Le second royaume étoit celui de Marien. Barthelemi de las Casas disoit qu'il étoit plus grand, & plus fertile que le Portugal. Il comprenoit toute cette partie de la côte du nord, qui s'étend depuis l'extrémité occidentale de l'ifle, où est le cap Saint-Nicolas, jusqu'à la riviere Yaque, connue aujourd'hui sous le nom de Monte-Chrifto, & comprenoit toute la partie feptentrionale de la VeguaRéal, qui s'appelle présentement la plaine du Cap françois. C'étoit au Cap même que Goacanaric, roi de Marien, faifoit sa résidence, & c'est de son nom abrégé, que les Espagnols appellent encore aujourd'hui ce port el Guaric. Le troifiéme portoit le nom de Maguana, renfermoit la province de Cibao, & presque tour le cours de la riviere Hattibonite ou l'Artibonite, qui est la plus grande de l'ifle. Caonabo qui y regnoit étoit caraibe. Il avoit paffé dans l'isle en aventurier: fon esprit & fon courage le firent bien-tôt craindre & estimer, au point qu'il fut bien-tôt souverain. Sa demeure ordinaire étoit au bourg de Maguana, d'où son royaume avoit tiré son nom. Les Espagnols en firent depuis une ville sous le nom de San Ivan de la Maguana, laquelle ne subsiste plus. Caonabo étoit le plus puissant monarque de l'ifle, & celui qui sentoit mieux son souverain. Le royaume de Xaragua étoit le quatrième, & devoit fon nom, ou le donnoit à un affez grand lac; c'étoit le plus peuplé & le plus étendu de tous. Il comprenoit toute la côte occidentale de l'ifle, & une bonne partie de la méridionale. Sa capitale, nommée aussi Xaragua, étoit à peu près où est aujourd'hui le bourg du Cul-de-Sac. Les hommes y étoient mieux faits & plus polis qu'ailleurs. Le prince à qui il appartenoit se nommoit Behechio. Le cinquième étoit le Higuey. Il occupoit toute la partie occidentale de l'isle, avoit pour bornes à la côte du nord la riviere d'Yaque, & à celle du fud le fleuve Ozama. Les peuples de ce canton étoient un peu plus aguerris que les autres, parce qu'ils avoient souvent à se défendre des Caraïbes, qui faisoient continuellement des descentes sur leurs côtes. Ces barbares tuoient d'abord les hommes, en mangeoient les entrailles, & en saloient les chairs; ils mutiloient les enfans mâles, afin de les engraiffer, & de s'en servir dans leurs festins : pour cela ils les enfermoient dans des parcs; ils gardoient les filles & les femmes, pour en avoir des enfans; les vieilles & les infirmes demeuroient esclaves. Les peuples du Higuey étoient armés de fleches à l'exemple de leurs ennemis, mais il s'en falloit beaucoup qu'ils s'en servissent aussi-bien qu'eux : aussi ne se défendoient-ils souvent que par la fuite. Ils avoient pour souverain le Cacique Cayacoa. con Les Espagnols aborderent dans cette ifle, sous la duite de Christophle Colomb, le 6 décembre 1492. On peut voir l'histoire de l'établissement qu'il y commença dans l'histoire de Saint-Domingue, par le P. de Charlevoix, jésuite. Les Espagnols s'étoient d'abord placés sur la côte septentrionale de l'ifle; mais ils l'abandonnerent pour occuper la méridionale, qui est plus navigable. Des François s'établirent dans cette partie négligée, & peu à peu il s'est formé dans la partie occidentale de l'ifle une colonie françoise, qui occupe une partie considérable de la côte septentrionale & de la méridionale, & toute l'occidentale; de forte que lisse est présentement poslédée par deux colonies très-inégales. Le droit d'ancienneté demande que nous commencions par la colonie espagnole. Les Espagnols possédent la plus utile partie; & s'ils la cultivoient avec le même soin que les François cultivent la partie dont ils jouiffent, ils en tireroient des avantages infiniment plus grands; mais, comme je le remarque ailleurs dans cet article, tant d'autres objets partagent l'attention du gouvernement espagnol, que Saint-Domingue n'y a qu'une très-petite part, en comparaison du Pérou & du Mexique. Les Espagnols sont maîtres des mines de Cibao, mais ils ne les travaillent point; celles qu'ils ont en terre ferme occupent tous les ouvriers qu'ils peuvent y employer. Les lieux les plus remarquables de la partie espagnole font: Saint - Domingue, capitale, Monte-Plata, Bayagana, Scibo, Alta Gratia ou Iguei, San Lorenzo, Azua. Cette partie a pour annexes deux ifles considérables, l'isle de Samana au nord-est, & l'isle de Saona au midi de la pointe orientale de l'ifle. Les François, établis d'abord à la Tortue, trouvant dans la côte septentrionale de la grande isle des terres que les Espagnols n'occupoient point, s'y établirent, & peu à peu cette colonie est devenue très-puissante. Elle occupe présentement toute la partie occidentale de l'ifle. Cette partie se divise en deux quartiers, celui du nord & celui du sud. Le premier a pour principales habitations le port François, Porto-Plate, port Margot, le Morne rouge & le Morne au Diable, Saint-Marc, la petite Riviere, &c. Le second a le petit Goave, le grand Goave, Leogane, le Cul-de-Sac, le cap Tiburon, Jaquemel, &c. SAINT DOMINIQUE DE SILOS, abbaye d'hommes, ordre de S. Benoît, de la congrégation de Valladolid en Espagne, dans un bourg de même nom, au diocèle de Burgos. SAINT-DONAT. Janison écrit Saint-Donas, fort des Pays-Bas, dans la Flandre, au Franc de l'Ecluse, assez près de cette ville. Les Espagnols autrefois maîtres de ce pays, entretenoient une garnison dans ce fort, qui commande la ville de l'Ecluse, qu'il peut ruiner par son canon, sans qu'elle puisse