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Mais ceux qui ont fouillé plus avant dans ces recherches ont fort bien prouvé que c'étoient des livres ouverts qui expofoient aux yeux du public les mystères de la théologie de l'aftrologie, de la métaphyfique, de la magie & de toutes les fciences que les Egyptiens cultivoient. Ces obélisques font tous de granite, espéce de marbre d'une dureté extrême.

Quant aux fontaines, on peut dire que Rome chrétienne a eu les mêmes vues que Rome, païenne. On ne peut rien ajouter aux foins qu'elles fe font données, pour faire venir de l'eau en abondance dans cette grande ville. Les dépenfes exceffives qu'il fallut faire pour conftruire des aqueducs de vingt & trente milles de longueur, & pour les entretenir, ont paru très-peu de chofe en comparaifon de la commodité qu'on en retire. En cela & en bien d'autres chofes, les Romains ont fait voir la fupériorité de leur genie, & leur attention pour le bien public. Ces dépenfes immenfes pour apporter de l'eau, étoient d'autant plus néceffaires dans cette ville, que le Tibre, ce fleuve d'ailleurs fi célébre, n'est bon à rien. Son eau étoit presque toujours bourbeufe; la moindre pluie la trouble; elle est toujours chargée d'un limon, qu'on affure être d'une qualité pernicieufe. On dit même, que les poiffons du Tibre ne font ni fains, ni de bon goût.

lent les endroits qui promettent le plus ; s'ils font trompés dans leur attente, & que d'autres y ayent été auparavant, ils gagnent ordinairement affez de briques & de décombres, fe rembourfer des frais de leur recherche; parce que les architectes eftiment plus ces matériaux anciens que les nouveaux. Mais on fuppofe que le lit du Tibre eft le grand magafin de toutes ces fortes de tréfors. Il y a tout lieu de croire, que quand les Romains appréhendoient de voir leur ville faccagée par les barbares, ils ne manquoient pas de jetter dans la riviere ce qu'ils avoient de plus précieux, & qui devoit le moins fouffrir de l'eau, fans parler de cet ancien égout qui fe rendoit de tous les côtés de la ville dans le Tibre, ni de la violence & des fréquens débordemens de cette riviere, qui ont emporté plufieurs ornemens de fes bords, ni de la quantité de ftatues, que les Romains mêmes y jettoient, quand ils vouloient fe venger d'un méchant citoyen, ou d'un tyran mort, ou d'un favori disgracié. A Rome l'opinion eft fi générale des richeffes de cette riviere, que les juifs ont autrefois offert au pape de la nétoyer, pourvu qu'ils euffent pour récompenfe ce qu'ils trouveroient au fond. Ils propoferent de faire un nouveau canal dans la vallée près de Ponte-Molle, pour recevoir les eaux du Tibre, jusqu'à ce qu'ils euffent vuidé & nétoyé l'ancien. Le pape ne voulut pas y confentir, craignant que les chaleurs ne vinsfent avant qu'ils euffent fini leur entreprife, & que cela De quelque côté qu'on arrive à Rome, on apperçoit n'apportât la pefte. La ville de Rome recevroit un grand toujours le dôme de faint Pierre qui furmonte les clochers, avantage d'une telle entreprise; on releveroit ainfi les bords & tout ce qu'il y a de plus exhauflé dans la ville, où le du Tibre, & par conféquent on remédieroit aux déborde- Tibre fait une petite ifle. Le cours de cette riviere dans mens ausquels il eft à préfent fi fujet ; car on obferve que le Rome eft du nord au fud, & la partie de la ville qui eft canal de la riviere eft plus étroit dans la ville, qu'il n'est au- à la droite, & qu'on appelle Trastevere, eft cinq ou fix deflus & au-deffous. fois moins grande que l'autre. Du premier abord à regarder Rome en général, on n'y trouve point de beauté furprenante, fur-tout quand on a vu plufieurs autres villes fameufes. Mais plus on y féjourne, plus on y découvre des chofes qui méritent d'être confidérées. Tout eft plein dans Rome & aux environs, des reftes de fon ancienne grandeur.

Après les ftatues, ce qui furprend le plus à Rome, c'eft la grande variété des colonnes de marbre. Comme l'on peut bien fuppofer que la plupart des anciennes ftatues ont moins couté à leurs premiers maîtres, qu'à ceux qui les ont acherées depuis, il y a au contraire diverfes colonnes qui font affurément eftimées beaucoup moins aujourd'hui qu'elles ne le furent autrefois. Sans parler de ce qu'une groffe colonne, ou de granite ou de marbre ferpentin ou de porphyre, doit couter dans la carriere, ou pour fon port d'Egypte à Rome, on peut confidérer feulement la grande difficulté de la tailler, & de lui donner fa forme, fa proportion & fon poli. Tout le monde fait, comme ces marbres réfiftent à tous les inftrumens qui font aujourd'hui en ufage. Il vaut mieux croire que les anciens avoient quelque fecret pour durcir les taillans de leurs outils, que de recourir aux opinions extravagantes, que l'on a communément, ou qu'ils avoient le fecret d'amolir la pierre, ou qu'elle étoit naturellement plus molle au fortir de la roche, ou, ce qui eft encore plus abfurde, que c'étoit une compofition, & non pas la production naturelle des mines & des carrieres. Quant à la forme de ces anciennes colonnes, Godet a obfervé, que les anciens n'ont pas fuivi les proportions avec tant d'exactitude que les modernes. Quelques-uns, pour excufer ce défaut, le rejettent fur les ouvriers d'Egypte, & des autres pays, qui envoyoient à Rome la plupart des anciennes colonnes toutes travaillées d'autres difent que les anciens, fachant que le but de l'architecture eft principalement de plaire à l'œil, prenoient foin feulement d'éviter des disproportions affez groffieres pour être obfervées par la vue, fans regarder fi elles approchoient de l'exactitude mathématique. D'autres foutiennent que c'eft plutôt l'effet de l'art, & de ce que les Italiens appellent il gusto grande, que de quelque négligence de l'architecte. Les anciens, ajoutent-ils, confidéroient toujours l'affiete d'un bâtiment, s'il étoit haut ou bas, dans une place ouverte, ou dans une rue étroite, & ils s'écartoient plus ou moins des régles de l'art, pour s'accommoder aux diverfes distances & élévations, d'où leurs ouvrages devoient être regardés. Quand je parle des colonnes, je comprends fous ce mot les obélisques. Ils font tous quadrangulaires, & finiflent en pointe aiguë. C'étoit comme autant de rayons du foleil, cette grande divinité que les Egyptiens adoroient fous le nom d'Ofiris,& dans lequel ils faifoient habiter les êtres, les génies & les ames de l'univers. Les quatre angles regardoient les quatre coins du monde, & fignifioient les quatre élémens. Quelques-uns ont fuppofé que les hieroglyphes de ces obélisques contenoient des éloges des rois, ou des hiftoires de quelques faits mémorables; & que ces monumens n'étoient érigés que dans la double vue de fervir d'ornement & d'honorer les héros de la nation.

