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de Rome, comme le marque la colonne qui en a été tirée, & qu'on a mife devant la porte de fainte Marie majeure. Ce temple étoit long de trois cents pieds, & large de deux cents. Vespafien l'avoit fait bâtir, & y avoit mis les dépouilles du temple de Jerufalem, que fon fils Titus avoit apportées. L'églife de S. Côme & de S. Damien eft dans le Campo Vaccino. Elle eft de figure ronde, & fut autrefois le temple de Caftor & de Pollux. Plus avant eft celle de S. Laurent in Miranda. Ce fut anciennement un temple que l'empereur Marc-Aurele dédia à l'impératrice Faustine fa fenime. Ce prince prétendit en faire une déelle après la mort, n'en ayant pû en faire une honnête femme pendant fa vie. Le veftibule de cette église eft fort magnifique, & il y a quantité de grandes colonnes de marbre. L'églife de S. Adrien qui en eft proche, étoit autrefois le temple de Saturne, & les Romaius y avoit leur rarium publicum. On trouve enfuite l'église de fainte Martine, qui renferme fon tombeau dans une chapelle baffe. Ce fut auparavant le temple de Mars Ultor. Devant cette églife, est T'arc triomphal de Septimus Severus, fur lequel il y a des bas-reliefs fort curieux. Il eft de marbre, & la moitié en eft fort entiere. En allant du côté de la montagne, on vient à l'églife de S. Jofeph, où l'on fait voir dans une espéce de grote, qui eft fous terre, la prifon qu'on appelloit autrefois Tullianum, & dans laquelle S. Pierre & S. Paul furent enfermés. Il y a au bas un cachot où S. Pierre baprifa Proceffus & Martinianus qui les gardoient, avec plu fieurs autres. Il y fourdit miraculeufement une fontaine. Ceux qui descendent dans ce cachot la peuvent voir. Il y avoit autrefois dans le Foro Romano plufieurs bâtimens confidérables, comme le Comitium, qui étoit le lieu où le peuple s'affembloit, & où étoit la falle dans laquelle le préteur rendoit la justice. On voyoit dans ce Comitium la tatue d'Horatius Coclès, & dans les coins celles de Pythagore & d'Alcibiade. Il y avoit auffi dans ce Foro, ce que les Romains appelloient Roftra. Ces Roftra étoient faits des éperons de cuivre des vailleaux gagnés fur les Antiates. Le tombeau de Romulus étoit derriere, & celui de Fauftulus étoit devant.

Le capitole eft fitué fur le mont Capitolin. C'eft un édifice nouveau bâti fur les ruines, & même en partie fur les fondemens de l'ancien. Tout y eft plein de pièces antiques & remarquables. Entre les principales on peut comter la louve de bronze qui allaite Remus & Romulus, & fur laquelle on peut remarquer le coup de foudre dont parle Cicéron, Orat. 3, in Cat. les quatre grands reliefs, où plufieurs endroits de l'histoire de Marc Aurele font représentés; la colonne Roftrata du conful Duillius, qui eut le premier dans Rome l'honneur du triomphe naval ; le courrier qui s'arracha une épine du pied, après avoir apporté de bonnes nouvelles au fénat, ayant mieux aimé fouffrir dans fon voyage que de retarder la joie publique; le buste de Cicéron, celui de Virgile; les quatre anciennes mefures, une pour l'huile, deux pour le vin & l'autre pour le grain; la nourrice de Néron qui le tient par la main, la déeffe du filence, le dieu Pan, les trois furies, une ftatue de Céfar avec fa cuiraffe, une ftatue d'Augufte; celles de Caftor & de Pollux, les débris des coloffes d'Apollon, de Domitien & de Commode; le lion qui dévore un cheval, les trophées que quelques-uns difent être de Trajan & les autres de Marius. Les deux chevaux de marbre qui fe voyent dans la place du capitole, ont été enlevés du théâtre de Pompée, & la ftatue équestre de bronze que l'on voit dans le même lieu, y fut mife par Paul III. On croit que c'est la statue de Marc-Aurele. Il'eft difficile de prononcer par rapport à la colonne qu'on appelle le Milliarium. Elle eft de marbre blanc & a huit pieds & demi de hauteur. Le chiffre (I.) eft marqué au haut, & fur le chapiteau il y a un globe d'airain qui peut avoir deux pieds de diamètre. On dit communément que cette colonne étoit au centre de Rome, & que c'étoit de là qu'on commençoit à comter les distances, qui fe divifoient de mille en mille par d'autres colonnes fur tous les grands chemins d'Italie. Mais la colonne du Forum Romanum, dont parle Tacite, Suétone & quelques autres anciens auteurs, étoit ou d'airain ou de bronze doré, ayant les noms des grands chemins gravés avec les diftances des principales villes. Rien de tout cela ne paroît fur le Milliarium du capitole, lequel a été trouvée joignant la voie appienne, comme le porte l'inscription moderne que l'on

