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rences essentiellement mobiles des principes applicables à la prophylaxie de la tuberculose.

Avant cette époque, dans mes études sur la tuberculose, j'avais écrit un plaidoyer analogue en formes du rapprochement de la tuberculose aviaire et de la tuberculose des mammifères.

Devant le Congrès de Paris, en 1905, je suis mème allé jusqu'à soutenir l'unité, en faveur du bacille des vertébrés à sang froid.

Plus je poursuis mes études sur la tuberculose, plus je reste conraincu que le bacille ce cette affection est un, et que les espèces ou les types reconnus et défendus par plusieurs observateurs ne sont que des races ou des variétés temporaires, dont l'apparente fixité est subordonnée aux conditions de milieux ayant présidé à leur formation.

Il est vrai de dire que si mes premières idées sur les variations du bacille de Koch trouvèrent peu d'adhérents; les bactériologistes d'aujourdhui, sont à peu près unanimes sur la question de principe. Ils diffèrent seulement d'opinion sur les limites au-delà desquelles la variabilité ne peut plus être admise, et où les bacilles doivent être rangés dans des groupes distincts.

Y at-il, par exemple, parmi les bacilles des mammifères, un type humain et un type bovin rigoureusement définis? Existe-t-il un type aviaire et un type pisciaire impossible à apparenter entre eux et aux types précédents?

Ce sont là des questions d'un ordre philosophique sur lesquelles tout le monde ne s'entend pas. Elles méritaient d'être reprises. Le président de la 1a section notre savant collègue le professeur Flügge, a eu raison de les mettre en dicussion.

Mais l'étude de la variabilité du bacille de la tuberculose n'est pas purement spéculative. Elle peut fournir des notions directement applicables à l'étiologie et à la prophylaxie de la tuberculose. C'était donc un motif de plus par la soumettre au Congrès de Berlin.

La brièveté de ce rapport, imposée d'ailleurs par le réglement, ne me permet pas d'analyser toutes les publications faites sur la variabilité dans ces dernières années. Leurs auteurs voudront bien m'excuser. Au surplus, le rapporteur ayant pour but de provoquer et d'amorcer une discussion, doit, me semble-t-il d'abord soumettre à la critique son œuvre personnelle.

J'exposerai donc principalement mes recherches et mes idées particulières sur la variabilité du bacille de la tuberculose que j'envisagerai sous les titres suivants:

1. Variabilité des caractères végétatifs;

2. Variabilité des caractères morphologiques;

3. Variabilité des caractères pathogéniques.

Chapitre I.

Variabilité des caractères végétatifs.

Dans cette étude, je comparerai le bacille des mammifères au bacille des oiseaux, puis le bacille humain au bacille bovin, enfin, le bacille des vertébrés à sang froid aux précédents.

1. Bacille des mammifères et bacille des oiseaux.

Vers 1890, il paraissait très facile de distinguer ces deux bacilles

par leurs caractères végétatifs.

Le bacille des mammifères ne végétait qu'à la surface des milieux nutritifs. Sur les supportes solides, il formait de colonies grisatres, sèches, écailleuses; sur les bacilles, un voile continu, blane, ridé et verruqueux, montant plus ou moins, avec le temps, le long des parois du rase où se faisait la culture.

Si, par hasard, il se développait au fond du bouillon, la croissance des colonies s'arrêtait rapidement. La végétation était suspendue à une température supérieure à + 40°.

Au contraire, le bacille aviaire donnait encore une culture abondante à 43°; il pullulait dans la masse d'un bouillon convenable qu'il troublait uniformément; les colonies qu'il formait sur milieux solides étaient blanchâtres, molles, ridées plutôt que verruqueuses ou écailleuses, à reflets gras et luisants.

a) Ces caractères, qui semblaient fixes et bien déterminés aux premiers observateurs, sont loin d'être constants. On serait exposé à se tromper grossièrement si l'on prétendait préciser l'origine d'une culture d'après son aspect. 1)

En modifiant le milieu de culture, les colonies du bacille des mammifères se sont prises à ressembler à celles du bacille aviaire.

Et sans rien changer la nature du support nutritif, on a rencontré dans une longue suite des cultures dont le bacille venait des mammifères, certains tubes ayant les caractères macroscopiques des cultures aviaires.

Réciproquement, on a trouvé des colonies du bacille des oiseaux ayant les sécheresse et les rugosités propres aux cultures tirant leur origine des mammifères.

On a dit que les cultures aviaires d'un aspect sec et écailleux étaient toujours un peu molles et grasses dans la profondeur. Cependant, il en est qui sont sèches jusqu'au contact du support nutritif.

On a dit aussi que les cultures venant de l'homme et des mammifères molles, grasses et luisantes à la surface, étaient en réalité des cultures d'un bacille aviaire égaré dans l'organisme des mammifères et de l'homme.

Si on s'abandonne à cette hypothèse, il devient impossible, en toute occasion, d'affirmer l'origine d'un bacille donné. Il faut donc l'envisager très sérieusement avant de l'adopter.

