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RUPELLA. Voyez LA ROCHELLE, & SANTONUM PORTUS.

RUPELMONDE, ville des Pays-Bas, dans la Flandre, fur la rive gauche de l'Escaut, vis-à-vis l'embouchure de la riviere Rupel, qui lui donne fon nom, & à trois lieues au deffus d'Anvers. Rupelmonde fut érigée en comté vers l'an 1650, en faveur de la maifon de Recourt & de Licques. Il y avoit un ancien château que les comtes de Flandres avoient fait bâtir, mais il a été ruiné par les guerres. Gerard Mercator, l'un des plus célébres géographes de fon tems, étoit né à Rupelmonde. Il mourut à Doelbourg, fur la fin de l'année 1592, âgé de quatre-vingts ans. * Dict. geogr. des Pays Bas.

RUPENA, lieu des Termopyles, felon Cedrène, cité par Ortelius.

RUPERA, nom latin de la riviere RUPEL. Voyez ce

mot.

RUPES. Voyez ROCHERS.

RUPHANIA, fiége épiscopal, fous la métropole d'Apamée, felon Ortelius, qui cite Guillaume de Tyr.

RUPIN, RAPIN ou RUPPIN, ville d'Allemagne, dans l'électorat de Brandebourg, dans le comté dont elle eft le chef-licu, & auquel elle donne fon nom, à neuf milles de Berlin. Cette ville eft divifée en deux, qu'on appelle la vieille Rupin & la neuve Rupin. La vieille ville eft un endroit ouvert, & c'est où fe voit le château, dont avoit pris fon nom la famille des comtes de Rupin, qui eft éteinte. La ville neuve eft affez belle. On y trouve les fépultures de divers comtes de Rupin, & particulierement du dernier de cette illuftre famille, appellé Wichmann, & mort en 1524. Ces deux villes font féparées par un grand étang qui fournit d'excellens poiffons & en abondance. *Zeyler, Topogr. Brandebur. March.

Le COMTÉ DE RUPIN eft fitué entre la feigneurie de Pregnitz, le duché de Mecklenbourg, la Marche-Ukerane & la moyenne Marche de Brandebourg. Il a douze lieues de long ou environ, & fix de large. Il eft fort embarrallé de lacs & de forêts. L'électeur Joachim I l'acquit en 1524, à la mort du comte Wichmann, le dernier de fa race. Les principaux lieux de ce comté font; 1o. Rupin, 2o. Wulterbaufs, 3°. Lindow, 4°. Rezberg.

RURADENSES, peuples d'Espagne, felon Ambroife Moralès, qui fe fonde fur une ancienne inscription. Il ajoute que le nom de ces peuples fe conferve encore préfentement dans celui de Rus, petit lieu fitué à trois milles de Bacça. * Ortelius, Thefaur.

RUREMONDE, ville des Pays-Bas, dans le haut quartier de la Gueldre, fur la Meufe, à l'embouchure du Roer, aux confins de l'évêché de Liége & du duché de Juliers, tire fon nom de celui de cette riviere, & du mot Mondt, qui fignifie bouche; comme qui diroit bouche ou embouchure du Rhoer, & l'on a dit Ruremonde par corruption pour Roermondt. C'eft une ville bien peuplée, bien bâtie, & paffablement fortifiée. Ce n'étoit autrefois qu'un village, qui fut entouré de murailles par Otton, furnonimé le Boiteux, quatorziéme comte de Gueldre, & l'empereur Rodolphe lui donna en 1290 le privilége de battre monnoie. Le pape Paul IV établit un évêque à Ruremonde en 1559, fous la métropole de Malines. Cet évêché a vingtcinq tienes dans fa plus grande longueur, depuis Maftricht jusqu'à Nimégue, & fa largeur eft de huit lieues. Dans cet espace il comprend onze villes, qui font ; 1°. Ruremonde, 20. Venlo, 3°. Gueldre, 4°. Fauquemont, 5°. Wachtendonck, 6°. Weert, 7°. Boxmeer, 8°. Straelen, 9°. Nimégue, 10°. Grave, 11°. Batembourg.

L'églife cathédrale, l'unique paroiffe de la ville, eft dédiée à S. Chriftophe. Elle eft ornée d'un clocher fort élevé, bâti de briques, & au fommet duquel on voit la ftatue de S. Chriftophe. Elle devint cathédrale en 1659, Lorsque le chapitre y fut transféré le jour du jeudi faint, 24 d'avril. L'églife du S. Esprit avoit été auparavant la cathédrale. Le chapitre eft compofé de douze chanoines, qui ont pour dignités un prévôt & un écolâtre. Huit d'entre

eux feulement font de l'ancienne fondation. Ils étoient originairement au village de Peeterfberg ou Odeliendberg, à une lieue de Ruremonde. Ce chapitre fut transféré à Ruremonde en 1358, avec la prévôté, qui étoit autrefois à la collation de l'évêque d'Utrecht, & qui a été unie enfuite à l'évêché de Ruremonde. Trois autres prébendes ont été fondées par M. Pélerin Vogelius, mort en 1649, dans le tems qu'il étoit nommé à l'évêché de cette ville. Enfin le douzième chanoine eft le pasteur de l'églife de S. Chriftophe. Le pape donna pour l'entretien du nouvel évêque de Ruremonde, & pour l'augmentation des prébendes de la nouvelle cathédrale, les revenus de la prévôté de Meerfen, de l'ordre de S. Benoît, fituée près de Mastricht; comme auffi les biens du prieuré de S. Jerôme des chanoines réguliers à Ruremonde, ceux du prieuré de fainte Urfule, appartenant au bourg de Keffel; ceux du prieuré de S. Walric, de l'ordre de cîteaux, entre Grave & Nimégue, & ceux de la prévôté de S. Nicolas à Alevois, appartenant à des religieufes de l'ordre de prémontré. Ces cinq monaftères avoient été détruits & brûlés du tems des guerres de religion. Il y a plufieurs autres églifes à Ruremonde. Celle du S. Esprit, qui a été autrefois la cathédrale, fut donnée depuis aux religieufes pénitentes. Elle a même fervi quelquefois de temple aux proteftans. L'abbaye de Munfter appartient à des religieufes nobles, de l'ordre de cîteaux. Elle fut fondée en 1254, par Richarde de Juliers, femme de Gerard, comte de Gueldre. Les jéfuites furent admis à Ruremonde en 1611, pour enfeigner les humanités. Ils eurent d'abord pour demeure le prieuré de faint Jerôme, qui avoit appartenu à des chanoines réguliers de S. Auguftin; mais en 1665 on les mit au vieux palais de l'évêque. Les récollets furent établis en 1229, par Gerard III, comte de Gueldre. Les urfulines furent amenées en 1656 de la petite ville de Sittart, où elles avoient cru fixer leur demeure. Les croifiers s'y font introduits en 1422: les fœurs noires & les clariftes en 1611. Il y a encore dans la ville des religieufes du tiers-ordre de S. François, des carmélites déchauffées & des dominicaines. Le prieuré de Mariengarde eft poffédé par des auguftines. Enfin les chartreux ont à Ruremonde une fpacieufe & riche_maifon, fondée en 1370, par Werner, feigneur de Swalmen. Le célebre Denys Rykelius, plus connu fous le nom de Dionyfius Carthufianus, étoit de cette maifon. Il y mourut en 1471, exerçant la charge de prieur. Cent trente-fept ans après la mort, l'évêque Cuyckius, ayant ouvert fon tombeau, trouva que les deux doigts avec lesquels il avoit écrit fes ouvrages, étoient encore entiers, vifs & revêtus de chair.