a gravée fur une des faces du piédestal : S. P. Q. R. Columnam milliariam primi ab urbe lapidis indicem, ab imperatore Vespafiano & Nerva reftitutam, de ruinis Suburbanis via appia in capitolium tranftulit. Il réfulte de cette inscription que cette colonne avoit anciennement été placée dans le fauxbourg de Rome, joignant la voie appienne, & qu'elle étoit à un mille du Milliaire d'airain du capitole, d'où l'on commençoit à comter les diftances des milles de chaque chemin. Sur le fût de la colonne qui fe voit aujourd'hui au capitole, on lit cette inscription Imp. Cafar Vespafianus pontif. max. trib. poteftat. XVII imp. XVII PP. Cenfor Cos VII defign. VIII: & cette autre: Imp. Nerva Cafar Auguftus pontifex maximus, tribunitia poteftate Cos III, pater patria refecit. Pour faire fymétrie avec ce Milliaire, on a depuis peu érigé une autre colonne de même figure & de même grandeur, fur laquelle on a mis un globe d'airain, dans lequel étoient, dit-on, les cendres de Trajan: Hoc in orbiculo olim Trajani cineres jacebant. Nunc, non cineres, fed memoria jacet. Tempus cum cinere memoriam fepelivit ; ars cum tempore non cinerem, fed memoriam inftaurat. Magnitudinis enim non reliquia, fed umbra vix manet ; cinis cineri in una atate moritur; memoria cineris in aere arte reviviscit. Tout près de l'aîle droite du capitole eft l'églife qui porte le nom d'Ara cæli, dans laquelle eft le tombeau de fainte Hélene, mere de Conftantin. On descend delà par un escalier de cent degrés de marbre à l'églife de la maifon pro. feffe des jéfuites. Cet escalier eft fort large, & douze perfonnes y peuvent aller de front. L'églife eft belle & fort fpacieufe, & les chapelles ont des ornemens très-riches. Le corps de S. Ignace, inftituteur de leur fociété, est sous l'autel d'une chapelle qui lui eft dédiée, & fon portrait eft deflus. On montre la chambre dans la maifon de ces peres, & on en a fait une chapelle. Le tombeau du cardinal Bellarmin eft proche du grand autel du côté de l'évangile. On monte enfuite au palais de S. Marc, qui appartient à la république de Venife, & où logent les amballadeurs qu'elle tient à la cour de Rome. On veut que ce palais, & ceux de Cancellaria & de Farnèse, ayent été conftruits des pierres que l'on a tirées de l'amphithéâtre.

Du palais de S. Marc on va au mont Quirinal, appellé préfentement monte-Cavallo, & en paffant par le quartier de la ville nommé autrefois Forum Trajani, on voit la célébre colonne de Trajan érigée par le fénat en l'honneur de cet empereur. Elle eft ornée de bas-reliefs qui montent en ligne fpirale depuis le bas jusqu'au chapiteau, & dans lesquels font repréfentés les guerres & les actions mémo rables de ce prince. Mais s'il y a diverfes bonnes choses dans ces bas-reliefs, il y en a aufli quantité de mauvaises : nulle ordonnance, nulle perspective & autres défauts. Cette colonne eft formée de vingt-quatre groffes pierres de marbre. Sa hauteur eft de cent vingt-huit pieds, fans y comprendre le piédestal qui en a douze de hauteur. On monte au haut de cette colonne par un escalier de cent quatrevingt-cing degrés que l'on a menagés dans fon corps, & qui prend jour par vingt-quatre petites fenêtres. On avoit mis fur la corniche les cendres de Trajan enfermées dans une urne; mais Sixte V trouva à propos de mettre en la place de cette urne la ftatue de faint Pierre de cuivre doré. Le palais & le jardin d'Aldobrandin font fur la montagne. La maifon eft petite, mais elle eft ornée d'un grand nombre de tableaux, parmi lesquels il y en a un qu'on croit être le plus ancien de Rome. Il représente un mariage avec toutes les cérémonies que les anciens Romains pratiquoient. Il y a fur l'escalier la ftatue d'un homme pendu par les mains avec de groffes pierres aux pieds. C'étoit un fuplice affez ordinaire, dont les païens ufoient pour tourmenter les chrétiens. La place de Monte-Cavallo eft remarquable par les ftatues de deux chevaux en marbre, que deux hommes tiennent en main par les rênes, & dont Tiridate roi d'Arménie fit préfent à Neron. Sur le piédestal de l'une on lit: Opus Phidia, & fur celui de l'autre Opus Praxitelis. Ce font des chevaux qui donnent préfentement le nom à la montagne fur laquelle étoient les bains de Conftantin. On en voit encore quelques ruines dans le jardin de Columna, dont les murailles aboutiffent à cette place. Le palais que le pape occupe en été eft vis-à-vis de ces chevaux. Le bâtiment en eft affez beau, avec des appartemens bien entendus, & le jardin eft agréable pour les promenades. Il eft rempli de fontaines & de grotes fous de grands arbres

toufus. Il y a auffi de beaux jets d'eau & une orgue qui joue fans que perfonne y touche. Le noviciat des jéfuites eft vis-à-vis la porte de derriere de ce jardin. L'églife de faint Sylveftre qui eft à une petite distance delà, & où l'on voit le tombeau du cardinal Bentivoglio, appartient aux Théatins. En descendant par une petite rue on trouve l'églife de fainte Agathe, fituée au pied du mont Quirinal. Le corps de la fainte eft fous l'autel, & devant la porte font quelques anciennes ftatues de petits garçons avec leurs robes qu'on appelloit Pratexta, & qui fe donnoient aux enfans nobles. On fe rend enfuite à l'églife de Madona del Monte, lieu de grande dévotion, & d'où l'on va à celle de faint Pierre aux Liens. Dans cette derniere eft la fameufe ftatue de Moyfe affis. Elle est de marbre blanc de la main de MichelAnge, & fait une partie des ornemens du tombeau de Jules II. Baronius témoigne que la flatue de faint Sébastien qui eft fur un autel, affez près de la porte, y fut mife pour faire ceffer la pefte qui affligeoit toute la ville, & qui ceffa en effet presqu'auffitôt que la ftatue fut placée. La chaîne avec laquelle faint pierre fut lié dans la prifon eft dans la facriftie de cette églife, que l'on appelle à caufe de cela faint Pierre ad vincula. Saint Martin in Monte, eft dans ce même quartier. C'est une fort belle églife, où il y a une cave, dans laquelle pendant la perfécution faint Sylveftre tint deux conciles, comme le fait connoître une inscription qui eft fur l'escalier. On dit que la premiere profesfion de la religion chrétienne fut faite dans cette cave. L'églife de fainte Praxede eft aflez voisine de cette derniere. On y voit la colonne où l'on attacha notre Seigneur quand il fut flagellé. Elle eft d'un marbre de différentes couleurs, & enfermée dans une grille de fer. L'ancienne inscription qui eft fur la porte de la chapelle où cette colonne a été mife, apprend que ce fut le cardinal Colonna qui l'apporta de Jerufalem il y a plus de cinq cents ans. Dans la même églife eft le puits où fainte Praxede gardoit les reliques & les corps des martyrs; mais ce puits eft couvert préfente

ment.

