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des tours rondes à l'antique, & des bastions irréguliers, pour défendre les portes qui sont du côté de la terre. Alain Chartier dit que de son tems il y avoit trois forteresses, le palais, le castel ou le fort fainte Catherine, & le pont. Le vieux palais fut commencé en 1419, auflitôt que Henri V, roi d'Angleterre se fut rendu maître de la ville, & fut achevé sous le regne de Henri VI son fils, en 1443. C'est un château à l'antique & de nulle défense, flanqué de cinq grosses tours rondes, avec un pont-levis, le tout environne d'eau. Il a aujourd'hui son gouverneur, mais fans aucune garnison. Comme la ville est fort peuplée, & qu'elle n'est pas fort vaste, les rues en général en sont petites & étroites.

L'église métropolitaine, appellé Notre-Dame, est trèsgrande & d'une belle architecture. Elle a un portail magnifique, qui soutient deux hautes tours, où les étrangers ne manquent point de monter r, pour y voir la grosse cloche, appellée George d'Amboise, à cause qu'elle fut faite par l'ordre du cardinal de ce nom, archevêque de Rouen, Elle passe pour une des plus grosses cloches qu'il y ait au monde. Dans le chœur de cette église, parmi les tombeaux de marbre que l'on y voit, est celui du duc de Normandie. Dans uns chapelle derriere le chœur, il y en a d'autres ornés de plusieurs figures. Le trésor de la sacristie, encore très-beau, étoit plus considérable avant qu'il eut été pillé par les hérétiques, durant les guerres civiles du seizième fiécle. Au fortir de Notre-Dame on entre dans une grande place, où est une fontaine qui regarde le palais de la chancellerie. Il est dans la grande rue de Notre-Dame, qui change de nom dans tous les quartiers par où elle passe. Elle commence à la porte neuve, où elle se nomme rue grand-pont. De-là elle passe devant les églises de NotreDame, de faint Martin, des carmes, & plus avant, devant la place de rougemare, où les jésuites avoient leur college avec une belle église, allant finir à la porte Bauvoisine; de forte que dans toute cette étendue, qui fait la largeur de la ville, elle a environ quinze cents pas communs. Cette porte est l'une de cinq qui ferment les murailles de Rouen, du côté de la terre. Les quatre autres sont la porte Cauchoise, celle de Bouvreuil, & celle de saint Hilaire & de Martainville. La longueur de la ville se prend depuis cette derniere, jusqu'à la porte Cauchoise où est un grand fauxbourg de ce même nom, avec une rue appellée rue Cauchoise, qui aboutit au vieux marché, sur lequel est S. Sauveur, & quarante pas plus loin, l'église de saint Michel, qui a un clocher couvert de plomb, semblable à celui qui est sur le chœur de l'église de Notre-Dame. Le marché au poisson est au dessus, & donne entrée à la rue du gros horloge, ainsi appellée, parce qu'elle passe sur le befroi de la ville, qui est nommé le gros Horloge, & non pas la grosse Horloge. La maison de ville est dans cette rue, qui va jusqu'à Notre-Dame, après quoi on trouve celle de l'archevêché jusqu'à faint Maclou, grande paroisse, où commence la rue de Martainville, qui finit à la porte ce même nom. Il y a deux abbayes très-considérables dans Rouen, l'une des bénédictins, appellée saint Ouen, & l'autre de filles, que l'on nomme saint Amand. Le couvent de la premiere est très-spacieux, & ses jardins font fort agréables; c'est où le gouverneur de la province a son palais. L'église en est admirable pour la beauté de sa structure. Il n'y en a point de mieux bâtie après celle de Notre-Dame. Elle a cent soixante & dix pas de longueur, & une grande place qui la rend fort claire.

Le nombre des églises de Rouen est si grand, qu'il seroit ennuyeux de les nommer. Il y a trente paroisses dans la ville, & cinq dans les fauxbourgs, avec toutes fortes de couvents d'hommes & de filles. La quantité de fontaines qui sont dans les rues est une grande commodité pour les habitans; mais il n'y a pas beaucoup de belles maisons. La promenade du quai, qui a treize portes, par où l'on peut entrer dans la ville, est fort agréable. Le vieux palais en fait le commencement. Il est flanqué de huit grosses tours rondes & de fortes murailles, défendues de fossés, que l'eau de la riviere remplit. Il est surprenant de voir la diversité des nations qu'amenent les navires, qui abordent le long de ce quai. On y voit la douane, qu'ils appellent la Romaine. C'est où se paye les droits du roi pour les marchandises qui viennent par mer. La maison de la bourse où s'assemblent les marchands pour le commerce & pour les lettres de change n'est pas éloignée de là ; mais ce qui est le

plus curieux à voir, c'est le pont de bateaux sur la Seine, lequel est construit de maniere, qu'il hausle à mesure que la marée remonte & s'abbaiffe lorsqu'elle descend, ce qui est fait avec une telle proportion, qu'il est aussi ferme que s'il étoit fait de pierre. Il a pourtant fon incommodité parce qu'il est d'un grand entretien, & qu'il faut presque tous les ans le démonter, pour empêcher que les glaces n'en emporte une partie. Sa longueur est de deux cents soixante-dix pas. Il est pavé & donne pallage aux carrofles & aux charrettes dans le grand fauxbourg de saint Severe, où l'on va voir travailler à toutes fortes de pots & d'ouvrages de fayence. Le mail est dans ce fauxbourg, très-droit & trèslong; en détournant à gauche après que l'on a passé le pont, on trouve le cours, l'un des plus beaux de l'Europe. Il y avoit autrefois un pont de pierre à Rouen, bâti par ordre de Mathilde, mere d'Henri II, roi d'Angleterre & duc de Normandie. Il avoit treize arches & cent soixante quinze toises de long. Il finissoit au petit château, qui est encore en son entier, dans une petite isle qui en rend la fituation fort agréable. Le 2 d'août 1502, à deux heures après midi, trois arches de ce pont tomberent. En 1564, plusieurs de celles qui restoient s'entre-ouvrirent; & il ne fut plus für d'y passer. On voit par ce qui reste, qu'il étoit trop haut & trop étroit.