lui faire aucun mal. Jouvin de Rochefort le décrit ainsi : Il n'y a, dit-il, que cinq ou fix maisons dans ce fort, & toutes dans une place de cinquante pas de largeur, pavée de boulets de canon, fermée de quatre bastions & de hauts remparts, revêtus de terre, & munis de doubles fossés pleins d'eau tout à l'entour. Le pays est si bas, qu'il peut être mis sous l'eau par le moyen des écluses qui la retiennent dans les canaux, un desquels sert aux bateaux pour aller à Bruges. L'empereur a cédé ce fort à la république des Provinces-Unies par le traité de barriere. : SAINT-EDMONDSBURY, ville d'Angleterre, dans la province de Suffolk. Elle prend fon nom de S. Edmont, roi d'Estanglie, qui ayant été pris par les Danois, encore idolâtres & barbares, fut décapité parce qu'il refusoit de renoncer au christianisme. Canut étant devenu roi d'Angleterre & chrétien, érigea une abbaye à Saint-Edmondsbury avec des revenus considérables. Autour de ce monaftère il se forma une ville, qui est aujourd'hui entre Ely & Ipswich. Elle eft nommée simplement Bury dans plusieurs cartes. Les Saxons l'ont appellée Eadmunde Sbyrig, & c'est ainsi qu'elle est nommée dans la chronique Saxonne, publiée par Gibson. Il est parlé dans l'itinéraire d'Antonin d'une maison de campagne nommée villa Faustini; fur quoi Gale observe que Martial a donné la description d'une maison de campagne que Faustin avoit à Bayes. Qui empêche, dit-il, qu'il n'en ait eu aussi une dans la Bretagne ? je demanderois à mon tour, quelle nécessité y a-t-il que cette maison de campagne ait appartenu au même maître que celle dont parle Martial ? Le nom de Fauftinus a été commun à bien des Romains. Quoi qu'il en soit du maître, il s'agit d'en trouver la situation, & Gale ne voit point dans ce canton d'endroit plus riant & plus agréable que celui où est Saint-Edmondsbury, qu'il croit avoir fue cédé à la villa Fauftini d'Antonin. SAINT-ELIE, (L'ifle de) petite isle de Grèce, dans l'Archipel, au nord de l'ifle de Négrepont, au midi da canal qui sépare les isles de Dromi & Serakino. C'est plutôt un écueil qu'une ifle: il y a quelques moines grecs. SAINT-ELME, château de l'ifle de Malthe, fur la pointe de la cité Valette. Ce château est bâti sur un rocher du mont Sceberras, & sur la pointe de la cité Valette qui avance dans la mer, de laquelle il n'est séparé que par fossé taillé dans le roc. Il est placé à l'embouchure de huit grands & beaux ports, dont il y en a trois au côté droit de Saint-Elme, & cinq au côté gauche, qui sont défendus un La Conception de la Vega ou Bega, autrefois épiscopale, d'un côté par le château Saint-Angelo, bâti fur la pointe Sant-lago de los Cavalleros, Cotuy, Baya, : du bourg, ou de la citta Vittoriosa, & de l'autre par la cité Valette, ou la Ville-Neuve. Entre la cité Valette & le château Saint - Elme il y a des magasins à bled, taillés dans le roc. * Dapper, Description de l'Afrique, p. 514, & γις. 1. ŚAINT-ELOY FONTAINE, abbaye de chanoines réguliers en France, au diocèse de Noyon, à une lieue au nord-ouest de Chauny. 2. SAINT-ELOY OU LE MONT SAINT-ELOY, abbaye de France, en Artois, à deux lienes d'Arras. On prétend qu'elle a été fondée par saint Eloy. Les chanoines réguliers qui l'occupent, obtinrent l'an 1413 du duc Jean de Bourgogne, la permission de fortifier leur monastère, & en reconnoiffance ils s'obligerent à l'hommage d'une lance à chaque mutation d'abbé. Cette abbaye est en regle, & jouit au moins de cinquante mille livres de revenu. On dit que les chanoines réguliers de cette maison porte la foutane violette, & le rochet par-dessus, comme ceux de saint Aubert de Cambray. SAINT-EMILIÓN OU EMILIAN, Acumbitum, bourg de France, en Guienne, à une bonne lieue de Libourne, & à fix de Bourdeaux, près de la Dordogne. Il y avoit eu autrefois en ce lieu une abbaye de l'ordre de saint Benoît, enfuite de faint Augustin, & on croit que c'est l'ancienne abbaye de Notre-Dame de Fuftiniac, qui a été ruinée par les Sarazins & autres. Clément V fécularisa cette maison, & y mit pour doyen du chapitre le cardinal Gaillard de la Motte, fon neveu. L'arrivée de saint Emilian, Breton, en ce lieu, & la conservation de ses reliques, avoit fait changer le nom : ce saint mourut en l'an 767. On y voit sa grotte & une fontaine. Tout proche est l'église paroissiale, bâtie dans le roc, avec sa nef & ses collatéraux, & qui est fort élevée; mais ce qui cause plus d'admiration, est qu'en creusant trois ou quatre pieds on trouve plusieurs sources, & que fur les voutes de l'église il y a un clocher de pierre fort élevé, & qu'on voit de fort loin. Les vins de Saint-Emilion font fort vantés. Voy. littér. de D. Martene & autres. SAINT-EPIPHANE. (Lecap de) Voyez CAP. SAINT-ERINI. Voyez SANT ERINI. 1. SAINT-ESPRIT. (Le cap du) Voyez CAP. 4. SAINT-ESPRIT, bourg de France très - grand & erès-riche, sur la rive droite de Ladour, dans la généralité -d'Auch, élection des Lannes, diocèse de Dax, gouvernement de Guienne, parlement de Bourdeaux, servant de fauxbourg à la ville de Bayonne, dont il n'est séparé que par la riviere, étant au bout du grand pont de bois de cette ville. Il y a dans le bourg du Saint-Esprit une collégiale qui fut fondée par Louis XI. Elle ne releve que du pape qui a la seigneurie de ce bourg, lequel est habité par une prodigieuse quantité de juifs auxquels il n'est pas permis de demeurer dans la ville. * Mémoires dresses sur les lieux. 