Le Ponte Sant'Angelo, par où quelques voyageurs ont commencé à décrire la ville de Rome, eft celui qu'on appelloit anciennement Pons-Elius, du nom de l'empereur Elius Adrianus, qui le fit bâtir. Il a pris celui de Ponte Sant'Angelo, qu'il porte aujourd'hui, à caufe que faint Grégoire le grand, étant fur ce pont, vit, à ce qu'on dit, un Ange fur le Moles Adriani, qui remettoit fon épée dans le fourreau, après une grande pefte qui avoit défolé toute la ville. On voit fur ce pont une belle balustrade de fer, avec douze ftatues de marbre que le pape Clément IX fit faire; & en jettant les yeux fur la riviere, on découvre à gauche, les ruines du pont Triomphal, qui fut ainfi appellé, à cause que tous les triomphes paffoient par-deffus pour aller au capitole, ce qui fit que ce paffage ne demeura plus libre, & que par un décret du fénat, il fut défendu aux payfans.

Le château Saint-Ange eft au bout du Ponte Sant'-Angelo. C'est ce qu'on appelloit Moles Adriani; & ce château avoit pris ce nom, parce que l'empereur Adrien y avoit été enterré. Il eft bâti de grandes pierres. Sa figure eft ronde, & on y monte par trois différens dégrés, qui vont toujours en rétreciffant jusqu'à la pointe, fur laquelle étoit la pomme de pin de cuivre doré, qu'on voit encore aujourd'hui dans le jardin de Belvedere. Les papes en ont fait un vrai château de guerre. Boniface VIII, Alexandre VI, & Urbain VIII, le rendirent régulier. Ils en firent une place à cinq bastions, fur lesquels il y a de bons canons, dont le plus grand nombre a été fait de plufieurs statues des faux dieux & autres ornemens du panthéon. Ces fortifications ont été renforcées de trois enceintes de murailles & de boulevards, qui en font une place importante, & un lieu de refuge pour les papes, s'il arrivoit quelque trouble dans la ville. C'eft dans ce château qu'on enferme les prifonniers d'état, & qu'on garde les cinq millions, que Sixte V y dépofa avec une bulle, qui défend, fous peine d'excommunication, de s'en fervir, que dans la néceffité la plus preffante. On garde auffi dans ce château la triple couronne, appellée Triregno. avec les principales archives de l'églife romaine.

Au fortir de là on entre dans le Borgo, d'où l'on tourne vers l'églife de faint Pierre. En y allant on trouve l'églife des carmes, appellée Santa Maria Transpontina. On y voit dans une chapelle, à main gauche, deux colonnes de pierre enchâffees dans du bois, ausquelles on dit que faint Pierre

& faint Paul furent attachés, quand on les fuftigea avant que de les faire mourir. On paffe enfuite devant le palais Ĉampeggio, bâti par le fameux Bramante. Il a été autrefois au cardinal Campeggio, qui fut légat du pape auprès d'Henri VIII, qui le lui donna. Les ambaffadeurs d'Angleterre y logeoient autrefois ; & c'étoit alors un des plus beaux palais qui fuffent à Rome. Vis-à-vis eft une petite place ornée d'une belle fontaine, & tout auprès on voit la petite églife de faint Jacques de Scozza Cavalli, où l'on montre fur un autel à main droite, la pierre fur laquelle Abraham devoit facrifier fon fils Ifaac; & fous un autre, à gauche, la pierre fur laquelle on mit notre Seigneur, quand il fut préfenté au temple. On arrive enfin à la place & à l'églife de S. Pierre.

Cette églife eft le plus vafte & le plus fuperbe temple du monde. Pour en bien juger il y faut aller fouvent ; il faut monter fur les voutes, & fe promener par-tout, jusques dans la boule qui eft fur le dôme ; il faut voir auffi l'églife fouterreine. D'abord on ne trouve rien qui paroiffe bien étonnant : la fymmetrie & les proportions bien obfervées ont fi bien mis chaque chofe en fon lieu, que cet arrangement laifle l'esprit dans fa tranquillité; mais plus on considére ce vafte bâtiment, environ d'un tiers plus long que S. Paul de Londres, plus on l'admire. Le Bramante, fous Jules II, & Michel-Ange, fous Paul III, en ont été les principaux architectes. On n'y trouve rien qui ne reffente la grandeur & la majefté. La chaire de faint Pierre, foutenue par les quatre docteurs de l'églife latine, dont les ftatues, plus grandes que nature, font de bronze doré, eft d'une beauté & d'une magnificence achevée. Elle a été faite fur le deffein du chevalier Bernin. On voit dans les regiftres que tout cet ouvrage a couté cent fept mille cinq cents cinquante-un écus romains. Les tombeaux d'Urbain VIII, de Paul III, d'Alexandre VII, & de la comteffe Matilde, font les plus dignes d'être remarqués entre les fuperbes monumens qui fe voyent dans cette églife. Au tombeau de Paul III, il y a deux ftatues de marbre, qui repréfentent la prudence & la religion: elles font revêtues d'une draperie de bronze. On ne voit dans cet admirable édifice que dorures, que rares peintures, que bas-reliefs, que ftatues de bronze & de marbre; & tout cela dispenfé d'une maniere fi fage & fi heureufe, que l'abondance n'y caufe point de confufion. Le dedans de la coupe eft de mofaïque; la voute de la nef eft de ftuc, à compartimens en relief & doré; le pavé eft de marbre rapporté en diverfes figures; & l'on achevera d'en revêtir les pilaftres, auffi bien que tout le refte du dedans de l'églife. Le grand autel eft précisément au-deffous du dôme, au milieu de la croix. C'eft une maniere de pavillon foutenu par quatre colonnes de bronze, torfes, ornées de feuillages & parfemées d'abeilles, qui étoient les armes du pape Urbain VIII. Au-deffus de chaque colonne, il y a un Ange de bronze doré, haut de dix-fept pieds. On cftime infiniment cette piéce faite fur les deffeins du chevalier Bernin. La hauteur du tout eft de quatre-vingt-dix pieds. On descend par un escalier fous cette autel, pour aller à la chapelle, où l'on conferve la moitié du corps de faint Pierre, & de celui de faint Paul, & pour vifiter les autres lieux faints qui font en divers endroits dans les caves de cette églife. On remarque à l'entrée de ces grotes une bulle gravée fur du marbre, par laquelle il n'eft permis aux femmes d'y entrer qu'une feule fois l'an, favoir le lundi de la pentecôte; & défendu aux hommes de s'y préfenter ce jour-là, fous peine d'excommunication. Ces lieux font obscurs; mais il y a cent lampes d'argent qui brûlent perpétuelle