En 1418 les Anglois se rendirent maîtres de Rouen, & en 1449 cette ville se remit sous l'obéissance de Charles VII. Les guerres de religion la désolerent beaucoup dans le feiziéme siécle. Les huguenots l'ayant prise elle fut reprise & faccagée sous Charles IX en 1562. Durant le fiége, Antoine de Bourbon, roi de Navarre, y reçut une bleffure, dont il mourut peu de tems après. Son fils Henri IV la prit sur la ligue en 1594. On voit encore sur la montagne de sainte Catherine quelques restes de l'ancien fort, qu'il fit démolir. On descend présentement de cette montagne sur le quai, sans être obligé d'entrer dans la ville.

Rouen renferme dans ses murailles plus de soixante mille ames. Il y a plusieurs places publiques, parmi lesquelles il y en a sept principales, qui font la vieille tour, le vieux marche, la calende, la petite harangerie du pont, le marché neuf, le marché aux veaux appellé la rougemare. La place de la vieille tour a pris fon nom d'une tour qui faisoit autrefois partie du château des ducs de Normandie, qui fut démoli sous le regne de Philippe Auguste, en 1204. On a bâti en la place de la vieille tour une chapelle carrée, & ouverte de tous côtés, qui porte le nom de saint Romain, où tous les ans le jour de faint Romain un prisonnier leve la fierte ou châsle de ce saint, pour acte de sa délivrance.

Le marché aux veaux est ainsi nommé, à cause que l'on y vend des veaux & des moutons. Cette place est remarquable par la mort de Jeanne d'Arc, surnommée la Pucelle d'Orléans. On y voit une fontaine fort ornée. Trois grosses colonnes, placées en triangle, soutiennent une plate-forme, dont les angles portent une figure montée sur de hautes consoles. Au milieu est une grande figure de la Pucelle, accompagnée encore de trois autres colonnes, audessus desquelles on voit quelques figures & ornemens terminés par une lanterne. Le palais où le parlement rend la justice, a été bâti dans une place, appellée le clos des Juifs, qui fut réunie au domaine lorsqu'ils furent chaffés de France, en 1181. Il fut commencé en 1499, & fut en état de recevoir le parlement en 1 506. Mais il n'étoit pas encore achevé en 1 508. Les chambres en sont très-bien meublées. La grand'chambre est ornée de riches compartimens, & de culs de lampes dorés & porté en l'air. La falle des procureurs a cent soixante pieds de long, sur cinquante de large, sans être soutenue de pilier. La cour en est spacieuse, & est ornée de boutiques de libraires.

Le 25 juin 1633, Rouen éprouva la fureur d'un ouragan, qui s'étant élevé sur les sept heures du soir, y fit des dégats terribles en divers endroits. Il fut accompagné de tonnerre, d'une pluye d'orage mêlée d'une quantité extraordinaire de grêle, de la grosseur d'une noix, & même d'un œuf, & il y en avoit des grains du poid d'une demi-livre, & d'autres de trois carterons. La voute de la nef de la cathédrale fut enfoncée par la chûte de trois des quatre hautes & affez groffes pyramides de pierre, percées à jour en maniere de clochers qui terminoient le grand portail entre les deux grosses tours. Le positif de l'orgue en fut abbattu & les gros tuyaux demeurerent tellement endommagés, qu'il a fallu les refondre entierement & refaire l'orgue tout à neuf. Quelques parapets & des balustrades de pierre des dehors de cette église furent rafés & emportés par les vents qui abbattirent quantité de jolies pyramides, & cafferent une grande partie des anciennes vitres de verre fort épais, & peint en aprêt. L'abbaye royale de S. Ouen souffrit aussi un fort grand dommage, de même que l'hôpital de S. Louis des pestiférés. La belle pyramide revêtue de plomb, qui étoit fur la tour de l'église paroissiale de S. Michel, fut arrachée au-dessus des cloches, & transportée par le vent au milieu de la rue où elle se brifa, en tombant contre le devant d'une maison. Une partie du clocher de pierre de l'église de S. André dans la ville, tomba sur la voute de la nef, & la fracassa entierement. Un grand nombre d'autres tours & de clochers furent ébranlés & endommagés par cette horrible tempête, qui fit de très-grands ravages dans la plupart des maisons des particuliers, enforte que le dommage arrivé en toute la ville monta à plus de deux millions. Cet ouragan qui se fit sentir dans l'espace d'environ cinq lieues, depuis la Bouille jusqu'à Darnetal, & qui ne dura pas un quart d'heure entier sur la ville, déracina les plus forts & les plus gros arbres, saccagea les grains, les légumes, les herbages & les fruits, & l'on ne fit aucune récolte dans tous les lieux où tomba la grêle.

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Les dehors de cette ville sont si beaux, qu'ils mériteroient une description particuliere: des promenades de tous côtés, des isles sur la riviere de Seine, de belles maifons, &c. A une petite lieue de Rouen est une chartreuse, qui est la plus agréable solitude que l'on puisse voir. C'étoit autrefois une abbaye appellée S. Julien.