5. SAINT-ESPRIT. Voyez ESPIRITU SANTO. SAINT - ESTEVAN, petite ville d'Espagne dans la Navarre, dans la Morindade de Pampelune. 1. SAINT-ETIENNE, ville de France, dans le haut Forez. Ce n'étoit qu'un bourg lorsque les habitans obtinrent du roi Charles VII, la permission de se donner des murailles; & dans la suite les manufactures & le commerce y ont tant attiré de monde, qu'on y compte aujourd'hui dixhuit mille ames au moins. Le ruisseau des Furens, sur lequel elle est située, est très-propre pour la trempe du fer & de l'acier, ce qui donne lieu aux habitans de travailler avec réputation aux armes & autres ouvrages de fer. Piganiol, Description de la France. * 2. SAINT-ETIENNE, montagne de l'isle de Santerini, dans l'Archipel. Elle est ainsi nommée d'une chapelle dédiée à ce faint. Il est bien extraordinaire, dit Tournefort, de voir un bloc de marbre enté, pour ainsi dire, sur des pierres ponces. Eft-il forti du fond des eaux ? ou s'eft-il formé depuis l'apparition de l'isfle? On voit encore au pied de la roche, sur une de ses collines, les masures d'une ancienne ville, & les ruines d'un temple à colonnes de marbre. Peut-être que c'étoit celui de Neptune, que les Rhodiens y bâtirent; mais le Scholiaste de Pindare remarque qu'il y en avoit un autre de Minerve, & que l'isle de Thera étoit consacrée à Apollon. C'est pour cela que Pindare l'appelle une ifle facrée. 3. SAINT-ETIENNE DE VIRO DEL SIL, abbaye d'hommes, ordre de saint Benoît, de la congrégation de Valladolid, en Espagne, dans la Galice, au diocèse d'O. ... rense, sur une montague, fondée au commencement du dixiéme fiécle; elle a sous sa dépendance plusieurs prieurés conventuels. SAINT-EVROUL, bourg de France, dans la Normandie, diocèse de Lisieux, en latin sanctus Ebrulphus, anciennement Uticum. Il est situé dans la forêt d'Ouche, à trois lieues de l'Aigle, à fix de Séez & de Bernay, à huit de Lisieux, & à dix-huit de Rouen. Ce bourg, où l'on tient marché tous les lundis, est remarquable par une belle & riche abbaye de bénédictins de la congrégation de saint Maur, qu'un étang sépare de l'église paroissiale, qui est dédiée à Notre-Dame. Cette abbaye, l'une des plus grandes & des mieux ornées de la province, fut fondée par saint Evroul. Elle est au pied d'une côte, couverte d'un bois, sur le bord d'un étang, dont l'eau fait aller un moulin de forge à fer. Son église, bâtie en croix & avec beaucoup de propreté, est grande & très claire. Elle a seize piliers de chaque côté dans sa longueur, & des bas côtés, avec une galerie qui regne tout autour du chœur & de la nef. Cette église a trois clochers. Le cloître, la facristie, le chapitre, la fale des conférences, le réfectoire & la bibliothéque font les lieux dignes d'être vûs. Il y a plusieurs grands ouvrages de menuiferie. Un quart de lieue au-dessus de SaintEvroul, la riviere, nommée Carentone, fort d'un grand étang, qu'on appelle Carenton. * Memoires dresssés sur les lieux en 1704. SAINT EUSEBE, S. Eufebius, abbaye d'hommes, de l'ordre de saint Benoît, au diocèse d'Apt. Elle est de la congrégation de Cluny, & fort ancienne. On fixe sa fondation à l'an 1004, d'autres la mettent antérieure à l'an 910. Saint Marcien en a été le premier abbé; son revenu est de deux mille cinq cents livres. SAINT-EUSTACHE, ifle de l'Amérique septentrionale, l'une des Antilles, située au nord-ouest de Saint-Christophle, & au fud-est de Saba, sur la hauteur de 17d 40', en latin Infula sancti Eustachii. Elle est petite; & quoique Herrera lui donne dix lieues de tour, on tient qu'elle n'en a guères plus de cinq. Ce n'est proprement qu'une montagne qui s'éléve au milieu en forme de pain de sucre. Elle releve des états généraux des Provinces-Unies. Ils y ont établi une colonie d'environ seize cents hommes, qui font tous logés commodément, & fort proprement meublés. Cette ifle est la plus forte d'affiéte de toutes les Antilles, parce qu'il n'y a qu'une bonne descente, qui peut être défendue facilement par un petit nombre de foldats. Ou tre cette fortification naturelle, on y a bâti un fort, qui, par la portée de fon canon, commande bien avant en mer, & fur la meilleure rade. Quoique le sommet de la montagne de cette ifle, dont on a tiré autrefois, & dont on tire encore aujourd'hui quantité de tabac, semble trèspointu, il ne laisse pas d'être creux, & d'avoir dans son centre un fond affez vaste pour entretenir un grand nombre de sauvagine, qui se plaît dans un lieu si retiré. Les habitans nourriffent toutes fortes de volailles sur leurs terres, & même des pourceaux & des lapins. Il n'y a point de fontaines dans cette isle; & presque tous les particuliers ont des citernes. Il y a aussi des magasins fournis de toutes les choses nécessaires pour vivre (commodément, avec une belle église, gouvernée par un pasteur Hollandois. Le pere Labat parle ainsi de cette ifle, où il n'a pourtant point abordé: L'isle de Saint-Eustache paroît composée de deux montagnes, séparées l'une de l'autre par un grand vallon, dont le rez-de-chauffée, pour ainsi parler, est élevé de plus de dix toises au-dessus du rivage. La montagne du côté de l'ouest, est partagée en deux ou trois têtes, couvertes d'arbres: sa pente jusqu'au vallon ne paroît pas trop rude. La montagne de l'est seroit bien plus haute que la premiere, si elle étoit entiere, mais elle paroît comme coupée aux deux tiers de la hauteur qu'elle devroit avoir naturellement. Elle fait à peu près le même