recevraient prompte et parfaite satisfaction. Alors, après le rétablissement de l'ordre, il serait possible de connaitre les vœux librement exprimés du peuple crétois pour décider de son sort. Les horreurs répétées périodiquement en Crète émeuvent le peuple hellène, interrompent l'activité sociale et troublent l'économie des finances de l'État. En admettant même la possibilité d'oublier que nous sommes les coreligionnaires des Crétois, de même race et de mème sang que le peuple crétois, nous devons déclarer aux puissances que l'État hellénique ne saurait plus résister å de semblables secousses. C'est pourquoi nous faisons appel aux sentiments généreux des puissances, les priant de permettre au peuple crétois de se prononcer et de dire comment il désire être gouverné. Cette note fut complétée le 10 par la communication suivante, émanant du ministre hellénique des affaires étrangères : Pour faire suite à la note adressée par les grandes puissances au Gouvernement royal, je crois de mon devoir de vous informer: 1° Que le gouvernement royal, en proposant que les grandes puissances donnent un. mandat aux troupes helléniques en Crète, verrait volontiers des détachements des escadres des puissances coopérer à l'exécution de ce mandat avec les troupes grecques, si les puissances consentaient à cette mesure; 2o Que, si le principe d'un plébiscite crétois était accepté, nous ne ferions pas d'objection à ce que la Crète reste sous la suzeraineté du Sultan, en attendant l'exécution de cette mesure. Qu'allait faire l'Europe en présence de cette attitude de la Grèce? Et qu'elle serait notamment la conduite de la France? C'est ce que notre Gouvernement fut prié d'exposer à la séance de la Chambre du 15 mars. M. Goblet fit une vive critique de la politique suivie par le Cabinet français qu'il qualifiait de poli tique menaçante, à laquelle il opposa celle du recueillement dont, à son avis, la France n'aurait pas dû se départir. M. Delafosse, au contraire, estimait que le concert européen constituait un bienfait inestimable et que notre Gouvernement avait rempli un impérieux devoir en y réclamant sa place; mais, non sans raison, il reprochait à l'Europe de n'avoir pas été à la hauteur de sa tâche, de n'avoir su ni prévoir ni vaincre les difficultées et de s'être arrêtée à des solutions incomplètes. M. Hanotaux défendit la politique suivie et exposa celle que le Gouvernement comptait suivre dans une déclaration dont, fidèle à son habitude, il donna lecture à la tribune et que nous croyons devoir reproduire in extenso comme nous l'avons fait pour son précédent discours du 22 février : M. HANOTAUX, ministre des affaires étrangères. - Dans sa séance du 22 février, la Chambre a sanctionné une politique qui se résume en un mot: maintien de la paix par le concert européen. En ce qui concerne spécialement l'affaire de Crète, le Gouvernement faisait connaître son intention arrêtée de poursuivre, d'un commun accord avec les puissances, l'autonomie de l'ile; l'opposition elle-même considérait qu'il fallait laisser au ministre des affaires étrangères la liberté utile pour négocier et que, en déclarant qu'en aucune hypothèse la Crète ne retomberait dans le statu quo ante et ne serait remise sous le joug de l'empire ottoman, la Chambre aurait fait tout son devoir. C'est cette politique que le Gouvernement vient vous demander, Messieurs, de sanctionner de nouveau aujourd'hui. La Chambre n'ignore pas ce qui s'est passé depuis la date que je viens de rappeler. Les puissances ont remis au Gouvernement grec une note collective faisant connaître leur intention, à savoir l'établissement en Crète d'un régime autonome sous la suzeraineté du Sultan. La Grèce fut prévenue qu'en cas de refus, Ie concert européen était décidé à recourir aux moyens de contrainte. Vous connaissez la réponse du Gouvernement hellénique : il a laissé entendre qu'il pourrait éloigner ses navires des eaux crétoises, mais il s'est refusé à rappeler les troupes du colonel Vassos. Quant à la A l'extrême gauche. - Il a bien fait! M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. question de l'autonomie de la Crète, sans aller jusqu'à réclamer, comme il l'avait fait auparavant, l'union immédiate avec la Grèce, il a demandé officiellement que les Crétois fussent appelés à se prononcer par voie de plébiscite sur le sort de l'ile. (Applaudissements à l'extrême gauche.) M. LAVY. Lorraine. Comme nous le réclamons pour l'Alsace M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. - Depuis lors, par différentes démarches officieuses, il s'est montré disposé à accepter d'autres solutions, et même à reconnaître la suzeraineté du Sultan, mais en sollicitant pour l'île soit un régime analogue à celui de la Bosnie et de l'Herzégovine, soit une administration confiée au prince Georges. Telle est, Messieurs, la situation en présence de laquelle nous nous trouvons. Il