L'églife de fainte Marie majeure eft la plus grande de celles de Rome qui font dédiées à Notre-Dame, & c'eft delà qu'eft venu le nom qu'elle porte. Elle eft fur le mont Esquilin. Le patrice Jean & fa femme l'ont bâtie du tems du pape Libére, vers l'an 306. Elle eft à l'extrémité de la rue des quatre fontaines. On y arrive par un cours que fornent quatre rangs d'arbres mal entretenus. En venant par cet endroit, il faut faire le tour de l'églife pour trouver le grand portail. Elle a trois nefs formées par deux rangs de colonnes de marbre. Le pavé eft de la même maniere en compartimens. Les trois nefs ne font point voutées. Elles ont des plafonds magnifiques & dorés. On dit qu'on y employa le premier or qui vint des Indes. La tribune eft voutée auffi bien que le deux magnifiques chapelles, qui lui fervent de croifées. Celle de la droite a été bâtie par Sixte V. Elle est toute incruftée de marbres les plus rares, mis en œuvre par les meilleurs ouvriers. Elle eft fermée d'une balustrade de fer, avec des ornemens de cuivre doré. Le côté droit eft occupé par le maufolée de Sixte V, compofé de deux ordres d'architecture en pilaftres corinthiens, & compofites d'un très-beau marbre, & très-bien travaillé. Sa ftatue auffi de marbre eft dans la grande niche qui occupe le milieu de ce grand corps. Il y a à côté, au-deffus, des bas-reliefs de marbre, qui repréfentent la charité & la justice, & le couronnement de ce pape, avec les ftatues de faint François & de faint Antoine de Padouë. Sixte V avoit été cordelier. Sa reconnoiffance l'a engagé à faire un maufolée femblable au fien, dans la même chapelle, pour le faint pape Pie V du nom. Ce tombeau magnifique eft à la gauche en entrant dans la chapelle; auffi beau, auffi bien travaillé, des mêmes marbres, auffi riche que celui de Sixte V. Il a fait mettre les ftatues de faint Dominique, & de faint Pierre martyr, aux côtés de celle de faint Pie, qui avoit été de l'ordre des freres prêcheurs. Au-deffous de fa ftatue le corps de ce faint repofoir dans un cercueil de cyprès, couvert d'un fecond cercueil de plomb. Il en fut tiré en 1708 par l'ordre du pape Clément XI. Les chairs & quelque partie de fes vêtemens, dont le corps avoit été revêtu, fe trouverent confumées. Les offemens facrés furent couverts de vêtemens ordinaires aux fouverains pontifes, avec une croix de diamans & un anneau précieux, & furent enfermés dans une châlle très-riche, garnie de glaces, afin qu'on pût voir ce faint corps quand on ou

vre & qu'on abaille une grande table de bronze, doré d'or moulu, où la figure du faint eft représentée en relief. Cet ouvrage excellent a été conduit & modélé par le fieur le Gros, fculpteur françois. Le pape Paul V a fait conftruire l'autre grande chapelle, qui fait la croifée de l'églife. Elle eft de même grandeur, eft de même grandeur, à peu près dans le même goût, & d'une magnificence égale à celle de Sixte V.

Au fortir de fainte Marie majeure on va à l'églife des fait Vitus & Modeftus, qui eft près des ruines de l'arc triomphal de l'empereur Gallien, au haut duquel font pendues de grandes clefs, qui font celles de la ville de Tusculum, pour marque de la victoire que les Romains remporterent fur cette ville, fous le pontificat d'Honorius V. L'églife de faint Eufébe, qui en eft peu éloignée, a été conftruite fur les ruines des bains de l'empereur Gordien, & fur, celles de fon palais, dont la cour étoit entourée de cent colonnes. L'églife de Santa Croce in Jerufalem, que fit bâtir le grand Conftantin, eft auprès des murailles de la ville, à l'extrémité du mont Cœlius, & on l'a nommée ainfi à caufe de la terre fainte qui lui fut envoyée de Jerusalem par fainte Héléne fa mere, & qu'on mit dans une chapelle fouterreine. Il refte encore tout auprès quelques marques du temple de Venus & de Cupidon, que cet empereur fit ruiner pour conftruire cette églife, où les curieux prennent plaifir à confidérer la peinture de la tribune & de la voute du chœur, qui repréfente l'hiftoire de l'exaltation de la fainte croix. L'églife de fainte Bibiane eft allez près de celle de Santa Croce. Elle eft dans la place appellée Urfa Pileata, à cause de la ftatue de l'ours qu'on y voit avec un chapeau. L'églife eft ornée de rares peintures de la main de Campelli & de Pierre de Cortone. La ftatue de la fainte eft un ouvrage du cavalier Bernin. Au fortir de cette églife ou trouve un chemin qui conduit à la porte de faint Laurent, où l'on paffe pour aller à San Lorenzo fuori delle Mura. C'est une églife à laquelle l'empereur Conftantin, qui la fit bâtir, donna plufieurs riches ornemens. On l'appelle fuori delle Mura, pour la diftinguer de plufieurs autres qui font dans la ville, dédiées au même faint. Elle a été élevée fur le Cameterium fancta Ciriaca, où cette fainte enterroit les corps des martyrs, fur la voie Tiburtine. Le tombeau de faint Laurent eft fous le grand autel, derriere laquelle eft la pierre où fut mis le gril qui fervit à fon martyre. On la voit au travers d'une grande piéce de verre. En rentrant dans la ville on trouve l'églife de faint Antoine, & l'hôpital qui eft proche de fainte Marie majeure, devant laquelle il y a une colonne, avec une croix que l'on y mit à la conversion de Henri IV, roi de France.