N'est-il pas plus simple, plus conforme aux lois qui régissent de toutes parts les états organisés, de voir dans ces changements des exemples de variabilité?

1) On n'attachera pas une grande importance à l'aspect ridé, mamelonné ou écailleux de la surface d'une culture sur milieu solide. En effet, le processus qui lui donne naissance est le même dans tous les cas. Il consiste toujours en un plissement de la surface, pour que le glissement des colonies sur le support n'est pas proportionnel à l'extension de leur surface. Quand l'agrandissement des colonies est considérable et le glissement lent ou peu marqué, les plis se pressent les uns les autres, se soulèvent, se déforment réciproquement, et leur sommet simule des mamelons ou des écailles. Quelquefois pourtant les mamelons résultant du développement initial des colonies, avaient la formation d'un voile.

J'ai pris plusieurs échantillons de bacilles aviaires et de bacilles de mammifères authentiques, autant qu'on puisse l'affirmer; je les ai cultivés sur des supports aussi semblables que possible, la pomme de terre glycérinée, et je puis certifier qu'un bon nombre de mes cultures, d'origine aviaire, ont revêtu les caractères végétatifs des cultures ayant l'autre origine, et réciproquement. Je possède dans ma collection des cultures de bacilles de mammifère, molles, grasses, plissées et des cultures aviaires à surface sèche, grenue ou verruqueuse que l'on prendrait pour des cultures de bacilles humains ou bovins. Je suis même persuadé qu'un bactériologiste expérimenté et non prévenu serait incapable de faire une sélection dans mes séries de cultures sans se tromper à chaque instant.

Les variations macroscopiques sur lesquelles j'appelle l'attention sont donc indiscutables; mais j'ignore des conditions qui président à leur apparition. Je ne me chargerais donc pas de les reproduire à volonté.

Il est probable que la pomme de terre, son degré de cuisson, sont des facteurs de ces variations; car on ne voit jamais le même mode de croissance et la mème activité végétative sur un grand nombre de pommes de terre ensemencées le même jour, de la mème manière, avec les mêmes bacilles.

b) La température maxima compatible avec la végétation des deux bacilles n'est pas fixe non plus. On dit couramment que la culture du bacille des mammifères s'arrête à 40°. R. Koch l'a vue se maintenir encore à +41°. Or, ayant accoutumé le bacille des mammifères à vivre dans la profondeur du bouillon glycériné, comme je le dirai plus loin, j'ai pu le faire croître jusqu'à 45°.

Mais pour arriver à ce résultat, j'ai dû prendre du précaution de le cultiver pendant plusieurs générations aux températures intermédiaires.

Lorsque je voulais procéder brusquement, la végétation se suspendait immédiatement; tandis qu'elle persistait si j'élevais la température de 1/2 degré ou de 1 degré, chaque fois que je voulais effectuer un changement.

Je continue mes expériences. J'ai actuellement des raisons de croire que je parviendrai à dépasser +45°.

c) La modification la plus profonde que je suis parvenu à imprimer aux bacilles des mammifères, au point de vue végétatif, est l'accoutumance à vivre dans la profondeur du bouillon glycériné, comme je l'indiquais quelques lignes plus haut.

En m'appliquant à sélectionner les cultures du bac. humain qui, sur pomme de terre, avaient une surface luisante et grasse, en semant ensuite dans le bouillon les bacilles qui se détachaient facilement de la couche superficielle, j'ai fini pour trouver des individus aptes à végéter dans ce nouveau milieu. Il est vrai qu'ils avaient tendance à se réunir en grumeaux; mais en agitant deux à trois fois par jour les cultures en évolution, je détruisais ces amas, et peu à peu les bacilles se sont accoutumés à vivre isolément ou en amas microscopiques; de sorte que le bouillon se troublait uniformément et fortement en l'espace de douze à quinze jours.

J'ai annoncé ce résultat au Congrès de Médecine de Montpellier, en 1898. Il avait été obtenu à mon insu par Ferran, de Barcelone, quelques mois auparavant.

La modification que j'ai produite artificiellement en 1898 se maintient encore aujourd'hui. Elle est si bien établie que le bac. humain modifié se propage avec ses caractères, sans aucune précaution, dans du bouillon glycériné et même du bouillon ordinaire. Il s'agit donc bien d'une variété nouvelle.

Depuis, j'ai réussi à modifier également un bac. bovin. Mon élève Dr. Courmont a modifié aussi plusieurs échantillons d'origine humaine. Pour faciliter les premières opérations, nous nous servons de petits machines agitatrices mues par l'électricité, créées sur notre demande par Maury, constructeur à Lyon. Ces agitatrices se placent dans une étuve générale ou dans une petite enceinte chauffée à des températures particulières.

Plusieurs bactériologistes, s'inspirant plus ou moins de notre technique, ont obtenu cette modification en partant de bacilles humains différents.