ne serait pas équitable de la considérer comme aussi périlleuse que celle qui existait il y a quinze jours. D'une part, l'accord des puissances a produit incontestablement partout en Europe et surtout en Orient un effet d'autant plus profond qu'on affectait de douter de sa réalisation. D'autre part, la sagesse des Etats balkaniques, qui, se trouvant les plus voisins du théâtre des événements, pouvaient avoir plus de raisons de se croire menacés et, par conséquent, de s'émouvoir, a contribué plus que nulle autre cause au résultat poursuivi par tous, c'est-àdire au maintien de la paix. Enfin, quels que soient les termes de sa réponse, la prudence avec laquelle la Grèce elle-même, déférant au vœu des puissances, s'est abstenue de toute mesure précipitée, a laissé du temps à la réflexion, a permis aux -amiraux et aux marins d'intervenir entre les combattants et de sauver bien des existences. (Très bien! très bien! au centre.) Vous auriez pu le faire en Arménie. M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. Au point de vue diplomatique, le débat s'est, si je puis dire, limité et circonscrit. La promesse de retirer la flotte grecque et la procla-mation du principe de l'autonomie ont enlevé à la question locale une grande partie de son acuité. Au fond, on peut dire qu'à l'heure présente le débat, pour ce qui touche les affaires crétoises, se concentre sur un point unique : les troupes du colonel Vassos seront-elles, oui ou non, retirées?... M. TOUSSAINT. - Espérons que non! (Exclamations sur un grand nombre de bancs.) M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. Si ses troupes s'en vont, la Grèce, perdant_son principal moyen d'action dans l'ile, ne peut que renoncer, pour le moment du moins, aux prétentions qu'elle a mani- festées au début du conflit. Le péril même d'une rencontre sur les frontières de la Thessalie et de l'Epire est singulièrement diminué, puisque le fond du litige, à savoir, la revendication de la Grèce à l'égard de la Crète, se trouve réglé en fait et sur les lieux. Enfin, les solutions préconisées par l'Europe sont de nature à satisfaire les populations de l'ile. Aidée par les puissances, elles peuvent rapidement jouir du régime de liberté qui vient de leur être octroyé. C'est pourquoi, Messieurs, les puissances ont été et sont unanimes à penser que le maintien des troupes du colonel Vassos empêche toute pacification et toute réorganisation de l'ile, et c'est dans cette conviction qu'elles se sont décidées à exiger de la Grèce le retrait du petit corps qui, trop faible pour rien faire de décisif (Exclamations à l'extréme gauche), trop compromis avec les insurgés pour collaborer efficacement à l'apaisement, n'en reste pas moins pour ceux-ci un point d'appui dangereux et un obstacle à toute communication loyale entre les puissances et les habitants de l'île et, par conséquent, à toute amélioration d'une situation locale et 1 générale dont tout le monde a hâte de voir la fin. (Applau lissements au centre et sur divers bancs à droite. Bruit à l'extrême gauche.) M. LAVY. - Pourquoi loyale? C'est pour M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. quoi les puissances ont jugé que la réponse du Gouvernement hellénique à la note identique était insuffisante. C'est pourquoi elles ont cherché d'un commun accord les moyens de faire triompher le système pacifique qui est le leur et ont établi les sanctions nécessaires pour que leurs décisions... (Interruptions à l'extrême gauche.) M. LE PRÉSIDENT. - Je vous prie, Messieurs, de garder le silence. ... M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. et elles ont établi les sanctions nécessaires pour que leurs décisions ne puissent pas être tenues en échec plus longtemps. Les puissances se sont mises d'accord non seulement sur leurs intentions, mais sur les moyens de les réaliser. (Nouvelles interruptions à l'extrême gauche.) M. PAULIN MÉRY. La force primera encore une fois le droit. (Protestations au centre.) M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. Il me reste à vous faire connaître, Messieurs, les conditions dans lesquelles le Gouvernement, qui a réservé votre pleine liberté d'action (Très bien! très bien! au centre), vous propose de continuer à collaborer à l'œuvre entreprise par le concert européen. L'accord s'est fait entre les puissances sur les points suivants : L'autonomie de l'île, sous la suzeraineté du Sultan, serait solennellement proclamée (Très bien! au centre); la Grèce serait avisée que, dès lors, les troupes helléniques n'ont qu'à se retirer, étant bien entendu que les troupes ottomanes devraient quitter l'île en même temps, sauf celles qui resteraient concentrées... (Exclamations à l'extrême gauche.) M. TOUSSAINT. - Pourquoi cette différence ? Elles n'y ont pas plus de droit que les autres! M. LAVY. On écrase toujours les petits; ils ne peuvent pas se défendre, ceux-là! |