L'archevêché de Rouen est un des plus beaux qui soient en France. Il vaut cent trente mille livres de revenu, & fon diocèse comprend treize cents quatre-vingt-huit paroisses diftribuées sous fix archidiacones, & vingt-sept doyennés ruraux, & le sous doyenné de la ville & banlieue de Rouen, appellé le doyenné de la chrétienté. Saint Nicaise eft reconnu pour le premier évêque de la ville de Rouen; mais on ignore en quel tems il vivoit ; & les commencemens de l'histoire de cette église sont très-incertains, ainsi que de celle de bien d'autres. S. Melon, envoyé, dit-on, par le pape saint Etienne, fut le second évêque de Rouen. Il fit bâtir au même lieu la premiere église à l'honneur de la Trinité. C'est aujourd'hi un prieuré de chanoines de saint Auguftin, appellé faint Lo. Il en fit élever une autre sous l'invocation de Notre-Dame, dont il fit l'épiscopale. S. Anidian fuccéda à S. Melon, & s'étant trouvé en deux conciles aflemblés à Arles, il fut institué métropolitain de fix évêchés de la Neustrie, qu'on n'appelloit pas encore Normandie. Saint Sévere, dont porte le nom une église paroissiale qui eft au fauxbourg de l'autre côté du pont, fut le successeur d'Anidian. Après lui vinrent Eufèbe, Marcellin, Victrice, S. Innocent & S. Gildard ou Godard, qui ayant été enterré dans l'église de Notre-Dame en grande solemnité, fit tant de miracles, que cette église changea de nom, & fut nommée saint Godard. Saint Flavie dit faint Filleul par corruption, fuccéda à saint Godard, & ce fut sous lui que l'abbaye dite aujourd'hui de faint Ouen, du nom d'un archevêque successeur de faint Romain, fut édifiée à l'honneur de faint Pierre & de faint Paul, par deux architectes, qui, à l'envi l'un de l'autre employerent tous les secrets de leur art pour l'en rendre le chef-d'œuvre. A faint Flavie succéderent faint Prétexte, Melantius, Hidulphus, puis saint Romain. Ce dernier fit abattre un temple consacré à Venus, que les anciens Gaulois avoient bâti hors la ville. Sous Gombaud, trente-troisieme archevêque de Rouen, les Normands brûlerent la ville dont ils pillerent toutes les églises, & depuis ce tems, Francques successeur de saint Léon, craignant de Raoul ou Rol le même désastre, alla au-devant de lui par l'avis de tout le peuple, qui offrit de lui obéir, pourvû qu'il se fit chrétien, & qu'il gardât les coutumes du pays. Ce prince voulant y établir son séjour, y fit bâtir un château fortifié de bonnes murailles, en la place où est à présent l'église appellée Saint Pierre le Caftel ou du Chastel. Ce fut lui, dit-on, qui fit bâtir la grande église de Notre-Dame, en laquelle il fut baptifé, & prit le nom de Robert. Pierre Roger, archevêque de Rouen en 1330, fut élevé au souverain pontificat, sous le nom de Clément VI. Depuis ce temslà il y a eu douze archevêques de cette ville qui ont été cardinaux.

L'archevêque de Rouen prend la qualité de primat de

Normandie, quoiqu'il n'ait aucun archevêque pour fuffra gant; mais ce titre ne lui donne d'autre prérogative que de n'avoir point de supérieur en France, & de dépendre immédiatement du faint Siége; encore lui a-t-elle été conteftée par l'archevêque de Lyon jusqu'en 1702, que le feu roi, par arrêt de son conseil donné à Versailles le deux de mai, maintint & garda l'archevêque de Rouen & ses successeurs dans le droit & la possession où eft de tems immémorial l'église de Rouen, de ne reconnoître d'autre supérieur immédiat que le pape, & fait défense à l'archevêque de Lyon, à fes grands vicaires, officiaux, & à tous autres de l'y troubler à l'avenir. Lorsque l'archevêque de Rouen prend poffeffion de fon église, il se rend d'abord dans l'église paroissiale de saint Herbland, où quelque froid qu'il fasse, ses bas & fes fouliers lui font ôtés par le sacristain; puis étant en rochet & en camail, il va les pieds nuds à l'église cathédrale, marchant le long des boutiques des orfévres, sur un peu de paille ou de nate, dont le pavé est jonché, pour lui adoucir cette marche & lui épargner la boue. Il est accompagné dans cette cérémonie du prieur & des religieux de S. Ouen tous en chapes. Quand il arrive au parvis ou aître de la cathédrale, il y trouve le clergé de cette église rangéen hayes, & après que le doyen lui a présenté de l'eau benite, & qu'il lui a donné la croix à baifer, le prieur de saint Ouen, s'adressant à tout le chapitre, lui dit: Nous vous rendons notre archevêque vivant, vous nous le rendrez mort. Le doyen reçoit le ferment que le prélat fait en mettant les mains fur le sivre des évangiles, de protéger & défendre l'église de Rouen, de garder fidellement les droits, franchises & priviléges de cette même église. Le prélat entre ensuite dans l'églife, & va reprendre sa chaussure à l'autel de faint Pierre, après avoir offert un écu d'or à l'autel des vœux. L'archevêque ayant été instalé dans la cathédrale, est conduit par le chapitre dans l'abbaye de faint Amand, où il reçoit de l'abbesse, à la tête de ses religieuses l'anneau pastoral. Après sa mort, les chanoines font obligés de porter son corps au pied de la barriere, près de la croix de l'abbaye de saint Ouen. Lorsqu'ils l'y ont déposé, le prieur & les religieux le prennent, & le portent dans l'abbaye, où il reste en dépôt pendant vingt-quatre heures, & les religieux lui font un service magnifique. Cette cérémonie finie, les religieux reportent le corps à la croix du cimetiere, où les chanoines viennent le reprendre pour le porter à l'abbaye de saint Amand, où l'abbesse à la tête de sa communauté lui vient ôter l'anneau paftoral, & lui en remet un autre d'or tout uni. Cela fait, les chanoines portent le corps dans leur cathédrale pour être inhumé. M. d'Aubigny, archevêque de Rouen, étant mort au mois d'avril 1719, les chanoines voulant éviter ce cérémonial, se contenterent d'enlever le corps de son lit de parade, & de le descendre dans le caveau du cardinal d'Amboise. Les religieux de S. Ouen en ayant été avertis, présenterent requête au parlement de Rouen, fur laquelle intervint l'arrêt du 27 avril, qui ordonne que les chanoines feront obligés de représenter le corps enlevé, de l'exhumer, & de le porter enfuite avec les cérémonies ci-dessus expliquées, à l'église & à l'abbaye de S. Ouen, & de le reporter dans la cathédrale, pour y être inhumé, suivant l'ancien usage: qu'il sera fait aux dépens du chapitre un service folemnel dans les trois jours de la fignification de l'arrêt; & faute par les chanoines d'exécuter le présent arrêt, permis au prieur & religieux de S. Ouen, de faire saisir le temporel des chanoines, le tout avec dépens.