ment.

La double colonnade qui fait la clôture de la grande place au-devant de l'églife de faint Pierre, & qui conduit à cette même églife par un double portique de chaque côté, eft un embelliffement, dont la maniere eft rare, & caufe quelque furprife. Il y a dans la place deux magnifiques fontaines, qui jettent de fort groffes gerbes. L'obélisque qui s'éleve au milieu eft d'une feule pièce de granite, & fa hauteur est de foixante dix-huit pieds, fans compter ni le piédestal, ni la croix que Sixte V fit mettre au deffus de la pointe de l'obélisque, lorsqu'il le releva en 1586. Cet ancien monument pése, sans la base, neuf cents cinquantefix mille cent quarante-huit livres. On dit communément, que la boule d'airain, qui y étoit autrefois, renfermoit les cendres d'Augufte; mais l'architecte Fontana, qu'employa Sixte V, ayant examiné ce globe; trouva qu'il n'avoit pu

fervir à cet ufage. Ce n'étoit qu'un fimple ornement. Il est vrai que l'obélisque étoit confacré à Augufte & à Tibére, comme on le voit par l'inscription qui s'y lit encore diftinc

tement.

Le palais du vatican eft tout joignant l'église de saint Pierre. C'eft une commodité pour le pape; mais le trop grand voifinage de ce palais caufe une confufion défagréable. Si l'églife étoit ifolée, & qu'on la pût voir de tous côtés en champ libre, cela produiroit un bien plus bel effet. Du refte, le vatican n'eft pas un bâtiment régulier, ce font de bons morceaux mal attachés enfemble. On y compte douze mille cinq cents chambres, fales ou cabinets. Le belvedére eft une partie du vatican. Il a été ainfi nommé à caufe de la belle vue qu'on découvre de cet endroit. Ses jardins font magnifiques, & entre les ftatues qui s'y voyent, on admire principalement le tronc, qui eft un corps fans tête, fans bras & fans jambes, l'Antinous, l'Apollon & la Cléopatre. Les excellentes peintures de Raphaël, de Michel-Ange, de Jules-Romain, du Pinturicchio, du Polydore, de Jean de Udine, de Daniel de Volterre, & de plufieurs autres fameux maîtres, occupent plus les yeux des curieux, que ne font les autres beautés de ce palais; fur-tout l'hiftoire d'Attila de l'incomparable Raphaël, n'eft jamais fans admirateurs. Celle du maffacre de l'amiral Coligni fe voit en trois grands tableaux dans la falle, où le pape donne audience aux ambaffadeurs. Dans le premier tableau, l'amiral, blesse d'un coup d'arquebufe, eft porté dans fa maifon ; & au bas eft écrit, Gaspar Colignius Amirallius accepto vulnere do-mum refertur. Greg. XIII. Pontif. Max. 1572. Dans le fccond, l'amiral ett matfacré dans fa maison, avec propre Telignifon gendre, & quelques autres. Ces paroles font fur le tableau: Cades Colignii & fociorum ejus. Dans le troifiéme, la nouvelle de cette exécution est rapportée au roi, qui témoigne en être fatisfait: Rex Colignii necem prob. İa bibliothèque du vatican a non-feulement été groffie de celle de Heidelberg, mais encore de la bibliothèque du duc d'Urbin. Les peintures dont elle eft remplie, repréfentent les fciences, les conciles, les plus fameules bibliothéques les inventeurs des lettres, & quelques endroits de la vie de Sixte V. L'ancien virgile manuscrit eft in-quarto plus large que long en lettres majuscules, fans diftinction de mots & fans ponctuation. Le caractère tient un peut du gothique, ce qui ne s'accorde guères avec la premiere antiquité que quelques-uns lui donnent. Spon dit, que le Virgile & le Térence du vatican, ont mille ans. Il y a un volume de lettres de Henri VIII, à Anne de Boulen. C'est un in-quarto épais d'un doigt. Parmi les manuscrits des derniers fiècles on remarque quelques lettres que des cardinaux s'écrivoient, & dans lesquelles il fe traitoient de Meffer-Pietro, Meffer-Julio, fans autre cérémonie. On voitjune bible allemande, qu'on prétend de la traduction de Luther, & écrite de fa propre main; mais tout le monde n'en convient pas. De la bibliothéque on paffe à l'arfenal, où l'on affure qu'il y a des armes pour vingt mille hommes de cavalerie, & pour quarante mille hommes d'infanterie : mais il s'en faut plus de la motié : & d'ailleurs toutes ces armes font en mauvais état. Si d'un côté le pape peut descendre du vatican à l'églife de faint Pierre; de l'autre il peut fe retirer fans être vu dans le château Saint-Ange, par une galerie qu'Alexandre VI fit bâtir.