Après avoir fait le tour de faint Marie majeure, on arrive à l'églife de fanta Pudentiana, fituée dans l'ancienne rue appellée Vicus Patricius. Elle a été bâtie au même lieu où étoit la maifon de Pudens, fénateur romain. Ce fut dans cette maifon que logea faint Pierre la premiere fois qu'il alla à Rome. Il y convertit Pudens, & fes deux filles Pudentiana & Praxede. On y voit un puits fans cau, où fainte Pudentiane mettoit le corps des martyrs. On y voit auffi l'autel de bois fur lequel faint Pierre dit la premiere fois la meffe à Rome; deux ftatues de marbre, l'une de notre Seigneur, & l'autre de cet apôtre, toutes deux merveilleufement bien faites, & la chapelle magnifique des Gaëtans. On va de là à San Lorenzo in Pauciperna. C'eft le lieu où faint Laurent fut rôti fur le gril, & l'histoire de fon martyre eft peinte fur la muraille. Sainte Brigitte, vierge d'Ecoffe, eft enterrée dans cette même églife.. Quand on a traverfé une petite rue peu fréquentée, qui est au pied de Monte Cavallo, l'on va à l'églife de faint Vitalis, qui joint le jardin du noviciat des jéfuites. On dit que le temple de Romulus étoit élevé dans cet endroit. Il y a maintenant tout auprès un carrefour où font les quatre fontaines. Elles fortent de quatre ftatues, qui font comme couchées par terre. Ce fut Lepidus Pius qui les fit faire. De ce carrefour on entre dans une belle rue, qui conduit à l'églife de fanta Maria della Victoria, ainfi appellée de la victoire que l'on remporta dans la bataille de Prague. Les drapeaux & les étendards que l'on gagna en cette bataille font tout autour de l'églife. On y voit auffi de belles chapelles, & fur-tout il y en a une à main gauche, où eft la ftatue de fainte Therefe, bleffée par un Séraphin, ouvrage fort eftimé. Dans la facriftie eft un fépulcre de notre feigneur : il eft d'ivoire, & très-curieufement travaillé. La

grande fontaine, appellée Fontana Felice, eft devant cette églife. C'est l'aqueduc de Sixte V, qui se décharge dans un grand baffin de pierre, d'où il diftribue l'eau par plufieurs canaux au refte de la ville. On a donné le nom de Felice à cette fontaine, à caufe que Sixte V avoit été appellé Fra Felice, chez les cordeliers. Un peu après que l'on a quitté cet aqueduc, ou fe rend au jardin de Montalto, un des plus beaux que l'on voye à Rome. A l'entrée il y a une pierre bleuâtre, fur laquelle font taillées les armes de cette famille. Elle eft entourée de jets d'eau, que l'on fait jouer en mettant le pied fur une petite pompe de fer qui eft desfous. Auprès de la porte de la maifon, qui eft une maniere de petit palais, font plufieurs portraits & ftatues de ceux de cette famille. Il y a auffi une petite orgue, dont les tuyaux, quoique de bois, ne laiffent pas de rendre un fon allez agréable. Dans le même endroit eft un tableau de David, qui combat Goliath. Il eft fait de telle maniere, qu'il tourne fur une bordure, & fait voir le devant & le derriere des combattans, On y montre plufieurs urnes trèscurieuses; un bufte de Sixte V au naturel, un tabernacle couvert de riches pierreries, & un tableau compofé de pierres de différentes couleurs. Ce tableau a cela de fingulier, que fi on le regarde d'un certain point, il représente une botte d'herbes, & en le regardant d'un autre point, on voit la tête & le vifage d'un homme. Ce lieu n'eft pas loin d'une chartreufe, qui a été bâtie fur les ruines des bains de Dioclétien, auxquels ce cruel empereur & fon collégue Maximien, firent travailler pendant quinze ans quarante mille chrétiens, dont une partie fouffrit enfuite le martyre. Sans fortir des bains de Dioclétien, on va aux greniers du pape. C'eft un grand bâtiment à deux étages, toujours plein de bled, pour la fubfiftance de la ville. Ces greniers font près de la porte appellée Pia; & à un mille de là eft l'églife de fainte Agnès. Le corps de cette vierge, martyrifée à quinze ans, repofe fous le grand autel de cette églife, qui eft voifine de celle de fainte Cons

tance.

La porte del Popolo, du peuple ou des peupliers, s'appelloit anciennement la porte Flaminienne, parce qu'elle étoit fur la voie Flaminienne. Les uns prétendent qu'on la doit nommer la porte des Peupliers, à caufe de la quantité d'arbres de cette espéce qu'il y avoit autrefois dans cet endroit, & dont il en eft refté encore quelques-uns. Les autres veulent tirer fon nom d'une églife de Notre Dame, qui eft à gauche en entrant dans la ville, & qui fut bâtie par le peuple romain, à la fin du onzième fiécle, dans l'endroit où étoit le tombeau de Néron, & qu'on appella à caufe de cela Notre-Dame du peuple. La porte que l'on voit aujourd'hui a été bâtie fous le pontificat de Pie IV, par le fameux architecte Vignole, fur les deffeins de Michel-Ange. Elle eft de pierre travertine, ornée de quatre colonnes de marbre d'ordre dorique, dont les piédestaux font d'une hauteur à laquelle on trouveroit à redire. fans le respect que l'on a pour ceux qui ont conduit l'ouvrage. La façade qui regarde la ville a été décorée d'un ordre dorique à pilaftres du tems d'Alexandre VII, pour recevoir la reine Chriftine de Suede ; & comme on a confervé les mêmes mefures que dans la façade extérieure, la hauteur des piédeftaux choque encore davantage. L'entrée de Rome par cet endroit eft charmante. On trouve d'abord une place triangulaire, dont la bafe, oppofée à la porte qui en fait un angle, eft ouverte par trois belles rues larges, droites, & longues à perte de vue. Celle du milieu eft la rue du Cours, ou fimplement le cours Il Corfo, ainfi appellée parce qu'on s'y promene en carroffe pour prendre le frais, & qu'elle fert pour les courfes des chevaux & pour les divertiffemens du carnaval. Il y a des banquettes des deux côtés pour les gens de pied, & elle eft bordée de fort belles mailons & d'églifes magnifiques. L'entrée du cours eft ornée de deux églifes femblables, couvertes en dôme, avec un portique foutenu de quatre colonnes de pierre d'ordre compofite, fur l'entablement desquelles il y a une balustrade, avec des vafes & d'autres ornemens. L'églife qui eft à droite eft dédiée à Notre-Dame des miracles. Elle appartient aux religieux du tiers-ordre de S. François, appellés en France Piquepus. Ils font tous François, & c'est le rendez-vous de la plupart des François qui font à Rome. Celle de la gauche s'appelle Notre-Dame de Monte-Santo. Elle eft deflervie par les carmes Siciliens réformés. Les dedans des deux églises font fort ornés de peintures & de