effet qu'une forme de chapeau que l'on auroit un peu enfoncée. Cette isle nous parut fort jolie, & bien cultivée. Le fort paroît être au pied de la montagne de l'est: il faut cependant qu'il en soit à une distance raisonnable, qui ne me paroissoit pas de l'endroit où j'étois. Les François en ont été les maîtres deux ou trois fois. Il n'y a entre Saint-Eustache & Saint-Christophle qu'un canal de trois lieues de large. * Corn. Dict. Rochefort. Hift. des Antilles. Voyage de l'Amérique, t. 2, p. 296. SAINT-FARGEAU, Sancti Ferreoli Oppidum, ville de France, en Gâtinois, sur la riviere de Loin, au pays de Puisaye, à quatre lieues de Briare, diocèse d'Auxerre. On trouve des restes d'un lieu dit S. Ferreolus en ce diocèse, dès le sixiéme siécle; il en est fait mention dans le testament de saint Vigile, évêque d'Auxerre. On peut même dire qu'elle est le Feriolas super fluvium Lupa, que faint Didier, évêque, qui vivoit cinquante ans auparavant, donna à l'église de faint Germain. Comme ce lieu étoit rempli de bois, l'évêque Heribert I, qui aimoit la chasse, y fit bâtir un château vers l'an 990. Cette ville est réputée la princi. pale du pays de la Puisaye. Elle a eu plusieurs seigneurs célébres dans l'histoire, entr'autres Jacques Cœur sous le roi Charles VII. Antoine de Chabannes, comte de Dammartin qui en étoit seigneur sous Louis XI, y fonda un chapitre, dont le doyenné est annexé à la cure. Quatre de ces chanoines sont de sa fondation, & trois autres de celle de Jean le Bon fon fils, à la charge que leurs successeurs nommeroient seuls aux canonicats & doyenné alternativement avec l'abbé de saint Germain d'Auxerre, à qui la nomination de la cure appartenoit. L'église est sous le titre de saint Ferreol, martyr de Vienne. Cette terre fut érigée en duché dans le tems qu'elle étoit possédée par Madame de Montpensier. Le château, qui est fort ancien, a été embelli par les derniers seigneurs. Il y a aussi à Saint-Fargeau un couvent d'augustins. Le bailliage de Saint-Fargeau resfortit à celui de Montargis. SAINT-FARON, abbaye de France, dans la Brie, hors des murs de la ville de Meaux. Saint Faron, évêque de Meaux, la fonda l'an 642, & la fit bâtir sur son propre fond sous l'invocation de sainte Croix. Ses reliques y reposent, & elle en a pris le nom qu'elle a aujourd'hui. Elle vaut vingt mille livres de rente à l'abbé, & douze mille aux moines. Elle est aux bénédictins de la congrégation de faint Maur. SAINT-FERGEAU. Voyez SAINT-FARGEAU. SAINT-FERIOL, petit lieu de France, au Languedoc, dans le diocèse de Saint-Papoul, dans la vallée de Loudot. Au pied de la montagne noire il y a un réservoir de douze cents toises de longueur, sur cinq cents de largeur, & vingt toises de profondeur; de forte qu'il contient fix cents milles toises en sa superficie, & douze millions de toises en carré. Ce réservoir est toujours plein, & fournit en tout tems de l'eau au bassin de Naurousse, par le moyen d'une rigole qui l'y conduit. Pour le remplir lui-même, il a fallu amasser toutes les eaux d'alentour, & particulierement celle de la montagne noire. SAINT-FERME, lieu de France, en Guienne, dans le Bazadois, près de la riviere du Drot, à peu de distance de Libourne. Il y a une abbaye de l'ordre de saint Benoît, fondée en 1186, par Fremond de Bourdeaux. Ces religieux n'ont point reçu la réforme. Raimond, évêque de Bazas, & Raimond de Gentiac, donnerent ce monastère avec tous ses biens à celui de saint Florent de Saumur, & l'y foumirent avec son abbé, afin qu'il corrigeât les mœurs de ces moines, qui ne subirent pas volontiers ce nouveau joug. Nonobstant cela, ce monastère a toujours eu jusqu'à présent ses abbés particuliers qui portent l'habit & les ornemens épiscopaux. Ils ont, haute, moyenne & basse justice dans la ville. 1 SAINT-FIACRE, bourgade & prieuré de France, dans la Brie, au diocèse de Meaux, à deux lieues au midi de Meaux. Le titre du prieuré qui étoit à la collation de l'abbé de saint Faron est éteint. L'église a Notre-Dame pour premiere patrone, & faint Fiacre pour second. On y voit une pierre, dans une chapelle du côté du nord, qu'on regarde comme un mémorial du fait de la béquenaude dont il est parlé dans la vie de faint Faron. On vient de fort loin en pélerinage à cette église. La reine Anne d'Autriche, mere de Louis XIV, y fit présent d'ume magnifique châsle, pour renfermer quelques reliques du saint qui y reposent, le surplus étant resté à Meaux. Ce n'est que depuis le commencement du quatorziéme fiécle que la communauté de saint Fiacre devint de dix religieux, un peu après que l'abbé de saint Faron y eut donné tous les revenus venant des comtes de Champagne, dont Gaucher de Châtillon s'étoit désaisi en faveur de cette maison. La paroisse est du titre de faint Jean-Baptiste, à la nomination de l'abbé de faint Faron. Il y a sur son territoire une commanderie, appellée Dieu-Lamant, dont la chapelle porte le nom de saint Avoi. SAINT-FLOCEL, Sanctus Flocellus, village de France, dans la basse Normandie, au diocèse de Coutances, à un quart de lieue de Montebourg. Il paroît par d'anciens manuscrits, que c'est le lieu où fut transporté le corps d'un saint Flocel, qu'on a supposé martyrisé dans la premiere Lyonnoise. On peut voir là-dessus le mercure de juin 1730, deux volumes où l'on agite la difficulté sur le corps de ce saint, entre ceux de Beaune en Bourgogne, & les bas Normands. De très-anciens manuscrits font foi que de tems immémorial on faisoit des vœux à saint Flocel du Cotentin pour avoir lignée. Si on vouloit avoir un fils, on lui vouoit son valet, & fi l'on fouhaitoit une fille, on vouoit la servante. Les vœux s'y font aujourd'hui en volaille. Voyez LE MERCURE à l'endroit ci-dessus cité. 1. SAINT-FLORENT, petite ville de France, dans l'Anjou, sur le bord méridional de la Loire, à huit lieues de Nantes, & à pareille distance d'Angers. Elle est remarquable par son abbaye. 