Près de l'églife de faint Pierre eft le grand hôpital du faint Esprit, l'un des plus beaux de l'Europe, tant pour fa grandeur que pour fon revenu, qui eft immenfe. Il y a jusqu'à mille lits pour les malades, un prélat qui gouverne tout, plufieurs médecins & autres officiers fubalternes. Les religieufes employées à les fervir, ont un grand appartement où l'on pourroit en loger cinq cents. Les appartemens d'en haut font pour les pauvres gentils-hommes; & furent fondés par Urbain VIII. Cet hôpital a auffi foin des enfans expofés; & quoique le nombre en foit très-grand, on ne peut ajouter à ce qui eft fait pour leur éducation. Il fe trouve affez fouvent des gens, qui n'ayant point d'enfans en viennent chercher parmi ceux-ci. On les laiffe choifir, & quand on eft affuré qu'ils en auront foin, & qu'ils les éleveront dans la crainte de Dieu, on les leur abandonne, après avoir pris les précautions convenables pour la fureté de ces enfans. Ordinairement ceux qui en prennent de la forte, les adoptent, leur font porter leur nom, & les déclarent leurs héritiers. Voici ce qui fait la richeffe de cet hôpital. Il est fort rare à Rome qu'on garde de l'argent chez foi, au delà de ce

qu'il en faut pour le courant de fa dépense. On le met en dépôt au banc du faint Esprit, où l'on eft affuré de le trouver toujours & de l'en retirer en tout ou en partie, auffi-tôt qu'on le demande. Cet argent eft mort pour le propriétaire, auquel il ne rapporte aucun profit ; mais il eft hors des atteintes des domeftiques, des voleurs, des accidens : & ne coute aucun frais de garde. Ce banc appartient à l'hôpital du Saint-Esprit, qui a hypothequé tous fes biens pour la fureté des dépôts, & qui s'eft chargé de toute la dépense néceffaire pour l'entretien de la maifon. Comme il y a toujours plufieurs millions dans le banc, & qu'il en fort & qu'il en entre à tout moment, l'hôpital fait profiter à fes risques l'argent qui eft de relais, & ce profit eft fi confidérable, qu'il eft beaucoup plus que fuffifant pour les dépenses dont l'hôpital eft chargé.

ves, où l'on enferma cette fainte, pour l'y étouffer, fe voyent encore au bout de l'églife; le feu l'ayant épargnée on lui coupa la tête. L'églife de faint Chryfoftôme eft près de cette derniere. Il y a quatre piliers au grand-autel, qui paroiffent comme s'ils étoient de fable & de cryftal, pétris enfemble. On va enfuite vers l'ifle de faint Barthelemi, où font un fort bel hôpital & une église de cordeliers. Sous le grand autel eft le tombeau de porphyre, dans lequel on dit qu'eft le corps de l'apôtre faint Barthelemi. On appelloit anciennement cette ifle Infula Tiberina. On fort de cette ifle par le pont des quatre têtes, nommé anciennement Pons Fabricius, qui la joint avec la ville. A droite est le pont appellé Pons Sublicius, à l'entrée duquel Horatius Coclès foutint lui feul les efforts de l'ennemi, tandis qu'on le rompoit derriere lui. Il étoit alors de bois, Æmilius le fit De l'hôpital du faint Esprit, on paffe à l'églife de faint faire de pierre. Au fortir de ce pont, on voit à gauche la Onuphre, bâtie fur une petite montagne. On y fait voir le grande porte de derriere du quartier des juifs, qui demeuportrait & le tombeau du célébre Torquato Tallo. En allant rent tous dans un coin de la ville, où toutes les nuits ont les le long de Longara, on trouve à droite le palais du duc de enferme à la clef. Aquelque diftance de leur fynagogue, eft Salviati, & à gauche la villa de Chigi, qu'on appelle aujour à gauche le palais du prince Savelli, bâti fur les ruines du d'hui le jardin Farnèfe, où font quantité de rares peintures, théâtre de Marcellus. Il contenoit quatre-vingts mille perfonqu'on dit être de Raphaël d'Urbin. En paffant à côté de nes. De-là paffant plus avant, on rencontre la grande église Longara, on arrive à la porte appellée Porta Septimania, de Santa Maria in Schola Graca, bâtie au lieu où faint Au à caufe que Septimius Severus y fit bâtir des bains. Puis guftin enfeignoit la rhétorique avant fa conversion. Elle eft montant une colline, on vient à la porte de S. Pancrace, où voifine de celle de Santa Maria Egyptiaca, qui fut autrefois elt une église de fon nom, deffervie par des carmes dé- un temple du foleil & de Jupiter. Cette églife proprement chauffés. Le lieu qu'on appelle Cemeterium Callipoli, eft ornée, & foutenue par des pilliers cannelés & tors, apparfous cette églife, & renferme un grand nombre de corps de tient aux Arméniens, qui ont auffi un hôpital à Rome martyrs. La villa Pamphilia en eft aflez proche. Elle eft pour les pélerins catholiques de ce pays-là. Ils ý célébrent la bâtie fur une haute éminence. De la terraffe qui eft au-deffus meffe, felon leur liturgie, par permiffion du pape. De l'aude la maison, on découvre un fort agréable paylage. Cette tre côté de la grande place où eft l'églife des Arméniens, on maison, dont le jardin a une grote & plufieurs jets d'eau, voit celle de faint Etienne, qui a quantité de colonnes caneft ornée de quantité de ftatues & de tableaux, dont les plus nelées tout à l'entour. C'étoit autrefois le temple de Juno beaux font faint Pierre attaché en croix, & la converfion de Matutina ou Aba-Dea. Près de là eft le grand égout de Rofaint Paul par Michel-Ange. L'entrée des animaux dans l'arme, qui fe décharge dans le Tibre, & qu'on appelloit che de Noé, paffe pour une piéce très-rare. Entre les ftatues Cloaca magna. Tarquin l'ancien, cinquiéme Roi des Roon admire celle de Jacob, qui lute avec l'Ange, celle de Se- mains, le fit bâtir magnifiquement de pierres de taille. Il est néque, le bufte d'Innocent X en porphyre, & fa tête en fi grand, qu'une charette y peut aifémenent entrer, & il y bronze. a une infinité de canaux voutés par où s'écoulent les immondices. Après avoir marché quelque tems fur le bord du Tibre, on arrive au pied du mont Aventin, fur lequel est l'églife de faint Alexis. On y voit l'escalier de bois fous lequel ce faint paffa dix-fept ans dans la maifon de fon pere, fans être connu de perfonne, après en avoir été quinze ans abfent. Son corps repofe fous le grand autel, avec celui de faint Boniface martyr. Affez près de cette église, & fur la même montagne, eft l'églife de fainte Sabine, où le pape va le mercredi des cendres en proceffion folemnelle, à cheval & accompagné des cardinaux. Le temple de la liberté & l'Armiluftrium des Romains, étoient auffi fur cette mon tagne. Du mont Aventin on va à la porte de faint Paul, & on voit en chemin & à la droite, la petite montagne, qu'on appelle communément il Doliolo, ou le Monte Testaccio, la montagne des pots caffes. Cette petite montagne a environ un demi-mille de circuit, & cent cinquante pieds de hauteur perpendiculaire. Son nom lui vient de ce qu'on ne fauroit y remuer la terre fans trouver des fragmens de vafes; enforte qu'elle femble s'être formée de débris de cette nature entasfés dans cet endroit. On ne débite fur l'origine de ce monticule, que des conjectures, plus ou moins vraisemblables, dans le détail desquelles il feroit trop long d'entrer.