fculptures. Le centre de la place eft occupé par un obélisque de granite égyptien, tout couvert d'hieroglyphes. On lui donne quatre-vingt-huit pieds ou cent fept palmes romaines de hauteur, fans compter la base. Il fert de point de vue aux trois rues qui partent de cette place. Sixte V le fit tirer du grand cirque, où il étoit couvert de terre depuis plufieurs fiècles, & le fit transporter & élever en cet endroit par fon architecte Fontana, en 1587. La rue qui eft à la droite du cours s'appelle la rue Ripetta, parce qu'elle renferme le petit port ou la petite rade du Tibre où les bâtimens médiocres & les felouques viennent prendre terre. Elle conduir jusqu'à l'églife de faint Louis des François, & à celle de faint Euftache, qui font presque au centre de Rome & au quartier le plus habité. La rue qui eft à la gauche du cours fe nomme la rue du Babonin ou du Masque, à caufe d'une fontaine de ce nom. Elle paffe par la place d'Espagne, lieu fort fréquenté des étrangers, parce qu'on prétend que c'eft où se trouvent les meilleurs hôtelleries. Elle conduit & fe termine à Monte-Cavallo. Ces trois rues font bordées de quantité de belles maifons, de palais d'importance & d'églifes magnifiques. Elles paflent par des places remarquables par leur grandeur & par leurs ornemens; mais elles font mal pavées & extrêmement fales. Ces belles maifons font entrecoupées d'une quantité d'autres maifons vilaines, bafles & mal bâties, qui défigurent infiniment tout ce qu'on y voit répandu de beau, de riche & de bon gout.

De l'églife de Notre-Dame du Peuple, en avançant à gauche vers la place d'Espagne, on paffe devant l'églife & le collége des Grecs, où en certains jours on voit leurs cérémonies, & on les entend chanter la meffe en grec felon leur liturgie. Ces Grecs font unis avec l'églife romaine, & ils ont un féminaire, où ils inftruifent de jeunes gens, que le pape entretient pour les envoyer comme miffionnaires en Gréce & dans les ifles de l'Archipel. La maison du grand duc, fituée fur une montagne, a un jardin embelli de quantité de fontaines, & de plufieurs grands baffins de marbre. Entre les raretés qui font l'ornement de ce palais, on remarque les ftatues de deux athlétes qui lutent enfemble, & celle d'un payfan, qui en aiguifant fa faux, entendit les complices de Catilina parler de leur conspiration, qu'il découvrit. Cette derniere paffe pour un des plus hardis ouvrages de Rome; mais celles de Cupidon & de Venus n'ont point leurs femblables. On découvre toute la ville des fenêtres de ce palais. L'églife des capucins eft près de là. Le tombeau de San-Felice, frere lai de cet ordre, eft la feconde chapelle à main gauche. Le cardinal Antoine Barberin, frere du pape Urbain VIII, qui étoit capucin, a été enterré dans cette églife. Sa dignité, qu'il avoit acceptée contre fon gré, ne l'empêcha pas de vivre comme un religieux retiré du monde. Il défendit en mourant de mettre fon nom fur fon tombeau, & ne voulut pour tous titres que ces paroles, Hic jacet umbra, cinis, nihil. Le palais des Barberins, l'un des plus beaux de Rome, tant pour fa fituation du côté de la montagne que pour les riches appartemens, & pour les raretés qu'il renferme, eft vis-à-vis des capucins. Il y a deux escaliers qui font des chefs-d'œuvre; & Pierre de Cortone s'est épuifé pour embellir le plafond de la grande falle. La galerie eft ornée d'une infinité de rares ftatues & de tableaux, avec une fuite merveilleufe de chambres magnifiquement meublées. En allant vers les minimes de la Trinité-du-Mont, on paffe par une églife où font des auguftins Espagnols. Cette églife, appellée S. Ildefonso, eft extrêmement petite, cependant elle a toutes les parties d'une églife, comme le grand-autel, les chapelles à côté, le dôme & le coeur. L'églife de la Trinité del Monte, a été fondée par Louis VI, roi de France, & eft deffervie par des minimes François. On y voit de rares peintures.

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En descendant à la place d'Espagne, on trouve une belle fontaine, dont on ouvre en été tous les robinets, pour arrofer le pavé des rues voisines. Le palais de l'ambaffadeur d'Espagne eft dans cette place au bout de laquelle eft le college de propaganda Fide. Le pape Urbain VIII le fonda, pour entretenir plufieurs écoliers des provinces méridionales, jusqu'aux Indes & jusqu'en Ethiopie.