&

La ville de Ruremonde eft gouvernée par neuf échevins par deux fecrétaires. Le 31 de mai 1665, jour de la Trinité & celui de la dédicace de la ville, un incendie réduifit en cendres la plus grande partie des maifons des particuliers, presque tous les couvens & le palais épiscopal. L'empereur Charles V fe rendit maître de Ruremonde, par compofition en 1543. Les Hollandois la prirent en 1567, & l'abandonnerent peu de tems après. Les Espagnols s'en faifirent & y mirent garnifon allemande. Elle fut affiégée & fort preffée en 1577, par les Hollandois, qui furent pourtant obligés d'en lever le fiége à l'approche de l'armée d'Espagne, mais ils s'en rendirent maîtres en 1632. Les Espagnols l'ayant reprise, en furent paifibles poffesfeurs jusqu'au 2 octobre 1702, que l'armée des alliés, commandée par le comte Walrad, prince de Naffau-Sarbruck, la prit. Le prince de Horn, gouverneur de la province, l'avoit défendue avec quelques généraux françois. Les Hollandois en ont été les maîtres jusqu'en 1719, qu'ils l'évacuerent pour la remettre aux troupes de l'empereur, à qui le magiftrat prêta ferment de fidélité le 6 de mars de la même année.

On appelle QUARTIER DE RUREMONDE une des quatre parties du duché de Gueldre, & que l'on nomme auffi le HAUT-QUARTIER, ou la haute Gueldre, à caufe qu'elle eft fituée fur le haut des rivieres vers le fud. Elle s'étend le long de la Meufe, entre le duché de Cleves au nord, celui de Juliers du côté du fud, l'électorat de Cologne à l'eft, & le Brabant avec l'évêché de Liége à l'oueft. Le QUARTIER DE RUREMONDE comprend; 10. Ruremonde, qui eft à l'Empereur; 2°. Venlo, qui eft aux Hollandois; 3°.4°. & 5°. Gueldre ou Gelre, Wachtendonck & Straelen, qui font au roi de Pruffe.

RURICOURT, abbaye de Picardie. Voyez S.MARTIN

AUX BOIS.

RUSA, palais de Cosroès, roi de Perfe, aux environs de Ctesiphonte, felon l'hiftoire Miscellanée, qui ajoute que ce palais fut détruit par l'empereur Heraclius. RUSARDIR. Voyez RYSSADYRUM. RUSAXIS. Voyez RUSUBESER.

RUSAZUS, ville de la Mauritanie céfarienfe. Prolomée, l. 4, c. 2, la place fur la côte entre Rufubirfis & Vabar. Pline, 1., c. 2, lui donne le titre de Colonia Augufta. C'est la même que l'itinéraire d'Antonin appelle RUSAZIS MUNICIPIUM. Il la marque entre Jomnium Municipium & Saldis Colonia, à trente-huit milles du premier de ces lieux, & à trente-cinq du fecond. C'étoit le fiége d'un évêque. La not. d'Afrique parle d'Idonius Ruzadi

tanus.

RUSCIA, RUSCIANUM ou ROSCIANUM, lieu de l'Italie, dans la Calabre, aux confins des Brutiens, mais dans la dépendance des Thuriens. Sur ce rivage, dit Procope, Goth. l. 3, c. 28, eft un lieu appellé RUSCIA, où s'arrêtent les vaiffeaux des Thuriens. Le nom moderne eft ROSSANO. Voyez RoscI ANUM.

1. RUSCINO, ancienne ville de la Gaule narbonnoife. L'itinéraire d'Antonin marque cette ville fur la route de Narbonne à Caftulo, entre Combufta & Ad Centurio nes, à fix milles du premier de ces lieux, & à vingt du fecond. Cette ville eft nommée Colonia-Ruscino par Pomponius Mela, 1.2, c. 5, Ruscino Latinorum, par Pline, 1. l. 3, c. 4. Ruscinum par Ptolomée, 1. 2, c. 10, & du tems de Louis le Débonnaire, on la nommoit Rosciliona. Elle fut détruite, felon de Marca, vers l'an 828. Il n'en refte plus aujourd'hui qu'une tour, qu'on appelle la tour de Rouillon. Elle eft au voifinage de Perpignan. Voyez ROUSSILLON. Piganiol, Descript. de la France, t. 7,

P. 577.

*

2. RUSCINO, fleuve de la Gaule narbonnoife. Il avoit fa fource dans les Pyrénées, felon Strabon, 1. 4, p. 182, qui ajoute que ce fleuve, ainfi que l'Illiberis arrofoient chacun une ville de leur nom. Avienus, Ora Marit. nomme ce fleuve Roschinus, Ptolomée, l. 1, l'appelle Ruscio, & marque fon embouchure entre celles de l'Illiberis & de l'Atages. Varrerius veut que ce foit le même qui eft appellé Thelis, par Pomponius Mela, & auquel on donne préfentement le nom de TET.