Le chapitre de l'église cathédrale est composé de dix dignités & de cinquante-un chanoines, en comptant l'archevêque, qui est aussi chanoine, & qui en cette qualité a voix en chapitre. Il y occupe la premiere place, & y préside. Les dignités & canonicats de ce chapitre font à la nomination de l'archevêque, excepté le haut doyenné qui est électif par le chapitre. Outre ces cinquante-un chanoines, il y en a huit petits, qu'on appelle des quinze marcs ou quinze livres, qui n'ont point de voix en chapitre, & n'ont rang au chœur que parmi les chapelains, chantres & muficiens; & il y a auffi quatre colléges de chapelains & chantres, dont l'un se nomme d'Albe, pour avoir été fondé par Pierre de Cormieu, cardinal d'Albe, qui avoit été archevêque de Rouen. Ce collége d'Albe doit être compofé, selon la fondation, de dix chantres, dont quatre doivent être prêtres, trois diacres & trois sous-diacres. Les trente prébendes, appellées les prébendes de S. Romain, Y ij

Tome V.

font possédées par trente filles ou veuves. On croit qu'el. les doivent leur institution à des filles ou des veuves, qui travailloient autrefois au blanchissage & au racommodage du linge de cette église. C'est l'archevêque qui pourvoit à ces prebendes, & c'est lui aussi qui en paye le gros. Ces prébendieres font aujourd'hui obligées à fort peu de choYes, puisqu'elles ne sont tenues que d'assister à trois obits, qui se disent l'un lers de janvier, un autre le 23 juin, & le troifiéme le 11 de juillet. L'assistance commence la veille aux vigiles, & continue le lendemain à la grand'messe, où elles vont toutes à l'offrande. Le chapitre distribue fix livres à celles qui sont présentes. Quoique chacune de ces prébendes ne rapporte que très-peu de choses, elles ne laissent point d'être fort recherchées, parce qu'en vertu des priviléges du chapitre, les filles ou les veuves, qui en font pourvues, ont droit de committimus, & leurs causes commifes aux requêtes du palais. Elles peuvent, quand il leur plaît, résigner leurs prébendes. C'est un droit de l'église cathédrale de Rouen, que les évêques suffragans de la province sont obligés de lui prêter serment d'obéisfance, comme auffi à l'archevêque: Venerabili ecclefia Rothomagenfi, ac reverendiffimo domino patriarchiepiscopo, &c. Ils prêtent ce serment entre les mains de ce prélat, ou en fon abfence entre celles du célébrant, dès qu'il est monté à l'autel, avant que de dire l'introit. Ces évêques doivent aussi donner à diner à ceux qui composent le chapitre; mais pour ce diner, ils donnent ordinairement cent écus. Avant que d'avoir prêté ce ferment, les évêques suffragans ne sont point reconnus dans l'église métropolitaine, ne sont point admis aux assemblées provinciales, & ne peuvent point être députés de la province pour les assemblées générales du clergé de France.

Le droit le plus fingulier qu'ait l'église de Rouen, est le pouvoir qu'elle a de délivrer un criminel & ses compliées tous les ans an jour de l'ascension, après que ce criminel a levé la fierte, c'est-à-dire, la chasse de S. Romain. La tradition populaire rapporte l'origine de ce privilége au roi Dagobert, qui l'accorda à S. Ouen. Elle veut que du tems de S. Romain, évêque de Rouen, il y eut un horrible dragon, qui désoloit le pays, & dévoroit les hommes & les animaux; que S. Romain demanda à la justice un ou deux criminels condamnés à mort, avec lesquels il délivra le pays de ce monstre: qu'en considération de ce grand miracle, le roi Dagobert accorda à S. Ouen, succeffeur de S. Romain à l'évêché de Rouen, le privilége de délivrer tous les ans un prifonnier, & qu'en mémoire de cette délivrance, on porte en procession le jour de l'ascenfion la figure de ce dragon, que l'on nomme la Gargouille. En 1699, les officiers du bailliage & fiége présidial de Rouen, présenterent une requête au roi, dans laquelle ils prétendirent faire voir trois choses: 1°. que le dragon ou la gargouille, portée à Rouen aux processions des rogations & du jour de l'ascension, n'est pas la figure d'un animal tué miraculeusement par S. Romain, mais une ancienne cérémonie de l'église; 2°. que le privilége de délivrer un prifonnier, le jour de l'ascension, doit son origine à la piété des ducs de Normandie, & non pas au prétendu miracle de la gargouille; 3°. que ce privilége ne doit pas s'étendre aux crimes appellés cas présidiaux, & ne doit avoir lieu que pour des homicides malheureux, commis dans la province. Ils prouverent la fausseté du miracle par le filente des auteurs contemporains, & de ceux des siécles Suivans. S. Ouen n'en dit pas un mot dans la vie de S. Eloy, ni dans son livre de anima Dagoberti. Il n'est nullement croyable qu'il eut oublié un fait de cette importance, qui regardoit le roi Dagobert, & S. Ouen lui-même. Sigebert dans sa Chronique, Jonas dans ses Vies, Béde, Usuard, Vincent de Beauvais, Baronius, ni la vie de S. Romain, que Rigaut a fait imprimer, n'en disent pas un seul mor. On lit dans cette vie que S. Romain obtint de Dieu par ses prieres, que la riviere de Seine qui s'étoit débordée, rentrát dans fon lit ordinaire. Il est constant qu'on n'a commencé à parler de ce miracle que sur la fin du quatorziéme siècle, & ç'a toujours été avec des contradictions qui le rendent peu croyable. Tantôt le dragon fut seulement chaffé par S. Romain; tantôt il fut tué dans la forêt de Rouvrai, emmené jusqu'au pont, & jetté dans la riviere, tantôt il fut dompté dans une caverne, qui étoit auprès des murailles de la ville, & fut emmené avec l'érole, & brûlé dans la place publique; tantôt le saint avoit avec lui deux