De

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De la place d'Espagne, on va à celle de la Fontana di Trevi, où l'on a fait venir l'eau en telle abondance, qu'on voit comme trois petites rivieres aux endroits par où elle fort. Le collége des Maronites, eft du côté de Monte-Cavallo; ils y chantent la meffe fuivant leur liturgie, comme le pratiquent les prêtres chrétiens du mont Liban. L'églife des faints apôtres eft dans ce même quartier. Conftantin, qui la fit bâtir, porta fur fon dos, en leur honneur, les douze premieres pierres qu'on avoit tirées pour en faire les fondemens. Il y a au devant une grande place, où font bâtis divers beaux palais. On entre enfuite dans la belle rue nommée il Corfo, dont il a déja été parlé. On trouve dans cette rue les églifes de Santa Maria in via lata, de S. Marcel, de San Carolo, de San Giacomo de Incurabili, & des filles pénitentes. La premiere eft une ancienne églife, que Baronius dit être au même lieu où S. Pierre logea la premiere fois qu'il vint à Rome. Quelques-uns affurent que ce fut dans l'oratoire de cette églife, que les actes des apôtres furent écrits par S. Luc. L'églife de S. Marcel a été bâtie fur les ruines du temple d'Ifis, que Tibere 'fit démolir, & dont on jetta l'idole dans le Tibre; ce qui fut fuivi de la punition de tous les prêtres, qu'il fit mourir pour avoir favorifé un crime abominable commis par une dame romaine. L'oratoire de S. Marcel, appellé l'oratoire du S. Crucifix, eft derriere cette églife. y a une fameufe confrairie, où plufieurs gentilshommes font enrollés. On montre dans l'églife de San Carolo le cœur de S. Charles Borromée. Cette église appartient aux Milanois. Celle de San Giacomo de Incurabili eft de forme ronde, & jointe à un hôpital où l'on entretient ceux qui font affligés de maux incurables. L'églife des filles pénitentes eft accompagnée d'une maifon où l'on reçoit toutes les filles débauchées qui veulent fe convertir. Elles y font entretenues le refte de leur vie, & rien ne leur manque de toutes les chofes néceffaires, pourvû qu'elles vivent dans la régularité que cette converfion demande. La débauche de ces filles eft tolérée à Rome, & non pas approuvée. On ne les chaffe pas, pour prévenir un plus grand mal; mais on ne leur épargne rien de ce qui peut leur faire fentir l'infamie de leur état. Il faut qu'elles foient inscrites dans des regiftres publics. Elles ne peuvent fe trouver nulle part avec les honnêtes femmes, fi ce n'eft aux offices de l'églife. Elles ne peu vent aller en caroffe de jour, ni fortir la nuit, ni fe vifiter les unes & les autres. Il leur eft défendu de recevoir aucunes compagnies durant l'avent & le carême. Après leur mort, leurs biens appartiennent au fisc. Elles n'ont pas le droit de tefter. Enfin, elles ne font point inhumées en terre fainte. Derriere le couvent des filles pénitentes, eft San Sylveftro in Capite. On nomme ainfi cette églife, à caufe qu'on y voit le portrait de la tête & du vifage de notre Seigneur, qu'il fit, dit-on, luimême par miracle, & qu'il envoya à Abgarus, roi d'Edeffe.

La colonne Antonine, qui fut anciennement élevée par Marc Aurèle Antonin, & par le fénat, en l'honneur d'Antonin Pie, cft auffi dans la même rue del Corfo. Elle eft faite de ving-huit pierres de marbre; &, comme la colonne Trajane, elle eft ornée de bas-reliefs, qui montent en ligne spirale, depuis la bafe jusqu'au chapiteau, & où font repréfentées les guerres & les principales actions de ce prince. Sa ftatue y fut mife; mais préfentement on y voit celle de S. Paul, en bronze doré. L'escalier a deux cents fix degrés; & le fuft de la colonne eft haut de cent foixante pieds romains. Le palais de l'empereur Antonin, appellé Bafilica, eft dans la Piazza di Pietra. Il est embelli d'un rang de colonnes très-curieuses.

De-là on vient au collège romain, qui appartient aux jéfuites. C'eft un fort beau bâtiment, & fort bien fitué pour la commodité des écoliers, qui y viennent de tous les quartiers de la ville. On arrive enfuite au couvent des dominicains, appellé la Minerva, parce qu'il eft au même lieu où étoit autrefois le temple de Minerve. Le pape Honorius III, ayant confirmé en 1216 la regle & le nouvel ordre de S. Dominique, lui donna l'ancienne églife de fainte Sabine, fur le mont Aventin, & leur aida à y bâtir une maifon. Ils y demeurerent jusqu'en 1375, que le pape Grégoire XI, & le cardinal Aldobrandin Calvacanti, engagerent les religieufes grecques, établies

par le pape Zacharie fur les ruines du temple de Minerve, à céder ce lieu, & à fe retirer au champ de Mars, où on leur bâtit une églife & un monaftère. L'ancienne églife occupée par les religieufes grecques étoit confacrée à Dieu fous l'invocation de la fainte Vierge. La nouvelle églife prit le même titre, & l'une & l'autre ont été appellées fainte Marie fur la Minerve, c'est-àdire, fur les ruines du temple dédié autrefois à Minerve par Pompée, & dont on voit encore quelques veftiges dans une des cours du couvent. Les papes Paul IV & Urbain VII, ainfi que plufieurs cardinaux, plufieurs princes ou grands feigneurs, font inhumés dans cette églife. On y voit entr'autres chofes remarquables', une figure que l'on eftime infiniment. C'est le chrift de Michel Ange. Il eft fur un petit autel, & près du grand, du côté de l'évangile. La figure eft de marbre blanc, de grandeur naturelle, entierement nue, fans la moindre draperies de forte que fans la croix qu'elle tient à la main droite, & qui caractérise, on pourroit lui donner quel nom on voudroit, car elle ne reffemble nullement aux tableaux du Sauveur confervés à Rome, & que l'on regarde comme très - reflemblans. Quoi qu'il en foit, cette figure eft parfaitement belle, entierement finie, d'un goût admirable, & felon les Romains inimitable. On couvre avec une riche écharpe la nudité de la figure, & l'on a couvert d'une espece d'étui de bronze doré, un de fest pieds, qui eft un peu avancé, & que la dévotion des Romains commençoit à gâter à force de le baifer. Saint André della Valle, eft une fort belle églife de théatins. On l'a bâtie au même lieu où étoit le théatre de Pompée, & fur les ruines du palais de Picolomini. C'est peut-être pour cela que l'on y voit les tombeaux de Pie II & de Pie III, tous deux de cette famille. Le pape Urbain VIII n'étant encore que cardinal, y fit conftruire une fort belle chapelle dans l'endroit où l'on fuftigea S. Sébastien & où il fut jetté dans un évier, avant qu'on le fit mourir à coups de fléches. L'église de San-Carolo in Cantinari, qui eft ronde & affez jolie, n'eft qu'à une petite distance de la Cancellaria, palais que fit bâtir le cardinal Riari des pierres du colifée. Ce palais regarde l'églife collégiale de San Lorenzo in Damafo, dont toutes les murailles font peintes, & repréfentent l'hiftoire de faint Laurent. Le corps de faint Damafe, pape, repole fous le grand-autel de cette églife, qui eft voifine du palais Farnèse.