RUSCINONA. Voyez RUSTONIUM.
RUSCIO. Voyez RUSGINO, N°. 2.

RUSCO ou TRESCAW, ifle d'Angleterre, l'une des Sorlingues, environ à trois milles du cap le plus occidental de la province de Cornouaille. Cette ifle n'eft proprement qu'une montagne entre des rochers.

RUSCONIA. Voyez RUSTONIUM. RUSCURIUM. Voyez RHUSUNCORA. RUSELLÆ, ville d'Italie: c'étoit, felon Denys d'Halicarnaffe, l. 2, p. 189, l'une des douze villes des anciens Toscans. Elle devint dans la fuite colonie romaine, comme nous l'apprennent Pline l. 3, c. 5, & une ancienne inscription rapportée par Holftenius, p. 39. Les habitans de cette ville font appellés Rufellani par Tite-Live, l. 28, c. 45. C'est le Rofellum de l'itinéraire d'Antonin. Cette ville conferve encore fon ancien nom, & s'appelle Rofella.

RUSFENSIS. Voyez RUSPA. RUSFIN, ville d'Angleterre, capitale de l'ifle de Man, & fituée dans fa partie méridionale, a un bon château. y avoit un monastère de l'ordre de cîteaux, fondé en 1134; mais il ne fubfifte plus depuis le changement de religion.

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RUSIBIS-PORTUS, port d'Afrique dans la Mauritanie Tingitane, felon Ptolomée, l. 4, c. I, qui le marque entre l'embouchure du fleuve Cufa, & celle du fleuve Afama. Ce port eft appellé portus Rutubis par Pline, l. 5, c. I, Eftefo par Caftald, & Umarabea par Marmol, qui ajoute que d'autres le nomment Omirabi.

RUSICADE, ville de l'Afrique propre, felon Pomponius Mela, 1. 1, c. 7, & Pline, 1., c. 3. L'itinéraire d'Antonin la marque dans la Mauritanie céfarienfe, fur la route de Lemne à Carthage, entre Chuli Municipium & Paratiana, à foixante milles du premier de ces lieux, & à cinquante milles du fecond. Ptolomée, 1. 4, c. 3, qui écrit RUSICADA, la place fur le golfe de Numidie, entre Collops Magnus ou Cullu, & le promontoire Tretum. Dans la con

férence de Carthage, No. 198, l'évêque de Ruficade eft nommé Junior episopus Ruficcadienfis. Cette ville a été appellée autrefois le Port de Conftantine. Son nom moderne eft SUCCAICADE, felon Dupin, dans fa remarque fur ce mot de la notice des évêchés d'Afrique. Cependant cette ville eft nommée Stora par Castald, Aftora par Olivier, & Eftora par Marmol.

RUSICIBAR, ville de la Mauritanie céfarienfe: Prolo mée la place fur la côte, entre Ruftonium & Modunga. C'eft la même ville qu'Antonin nomme Rufubbicari & Rufibricari Matidia, dans la table de Peutinger. Ce fut une ville épiscopale. Son évêque eft appellé Conftantius Rufubiccarienfis episcopus, dans la conférence de Carthage, n. 198, & il pourroit fe faire que ce feroit le même fiége que la notice épiscopale d'Afrique nomme Rubicarienfis. RUSINO. Voyez RUSCINO. RUSIUM. Voyez TOPIRIS. RUSO-CASTRA, lieu fortifié quelque part aux environs de la Thrace, felon Grégoras cité par Ortelius.

RUSPÆ ou RHUSPнÆ, ville d'Afrique, fur le golfe de Numidie, & que Proloniée, l. 4, c. 3, marque entre Achola & Brachodes Extrema. Ortelius, qui cite Chriftophle Stella, dit que le nom moderne eft Alfaquès, & Marmol lui donne le nom d'Esfacus. Dans la notice épiscopale d'Afrique, l'évêque de ce fiége qui eft mis dans la Byzacéne, eft appellé Stephanus Ruspenfis. Il ne faut pas confondre cet évêché avec un autre de la Byzacéne, appellé Ruspitenfis, car Ptolomée diftingue Ruspina de Ruspa; & ces deux villes font pareillement diftinguées dans la carte de Peutinger & dans l'anonyme de Ravenne. Dans la conférence de Carthage Secundus eft qualifié episcopus ecclefia Ruspitenfis.

RUSPINA ou RHUSPINA, ville de l'Afrique propre fur le golfe de Numidie, felon Ptolomée, l. 4, c. 3, qui la place entre Adrumette & la petite Leptis. Quelques-uns la prennent pour la ville Africa fubjuguée par l'empereur Charles V. Le nom national eft Ruspitenfis. Voyez RUSPA.

RUSS. Voyez REUS.

RUSS ou RUSSE, bourgade du royaume de Pruffe, à l'embouchure du bras feptentrional du Niemen, lequel porte aufli ce nom.

RUSSEC, ville de France, dans l'Angoumois, felon Corneille. C'eft une faute d'inadvertance. Il falloit lire RUFFEC. Voyez RUFFECQ.

RUSSELSHEIM, château d'Allemagne, dans le pays de Heffe, fur le bord de la riviere de Moen, à un mille de Mayence. Ce château déja fortifié, fut augmenté de nouveaux ouvrages en 1560 & en 1645.* Zeyler, Topogr. Haflix, p. 70.