2. SAINT-FLORENT. Baillet observe que c'est le nom de trois abbayes, dont deux subsistent encore en Anjou. Saint Florent né en Poitou, prêtre, disciple de faint Martin, après la mort de fon maître, se retira dans une caverne de la montagne de Glonne ou Glan, sur la rive gauche de la Loire, au diocèse d'Angers, du côté de celui de Nantes, & il y finit ses jours. De son hermitage on fit vers la fin du septiéme fiécle un monastère qui subsiste encore aujourd'hui, sous le nom de faint Florent le Vieux. Ce monastère ayant été pillé & brûlé par les Normands, le comte de Blois, Thibaut , en fit rebâtir un autre dans le château de Saumur, où l'on déposa les reliques de saint Florent, qui donna encore le nom à cette abbaye. Elle fur détruite avec le château l'an 1025; mais on en bâtit une nouvelle auprès de la ville, vers le couchant, quatre ou cinq ans après. C'est celle qui s'appelle aujourd'hui SaintFlorent lez-Saumur, sur la petite riviere de Thoué, qui va se décharger de là dans la Loire. L'abbaye est sous la regle de saint Benoît, & ne se dit de nul diocèse, quoiqu'elle foit dans celui d'Angers. SAINT - FLORENTIN, Caftrum Sancti Florentini, ville de France, dans le Senonois, du côté de la Bourgogne, vers la décharge de la petite riviere d'Armance dans celle d'Armençon. Ceux qui ont cru qu'elle a tiré son nom d'un martyr de Bourgogne, appellé Florentin, n'ont su où placer la ville d'où son corps étoit venu, ni le lieu où il a été martyrisé, les uns l'ayant appellé Breme, d'autres Breves, d'autres enfin Bremur sur Seine; quelques-uns y ont même donné le nom de Semont, parce qu'en latin il ya Seudunum ou Pleudunum, & que Dunum signifie mont ou montagne; mais les historiens de ce transport découvrent qu'ils ont été mal informés, & que probablement toute la narration des dames Lemice & Dodelaine eit de leur invention. Il est vrai qu'il y a eu un martyr du nom de Florentin, dans le Charollois, proche Bremur, sur une montagne appellée Suin, don le non vient naturellement de Seudunum. Mais comment S. Aldric, évêque de Sens, sous Louis le Débonnaire, a-t-il pû en faire la réception solemnelle, si les reliques de saint Florentin étoient encore tant à Suin qu'à Blemur l'an 1094, comme on voit dans dom Mabillon. Sat. Bened. VI, part. 2, p. 806. Ce lieu s'appelloit Saint-Florentin dès l'an 1032, auquel Thibaud, comte de Champagne, donna le monastère à Odon, abbé de saint Germain d'Auxerre. Il y avoit des chanoines séculiers au commencement du douziéme siécle; mais Gervais, abbé de saint Germain, vint à bout d'y mettre des moines vers l'an 1140, du consentement d'Henri le Sanglier, archevêque de Sens. Il n'y a qu'une église paroissiale dans la ville de Saint-Florentin. L'église titrée primitivement de saint Martin, prit par la fuite le nom du patron du monastère. Guillaume aux BlanchesMains, archevêque de Sens, la donna en 1176 au doyen de Sens, pour dorer sa dignité. Le vicomté de SaintFlorentin a été plusieurs fois uni à la couronne, puis démembré. Les mouvances en sont considérables. Il y a dans cette ville un couvent de capucins établi en 1621. се, SAINT-FLOUR, Indiacum, ville épiscopale de Fran dans la haute Auvergne, dont elle prétend être la capitale. Saint Flour, premier évêque de Lodève, en Languedoc, prêchant en Auvergne, mourut en un lieu nommé Indiac ou Indiciac, vers l'an 389. Il y fut enterré, & son tombeau n'eut long-tems qu'un petit oratoire pour L ornement. Le pélerinage des peuples y forma depuis un bourg confidérable. S. Odillon, abbé de Clugny, l'ayant acquis dans le douziéme fiécle, y fit bâtir une église & un monastère, où il mit des religieux de son ordre. Il fit même entourer le bourg de murailles pour la sureté des habitans. Le pape Jean XXII y créant un évêché, en fit un des quatre nouveaux fuffragans de Bourges, & c'est le second fiége de l'Auvergne. L'évêque est seigneur de la ville, & en cette qualité la justice ordinaire lui appartient. Il y a un bailliage royal qui est du reffort d'Aurillac, & une élection. On vend aux foires qui se tiennent en cette ville quantité de mules & de mulets pour le Languedoc, l'Espagne & autres pays. Il se fait aussi à Saint-Flour un grand commerce de bled, cette ville étant comme le grenier d'un petit pays voisin, appellé la Planeize, lequel est très-fertile en feigle. Cette ville est peu considérable & pauvre, ainsi que les environs. Les habitans & ceux de la haute Auvergne se répandent dans les différentes parties du royaume, où ils font le métier de chauderoniers & de scieurs de bois, & s'en retournent tous les ans dans leur patrie au tems de la récolte. Le premier évêque de SaintFlour fut l'abbé de S. Tibery, au diocèse d'Agde, mais l'an 1318, il y mit le prieur de Saint Flour, appellé Raimond de Monstuejouls, que le même Jean XXII fit cardinal dans la suite, & transfera à l'évêché de S. Papoul. Les treize premiers évêques furent élûs parmi les religieux de S. Benoît. Entre ces évêques qui avoient été religieux, on diftingue frere Pierre d'Estain, qui fut transféré à l'archevêché de Bourges en 1368, & fait cardinal l'année d'après par le pape Urbain V. Il fut ensuite évêque d'Ostie, & mourut à Rome l'an 1377. Cet évêché renferme dans son diocèse trois cents paroisses, & vaut environ trente mille livres de rente.