Antoine de San-Gallo fut le premier entrepreneur du palais Farnèfe. Il le commença feulement, & Michel-Ange en eft regardé comme le principal architecte. La façade de ce beau bâtiment eft large de cent quatre-vingts pieds, & haute de quatre vingt-dix. Les portes, les croifées, les encoignures, la corniche, & toutes les pierres principales font des dépouilles du colifée. On a ainfi détruit une grande partie de ce merveilleux monument. On en a bâti presque tout le grand palais de la chancellerie, auffi-bien que l'églife de S. Laurent in Damafo, & l'on en a même réparé en quelques endroits les murailles de Rome. Au lieu de relever & de conferver ces précieux reftes de l'antiquité comme a fait Sixte V, à qui Rome eft redevable de la plus grande partie de fa beauté, il s'eft trouvé plufieurs papes qui ont contribué eux-même à faire le dégât. Innocent VIII ruina l'arc Gordien pour bâtir une églife: Alexandre VI démolit la belle pyramide de Scipion pour paver les rues, des pierres qu'il en ôta. Les degrés de marbre par où l'on monte à l'églife d'Ara Celi, ont été pris à un temple de Romulus; S. Blaife eft bâti des débris d'un temple de Neptune; S. Nicolas de l'ame a été élevé des débris du cirque agonal, & ainfi de quantité d'autres. Au refte, ce palais eft un des plus beaux de Rome. Son bâtiment eft ifolé, & l'on peut tourner tout autour. Il a quatre faces, à chacunes desquelles eft une porte qui donne dans une cour entourée de colonnes & d'arcades, ave une galerie couverté, qui conduit dans les différens appartemens. C'eft dans cette cour que fe voit la meilleure ftatue d'Hercule, appuyé fur fa maffue. Elle fut trouvée dans les bains d'Antonin Caracalla. On y voit aufli les ftatues de Flore & de deux gladiateurs. En montant par le grand escalier, pour aller aux chambres, on voit dans une gallerie l'admirable fi gure d'un dauphin, portant fur fon dos un petit garçon; & à l'entrée de la grande falle les ftatues de deux rois Parthes qui font enchaînés. La ftatue d'Alexandre Far

nèse eft dans la falle. Il foule aux pieds la rébellion & l'héréfie, pendant que la renommée le couronne. Ces quatre figures font d'une feule pierre de marbre blanc. Dans la même falle on voit les ftatues de la charité & de l'abondance, en posture de deux perfonnes qui fe baifent & qui fe confolent. Tout autour de l'appartement, il y à une infinité de gladiateurs l'épée à la main, dans les différentes attitudes, que leur faifoit prendre leur maniere de combattre. Dans une chambre qui joint cette falle font plufieurs rares tableaux de la main de Salviati & de Frederico Zucchari, qui repréfente ce que Paul III a fait de plus remarquable. Il y en a un où Luther dispute contre Gaëtan, & un autre où font les quatre docteurs de l'églife latine. Dans une autre chambre, on voit un grand nombre de ftatues des anciens philofophes & poëtes. On entre enfuite dans un appartement rempli de tableaux des meilleurs maîtres. On y voit une table de pierre & de piéces rapportées, qui a douze pieds de long & cinq de large; & de-là, on paffe dans la belle gallerie, qui eft toute entourée de ftatues, avec fes plafonds admirablement bien peints, de la main du célébre Annibal Carache. Ils contiennent les hiftoires des amours des dieux & des déeffes du paganisme. C'est dans cette gallerie qu'on montre la statue d'Apollon, taillée dans un caillou. Dans une petite cour de derriere eft le taureau de marbre, qui fait l'admiration des plus habiles connoifleurs. Une femme paroît attachée par les cheveux à l'une de fes cornes, & deux puiffans hommes font leurs efforts pour les pouffer dans la mer du haut d'un rocher. Une autre femme & un petit garçon accompagnés d'un chien, regardent ce fpectacle. Toutes ces figures font taillées dans un feul bloc de marbre, & représentent l'histoire d'Amphion & de Zethes, qui pour venger leur mere Antiope, que Lycus, roi de Thèbes, avoit répudiée à la fuggeftion de Dircé, qui vouloit prendre fa place, attacherent cette nouvelle reine à la corne d'un taureau, qu'ils précipiterent dans la mer.

Vis-à-vis du palais Farnèfe eft la maifon du fignor Pighini, où font deux ftatues d'une très grande beauté; l'une de Venus & l'autre d'Adonis. L'églife de faint Girolamo eft vers ce quartier. C'eft une congrégation de prêtres, la plupart gentilshommes, qui vivent en communauté, quoiqu'à leurs dépens. Saint Philippe de Neri, qui l'inftitua, vécut près de trente ans dans cette maifon. Le tableau qui repréfente S. Jerôme fur le grand-autel, eft de la main du Dominicain. Les Anglois avoient autrefois un hôpital au même quartier; il a eté converti en collége, d'où l'on va à la Chiefa Nuova, l'une des plus belles églifes de Rome. Ce font des prêtres de l'oratoire qui la deffervent. La voute en eft richement dorée, & peinte de la main de Pierre de Cortone. La chapelle de S. Philippe de Neri eft du côté de l'évangile du grand autel. On y voit fon portrait au naturel par le Guide; & fon corps repofe dans un coffre de fer en une chapelle baffe qui eft fous l'autel. De l'autre côté du grand autel & dans la balustrade, eft le tombeau de Célar Baronius, qui fut autrefois de cette maison, & que Clément VIII fit cardinal malgré lui. Tout le monde fait combien fon hiftoire des annales de l'églife, qui lui couta treize ans de travail, a rendu fon nom célébre. L'églife de la Pace eft embellie de peintures & de ftatues excellentes, faites par les meilleurs peintres & les plus fameux fculpteurs.