RUSSIE. On donne ce nom à différentes contrées de l'Europe, dans l'une desquelles on comprend même divers grands pays de l'Afie. Il y a la Ruffie blanche ou Ruffie noire, autrement la grande Ruffie ou Ruffie moscovite. Il y a la Ruffie noire appellée plus communément la Ruffie rouge; la Ruffie de Lithuanie, nommée auffi quelquefois la Ruffie blanche; le palatinat de Ruffie; enfin la Ruffie polonoife.

a

La Ruffie blanche felon Cellarius, Geogr. noftri temporis, c. 1, & la Ruffie noire, felon Hubner, Geogr. c. 13, autrement la grande Ruffie, ou la Ruffie moscovite, eft proprement ce que l'on appelle aujourd'hui l'Empire Ruffien. Elle eft renfermée dans l'ancienne Sarmatie européenne, fi ce n'eft la partie qui confine avec la grande Tartarie, qui fe trouve comprife dans l'ancienne Sarmatie Afiatique. On nomme quelquefois ce grand empire, MoscovIE, à caufe du fleuve Moska ou à caufe des Mosches, peuples de la Colchide qui habitoient vers la fource du Phafe; & on lui a donné le nom de RUSSIE, du mot Roffcia, qui felon le langage du pays fignifie peuple ramaffé, à caufe des différentes nations qui l'ont habité. Ceux qui l'appellent Ruffie noire, difent que ce nom lui vient des grandes forêts qui couvrent le pays, ou parce qu'un grand nombre de ses habitans s'occupe aux mines & aux forges; & ceux qui le nomment Ruffie blanche, veulent qu'il ait été ainfi nominé de la quantité de neiges qui couvre la terre une grande partie de l'année. La mer glaciale ou la mer de Moscovie, borne la Ruffie au nord, la mer du Japon la borne à l'eft, la grande Tartarie eft au fud, auffi bien que la mer Caspienne & la Perfe; & la Pologne, la petite Tartarie, la Mingrelie & la Géorgie la borne à l'oueit.

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Il s'en faut beaucoup qu'elle ait toujours eu des bornes auffi étendues. Ses accroiffemens fe font faits peu à peu, & elle ne s'eft même fi prodigieufement étendue du côté de l'orient que depuis un fiécle. L'hiftoire de ce pays n'eft qu'un tiffu de fables ou de traditions très-incertaines jusqu'au duc Wolodimir, qui s'y fit chrétien l'an 987, après avoir fait mourir fes freres pour s'agrandir, & pris le nom de grand-duc. Il époufa Anne, fœur des empereurs Grecs Bafile & Conftantin; & ce fut à l'occafion de fon mariage qu'il fe fit baptifer, & qu'il introduifit dans fes états le chriftianisme felon le rit grec. Il partagea fes états à douze fils, qu'il laiffoit & dont il fit autant de ducs. Leurs diffentions & leurs guerres continuelles, fournirent aux Tartares l'occafion d'envahir la plupart de ces principautés & de les rendre tributaires. Jean, fils de Bafile l'aveugle, s'affranchit de cette fervitude en 1500, par les confeils de Sophie Paléologue fa femme; & après avoir réuni toute la Moscovie fous fa domination, il fe fit appeller monarque de la Ruffic. Gabriel fon fils lui fuccéda en 1504, fous le nom de Bafile. Il fe rendit maître des contrées vorfines de la mer Glaciale, reprit la principauté de Plescow fur les Polonois, auxquels il enleva les duchés de Smolensko & de Severie; & prit le premier la qualité de czar mais ayant été défait par les Tartares de Cazan, qui pillerent la ville de Moscou, il en conçut un fi grand déplaifir, qu'il en mourut de regret en 1533. Jean- Bafile, fon fils, conquit une partie de la Livonie, les royaumes de Cazan & d'Astracan, & les provinces qui font fur les frontieres de la Perfe, & le long de la mer Caspienne. Il mourut en 1584, laiffant d'Anaftafie fa premiere femme, Theodore, qui hérita de fon empire, mais non pas de fa vertu du fecond lit il eut le malheureux Démétrius. Boris Hodun, grandécuyer de Moscovie, & mari de la fœur du czar Théodore, s'empara de fon esprit & du gouvernement ; & le voyant fans enfans, fit alfaffiner le jeune prince Démétrius ; & empoisonna Théodore, qui mourut en 1597, & qui fut le dernier de la race de Rurich. Les Ruffes n'ayant plus de princes, déférerent la couronne à Boris; qui, pour fe maintenir & gagner l'affection de fes sujets, diminua les charges du peuple, augmenta les prérogatives de la nobleffe, & donna divers priviléges aux négocians. Un jeune moine qui fe nommoit Arisko-Otropeia, & qui étoit d'une famille ancienne & noble de Jaroslaw, fut inftruit de l'état du gouvernement de la Ruffie, des affaires les plus importantes de la maifon royale, & des moyens dont Boris s'étoit fervi pour monter fur le trône. Ce fut un vieux moine ennemi de Boris, qui mit Otropeia au fait de tout ce qu'il falloit qu'il fçut pour l'exécution du projet qu'avoit formé celui qui l'inftruifoit. C'étoit de le faire paffer pour le prin ce Démétrius, qu'on devoit dire avoir été lauvé par fa mere, laquelle avoit eu vent des deffeins de Boris ; enforte qu'en la place de ce prince on avoit tué le fils d'un prêtre qui étoit de fon âge & de fa taille, & qui lur reffembloit. Quand le vieux moine cut mis Otropeia en état de bien jouer fon rôle, il l'envoya en Pologne chez le prince Winowieski, palatin de Kiowie; & lui-même alla en Moscovie annoncer que le prince Démétrius étoit vivant, & qu'il s'étoit réfugié à Kiow. Otropeia de fon côté, reçu au nombre des chambellans du prince Winowieski, gagne l'amitié de ce prince & de tous fes courtifans ; & quand il juge qu'il en eft tems, il révéle fon fecret à Winowieski, de maniere à le faire croire, lui fait des offres confidérables, & lui promer quelques provinces, s'il l'aide à remonter fur le trône de les ancêtres. Winowieski, ne doutant point qu'Otropeia ne fut véritablement le prince Démétrius, fonge d'abord à le mettre en fûreté, en l'envoyant chez George Mniszek palatin de Sendomir. Otropeia, fous le nom de Démétrius, y devint amoureux de Marine, fille du palatin, la demande en mariage & l'obtient. Sigismond, roi de Pologne, & le fénat, permirent aux deux palatins de Kiowie, & de Sendomir de faire des levées ; & bientôt le faux Démétrius, à la tête d'une armée confidérable entre dans la Moscovie. Cependant l'ufurpateur Boris perd tête, s'empoisonne & meurt. Son fils Fedro-Boriffwits, qui n'avoit que feize ans, eft élu czar, fous la régence de la czarine fa mere. Démétrius vole auffi-tôt à Moscou, dont les portes lui font ouvertes par les habitans qui lui livrent Fedro & fa mere, qu'il fait étrangler. Il le fait couronner avec la femme Marine, le 21 de juillet 1605;& fait venir à la cour la mere du véritable Démétrius, laquelle