* Piganiol, Description de la France, t. 6, P. 445. Le chapitre de la cathédrale est composé de trois dignités & de dix-sept canonicats. Les dignités font l'archidiaconé, la trésorerie, l'archiprêtré. Les chanoines prêtres jouissent d'environ quatre cents livres de revenu; mais ceux qui ne sont point prêtres n'ont que la moitié. Il y a encore une église collégiale à Saint-Flour, composée d'un prévôt & de dix-huit chanoines. Le prévôt jouit d'environ deux cents livres de revenu, & les chanoines de cent livres. 1. SAINT-FRANÇOIS. Voyez au mot CAP. 2. SAINT-FRANÇOIS, habitation & paroiffe de l'Amérique, à la Guadeloupe, dans les Antilles, dans la grande terre. Elle comprend la partie la plus orientale de cette ifle. Il s'y trouve plusieurs falines. Elle est desservie par les capucins. 3. SAINT-FRANÇOIS, (Les isles de) isles de l'Amérique septentrionale, dans la nouvelle France, à l'entrée d'une baye, que forme le lac de Saint-Pierre, au sud. Il s'y décharge une jolie riviere, qui porte le même nom, & à l'entrée de laquelle les jésuites avoient une mission composée d'Abonaquis, d'Algonquins & de Sokokis. Il y a ausfi au même endroit, quantité d'habitations françoises, qui forment une affez bonne paroiffe. Les ifles, qui font au nombre de fix, ne sont point habitées, elles sont couvertes de très-beaux arbres, & ont de fort belles prairies. Le gouvernement de Montreal finit en cet endroit. Le P. de Charlevoix, Voyage de l'Amérique. 4. SAINT-FRANÇOIS, (LE LAC DE) lac de l'Amérique septentrionale, dans le Heuve de Saint-Laurent, audeffus de Montréal. Il a sept lieues de long. 5. SAINT-FRANÇOIS, (LA RIVIERE DE ) riviere de l'Amérique, dans la nouvelle France. Elle fort du lac de Buade, & se vient rendre dans le Missisfipi, à huit lieues au. dessus du Saut de saint Antoine de Padoue. On la nomme aufli la riviere des Issatis, d'autres la nomment riviere de Mendéoucanton. 6. SAINT-FRANÇOIS, (La riviere de) riviere de l'Amérique méridionale, au Brefil. Elle a sa four ce affez avant dans les terres, vers le 332d de longitude & les 11d 40 de latitude méridionale. Elle circule enfuite vers le nord oriental, se perd sous terre, & prenant enfuite son cours vers l'orient, elle coule entre la capitainie de Fernambouc & celle de Seregippe, & se perd enfin dans l'Océan aux confins de ces deux provinces auxquelles elle fert de bornes. SAINT-FROMOND, paroisse de France, en Normandie, au diocèse de Coutances. Il y a un prieur séculier qui nomme à la cure. Dans cette paroisse, sur le bord du marais & de la riviere de Vire, est l'ancien château appartenant à M. le marquis de Gratot. Cette terre est de plus de vingt-cinq mille livres de revenu: elle est très-noble, plusieurs paroitles & fiefs en relevent. SAINT FRUCTUEUX, abbaye d'hommes, ordre de saint Benoît, de la congrégation de Valladolid, en Espagne, dans sa vieille Castille, au diocèse & à fix lieues de Segovie. SAINT-FUSCIEN AUX BOIS, OU DES BOIS, village de France, en Picardie, au diocèse d'Amiens. Il y a une abbaye de l'ordre de saint Benoît & de la congrégation de saint Maur, fondée en 880 par Chilperic, felon Corneille, qui l'écrit sur des mémoires des PP. bénédictins, ou selon d'autres en 1105, par Enguerrant comte d'Amiens. 1. SAINT-GABRIEL, bourg de France, en Provence. Quelques-uns y cherchent l'Ernaginum des anciens. 2. SAINT GABRIEL, village de France, dans la Normandie, au diocèse de Bayeux. Il y a un prieuré & une jurisdiction dépendante de l'abbaye de Fescamp. 3. SAINT-GABRIEL, (Ifles de ) ifles de l'Amérique méridionale, vis-à-vis de Buenos Ayrès, dans Rio de la Plata. On donne souvent ce nom à la colonie du SaintSacrement, que les Portugais ont établie de l'autre côté du Aeuve. 1. SAINT GALL, abbaye de France, en Normandie, ordre de faint Benoît, à trois lieues de Coutance. Nous ne connoiflons point d'abbaye de ce nom en Normandie. 2. SAINT-GALL, ville de Suisse, dans le haut Thourgaw, à deux lieues du lac de Constance, dans un vallon étroit & stérile, entre deux montagnes qui la ferrent dans toute son étendue, au nord & au midi; mais à l'orient & à l'occident le pays y est ouvert, quoique fort sauvage. La petite riviere de Steinach sert à faire tourner ses moulins, & celle qu'on appelle Iren ou Iron, fournit de l'eau à ses fossés. Saint-Gall doit son accroissement à l'abbaye qui est dans son enceinte. Au dixiéme siècle elle n'étoit encore qu'un bourg : mais à cause des ravages que les Hongrois faisoient dans l'Allemagne, & jusques dans la Suiffe, on commença dès l'an 954 à fermer Saint-Gall de murailles, & à la fortifier, en y construisant des tours, & en la bordant de larges fossés, ce qui fut achevé l'an 980. Aujourd'huiellen'a point d'autre fortification, & ses foflés ne ser. vent qu'à nourrir des cerfs, comme ceux de Berne. Les rues de cette ville font belles & larges: il y a de bonnes maifons bien entretenues, & divers édifices publics, entr'autres les églises de faint Laurent & de saint Magnus, l'hôtel de ville & l'arcenal. A demi-lieue de la ville on voit un vallon étroit & extrêmement profond, creusé par la petite