prifonniers, un voleur & un meurtrier, dont le voleur s'en fuit, & tantôt un seulement. Dans quelques titres le privilége est accordé à S. Romam, archevêque de Rouen & chancelier de France, par le roi Clotaire II, en 520. Dans d'autres il a été accordé à S. Ouen par le roi Dagobert, & dans un autre il a été apporté du ciel au chapitre par un Ange. A ces variations succédent les erreurs de chronolo. gie. S. Romain n'étoit point évêque de Rouen en 520, il ne le fut qu'en 622, & le roi Clotaire II ne naquit qu'en 534On ne trouve pas mieux son compte à foutenir, que ce privilége a été accordé à S. Ouen par le roi Dagobert. Tous les chronologistes placent l'époque de la mort de ce prince trois ans au moins avant que S. Ouen fut élu évêque de Rouen. D'ailleurs ce saint évêque n'en dit pas un mot dans ses livres. Dans cette obscurité, & au milieu de tant de contradictions, il paroît que les ducs de Normandie, faisant leur séjour dans leur capitale, avoient la pieuse coutume d'accorder un prifonnier à l'église de Rouen lorsqu'ils assistoient à la cérémonie du jour de l'ascension. En effet, on remarque que Richard I, duc de Normandie & roi d'Angleterre, ayant été détenu prisonnier en Autriche, il n'y eut point cette année-là de prisonnier délivré, & qu'à fon retour il en accorda deux l'année d'après, en actions de graces de la liberté qu'il avoit lui-même recouvrée. De cette coutume volontaire de la part des ducs, l'église de Rouen se prévalant des changemens arrivés en Normandie par l'invasion des Anglois, s'en est fait un droit qui a été toléré par nos rois, & confirmé même par Louis XII & Henri IV, à condition de ne pouvoir ufer de ce privilége pour des criminels accusés de crimes de léze-majesté, d'hérésie, de vol, de viol, d'affaffinat, de guet-à-pens & de fausse monnoie. A ces restrictions le conseil d'état en ajouta d'autres par son arrêt du mois de mai 1699, en faifant défenses aux chanoines d'élire d'autre prifonnier, qu'un qui soit originaire de la province, & qui y ait été décrété. Quinze jours avant l'ascension, le chapitre de la cathédrale députe quatre chanoines au parlement, à la cour des aydes & au bailliage, afin que depuis ce jourlà, jusqu'à ce que le privilége ait eu fon effet, aucun des criminels qui sont détenus dans les prisons de la ville, & des fauxbourgs, ne soit transféré, mis à la question, ni exécuté. Après le lundi des rogations, le chapitre nomme deux chanoines prêtres, qui se transportent avec leur greffier, qui est aussi prêtre, dans les prisons, pour y entendre les confessions des criminels qui prétendent au privilége, & par là recevoir leurs dépositions sur le crime dont on les accuse. Le jour de l'ascension, sur les sept heures du matin, le chapitre composé, seulement des chanoines prêtres, s'assemble pour l'élection du criminel qui doit être délivré. Après avoir invoqué le S. Esprit, & fait ferment de garder le secret, on fait lecture des confessions des prifonniers, lesquelles font brûlées dans le lieu même, aussitôt que l'élection du criminel est faite. Le même jour fur les neuf heures du matin, les présidens & conseillers du parlement, revêtus de leurs robes rouges, se rendent dans la grand sale du palais, pour y assister à une messe solemnelle qui est célébrée par le curé de S. Lo. Après la messe ils vont dans la grand chambre dorée, où à midi on leur fert un magnifique dîner. Vers les deux heures après midi, le chapelain de la confrairie de S. Romain va en surplis, aumuffe & bonnet carré, porter au parlement le billet de l'élection que le chapitre a faite d'un prisonner détenu pour crime. Sur cela la cour ordonne à deux huissiers d'aller avec le chapelain de la confrairie de S. Romain, prendre le prisonnier dans la prison. Ils le conduisent au parlement, où il est mis sur la selette. Ayant été interrogé, & ses informations ayant été rapportées, il est condamné au supplice que mérite son crime, puis en vertu du privilége, sa grace lui est donnée, & il est livré entre les mains dudit chapelain de S. Romain, qui le conduit tête nue à la place de la vieille tour, où la procession étant arrivée, l'archevêque assisté du célébrant, du diacre, du sous-diacre & de quelques chanoines, monte au haut du perron avec eux, & avec les deux prêtres qui portent la fierte ou châsse de S. Romain: laquelle étant posée sous une arcade, Gur une table décemment ornée, l'archevêque, ou en son abfence, le chanoine célébrant, fait une exhortation au criminel qui est à genoux, & tête nue, lui représente toute l'horreur de son crime, & l'obligation qu'il a à Dieu & à S. Romain, aux mérites duquel il doit sa délivrance. Il lui

ordonne ensuite de dire le confiteor, puis lui met la main fur la tête, & dit le misereatur & l'indulgentiam. Enfin, il lui fait mettre sur les épaules un bout de la châsse, & la lui fait un peu élever. Après cela en lui met une couronne de fleurs blanches sur la tête, & la proceffion retourne à l'église de Notre-Dame, le prifonnier portant la châsse par la partie antérieure. La procession étant rentrée, on dit la grand'mefle, quoiqu'il foit cinq ou fix heures du soir. L'archevêque, les dignités & le chapitre, font successivement une exhortation au prisonnier, qui est ensuite mené en la chapelle de S. Romain, où il entend la messe. On le conduit ensuite à la vicomté de l'eau, où l'on lui donne la collation, & de-là chez le maître ou bâtonnier de la confrairie de S. Romain, où il foupe & couche. Le lendemain sur les huit heures du matin, il est conduit par le chapelain dans le chapitre, où le pénitencier, ou un autre chanoine, lui fait encore une exhortation, après laquelle il - le confefle, & enfin lui fait jurer sur le livre des évangiles, qu'il aidera de ses armes messieurs du chapitre, quand il en sera requis; après quoi le prisonnier est renvoyé absous & libre.