ne fait pas difficulté de le reconnoître pour fon fils. Tout alloit bien, fi le faux Démétrius eut été capable de regner: mais il ne fe voit pas plutôt tranquille pofleffeur du trône que fe remettant à des miniftres polonois du foin des affaires,il fe livre fans réferve aux débauches les plus outrées; & pour avoir dequoi fournir aux dépenses excellives qu'elles occafionnoient, il furcharge fes peuples, & le rend extrêmement odieux. Les principaux knez & boyards, outrés de n'avoir aucune part au gouvernement, & d'être traîtés par Marine avec une hauteur infupportable, conspirent en faveur de Bafile Suiski, iffu des grands-ducs de Moscovie par les ducs de Susdal. Le 17 de mai 1606, ils entrent pendant la nuit dans la chambre du czar. Il fe fauve par une fenêtre. On le prend. La czarine douairiere avoue qu'il n'eft point fon fils ; & Suiski le tue d'un coup de piftolet. Marine eft mise en prifon avec fon pere & fon frere ; & cette révolution coute la vie à mil fept cents des partifans du faux Démétrius.

I

Suiski, proclamé czar, fut coutonné le 1 de juin ; presqu'auffi-tôt un autre fourbe, commis d'un fecrétaire d'état, fe donna pour Démétrius, qui s'étoit fauvé à la faveur de la nuit. Les Polonois lui donnerent des troupes. Marine le vint trouver dans fon camp, & le reconnut pour fon mari. Après trois ans de guerre, Suiski fut pris, enfermé dans un cloître; & puis relegué dans un château de Polo. gne où il mourut. L'impofteur fut enfuite affaffiné par les Tartares, qui jetterent Marine & fon fils dans une riviere. Les Moscovites, pour éviter d'être en guerre avec la Pologne, prierent le roi Sigismond de leur donner pour grand-duc fon fils aîné Uladislas, à condition pourtant que ce prince embrafferoit le rit grec. Une armée polonoife va recevoir le ferment des Moscovites à Moscou ; & pille cette ville, dont plufieurs quartiers font brulés, & grand nombre d'habitans maffacrés, Uladiflas ne fe rendant point à Moscou, les Polonois en fortent. Leg Moscovites affemblent leurs troupes; pourfuivent les Polonois & les chaffent de leurs états. Ils dépoffedent enfuite Uladiflas, & choififfent pour czar Michel Fédérowitz Romanou, qui fut proclamé à la fin de 1613. Au commencement de fon regne, un nouvel impofteur fe donne pour un fils de Suiski, quelques brouillons l'aident à s'emparer de Pleskou ; comme il ne fongeoit qu'à s'y livrer à la débauche, on le prend, on le mene à Moscou; il y subir dans le grand-marché le fupplice qu'il méritoit.

Michel, qui defiroit de rendre à fes états un calme dont ils avoient befoin, tente inutilement de faire, par la médiation de l'empereur Matthias, la paix avec la Pologne. La guerre recommence. Les Moscovites ont quelques avantages, qui font fuivis d'une fuspenfion d'armes, laquelle en 1618 fut convertie en une trève de quatorze ans. Celle-ci fut fuivie d'une nouvelle guerre, qui fut enfin terminée en 1634, par le traité de Polanou. Uladiflas, roi de Pologne, renonça aux prétentions qu'il avoit fur la Moscovie, en vertu d'une élection dont il n'avoit pas voulu profiter; il quitta le titre de grand-duc, & resta poffeffeur à perpétuité des duchés de Severie & de Smolensko. Michel mourut fubitement au mois de juillet 1645, n'ayant pas encore quarante neuf ans.

Alexis Michalowits, fon fils, qui n'avoit que feize ans, fut couronné deux jours après. Il éloigna tous les miniftres de fon pere, & recommença la guerre contre la Pologne. L'empereur Ferdinand III fit conclure entre les deux couronnes une tréve, qui fut fuivie d'un traité de paix. Alexis

mourut en 1676.

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Il eut pour fucceffeur fon fils Théodore Alexiowitz qui déplut à fes fujets par fon mariage avec une noble Polonoife, & plus encore par le deffein qu'il forma d'introduire le rit latin dans fes états, & d'y faire reconnoître l'autorité du pape. Ceux dont les confeils le faifoient agir, l'avoient engagé d'avoir toujours quarante mille hommes dans Moscou. Les boyards mécontens ne pouvant recourir à la voie des armes, firent empoifonner Théodore, qui mourut le 27 de juin 1682, dans des convulfions horribles, n'ayant pas pu faire de teftament; mais ayant feulement recommandé aux boyards, qui fe trouvoient près de lui, le prince Pierre Alexiowitz, fon frere du second lit, qu'il croyoit plus capable de gouverner que fon frere puisné du premier lit, Iwan Alexiowits, lequel étoit aveugle & foible d'esprit.

Pierre, qui n'avoit que dix ans, fut proclamé czar.

Par les manœuvres de la princelle Sophie, foeur du Iwan, les Strelitz le fouleverent le 15 de mai 1683, forcerent le palais, le pillerent, & durant deux jours mallacrerent beaucoup de grands feigneurs & d'autres perfonnes. Le prince Iwan fut proclamé grand-duc & affocié au czar Pierre, & Sophie s'empara de toute l'autorité. Pour fe la conferver plus long-tems, elle maria fon frere Iwan, qui ne paroiffoit pas devoir vivre long-tems. S'il eut laiflé des fils, elle auroit continué d'être régente pendant leur minorité. Iwan n'eut que trois filles; 1°. Catherine, qui fut mariée au duc de Mecklenbourg; 2°. Anne qui fut mariée au duc de Courlande ; 3°. Prescovie, qui mourut fans avoir été mariée. Sophie, s'ennuyant d'une autorité partagée, voulut fe placer fur le trône. Le complot qu'elle forma pour cet effet, fut découvert, & le czar Pierre la relégua dans un couvent, où elle mourut en 1704. Iwan, qui avoit pris peu de part, peut-être même aucune, aux projets de fa four, céda toute l'autorité à fon frere, qui continua de régner feul.