riviere de Goldach, nommé Martins-Thobil. On le passe sur un pont d'une structure admirable, bâti l'an 1467, qui a cent dix pieds de long, quatorze de large, & quatre-vingt-feize de haut. Il y a une bibliothéque publique dans le couvent de sainte Catherine: elle appartenoit autrefois au célébre Joachim Vadianus ou Von der Watt, bourguemestre de Saint-Gall. Dans le sixiéme siécle ce grand homme la donna à ses concitoyens, comme on l'apprend par une belle inscription latine qu'on y voit. Il fut dans son tems le restaurateur des belles lettres en Suiffe, & étoit très-considéré dans tous les cantons. Il mourut l'an 1551 le 28 de janvier. Le terroir de Saint-Gall ne produit que de l'herbe: tellement qu'il ne fort de cette ville ni laboureur ni vigneron, ni charrue ni berger; ce qui est fort fingulier, & ne se trouve guères ailleurs. Cependant les habitans y font riches la plupart. Les environs de la ville sont parfemés de belles maifons de campagne. Ils ont suppléé par leur industrie à la stérilité du terroir, & obtenu, par le secours de l'art, ce que la nature leur avoit refusé. Leurs richeffes leur viennent de leur grand négoce, & particulierement de leurs toiles, qui font en réputation. D'ailleurs étant affez près du lac de Constance, & fur la route de l'Allemagne en Italie, leur ville fert comine de canal de communication d'un pays à l'autre, & leurs halles font les magasins des marchandises qui vont & viennent. Ils se répandent en divers lieux pour négocier. Il y en a même en Espagne. Ils font tous de la religion proteftante; & quoique de langue allemande, ils ont recueilli parmi eux une petite église françoise, qui s'y étoit retirée, & ont entretenu un pasteur pour son éducation. Quant au gouvernement de cette ville, dans fon commencement, lorsqu'elle n'étoit encore qu'un village, ou tout au plus un bourg, elle étoit fous la domination de ses abbes; mais dans la suite elle fut affranchie, en partie par les empereurs, & en partie par les abbés même; tellement qu'aujourd'hui elle fait une petite république, libre depuis plusieurs siécles. Dans le dixiéme fiécle, l'empereur Othon I, ou le Grand, lui donna le droit de battre monnoie, & titre de ville impériale. Quelques empereurs, qui n'aimoient pas les abbés de SaintGall, l'ont foutenue contr'eux ; & quelques abbés mêmes ont vendu de tems en tems divers priviléges aux bourgeois. L'abbé ne posséde dans la ville que quelques fiefs liges. L'hospitalier de la ville lui fait hommage pour diverses terres que l'hôpital posséde dans le Rheintal, le Thourgaw, le Tockebourg & le canton d'Appenzell. Les appellations du pays de l'abbé se portent devant une chambre de justice, dont l'abbé nomme la moitié des membres, avec le président, & la ville élit l'autre moitié. Ces membres ne pretent ferment ni à l'abbé ni à la ville, mais à Dieu seulement. La connoissance des causes criminelles appartenoit ancien nement à un prévôt de l'Empire; mais ce droit fut donné à la ville l'an 1401. Elle a deux conseils, un grand de quatre-vingt-dix personnes, & un petit de vingt-quatre, & trois chefs, qu'on nomme bourguemestres, qui président tour à tour. Les bourgeois sont partagés en sept tributs; une de noble qu'on appelle la compagnie de Nothestein ou Notfestein, & fix d'artisans, dont la premiere & la plus considérable est celle des tisserans. Chaque tribu a trois chefs, que les membres de la tribu choisissent eux-mêmes, & ils sont confirmés par le petit conseil. Les bourguemestres sont élûs par toute la bourgeoisie. Des trois chefs ou maîtres des tribus, il y en a deux qui sont du petit conseil, & un du grand. De chaque tribu on choisit onze conseillers pour former le grand conseil, & l'un des chefs de la tribu est le premier. Aux maîtres des tribus, qui composent une partie du petit conseil, on joint neuf autres conseillers, qui font choisis par le conseil même, & tirés, soit de la compagnie des nobles, soit des fix tribus bourgeoises. Ceux de Saint-Gall sont francs de péage à Nuremberg, en vertu de l'alliance faite entre ces deux villes en 1383. Saint-Gall en fit encore une en 1454, avec fix cantons, Zurich, Berne, Lucerne, Schwitz, Zug & Glaris. L'ABBAYE DE SAINT GALL, dout l'abbé est le premier confédéré des treize Cantons Suisses, est dans l'enceinte de la ville: elle est cependant séparée de la ville par une enceinte de murailles, & il y a une porte de communication, que les moines & les habitans ferment chacun de leur côté. L'abbaye fait partie du L. Corps Helvétique: elle est alliée avec les treize Cantons, & particulierement avec ceux de Zurich, de Lucerne, de Schwitz & de Glaris. Elle tire son nom, comme la ville, du premier habitant du lieu, connu sous le nom de Saint-Gall, en latin sanctus Gallus, ou Gallunus. Selon une ancienne tradition il étoit disciple d'un Ecossois de nation, & de race royale, qui vint prêcher l'évangile dans la Suisse. Il y en a même qui le font petit-fils d'un roi d'Irlande, nommé Unuchun. Ce qu'il y a de certain, est qu'il nâquit de parens nobles, qui l'offrirent tout jeune au monastère de Rencor. Il fut disciple de saint Colomban, avec lequel il vint en France, demeura avec lui à Zug en Suifle, à Arben & à Bregents, près du lac de Constance, où ils habiterent dans des cellules près de la chapelle de sainte Aurélie. Il est incertain si ce fut en Irlande ou en France qu'il fut ordonné prêtre. La réputation de vertu & de sainteté, que s'acquit