En rentrant dans la ville par la porte de faint Pancrace, on voit la belle fontaine que Paul V tira du lac de Braccia no, pour la faire aller à Rome par un aqueduc long d'environ trente milles. Elle fert comme de réservoir, & de là on distribue de l'eau en plufieurs endroits de la ville. Le convent des cordeliers, appellé San Pietro in Montorio, parce qu'il eft fur une montagne, n'en eft pas loin. Saint Pierre fut crucifié dans un endroit de la cour, où il y a préfentement une petite chapelle ronde. Lorsqu'on entre dans l'églife, on a en face le grand-autel embelli d'un admirable tableau de la transfiguration de notre Seigneur, qu'on dit être le dernier de Raphaël d'Urbin, & celui qu'il eftimoit davantage. On voit dans cette églife le tombeau du comte de Tyrone, Irlandois, qui fe retira à Rome du tems de la reine Elifabeth, & deux belles ftatues de marbre, l'une de faint Pierre, & l'autre de faint Paul, de la main de Michel-Ange. Du haut de la montagne où est San Pietro in Montorio, & qui fut anciennement le Janicule, on a la vue de toute la ville. C'eft dans ce lieu qu'étoit le tombeau de Numa Pompilius. Au pied de cette montagne on trouve l'églife & le cou-. vent des carmes déchauffés de la Scala. On y a dans une petite chapelle un pied de fainte Therèfe enchâffé dans un crystal.

L'églife de Santa Maria Tranftevere n'eft pas loin de celle-là. C'est la premiere qui ait été bâtie à Rome, au rapport de Baronius. Elle eft au lieu même où étoient Taberna Meritoria, où les anciens Romains donnoient tous les jours la pitance aux foldats eftropiés. La voute eft dorée, & fou. tenue par par deux rangs de colonnes de marbre. On voit dans cette églife la pierre qui fut mife au col de faint Calixte, quand on le précipita dans un puits, & de groffes pierres rondes, qu'on attachoit aux pieds des martyrs pour les tourmenter. Près de là eft le couvent des cordeliers, appellé San Francesco in Ripa grande. On y a fait une chapelle de la chambre que faint François occupoit quand il demeuroit à Rome. De Ripa grande on va à l'églife de fainte Cecile, bâtie fur le même lieu où étoit fa maifon, & où elle fouffrit le martyre. Le grand autel eft fur fon tombeau, où fa ftatue eft couchée, & de la même grandeur qu'eft fon corps, qui fut trouvé du tems de Clément VIII, enveloppé dans des linceuls teints de fang, & couvert d'une robe d'or. Les étu

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En approchant de la porte de faint Paul, on apperçoit le maufolée de Caius Ceftius, qui eft une pyramide blanche carrée, & finiffant en pointe tout à fait aiguë. Sa hauteur eft de fix-vingts pieds, & fa largeur dans fa bafe de quatrevingt-quatorze pieds. La maffe de ce monument eft de brique, mais tout eft revêtu de carreaux de marbre blanc. Ålexandre VII le répara en 1673, de forte qu'elle paroît à peu près dans fa premiere beauté. On peut voir par les inscriptions anciennes qui s'y lifent, qu'elle a été érigée pour C. Ceftius, l'un des fept officiers qui avoient la charge de préparer les fettins des dieux. On entre dans ce maufolée par un paffage bas & étroit, qui en traverse l'épaiffeur jusqu'au milieu, & l'on y trouve une petite chambre voutée, longue de dix-neuf pieds, large de treize, & haute de quatorze. Cette chambre eft toute enduite d'un ftuc blanc & poli, fur lequel il refte plufieurs figures de femmes, plufieurs vafes & quelques autres ornemens. La maniere dont ces peintures fe font confervées, avec la beauté de leur coloris, paroît quelque chofe de remarquable, d'autant

que ce n'eft qu'une fimple détrempe qui ne pénétre pas Fenduit.

Après que l'on a paffé la porte de S. Paul, anciennement Porta-Tergemina ou Oftienfis, on va à l'églife de même nom, & qui eft à un petit mille hors de la ville. Cette églife eft dans le lieu où Lucia dame romaine enterra le corps de faint Paul. Elle eft en forme de croix, & a quatre cents foixante-dix-fept pieds de long fur deux cents cinquante-huit de large. Quatre rangs de piliers ronds d'un marbre blanc la foutiennent. Ils font au nombre de cent, & on prétend qu'ils ont été tirés des bains d'Antoniès. Il n'y a dans ce vafte corps ni chapelles ni autres ornemens, fi ce n'eft à T'entrée près de la grande porte, où eft un autel avec ces paroles gravées fur une pierre: Hic inventum eft caput fancti Pauli. Le grand autel eft couvert comme d'un dais de pier. re, élevé fur quatre colonnes de porphyre, avec quatre ftatues deflus ; & l'on y voit le fameux crucifix qu'on dit avoir parlé à fainte Brigitte. La moitié des corps de faint Pierre & de faint Paul cft fous cet autel, & on lit cette inscription à côté : Sub hoc altari requiescunt gloriofa corpora Apoftolorum Petri & Pauli pro medietate. La confeflion de faint Paul eft derriere cet autel, femblable à celle de faint Pierre. Sur le haut de la voute de l'églife eft un rare ouvrage à la mofaïque, qui repréfente notre Seigneur au milieu des vingt-quatre anciens de l'apocalypfe. Ce fut Placidia Galla, fille de Théodofe & fœur d'Honorius, qui fit faire cette pièce du tems de faint Léon.