Pierre, qui mérita fi juftement le furnom de Grand, eft fi connu par les merveilles de fon regne, qui ont fait de notre tems l'objet de l'admiration & de l'entretien de toute l'Europe, dont il avoit lui-même vifité les principaux états, qu'il eft inutile d'entrer ici dans aucun dérail à fon fujet. Il fuffit de dire, qu'il eut la gloire de créer un peuple nouveau, en donnant à fes fujets des fciences, des arts & des mœurs ; & de faire d'une puiffance jusqu'alors, presque ignorée, une des plus formidables du monde. Se voyant privé d'un fils, qui s'étoit révolté contre lui, & qui ne laiffoit en mourant qu'un fils très-jeune, il régla l'ordre de la fucceffion par une déclaration du s de février 1722, & mourut en 1725.

Catherine Alexiewna, fa veuve, lui fuccéda, comme il avoit réglé, & mourut le 17 de mai 1727.

Pierre II, petit-fils de Pierre le Grand, monta fur le trône alors, & mourut de la petite vérole le 18 de janvier

1730.

Suivant le teftament de l'impératrice Catherine, la couronne devoit appartenir à fa fille aînée Anne Petrowna, ducheffe de Holftein-Gottorp; mais elle étoit morte le is d'avril 1728, laissant un fils né au mois de février précédent. On ne voulut point s'expofer aux dangers d'une longue régence ; &, comme les filles de Pierre le Grand n'étoient que de la branche cadette, on réfolut de rendre le trône à la branche aînée, en couronnant une des filles du czar Iwan. Comme on redoutoit l'humeur entreprenante & ferme du duc de Mecklenbourg, on exclut la ducheffe Catherine fa femme : & comme par les nouveaux arrangemens de Pierre le Grand, le fouverain avoit acquis le droit de fe nommer un fucceffeur à fon gré; on publia que Pierre II avoit nommé fon héritiere la ducheffe douairiere de Courlande, Anne Iwanowna. On lui forma un confeil, on lui prescrivit des conditions, qui la réduifoient à n'être qu'une repréfentante de la dignité impériale, tandis que l'on auroit régné fous fon nom. Elle confentit à tout, & fut bien après reprendre toute l'autorité qui lui devoit appartenir. Elle mourut en 1740, ayant nommé pour fon fucceffeur fon petit-neveu Jean, fils d'Antoine-Ulric de Brunswick-Wolfembutel, & d'Anne, fille unique du duc de Mecklenbourg,, & de Catherine, fille aînée du czar Iwan.

Le jeune prince n'avoit que deux mois, & fa mere fut déclarée régente.

Le 6 de décembre 1741, par une révolution qui parut fubite, mais que la perfonne intéreffée avoit fu ménager de longue main, avec beaucoup d'adreffe, le jeune empereur & la régente furent arrêtés, & la princeffe ElizabethPetrowna, feconde fille de Pierre le Grand, fut proclamée impératrice & fouveraine de toutes les Ruffies. Le 12 elle renvoya l'empereur dépofé & la régente fa mere, dans leurs états d'Allemagne. En 1742, elle nomma fon fucceffeur fous le nom de grand duc de Moscovie, CharlesPierre-Ulric de Holftein-Gottorp, fon neveu, fils de fa fœur aînée Anne Petrowna, ducheffe de Holstein-Gottorp, morte en 1728. Elle le fit venir à fa cour & élever dans la religion grecque, afin que les Ruffes ne falsent aucune les Ruffes ne faffent aucune difficulté de le reconnoître pour leur fouverain.

La Russie eft un état parfaitement monarchique, dont le fouverain porte les mêmes armes que l'empereur d'Allemagne, parce qu'il prétend tirer fon origine des empereurs

Romains. Toute la différence eft qu'il y a un faint George à cheval fur la poitrine de l'aigle, & une mitre couronnée fur fes deux têtes. Le fouverain de Ruffie eft accoutumé à commander avec hauteur. Ci-devant il n'appartenoit qu'à lui de tout favoir; & pour empêcher qu'on ne pénétrât dans les myftères de fa domination, il avoit banni les fciences de les états. Il ne vouloit point permettre d'établissement de colleges, où la jeuneffe fut inftruite, afin qu'il n'y eut aucun de fes fujets qui en fût plus que lui; ce qui caufa la disgrace du patriarche Micon, qui vouloit établir à Moscou, fous le regne d'Alexis Michalowitz, deux chaires pour y enfeigner les langues latine & grecque. Quand les Moscovites parloient autrefois de quelque chofe caché ou difficile, ils difoient communément, Il n'y a que Dieu & le czar qui le puiffe favoir. Toute leur capacité confiftoit à favoir lire & écrire. Les ordonnances du czar étoient très-rigoureufes à l'égard de ceux qui fortoient de fes états fans fa permiffion. Il ne vouloit pas que les fujets voyageaflent, de peur que par la fréquentation des étrangers ils ne fe rendiffent trop habiles, & n'appriffent à vivre avec plus de liberté. Il n'étoit pas auffi permis aux grands de pouvoir fe retirer de la cour; & bien qu'ils euffent de grands biens dans les provinces, ils n'y alloient jamais mais ils y tenoient des économes. Cette politique ne laiffoit pas d'être raisonnable, quoique fentant la barbarie. Par une fuite de cette même politique & pour n'être pas obligé d'admettre des étrangers à fa cour, le czar ne prenoit une femme que parmi fes fujets. Souvent il la choifilfoit dans la nobleffe; quelquefois aufsi dans le peuple : &, quand il fe marioit avec une roturiere, les parens de cette femme n'étoient confidérés que tant qu'elle

vivoit.