Outre le chapitre de la cathédrale, il y en a encore deux dans la ville de Rouen : celui de S. George, & celui de la Ronde. On en compte sept autres dans ce diocèse, qui sont ceux d'Andely, d'Econy, de Gournay, de Blainville, de Chalmenil, d'Yvetot & de Sacqueville.

L'abbaye de Saint Oven de Rouen est de bénédictins réformés, & fut fondée par Clotaire I, vers la vingtiéme année de son regne, sous l'invocation de faint Pierre. Elle prit ensuite le nom de faint Ouen, & jouit à présent de foixante mille liv. de revenu. Saint Amand de Rouen, est aussi de l'ordre de saint Benoît, mais elle est pour des filles. Elle fut fondée par le vicomte Gofcelin & Ameline sa femme, en l'honneur de la sainte vierge & de saint Amand, évêque d'Utrecht, vers l'an 1030. Elle jouit d'environ vingt-sept mille livres de revenu. Les autres abbayes du diocèse de Rouen sont; 1°. Fécamp, 2°. Jumiéges, 3°. le Bec, 4°. Saint George, so. Tréport, ULTERIOR PORTUS, 6°. Saint Victor, 7°. Vallemont, 8°. Saint Martin d'Acy, 9°. Saint Martin de Pontoise, 10°. Montivilliers, 11°. Gomer-Fontaine, 12o. la Trinité-du-Mont, 13°. la Valace, 14°. Mortemer, 15o. Beaubec, 16°. Foucarmon, 17°. Corneville, 18°. le Tresor, 19°. Notre-Dame d'Eu, 20°. Fontaine-Guerard, 21°. Bival, 22°. Reffons, 23°. Bellofane, 24. Macheroux, MARCHASIUM RUDOLPHI, 25°. l'IsleDieu.

Le parlement de Rouen a été établi en la place de -l'échiquier, dont quelques-uns rapportent l'institution à Philippe le Bel; mais dont l'origine se tire avec plus de fondement des assises générales que tenoient les ducsde Normandie, tant pour l'administration de la justice, que pour toutes les autres affaires qui regardoient le bien du pays. Cet échiquier étoit comme un parlement ambulatoire. On l'assembloit tantôt à Rouen, tantôt à Caën, quelquefois à Falaise ou en d'autres villes, selon les ordres du prince, fans qu'il eût aucun lieu fixe. On le convoquoit deux fois l'année vers Pâques, & vers la faint Michel; & on l'employoit deux ou trois mois dans l'un & dans l'autre tems, pour approuver ou pour réformer les sentences, qui avoient été données par les juges subalternes. C'étoit le grand-sénéchal de Normandie qui y présidoit; & les principaux du clergé & de la noblesse de la province y étoient appellés. Ils étoient obligés, sous peine d'amende, d'y comparoître en perfonne, & ils y avoient voix délibérative. Ensuite on y appelloit les sept grands baillis de Normandie, qui font ceux de Rouen, de Caux, de Gifors, d'Evreux, de Caën, du Corentin, & d'Alençon, avec les officiers des bailliages; & enfin les avocats & les procureurs, ainsi que les juges, afin de recorder de l'usance & du style de la coutume, qui n'étoit point rédigée alors par écrit, du moins par autorité publique. Les guerres & les divisions survenues, ayant obligé nos rois à porter du changement dans l'administration de l'échiquier, ils députerent des présidens & des conseillers, tant ecclésiastiques que laïques, & des gentilshommes diftingués pour être les juges de cette afssemblée. L'échiquier comprenoit un grand nombre de personnes; & fans parler des gens de justice de toutes les jurisdictions de la province, il y en avoir quatrevingt-quinze du corps du clergé, & foixante-douze de celui de la noblesse. Louis XII rendit cette cour perpétuelle

en 1499; & François 1 lui donna le nom de parlement en 1515. Il y avoit une chambre de l'édit, qui fut supprimée avec celle de Paris; & depuis quelques années on y a établi une seconde chambre des enquêtes. Le reffort de ce parlement comprend la haute & baffe Normandie, & l'on y appelle des bailliages & présidiaux de Rouen, Caudebec, Caux, Evreux, Alençon, Caën, Coûtances, & Gisors.

Le bailliage de Rouen renferme les vicomtés de Rouen, du Pont-Audemer, du Pont-l'Evêque & du Pont-de l'Arche. Les vicomtes exercent la même jurisdiction sur les habitans roturiers & non privilégiés que celle qu'exercent les lieutenans-généraux des baillis sur les nobles & fur les privilégiés. Le bailli de Rouen eft d'épée, & ses appointemens font de trois cents soixante-cinq livres par an, payés fur le domaine. Il n'a aucuns droits. Quant aux fonctions, il va présider quand bon lui semble à la jurisdiction, où il n'a point de voix délibérative. Il commande aussi la nobletse, lorsqu'il en reçoit les ordres du roi. M. de Longueville fit unir l'office de bailli de Rouen au gouvernement de la province en 1649.

La chambre des comptes de Rouen fut créée en 1380, supprimée en 1353 par Henri II, & rétablie en 1580 par Henri III. Elle est composée de quatre présidens, de vingt-neuf maîtres, de huit correcteurs, & de trente auditeurs servant par sémestre. La cour des aydes de Normandie fut établie à Rouen par l'édit de l'an 1483. Le roi en érigea une à Caen l'an 1638, laquelle fut unie à celle de Rouen par l'édit donné à Saint-Germain-en-Laye au mois de janvier 1641. La cour des aydes de Rouen fut unie à fon tour à la chambre des comptes de la même ville par édit du mois d'octobre 1705; & au mois de janvier 1706, il y eut un autre édit portant réglement pour l'exécution de celui de l'an 1705. Ces deux cours unies ont toute la province de Normandie dans leur département.