saint Gall, engagea Gozon, duc des Allemands, de lui offrir l'évêché de Constance, qu'il refusa. Il chassa le démon du corps de Fridberge, fille de ce même Gozon, & femme de Sigebert, roi des François, & ce fut en reconnoissance de ce bienfait que Sigebert lui donna un grand terrein aux environs de son hermitage. Cette premiere conceffion s'accrut peu à peu par les donations & legs pieux que les habitans du voisinage ne cefferent de lui faire dans la suite. L'époque de la mort de saint Gall tombe, selon l'abbé Longuerue, en 627, selon l'auteur de l'état & des délices de la Suisse, en 650, & felon les annales bénédictines, en 666. Ce fut dans la ville d'Arben qu'il mourut. Ce ne fut que du tems de Charles Martel qu'Othmar, qui a été aussi mis au rang des saints, y fut établi premier abbé, & que la regle de saint Benoît y fut introduite; car auparavant les folitaires ou hermites, qui habitoient ces lieux, de suivoient la regle de saint Colomban. Cette abbaye reçut alors & dans la fuite, tant de conceffions de Charles Martel, de Louis le Débonnaire, de Louis le Gros, & de divers autres princes, qu'elle devint riche & puissante; elle parvint même à un tel degré de puissance du tems de l'abbé Burchard, cousin germain de l'empereur Henri I, que les terres qu'elle acquit formerent une belle principauté, & que l'on vit ses abbés revêtus du titre de prince de l'Empire en 1215; l'un d'eux même parut à Strasbourg, suivi de mille chevaux. La science des religieux, qui instruisoient la jeune noblesse des environs, contribua encore à l'agrandissement de cette abbaye. C'est à ces religieux qu'on doit une partie des premiers siècles de l'histoire de France. Gosbert, leur second abbé, y ramassa une bibliothéque l'an 816, en même tems qu'il bâtit magnifiquement l'abbaye ; & cette bibliothéque s'étoit tellement accrue, qu'elle paffoit pour l'une des meilleures de l'Europe, particulierement pour les manuscrits. On y en voyoit plus d'un millier, & l'on y admiroit entr'autres un manuscrit des pseaumes sur de l'écorce d'arbre; un codicile, où les lettres sont écrites sur de la cire en caractères romains; une médaille, représentant une tête dereine, avec ces mots, ΑΡΤΕΜΙΣΙΑΣ ΒΑΣΙΛΙΣΣΑ, & sur le revers un mausolée; un grand globe fait & donné par Luc Stockle, apothicaire de Constance, & Suzanne Freytag sa femme, le 18 octobre 1595; un œuf de coq; un nouveau testainent grec & latin, en parchemin, de la main de Natker Babul, &c. mais le tout fut enveloppé dans les désolations de la guerre de 1712, & partagé par égale portion entre les deux cantons de Zurich & de Berne, à l'exception de ce que l'abbé avoit pû sauver. Cependant des mémoires portent que ces membres disperfés ont été enfin rejoints, & remis dans leur ancienne place après la paix en 1718. L'abbaye de faint Gall a été plus puissante autrefois qu'elle ne l'est aujourd'hui. La ville en dépendoit à certains égards; mais elle avoit de tout tems de très-grands priviléges, qui lui avoient été accordés par les einpereurs. Ce mélange des priviléges des bourgeois & de la puissance de l'abbé, engendra une infinité de différends, qui furent enfin terminés à l'amiable par le rachat que les bourgeois firent de leur liberté. Une partie du canton d'Appenzel dépendoit encore autrefois de l'abbé; mais les habitans se sont rachetés par la même voie. Le changement de religion, dans une partie de ses sujets, lui a enlevé beaucoup de revenus cafuels. Cependant il reste encore affez de terres à l'abbé pour composer une principauté raisonnable: il en a tout autour de faint Gall, bien avant dans le Thourgaw, & de toutes parts à la ronde jusqu'au lac de Constance. Il y a du côté de Ravensbourg des châteaux & des couvens qui lui appartiennent. Mais l'on ne parle ici que des terres qu'il posléde dans l'enceinte de la Suiffe. Ces terres sont distinguées en deux parties, savoir les anciens sujets, qu'on appelle en allemand Gots-hauss Leut, c'est-à-dire, gens de la maison de Dieu, (nom qui vient de ce que les Allemands appellent ordinairement dans leur langue un monaftère ou une église cathédrale, Gots-hauff, ce qui signifie maison de Dieu,) & les nouveaux sujets, qui font les habitans de Tockenbourg. L'abbaye de saint Gall est bâtie avec la magnificence convenable à ses richesses. L'église nommée en allemand, Munster, c'est-à-dire, Moutier, est riche & magnifiquement ornée; ainsi que le palais de l'abbé, qu'on appelle en allemand Pfaltz, & le corps du logis où demeurent ordinairement cent religieux, avec divers autres bâtimens, des jardins & des vergers. Cette abbaye étoit autrefois toute ouverte du côté de la ville; mais on la ferma de murailles l'an 1570. Aujourd'hui cette maison a pour enceinte d'un côté une partie des murailles de la ville, qui la touchent, avec une porte qui conduit à la campagne, dont les abbés sont maîtres, & de l'autre la nouvelle muraille. Les abbés étoient autrefois élus par les religieux, par les bourgeois de la ville, & par les gentilshommes valsaux de l'abbaye; mais dès le treiziéme fiécle les religieux ont exclu tous les laïques du droit de fuffrage. En 1529, la religion protestante fut introduite dans l'abbaye de saint Gall. Cet évenement paroît affez important pour être rapporté. Quoique l'abbaye de saint Gall ne fût en aucune façon à l'autorité de la ville, les magiftrats, qui avoient embrasse la religion réformée, s'aviserent par zéle, par jalousie, ou |