple entier. Cette attitude aggressive ne tarda pas à s'accentuer. Quelques jours plus tard, un petit corps d'occupation s'embarquait au Pirée, sous le commandement d'un aide de camp du roi Georges, le colonel Vassos, et débarquait en Crète. L'ordre ministériel remis à cet officier disait notamment: « Le gouvernement hellénique ne pouvait pas tolérer la situation lamentable de populations de même race que nous, avec lesquelles nous sommes unis par la religion et des liens sacrés; il a donc décidé d'envoyer un corps d'armée occuper l'île, rétablir l'ordre et la paix.

<< Vous débarquerez, avec vos troupes, sur le point qui vous paraîtra le plus favorable, vous occuperez l'île au nom du roi Georges et chasserez les Turcs des forteresses dont vous prendrez possession. Tous vos actes devront être accomplis conformément aux lois helléniques au nom du roi Georges et sous la responsabilité de son gouvernement. Aussitôt débarqué, vous publierez une proclamation d'occupation. »

En même temps, on apprenait que la Grèce faisait des armements et concentrait des troupes du côté de la Macédoine et de la Thessalie.

Les puissances se trouvèrent d'accord, dès le 12, pour blâmer énergiquement cette attitude que leurs tergiversations semblaient expliquer si elles ne la légitimaient pas, mais qui compromettait leur œuvre de pacification et, dès le 13, les commandants des navires européens stationnés dans les eaux crétoises recevaient l'ordre de s'opposer à tout acte d'hostilité de la flotte grecque. A peu près en même temps, les ministres des puissances à Athènes, réunis à la légation de France, décidaient, après en avoir délibéré, d'adresser des représentations au gouvernement hellénique, tandis que les ambassadeurs accrédités à Constantinople recommandaient à leurs gouvernements d'occuper La Canée, Réthymo et Candie. Des détachements européens, en effet, s'établirent sur ces divers points, ainsi qu'à Sitia.

L'Europe n'ayant pas su prévenirc ette intervention de la Grèce, que tout cependant devait lui faire prévoir, quelles mesures allait-elle prendre pour mettre fin au conflit? L'Allemagne avait, dès la première heure, proposé d'empêcher tout embarquement de troupes grecques et de bloquer le Pirée. Cet avis n'avait point prévalu et désormais on se trouvait en présence du fait accompli. Le colonel Vassos avait réussi à débarquer ses troupes et, sans retard, avait lancé une proclamation déclarant prendre possession de la Crète au nom de la Grèce. En Europe, l'opinion publique était violemment émue et, d'instinct, favorable à la Grèce. « Abdul-Hamid, écrivait un éminent publiciste1, portait à cette heure 1. M. F. de Pressensé.

la peine, non seulement de ses fautes et de ses crimes personnels, de sa politique odieuse et imbécile, mais aussi de toute l'hérédité de sa race et de tout le passé de son peuple. » Il était inadmissible qu'après avoir mis fin au conflit, l'Europe replaçât purement et simplement la Crète sous la domination du Sultan, dans le statu quo ante. Sur ce point, l'accord s'établit tout de suite. Les six Cabinets français, russe, anglais, allemand, autrichien et Italien, prenant la responsabilité du règlement de la question crétoise, furent, dès le début, d'accord pour décider que l'intégrité de l'empire ottoman serait maintenue, que la Grèce serait contrainte à désarmer, mais que la Crète devrait être placée sous un régime d'autonomie complète, avec suzeraineté simplement nominale du Sultan.

Notre Gouvernement fut amené à s'en expliquer devant la Chambre le 22 février. Interpellé par MM. Denys Cochin et Jaurès, M. Hanotaux fit l'exposé suivant de la question et de la politique de la

France:

M. HANOTAUX, ministre des affaires étrangères. Messieurs, la question qui se débat devant vous demande à être ramenée à ses grandes lignes, et c'est seulement en touchant le fond des choses qu'on pourra apprécier avec justice l'action comparée de la France et des puissances dans les circonstances que nous traversons en ce moment. (Très bien! très bien!)

Une fois de plus, les massacres d'Arménie ont ouvert la question d'Orient et ont posé devant les chancelleries le problème que trois siècles n'ont pu résoudre et qui résulte de la présence des. Turcs sur les confins de l'Asie et de l'Europe.

L'Europe, émue de la nouvelle de ces événements, avait le choix entre deux partis: le recours aux mesures de rigueur ou les moyens pacifiques.

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