A un mille de l'églife de faint Paul eft le lieu appellé les trois Fontaines, & en y allant on voit l'endroit où faint Zénon fut autrefois martyrifé avec dix mille chrétiens par l'ordre de Dioclétien. Dans le lieu des trois Fontaines eft une grande place qu'on appelloit autrefois Aqua Salvia, & où font trois églifes. La premiere porte le nom de S. Vincent & de S. Anaftafe, à caufe de leurs reliques qu'on y conferve. La feconde eft de forme ronde & affez petite. On y voit le fameux tableau dans lequel faint Bernard eft repréfenté en extafe. Sous cette églife commence une cave d'un mille d'étendue, où font plufieurs corps des dix mille chrétiens martyrifés avec faint Zénon. La troifiéme eft celle qu'on appelle des trois Fontaines, à caufe que lorsque faint Paul fut décapité dans ce lieu, fa tête bondit trois fois, & qu'à chaque fois il fortit une fontaine de la terre. On voit fur un autel à main gauche un excellent tableau du Guide, où faint Pierre eft repréfenté attaché à la croix, & à droite dans une grille de fer eft le billot fur lequel on coupa la tête à faint Paul. De ce lieu on va à travers les champs à l'Annunciata, l'une des neuf églifes que les pelerins vifitent, & enfuite on se rend à l'églife de faint Sébastien, lieu d'une grande dévotion à caufe des catacombes qui font deffous. Le tombeau de ce faint est sous un autel à gauche, & fur un autre à droite, font quantité d'autres reliques. Delà on descend dans une cave, où le pape faint Etienne I, eut la tête coupée dans la propre chaire de pierre ; & où les corps de faint Pierre & de faint Paul furent cachés plufieurs années. Les catacombes s'étendent fous terre à plufieurs milles. Il y en avoit beaucoup dans les premiers tems de l'églife, & on leur donnoit différens noms, comme Arenaria, Cripta, Area, Concilia martyrum, Polyandria, & vulgairement Cameteria, c'est-à-dire, Dormitoria, parce que les corps des martyrs repofoient en ces lieux-là. Le plus grand de ces cimetieres étoit celui de faint Calixte, dans lequel on enterra, dit-on, cent foixantequatorze mille martyrs durant les perfécutions des empedurant les perfécutions des empereurs. Il y eut dix-neuf papes de ce nombre. C'étoit dans ces catacombes que les anciens chrétiens faifoient à la dérobée, les exercices de la religion avec leurs pafteurs. Fort proche de l'églife de faint Sébastien eft une place appellée Campodi-Bove. Il y a un grand bâtiment, dont la face eft de marbre. On dit que c'étoit le tombeau de Metella femme de Craffus. Plufieurs têtes de bœuf placées dans la corniche qui regne an haut, & tout le long du bâtiment, ont fait donner ce nom de Campo-di-Bove à la place où il eft fitué. Ceux qui entrent dedans, admirent l'épaiffeur des murailles, qui ont tout au moins huit aunes. On avoit commencé d'en tirer de grandes pierres de marbre pour conftruire la fontaine de Trevi; mais le cardinal Barberin ne laiffa pas continuer. Les ruines du Pratorium font peu éloignées de cette place. C'étoit le lieu où la garde prétorienne de l'empereur logcoit. Il étoit hors de la ville, afin que les foldats n'y fiffent aucun défordre, & qu'ils puffent faire fouvent l'exercice dans le cirque de Caracalla, qui étoit au voifinage. Ce cirque, bâti

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par cet empereur, eft le plus entier de ceux qui reftent aujourd'hui à Rome. On y voit le lieu que les Romains nommoient Carceres, d'où partoient les charriots qui couroient dans le cirque; & celui où étoit l'aiguille appellée Meta. Au bout de ce cirque eft un vieux temple rond, & un autre petit qui lui fert comme d'entrée. Ce dernier étoit le temple de la vertu & l'autre celui de l'honneur. Ils étoient joints enfemble, parce qu'on ne peut acquerir de l'honneur que par la

vertu.

En rentrant dans la ville par la porte de faint Sébastien autrefois porta Capena, on va à l'église de faint Nérée & de faint Achille, où leurs corps repofent fous le grand autel. De l'autre côté & presque vis-à-vis, on voit l'églife de faint Sixte, qui eft un couvent de dominicains Anglois & Irlandois, célébre par la demeure que faint Dominique y fit. On prétend que l'église a été bâtie du tems du grand Constantin, fur le fonds d'une dame appellée Tigris, d'où vient qu'on l'a appellée long-tems S. Sixtus in Tigride. Le pape Honorius III, la donna à faint Dominique. Ce faint la céda depuis aux religieufes de fon ordre, qui y demeurerent jusqu'à ce que le faint pape Pie V, les transporta au monaftère de faint Dominique à Magna Poli. C'eft un titre de cardinal. Il n'y a de beau à voir que ce que le cardinal Bon-Compagno y a fait faire pendant qu'il en étoit titulaire. Elle eft dans un air groffier, pefant & mal fain, où l'on ne peut demeurer pendant les chaleurs de l'été fans courir risque de la vie. Le lieu où le couvent a été bâti s'appelloit autrefois Piscina publica, parce que tout le peuple s'y venoit laver.

De là on va à la porte nommée Porta Latina, d'où l'on arrive à l'églife de faint Jean de Latran. Cette églife eft regardée comme la premiere églife patriarchale de Rome, & de tout l'univers. Ces deux vers écrits en gros caractères, fur l'architrave de fon veftibule, l'annoncent.

Dogmate Papali datur & fimul Imperiali,
Quod fim cunctarum mater caput ecclefiarum.