Quoique le czar gouverne d'une maniere fort despotique, il ne régle aucune affaire fans la participation de fon confeil d'état, qui eft compofé des boyars, ou principaux feigneurs de la cour, de quelques ocolnics ou gentils-hom mes de fa chambre, des dumni-duoranins ou grands confeillers, qui font tous nobles & des trois dumni-diaks ou grands chanceliers, qui font choifis entre les bourgeois, & qui demeurent debout, au lieu que tous les autres font affis, On traite généralement dans ce confeil de toutes les affaires qui regardent le dedans & le dehors de l'état; on en prend les commiffaires qu'on donne aux ambaffadeurs ; & le czar en choifit toujours les chefs des ambassades qu'il envoye dans les cours étrangeres, & auxquels il donne ordinairement des diaks, ou petits chanceliers pour collegues. Il y a plufieurs tribunaux pour l'administration de la juftice, qu'on nomme Pricaks, c'est-à-dire, cours de justice. Les confeillers d'état, tant boyars qu'ocolnics & dumniduoranins, y préfident; les diaks y font la charge de greffiers, on y juge les affaires en premiere inftance, & on en appelle au confeil d'état. La vafte étendue des états que le czar poffede, lui fournit les moyens de lever en peu de tems des armées fort nombreufes. Ceux qui ont fait quelque féjour en Moscovie, difent que dans l'espace de quarante jours il peut mettre trois cents mille hommes fur pied, parce que dès que la répartition des provinces eft faite, on l'envoye aux vayvodes ou gouverneurs; & chaque province eft obligée d'envoyer dans le tems ordonné le nombre des foldats qu'elle doit fournir. Ces troupes ne font proprement que des milices, qui ne font bonnes qu'après avoir fait de fuite quelques campagnes. Elles n'ont d'abord que le mérite de l'obéiffance. Le czar entretient toujours pour fa garde quarante mille homines, qu'on nomme Strelitz. Il en demeure un tiers auprès de fa perfonne; le refte eft dans les places de la frontiere. La cavalerie eft réduite à peu de compagnies pendant la paix, mais en tems de guerre on l'augmente de plufieurs régimens, qui font chacun d'onze compagnies,& chaque compagnie de cent hommes. Il y a auffi un corps de dragons, qui font tous de petits gentilshommes, apppellés Simboiarks. Le commandement des armées s'y donne ordinairement à la naiffance. De là vient que les généraux, étant fans expérience, font fujets à faire de grandes fautes, d'autant plus qu'ils n'ont point d'officiers généraux comme par-tout ailleurs. Les colonels, les lieutenanscolonels, les majors, les capitaines & autres officiers fubalternes font presque tous étrangers, la plûpart foldats de fortune, à qui l'on donne de groffes payes, & pour qui l'on a des égards, qui marquent combien les Moscovites font dénués d'officiers. Le czar ménage avec beaucoup de foin l'amitié & l'alliance de les voisins. Il est fort uni

avec le roi de Perfe, qui a les mêmes intérêts que lui à diminuer la puiffance du Turc, leur commun ennemi. Il conferve la paix avec les Suédois ; & fe ligue presque toujours avec les Polonois, lorsqu'il s'agit de faire la guerre aux infidéles. Ses prédécelleurs avoient autrefois prétendu à la couronne de Pologne ; mais, outre la différence d'humeur & de religion, les Polonois ont appréhendé que files grands ducs de Moscovie étoient élus, ils ne fe ferviffent de la commodité du voifinage de leurs états, que pour les opprimer plûtor que pour les protéger.

gneur. Comme cette fête eft parmi eux la plus folemnelle, ils en font la cérémonie en placant le plus qualifié du lieu où ils font, au milieu d'une chambre, & chantent accompagnés de leurs prêtres, d'une maniere qui reffemble à notre plein-chant, & après avoir tourné trois fois autour de lui, ils lui donnent chacun le baifer de paix & des œufs rouges ou dorés. Ceux du premier rang en ont trois, les autres deux, & les derniers un. Il n'y a point de fecte parmi eux, parce qu'il leur eft défendu de disputer de la religion, fur la maxime que ceux qui en parlent le moins, en parlent le mieux, & qu'il faut que les esprits vulgaires foient fincérement attachés à la foi qu'ils ont reçue de Dieu, fans s'em barraffer des difficultés & des questions qui pallent leur intelligence. De-là vient qu'ils font toujours demeurés dans velles qui ont troublé l'églife dans les derniers fiécles. La vénération qu'ils ont pour les faints, & particulierement pour faint Nicolas, ne fauroit être plus grande. Chaque famille a un faint particulier, qu'elle révere par-deffus les autres. Son image eft toujours placée en vue dans le logis &, fi ceux qui viennent leur rendre vifite ne la voient pas d'abord, ils demandent où eft le faint, & le faluent avant le maître du logis. C'eft la coutume d'en porter l'image aux enterremens, & ils n'enleveliffent perfonne, qu'ils ne mettent dans la biere un certificat du métropolitain pour inftruire faint Nicolas, d'autres difent faint Pier re, de la vie & des meurs du défunt. Il eft encore ordinaire de jetter une pièce d'argent dans le tombeau, & de lailler au-dellus de quoi manger & de quoi boire.