Après que l'on a de-là paffé par la rue des imprimeurs, on trouve la Piazza di Pasquino, où eft la fameule ftatue de Pasquin, proche la place Navone. Elle a hérité de ce nom d'un tailleur qui demeuroit tout auprès, & qui étoit un railleur de profeffion & un difeur de bons mots. Les nouvelliftes s'affembloient dans fa bourique, & l'on y débitoit tout le bien & le mal qui fe faifoit à Rome. Souvent même on glofoit fur ce que le maître difoit; on lui faifoit dire des nouvelles & des traits piquants, auxquels il n'avoit jamais pensé, que l'on appelloit Pasquinades, du nom de leur auteur, vrai ou fuppofé. Les enfans qu'il a laiffés en mourant, n'ont point voulu continuer le métier de leur pere, qui lui avoit fait affez fouvent de mauvaises affaires, & attiré des coups de bâton. Ils ont quitté leur quartier, & laiffé à la ftatue, leur voifine, le nom de leur pere, & le foin de débiter ce que les beaux esprits de la ville veulent faire favoir fans fe faire con

noître. On feroit des livres bien gros, des fatyres & des plaifanteries qui ont couru fous le nom de Pasquin. Telle eft l'origine de pasquinades. Quant à la statue qui a retenu le nom de Pasquin, c'eft une figure toute tronquée & toute défigurée, que quelques-uns difent avoir été faite pour Alexandre le Grand Alexandre le Grand, d'autres pour Hercule & d'autre pour un foldat romain. Elle eft appuyée contre une muraille, au coin d'un carrefour. On dit une affez plaifante réponse que fit Alexandre VI, à ceux qui lui confeilloient de jetter Pasquin dans le Tibre, à caufe des fatyres perpétuelles que cette critique ftatue faifoit contre lui : Je craindrois, dit ce pape, qu'il ne fe métamorphofat en gre nouille, & qu'il ne m'importunat jour & nuit. Ordinairement Pasquin répond aux questions que lui fait Marforio, autre ftatue auffi fameufe, pareillement eftropiée, & qui fut autrefois, felon quelques-uns, la ftatue de Jupiter Panarius, la ftatue du Rhin, felon d'autres, ou celle de la Nera, qui paffe à Terni. On la voit aujourd'hui dans une des cours du capitole. Le nom de Marforio vient, à ce qu'on croit, de Martis-Forum, le lieu où étoit cette ftatue s'appellant anciennement ainfi, auffi-bien que Forum Augufti. Il y a bien de l'apparence qu'on affichoit autrefois les pasquinades fur le tronc de Pasquin & fur celui de Marforio; mais cela ne fe pratique plus. Tous les libelles fatyriques font cenfés être de Pasquin, fans qu'ils en ayent approché.

De l'endroit où eft la ftatue de Pasquin, on passe à la place Navone, qui eft voifine de la Sapience. On l'appelloit autrefois Platea Agonalis, c'est-à-dire, la place des combats, parce que c'étoit un cirque bâti par Alexandre Sévere. Elle eft cinq ou fix fois plus longue que large, & une de fes extrémités eft un arc de cercle. Le palais du prince Pamphile en fait presqu'un des longs côtés. Ce palais eft grand & magnifique, & tel qu'il convient à un neveu d'Innocent X. Il est joint à une petite églife que ce prince a fait bâtir à l'honneur de fainte Agnès, martyre, dans le lieu où l'on croit qu'elle fut enfermée avant d'être conduite au fupplice. Cette églife eft un ovale, d'une magnificence extraordinaire; le pavé, les murailles & jusqu'aux tableaux des autels, tout eft de marbre choifi, mis en œuvres par les plus habiles & les plus favans maîtres. Elle eft couverte en dôme, dont le dedans eft orné de ftucs dorés d'un gout merveilleux. Le portail qui donne fur la place, eft d'une très-belle ordonnance. Il eft accompagné de deux campaniles, dans l'un desquels il y a une horloge, dont on fait beaucoup de cas. Le milieu de la place Navone eft moins élevé que les bords, de maniere qu'on en peut faire un lac quand on le juge à propos. Il n'y a pour cela qu'à fermer les conduits par lesquels s'écoule & fe perd l'eau des trois grandes fontaines qui font fur cette place, dont celle du milieu eft d'une magnificence extraordinaire. On a mis au pied du rocher qui foutient la pyramide, quatre figures coloffales, qui repréfentent les quatre plus grands fleuves des quatre parties du monde. Le Gange pour l'Afie, le Nil pour l'Egypte, le Danube pour l'Europe & le rio de la Plata pour l'Amérique. Comme ces trois fontaines jettent des torrens d'eau, il eft facile d'inonder la place & de lui donner jusqu'à trois pieds d'eau dans fon milieu. On le fait pour l'ordinaire dans les grandes chaleurs, une heure avant le coucher du foleil, & alors la nobleffe va fe promener en carroffe, pour jouir de la fraicheur & da divertiffement que le bas peuple leur donne en fe jettant dans l'eau. On voit auffi fur cette place l'église des Espagnols, appellée fan Jacomo, où eft le tombeau de Petrus Ciaconius, favant critique, & le portrait de SanDiego, de la main d'Annibal Ĉarache.

Les écoles publiques de la Sapienza, font vis-à-vis de la porte de derriere de cette églife. Eugène IV fit commencer le bâtiment de ce collége, qu'Urbain VIII & Alexandre VII ont fort embelli par l'églife & la bibliothéque publique qu'ils y ont fait conftruire. Quoiqu'il y ait bien des colléges à Rome, il n'y a cependant que celui de la fapience qui ait droit de faire des docteurs en théologie en droit & en médecine. C'est le plus ancien collége de la ville. Il y a plus de trente profeffeurs qui y enfeignent, ou qui y font payés pour enfeigner la rhétorique la philofophie, le droit civil & canonique, la médecine, la botanique, l'architecture, les mathématiques, les langues grecques, hebraïques, arabes, fyriaques, chaldéennes, &c. Tous ces profetfeurs ont des appointemens confidé

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