On voit par cette inscription barbare, que dans le tems qu'elle fut faite, on étoit perfuadé qu'il falloit que l'autorité du fouverain concourut avec celle du pape, pour rendre une église la métropole de toutes les autres. C'est dans cette églife que le pape nouvellement élu prend poffesfion de fon patriarchat. Les papes demeuroient autrefois dans le palais qui eft voifin ; & ce n'eft que depuis leur retour d'Avignon qu'ils ont choifi leur demeure au vatican, & dans les chaleurs à Monte-Cavallo. Sixte V avoit fait réparer le palais de Latran, afin d'obliger fes fucceffeurs à l'habiter quelquefois, & par conféquent à l'entretenir. Il avoit fait une bulle pour les obliger à y demeurer trois mois chaque année, & lui-même, quoique légiflateur, s'étoit foumis à la loi qu'il avoit promulguée; mais fes fucceffeurs en ont appellé à eux-même, & ont fixé leur demeure au va tican, ou à Monte-Cavallo.

Quoique l'églife porte fimplement le titre de faint Jean, elle eft pourtant dédiée au Sauveur du monde & aux deux faints Jean, c'est-à-dire, au précurfeur & à l'apôtre. Elle fut bâtie par Conftantin le grand, fur les fonds d'un fénateur romain, nommé Plautius Lateranus, dont elle a confervé le nom. Elle fut confacrée par le pape S. Sylveftre en 324. Elle a été deffervie long-tems par des chanoines réguliers qui fe féculariferent vers 1300. Les chanoines réguliers y voulurent rentrer en 1475, & intenterent procès aux féculiers; mais ils furent enfin obligés de s'accommoder, de laiffer les féculiers en repos, & de fe contenter de conferver le titre de chanoines réguliers de faint Jean de Latran avec l'églife & le monaftère de la paix qu'on leur abandonna. Cette églife eft fous la protection de l'empereur & du roi de France, qui lui a donné l'abbaye de Clérac. On voit à côté du veftibule une ftatue de bronze de Henri IV, que les chanoines ont fait faire comme un témoignage éternel de leur reconnoiffance pour ce grand prince! Elle eft au bout du veftibule, environnée d'une grille de fer pour la garantir des infultes, que la canaille, excitée par les ennemis de France, lui faifoit dans de certaines occafions. L'églife eft vaste. Elle n'eft point voutée. Son plat-fond eft à grands compartimens dorés & très-magnifiques. Elle a cinq nefs foutenues & distinguées par de groffes colonnes. Entre celles de la nef du milieu, il y a des niches que l'on eftime beaucoup, faites, à ce qu'on dit, fur les deffeins de Michel-Ange. Ces niches renferment des ftatues, dont les quatre plus eftimées ont été

faites par des fculpteurs françois. Il y a un autel, dans lequel on prétend qu'eft enchâflé l'autel de bois fur lequel S. Pierre célébroit la meffe. On l'appelle l'autel papal. Il n'y a que le pape feul qui peut y célébrer, à moins qu'il n'en donne une ty permiffion par écrit à quelque perfonne diftinguée, & cela pour une fois feulement. Cet autel eft cantonné de quatre colonnes, qui portent une tribune environnée d'une balustrade. C'est là où repofent quantité de précieufes reliques, entre lesquelles les chefs de faint Pierre & de faint Paul tiennent le premier rang. Ils font dans des buftes d'or ou dorés, enrichis de quantité de pierreries données en partie par les rois de France. On voit dans le cloître une chaife de porphyre qu'on met à la porte de l'églife lorsque le pape y vient après fon élection. Il s'y affied quelque tems, & quand il se releve le cœur chante ce verfet du pleaume 112: Suscitans à terra inopem & de ftercore erigens pauperem, pour le faire fouvenir qu'il n'eft que pouffiere, & que les honneurs qu'on lui rend ne doivent point l'éblouir. En fortant de cette église par la petite porte de derriere, on va aux fonts baptismaux, qu'on appelle mal à propos de Conftantin, puisqu'il eft certain qu'il ne fut point baptifé à Rome par le pape faint Sylveftre. Le lieu où ils font eft rond, & il y a une ouverture dans le milieu où l'on descend par quatre dégrés. L'ouverture eft environnée d'une baluftrade de niarbre; l'édifice eft foutenu de colonnes de porphyre, les plus belles qui foient à Rome ; & le peuple, étant hors de la balustrade, peut aisément voir la cérémonie quand on baptife quelque juif ou quelque infidéle. Le magnifique portique qu'on voit à S. Jean de Latran, fut fait fous le pontificat de Clement XII. Tout près de cette églife eft la Santa Scala ou le Sancta Sanctorum. C'est une loge où l'on a transporté vingt-huit dégrés de marbre blanc, fort ufés, & par lesquels on dit que Jefus Chrift monta chez Pilate. Il n'eft pas permis d'y monter autrement qu'à genoux ; mais il y a deux petits escaliers à côté par où l'on peut monter comme l'on veut. La chapelle qui eft au haut, de cet escalier eft appellée Sancta Sanctorum. On lui a donné ce nom à caufe des chofes faintes qu'elle renferme ; & on lit ces vers latin fur l'autel: Non eft in toto Sanctior orbe locus.

Après qu'on a repaffé par l'église de faint Jean de Latran, on voit le palais que Sixte V y fit bâtir, & enfuite la grande aiguille ou obélisque, qui pefe, à ce qu'on dit, neuf cents cinquante-un mille cent quarante-huit livres. Cet obélisque fubfifte depuis trois mille ans. C'eft le plus grand de tous. Sa hauteur eft de cent huit pieds, fans compter ni le piédestal ni la croix.Ce fut Conftantin qui le fit apporter d'Alexandrie. En paffant le long de la muraille de l'ancien aqueduc de Claudius, on arrive à San Stephano Rotondo, qui eft auffi fur le mont Caelius. C'eft dans cette églife qu'eft le féminaire du collége allemand. Vis-à-vis de cette églife eft celle de Santa Maria de Navicella, appellée ainfi d'un petit navire de pierre qui eft devant, & qu'un matelot fit faire pour accomplir un vou. Les anciens auteurs l'appellent in Dominica ou in Ciriaca, à caufe d'une fainte femme qui portoit le nom de Ciriaca. La villa du duc Matthæi eft peu éloignée de là. Elle eft remplie d'antiquités curieufes parmi lesquelles on remarque les ftatues de Brutus & de fa femme Porcia d'une feule pièce ; celles de Cléopatre, d'Hercule, de trois petits garçons qui s'embraflent l'un l'autre en dormant ; la tête de Ciceron & un rare tableau de pierres précieufes. Dans un autre corps de logis, font la belle ftatue d'Andromede expofée au monftre marin, une autre d'Apollon fuyant Marfias, & une autre d'un fatyre qui tire une épine de fon pied. Il y a auffi de belles allées, des jets d'eau, des grotes & un labyrinthe. De ce lieu-là on descend vers l'ancien amphithéâtre nommé Colifée, à caufe d'un coloffe qui étoit auprès. C'est une des plus rares piéces de l'antiquité qui foit demeurée à Rome. Vespafien le commença, & Domitien l'acheva. Il eft furprenant que l'on ait pû élever des pierres d'une auffi prodigieufe groffeur que celles dont ce bâtiment eft compofé. Il eft de figure ronde en dehors, quoique l'aréne foit ovale. Il contenoit quatrevingt-cinq mille fpectateurs, quatre fois plus que l'amphithéâtre de Vérone. Les colonnes du troifiéme ordre, & les pilaftres du quatrième, ont le chapiteau corinthien.