Le bacille qui a reçu cette accoutumance, donnant un trouble homogène à la culture, est appelé par abréviation ou simplification bacille homogène". La dénomination est impropre puisque le protoplasme du bacille n'est pas plus homogène que celui d'un bacille poussant sur milieu solide. Elle mériterait d'être remplacée par celle de „bacille en culture liquide homogène". Mais la première a le mérite d'ètre plus courte. Il suffit d'en connaitre la vraie signification. Par leurs nouveaux caractères végétatifs, les bacilles des mammifères que nous avons modifiés ressemblent autant que possible au bac. aviaire. Ils s'en rapprochent encore par d'autres côtés que nous examinerons ultérieurement.

Ainsi, grâce à la variabilité, s'évanouit la différence tranchée que l'on voulut établir entre le bacille des oiseaux et celui de mammifère.

2. Bacille humain ou bacille bovin.

Si maintenant, on cherche à séparer le bac. humain du bac. bovin, on se heurte à des difficultés analogues.

a) L'attention a été attirée sur la végétation du bac. bovin, il y a dix ans environ par Th. Smith. Il a signalé, à cette époque, certaines différences confirmées par plusieurs auteurs, savoir: les premières générations du bac. bovin se développeraient moins rapidement, refuseraient du pousser sur agar glycériné et exigeraient le sérum gélifié; les colonies s'étaleraient en couche mince; seulement dans une longue suite de générations, la dysgénésie du bac, bovin disparaîtrait peu à peu.

Kossel, Weber et Heuss se sont appesantis plus récemment sur les caractères des cultures en voile: le bac. humain végéterait abondamment sur le bouillon glycériné où il donnerait un voile uniforme et plissé; tandisque le bac. bovin donnerait une pellicule mince, ajourée comme un réticulum, épaissie et mamelonnée cà et là irrégulièrement.

D'une façon générale, les remarques de Smith, de Kossel, Weber et Heuss sont exactes. Mais elles comportent de fréquentes exceptions dont quelques-unes ont été observées déjà par les auteurs précités, et par une longue liste d'expérimentateurs parmi lesquels je citerai Vagedes, Lastigan, Gratia, de Jong, Lydia Rabinowitsch, Dammann et Müssemeier. Soit par la richesse de la végétation, soit par l'aspect des colonies sur milieux solides ou celui des voiles étalés sur bouillon, le bac. bovin ressemble parfois au bac. humain ou inversement.

Ces différences, dit-on, se manifestent dans les premières cultures qui suivent l'isolement. Il faut les saisir au moment opportun. Des différences aussi éphémères ne sont-elles pas en vérité de simples variations?

Mes observations personnelles poursuivies pendant plusieurs années sur un certain nombre de toucher de bacilles humains et de bacilles bovins m'autorisent à corroborer les assertions précedentes.

La grande Commission royale anglaise n'a pas trouvé non plus de caractères végétatifs bien nets aux bac. humains et aux bac. bovins. Il lui a paru que, dans des conditions identiques, les cultures des deux bacilles poussent de la même façon. Qu'elles soient d'origine humaine ou bovine, les cultures les plus virulentes sont moins riches que les autres. Conséquemment les cultures humaines seraient ordinairement plus luxuriantes que les cultures bovines. Toutefois la commission fait observer que cette différence n'est pas toujours stables. Aussi résume-t-elle sur impression en admettant l'unité, d'après les caractères bactériologiques de ces bacilles.

b) J'ai noté également des variations considérables dans les cultures du bac. équin sur milieu solide. Des cultures d'aspect ordinaire ont donné des cultures filles où les plis étaient marqués plus ou moins par des mamelons blanchâtres, humides et luisantes, et d'autres où les plis et mamelons étaient confondus en une couche homogène molle, presque crèmeuse et gluante à sa surface. En propageant ces dernières, il m'est arrivé de les voir retourner vers le type initial.

c) La pigmentation des cultures est une particularité de leurs caractères végétatifs dont on a voulu tirer parti pour distinguer le bac. humain du bac. bovin.

Arpad a prétendu que les bac. humains sur milieux solides prennent une couleur allant du jaune pâle à l'orangé; tandis que les bac. bovins donneraient des cultures non pigmentées.

Ces caractères ne sont pas constants. J'ai observé des cultures du bac. humain faites le mème jour, avec la même souche, présenter: les unes du pigment orangé, les autres, la teinte grisâtre ou gris-jaunàtre ordinaire. J'ai vu aussi avec d'autres observateurs, des cultures du bac. bovin colorées en jaune orangé.

D'ailleurs, lorsque la pigmentation est très accusée, on n'est pas sûr qu'elle persistera dans les cultures filles. Deux de mes élèves, G. Courmont et Nicolas et moi-même, avons tenté de propager des bac. humains pigmentés et nous n'avons pas obtenu la transmission régulière de la pigmentation. Des cultures uniformément colorées ont donné des cultures filles où la pigmentation occupait seulement des

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