Le bureau des finances de Rouen fut établi au mois de janvier 1551. Il est composé de vingt-fix officiers, y compris les gens du roi & le greffier. Cette généralité comprend quatorze élections, qui sont celles, 1o. de Rouen, 2o. du Pont-de-l'Arche, 3o. d'Andely, 4°. d'Evreux, so. de Magny, 6°. de Gisors, 7°. de Lions, 8°. de Caudebec, 9°. de Montivilliers, 10°. d'Arques, 11°. d'Eu, 12°. de Neufchatel, 13°. du Pont-Audemer, 14°. du Pont l'Evêque. Ces quatorze élections renferment mille huit cents cinquan te paroiffes, & environ cent soixante-quatre mille deux cents cinquante deux feux,

Outre ces jurisdictions, il y a à Rouen une table de marbre, une jurisdiction appellée la vicomté de l'eau, qui est très ancienne, & dont le juge connoît de tout ce qui arrive sur la riviere, depuis Vernon jusqu'à la mer, & de tous les poids & mesures de Rouen; un siége d'amirauté ; & un confulat.

Comme la Normandie est une des grandes provinces du royaume, il y a trois grands maîtres des eaux & forêts. L'un a le département de Rouen, & dans ce département il y a les maîtrises particulieres 1o. de Rouen, 2o. de Caudebec, 3o. d'Arques, 4°. de Vernon, s. de Lions, 6°. du Pont de l'Arche, 7°. de Paffi.

Le domaine du roi, dans la généralité de Rouen, rapporte année commune environ cent quarante-neuf mille livres. Il y a un receveur du domaine en titre d'office, qui reçoit aussi le produit des coupes de bois, qui communément monte à deux cents mille livres. On ne peut pas positivement dire à quoi montent les tailles, que les besoins de l'état font augmenter ou diminuer selon les

tems.

On compte vingt greniers à sel dans la généralité de Rouen, dont huit font greniers d'impôt ; c'est-à-dire, que l'intendant, avec les officiers du grenier à fel, impote la quantité de minots que chaque paroisse doit prendre. Ces huit font; 1o Dieppe, 2o. Fescamp, 3°. Harfleur, 4°, Honfleur, so. Eu, 6o. Tréport, 7°. le Havre, 8°. SaintValery. Les douze autres greniers sont de vente volontaire, c'est-à-dire, que les habitans ne prennent que la quantité de sel qu'ils veulent. Ces douze font; 1°. Rouen, 2o. Caudebec, 3°. Gisors, 4°. Pont-Audemer, 5°. Louviers, 6°. Neufchatel, 7°. Evreux, 8°. Vernon, 9°. Gournay, 10°. Pont-de l'Arche, 11°. Andely, 12°. la Bouille. La consommation du sel dans la généralité de Rouen monte ordinairement aux environs de fept cents muids.

Les droits sur les boissons sont fort considérables dans cette généralité, & fur-tout dans la ville de Rouen, où un muid de vin paye plus de vingt-quatre livres avant que d'y entrer, & un muid de cidre sept livres. Une partie de ces droits, fous le nom de grandes entrées, sont perçus par les fermiers généraux. Les autres dépendent de la sous-ferme des aydes, & cela sans compter les droits de la vente en détail. Il y a encore des droits établis sur toutes les denrées, qui servent à l'usage ordinaire de la vie, & qui entrent dans la ville de Rouen.

Il y a aussi dans cette généralité plusieurs bureaux des traites foraines, où l'on reçoit des droits sur les marchandises qui entrent ou qui sortent du royaume. Le seul bureau de Rouen, vulgairement appellé la Romaine, produisit en 1688 un million deux cents quarante-sept mille fix cents quatre-vingt-sept livres; mais en tems de guerre, avec la Hollande & l'Angleterre, il produit beaucoup moins, & les plus fortes années ne vont pas au de-là de quatie cents mille livres, parce qu'alors les vaisseaux, afin d'éviter les corfaires, vont plutôt chercher l'entrée de la riviere de Loire, qui est plus éloignée des Anglois, que celle de la Seine, qui est dans la Manche & vis-à-vis de l'Angleterre. Les rolles de la capitation montent dans cette généralité à plus de quatre cents mille livres, dont la seule ville de Rouen paye la moitié.

peries,

Le commerce de la ville & de la généralité de Rouen est très - considérable. Il consiste en laines, draperies, toiles, cuirs, chapeaux, peignes, cartes, papier, & une infinité d'autres marchandises. Le commerce des draperies & autres étoffes est fort avantageux pour toute la province; car plusieurs milliers d'ouvriers y font employés, & y trouvent une honnête subsistance. Toutes ces étoffes se vendent & se consument en France. Le commerce des toiles qui se fabriquent dans cette généralité, & qui fortent pour la plus grande partie du royaume, ett préférable à celui de la draperie, en ce qu'il attire l'argent de l'étranger. Ces toiles font de plusieurs fortes. Les principales sont celles qu'on appelle fleurets blancards, qui se fabriquent dans les élections du Pont-Audemer, Lifieux & Bernay, Elles se vendent au bourg Saint-George, & font envoyées en Espagne, avec une autre sorte de toiles, que l'on nomme toiles de coffre, fabriquées à Evreux & à Louviers. Elles paffent d'Espagne aux Indes occidentales, où elles font en grande réputation sous le nom de toiles de Rouen. Les retours s'en font en or & en argent. L'on compte qu'en tems de paix il s'en débite pour plus d'un million par an. Les cuirs & les chapeaux donnent lieu à un commerce considérable. Les peignes, le papier, les cartes à jouer, & d'autres merceries passent dans le reste du royaume, dans le Nord, en Espagne & en Portugal. Les manufactures de draperie établies à Rouen & aux environs sont très-confidérables. Il y a cent vingt cinq métiers de draps façon d'Elbeuf établis à Rouen, trois de Sceau, cinq de ratines & cinquante d'espagnolettes. Toutes ces manufactures occupent en tems de paix plus de trois mille cinq cents ouvriers. On y voit outre cela plus de soixante métiers occupés à la fabrique des baracans. Enfin, on fait à Rouen de ces petites tapisseries appellées communément tapisseries de la porte de Paris, qui occupent plus de deux cents mé- tiers. Il y en a bien soixante autres employés à la fabrique de la bergame; mais elle n'est pas d'une aussi bonne qualité que celle qui se fait à Elbeuf. La draperie de Darnetal, près de Rouen, est de quarante métiers de draps façon d'Elbeuf, de douze métiers pour le drap de Sceau, & de cinquante de droguet, qu'on appelle pinchinat. Tous ces ouvrages occupent & font vivre près de trois mille ouvriers. Les cuirs des bêtes que l'on tue aux boucheries, & quantité de ceux qui viennent des Ifles, font tannés à Rouen & aux environs, & de-là transportés dans le reste du royaume. C'est une manufacture très-considérable & très-utile. La pêche est encore un des principaux commerce de cette généralité, & même de toute la province.