On voit encore près de cet amphithéâtre les mafures de brique qui compofoient autrefois la belle fontaine qu'on appelloit Meta-Sudans. Elle fourniffoit de l'eau à ceux qui fe trouvoient à ces fpectacles. La façade étoit revêtue de marbre, & fur le haut il y avoit une ftatue de cuivre qui

repréfentoit Jupiter. L'arc triomphal de Constantin eft aux environs du colifée. Il eft encore presque tout entier. Il y a feulement quelques ftatues dont on a enlevé les têtes; & on en accufe Laurent de Medicis, qui, à ce qu'on dit, les fit porter à Florence. Les connoiffeurs remarquent que les bas reliefs de ce monument ne font pas d'égale beauté ; ce qui fait foupçonner que les meilleurs morceaux furent empruntés quand on l'érigea. L'église de S. Jean & de S. Paul, & celle de S. Grégoire font proche de ce monument. Dans une chapelle de cette derniere églife eft une ftatue de ce faint pape, qui le repréfente avec les habits pontificaux. Elle eft de marbre, & ce fut Baronius qui la fit faire.

De-là on fe rend aux bains, ou thermes d'Antonin. Ils reffemblent plutôt à une ville qu'à des bains. La magnificence en étoit extraordinaire. Ils avoient feize cents fiéges de marbre, pour affeoir autant de perfonnes qui auroient voulu s'y baigner. Les bancs de quelques-uns de ces bains étoient couverts d'argent, & d'autres avoient des canaux du même métal par où l'eau couloit. Ils étoient d'ailleurs embellis de ftatues, de tableaux & de pierres précieuses. Aujourd'hui ce n'eft plus qu'une place de divertiffement pour un féminaire.

Entre le mont Aventin & le mont Palatin, on yoit le lieu où étoit le grand Cirque. Tarquin l'ancien le commença, & Jule-Céfar, auffi bien qu'Augufte, l'augmen terent beaucoup. Il avoit trois ftades de longueur & quatre arpens de largeur. Trajan & Héliogabale l'embellirent de ftatues & de colonnes, & cent cinquante mille hommes pouvoient tenir aifément dans fes trois galleries qui étoient couvertes. L'une étoit pour les fénateurs, l'autre pour les chevaliers & la troifiéme pour le peuple. Les obélisques qui font aujourd'hui à la porte del popolo, & à S. Jean de Latran, étoient dans le cirque. Il y a plufieurs voûtes fous ce bâtiment. C'étoit là que les femmes publiques habitoient. Du grand cirque en allant à l'églife de S. George, on voit les ruines du palais des empereurs, appellé Palazzo-maggiore. Il occupoit presque tout le Mont-Palatin. L'églife de S. Anaftafe qui eft fur ce mont, étoit autrefois le temple de Neptune. Près de là eft T'ancien temple carré qu'on croit être celui de Janus-quadrifons. Il a quatre portes & trois niches dans chaque face de carré; ce qu'on peut prendre pour les quatre faifons & pour les douze mois de l'année. L'eau du Tibre paffoit autrefois près de l'églife de S. George; & l'on appelloit ce bras de riviere Velatum, à caufe que l'on y palloit en bateau, & quelquefois avec une petite voile, quand le vent étoit bon. On va de là à l'églife ronde de S. Théodore, fituée dans la place qu'on appelle foro Boario. C'étoit anciennement le temple de Romulus & de Remus ; & l'on dit que c'est en cet endroit qu'on les expofa, & qu'une louve les allaita. Il faut peu monter pour aller à l'hôpital de Notre-Dame de Confolation, qui fut autrefois le temple de Vefta. De ce lieu on paffe au campo vaccino, où font trois colonnes d'une admirable ftructure. Elles viennent du temple de Jupiter Stator, que Romulus y fit bâtir en l'honneur de ce dieu. Ce temple eft entierement ruiné, & il n'en reste plus aucun veftige. L'églife de Santa-Maria-Liberatrice eft au pied du mont Palatin, près de l'endroit nommé Locus Curtii. Ce fut là que s'ouvrit un gouffre, d'où fortoit une puanteur infupportable, & qui ne fe referma qu'après que Curtius, chevalier romain, s'y fut précipité à cheval, pour le bien de fa patrie. En tournant à droite, on trouve le jardin Farnèfe. Il est rempli de jets-d'eau & de grottes ; & au-deffus font des lieux de promenade d'où l'on découvre le grand cirque. En continuant de marcher à droite, on arrive à l'arc triomphal de Titus, & qui fut érigé pour le triomphe de ce prince, après la prife de Jerufalem. Cet arc eft fur-tout remarquable par fes bas reliefs qui repréfentent le chandelier, la table les trompettes du grand jubilé & quelques vaiffeaux qui furent apportés du temple. Cet arc eft dans la rue sacrée, auprès du mont

Palatin.

Après avoir fait le tour du Campo Vaccino, on vient à l'église de fanta Francesca Romana, appellée par quelquesuns fanta Maria Nuova. Le tombeau de cette fainte y eft élevé en cuivre doré ; & fur l'entrée eft représenté en marbre l'hiftoire du retour des papes d'Avignon à Rome. Le temple de la paix eft voifin de ce lieu. On n'en voit plus que des ruines. C'étoit néanmoins le plus fuperbe temple

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