Les Moscovites étoient ci-devant groffiers, fans honne teté & fans politeffe, parce qu'ils n'avoient pas la liberté de voyager, & que les fciences étoient bannies de leur pays. Ils étoient déreglés dans leurs moeurs. Ils ne connoilloient ni la foi des traités, ni la religion des fermens. Leur meilleur créance, & qu'ils n'ont reçu aucune des opinions nouleure qualité étoit d'être fort fobres, & de fe contenter de peu, fur-tout à la guerre, où ils ne vivoient que de fleur d'avoine détrempée dans l'eau froide. Ils font fchismatiques, & fuivent en tout la foi, la discipline & les cérémonies des Grecs. Le patriarche, dont la dignité eft la premiere de leur églife, eft élu par les métropolitains, par les archevêques, par les évêques, & par le clergé. On le choifit parmi les moines de l'ordre de faint Bafile, & fon élection doit être confirmée par le czar, ce qu'il fait en lui mettant en main le bâton paftoral. Il dépendoit autrefois de celui de Conftantinople. Wolodimir, fils de Suatoflas, ayant em: braffé le chriftianisme en 987, Nicolas Chryfoberg, patriarche de Conftantinople, établit Michel métropolitain de toute la Ruffie. Ses fuccefleurs fe contenterent de ce titre jusqu'à Job, qui prit celui de patriarche en 1588, & en reçut la confirmation de Jérémie, qui l'étoit de Conftantino ple. Celui qui lui fuccéda, jaloux de fa grandeur, fe racheta de cette fujetion pour une fomme d'argent, qu'il eut l'adreffe d'exiger des Moscovites, fous prétexte qu'ils ne devoient point reconnoître de fupérieur étranger en matiere de religion, & qu'il étoit de leur intérêt & de leur honneur de faire un corps particulier & une communion féparée. D'ailleurs la raifon d'état fe mêla dans ce changement. Le czar regardoit comme autant d'espions des Turcs, ceux qui lui étoient envoyés de la part du patriarche de Conftantinople. Pour éviter cet inconvénient, dont les fuites pouvaient être dangereufes, la féparation lui parut le moyen le plus für. Le patriarche fe dir proto-archimandrite de l'ordre de faint Bafile, c'eft à lui, felon l'ancienne coutume, de couronner le czar. Il regle abfolument toutes les affaires de la religion. Il y a des tribunaux particuliers où la juftice fe rend en fon nom. Le premier qu'on nomme Roferad, connoît de tout ce qui regarde les biens eccléfiaftiques. Le fecond qui s'appelle Sudno, juge toutes les affaires des moines de faint Bafile; & le troifiémie, qui porte le nom de Cafannoi, a inspection fur fon tréfor & fur les revenus. Après le patriarche, les métropolitains de Novogrod, de Cafan, de Roftou & de Sark tiennent le premier rang. Ils préfident aux provinces eccléfiaftiques; & leur pouvoir eft confidérable dans le clergé. Il y a enfuite les archevêques de Vologda, de Smolensko, de Refan, de Susdal, de Tuver, d'Aftracan, de Sybérie, d'Archangel & de Plescou. On n'y compte que deux évêques, qui font ceux de Viatka & de Columna, plus de cinquante abbés ou archimandrites; plufieurs prévôts qu'on appelle Protopapas, & un très-grand nombre de prêtres ou papas, la plupart ignorans & débauchés.

Les préceptes de la loi chrétienne & les pleaumes qu'on chante à l'églife font écrits en langue & en caractères esclayons. Les Moscovites croyent le baptême nul, fi celui qui le reçoit n'eft plongé trois fois dans l'eau, felon l'ancienne pratique de l'églife; ils tiennent le purgatoire pour une fable. Ils communient fous les deux especes, & donnent la communion aux enfans dès l'âge de fept ans, parce qu'ils commencent dans cet âge à être fujets au péché. Ils fe confeffent, & font comme nous des prieres pour les morts. Ils croyent que le monde a été créé en automne. C'est pourquoi le i feptembre est toujours le commencement de leur année. Ils ont divers jeûnes, qu'ils obfervent fort rigoureufement, car, outre le carême, il y a le jeûne de faint Pierre, qui dure depuis l'octave de la pentecôte jusqu'à la fête de ce faint; celui de la Vierge, depuis le I d'août jusqu'à l'affomption; & celui de faint Philippe, qui commence le 14 de novembre & finit à Noel. Ils s'abandonnent après pâques à toutes fortes de divertiffemens, pour marquer la joie qu'ils ont de la réfurrection du Sei

Mais fi ces peuples avoient des coutumes ridicules & pleines de fuperftition, ils en avoient auffi de fort bonnes & de fort judicieufes, comme de mettre une couronne d'abfynthe fur la tête des nouveaux mariés, pour leur repréfenter l'amertume du mariage, de jetter fur eux du houblon, pour en marquer la fécondité, & de couvrir d'un voile les yeux de la femme, pour lui apprendre à ne pas voir les déportemens d'un mari fâcheux. La bigamic, permife par leurs foix, deshonore ceux qui la pratiquent, & le deshonneur rejaillit fur leurs familles. Toute la vertu deş femmes confifte chez eux à fuir la compagnie des hommes,& à refter renfermées dans leurs maifons. Lå plus farouche paffe pour la plus vertueufe. Les loix ne févillent point contre les maris, qui tuent leurs femmes en les voulant corriger. Ils peuvent, quand elles font ftériles, les répudier & les forcer de fe retirer dans un couvent. Au refte la jaloufie & tous les emportemens des maris, font pris par leurs femmes pour des marques d'amour. Les peres cependant, depuis quelque tems, ftipulent dans les contracts de mariage, que leurs filles feront entretenues convenablement à leur condition, qu'elles feront nourries de bonne viande, & qu'elles ne feront point maltraitées.

Les Moscovites, qui font gloire de fe dire goloppes, c'eft-à-dire, esclaves de leur prince, font beaucoup plus foumis que les Turcs. La fervitude leur eft fi naturelle, que le gouvernement le plus dur leur paroît un joug léger. Ils tremblent à la vue de leur fouverain. Ils fe jettent à fes pieds quand il paffe; ils reconnoiffent ne tenir que de lui leurs biens & leur vie, & ne pouvoir en jouir qu'autant qu'il lui plaît. Il profite de leur crédulité. Il fait feul le trafic des martres de Sibérie. Il tire immenfement des douanes, des droits fur les tabacks, où l'on vend de l'eau-de-vie & de la biere; de la ferme des bains & des étuves ; des droits d'entrée & de fortie d'Archangel; des impots établis fur le caviar d'Aftracan, fur l'ictycolle & fur l'agaric; deş droits fur les marchandifes de Perfe & d'Arménie, & fur les pelleteries, la cire, le miel, le chanvre, & la filace qu'il fait faire par fes officiers. Il eft en outre, héritier de tous ceux qui meurent ab inteftat, ou qui font accufés de quelque crime; &, comme il eft maître de tous les biens de fes fujets, il les rend à leurs enfaus moyennant un dop proportionné à leur valeur.

Les Anglois & les Hollandois, qui font un commerce très-grand en Ruffie, confeillerent au czar Bafile de joindre par un canal le Jug, qui fe jette dans la Dwina & le Volga, & de faire un autre canal dans le royaume d'Aftracan, pour paffer de l'embouchure du Volga dans la mer Caspienne, au Don ou Tanaïs, qui va fe jetter dans les Palys Méotides. Ces canaux auroient joint toutes les mers voifines ; & l'on auroit par leurs moyens porté les richelles & l'abondance dans toutes les parties des états du czar.

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