Le roi, par sa déclaration du 9 avril 1720, a établi un prévôt général à Rouen, deux lieutenans, un assesseur, un procureur du roi & un greffier.

Le corps de ville étoit autrefois composé d'un maire & de trente-fix pairs; mais ayant été supprimé à la fin du quatorziéme fiécle, on en fit un nouveau, composé seulement de six échevins, ayant à leur tête le bailli & fon licutenant-général. Cette forme subsista jusqu'en 1695, quy

ayant eu une création de maires perpétuels dans toutes les villes du royaume, celle de Rouen acheta cette charge, & la réunit à fon corps. Par ce moyen elle a droit de se choifir un maire qui est triennal. Les revenus de cette communauté, tant en deniers patrimoniaux que d'octroi, est de plus de cinquante mille livres; mais elle est engagée à de fortes dépenses.

Le collége étoit tenu par les jésuites; c'est un des plus considérables de la province, & une fondation du cardinal de Joyeuse.

La ville de Rouen a produit de fort grands hommes, entr'autres Pierre Bardin, de l'académie françoise, Samuel Bochart, Pierre Corneille, Thomas Corneille son frere, (voyez Andely,) de Fontenelle, neveu de ces derniers, & Jouvenet excellent peintre.

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ROVERE ou ROVEREDO, petite ville du comté de Tyrol, sur les frontieres de l'Italie, & de l'état de Venise en latin Roboretum & Roveretum. Elle est près de l'Adige, à douze milles de Trente & du lac de Garde, à quarantesept de Bresse, & assise au pied d'une montagne, sur les bords d'un gros torrent, qu'on traverse sur un pont de pierre, dont le passage est défendu de deux groffes tours massives & bien percées, qui sont soutenues d'un château placé sur une éminence, qui voit le pont & toute la ville en cavalier. Outre que la situation du château le rend inaccessible, il est flanqué de quatre grosses tours fort massives aussi-bien que leurs courtines, le tout percé d'embrasures baffes. On n'a pû y faire ni fossés, ni dehors, & l'on ne voit point d'endroit où l'on pût dresser des batteries. Le chemin p par où l'on y peut aller, est extrêmement étroit & tout enfilé. La ville n'a que ses simples murailles pour fortifications. A quatre milles de Rovere, fur le chemin de Trente, on rencontre un autre pas fermé d'un méchant fort, au derriere duquel, à trois ou quatre cents pas, fur une éminence fort élevée, il y a un affez bon château, qui voit le chemin bas de la montagne. Ses fortifications font ordinaires, composées de groffes tours. Sa figure est un carré long, bien percé, & ses courtines sont d'une belle maçonnerie, avec des merlets; mais ses dehors sont plus réguliers. Une fausse braye bien revêtue, bâtie en angles rentrans & faillans, défend le pied de ce château, & rend l'accès fort difficile. Le glacis qui regne le long de ce bas fort, est tellement droit & découvert, que ce seroit entreprendre une chose bien périlleuse que de s'y vouloir loger. A l'angle le plus proche du passage de la plaine qui est toute vue & battue de ces fortifications, est bâti un gros ravelin de figure plate, percé d'embrasures basses, & dont le dessus ferviroit de cavalier, sur lequel des piéces montées foudroyeroient la plaine & le passage. * Corn. Dict. Mém. & plans géographiques.

ROUERGUE, province de France, dans le gouvernement de Guyenne. Elle a les hautes Cévénes & le Gévaudan à l'est, le Quercy à l'ouest, l'Auvergne & une partie du Quercy au nord, & l'Albigeois au fud. Sa longueur depuis S. Jean de Breuil jusqu'à S. Antonin, selon Piganiol, Descr. de la France, t. 4, p. 558, est d'environ trente lieues, & sa largeur depuis S. Pierre d'Yilis, jusqu'au mur de Barrès, de vingt lieues. On divise cette province en COMTÉ, HAUTE & BASSE-MARCHE. Dans le COMTÉ font, 1°.RoDEZ, 2°. S. Geniez-de-Rivedalt, 3°. Entraigues, 4°. la Guiolle, so. le mur de Barrès, 6°. Estain, 7°. Marcillac 8°. Aubin, 9°. Rignac, 10°. Cassagnes-Begognes. Dans la HAUTE-MARCHE on trouve; 1°. Milhau, 2o. Espalion, 3°. Nant, 4°. Saint-Afrique, so. le Pont-de-Camarès, 6°. Campeyre, 7°. Saint Rome-de-Tarn, 8°. Saint-Sernin 9°. Belmont, 10°. Vabres, 11°. Severac-le-Chateau. La BASSE-MARCHE renferme; 1°. Ville-Franche, 2°. SaintAntonin, 3°. Najac, 4°. Verfeuil, so. Roupeyroux, 6°. Sauveterre, 7°. la Salvetat, 8°. Peyrales, 9°. Conques, 10°. Peyruffe, 11o. Villeneuve.

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Le ROUERGUE & la capitale Rodez ont pris leur nom des peuples Rutheni, dont César fait mention dans ses commentaires, où il marque que les Rutheni faisoient partie des Celtes, quoiqu'il y eut quelques-uns d'entre les Rutheni joints alors à la province romaine. César, à cause de cela appelle ceux-ci Rutheni provinciales. Auguste mit ensuite les peuples du Rouergue dans l'Aquitaine; ce qui n'empêcha pas que durant quelque-tems, il n'y eut une partie de ces Rutheni qui fussent dans la Gaule Narbonnoise, comme nous l'apprenons de Plinc. Cet auteur remarque ailleurs que

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