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général à plufieurs peuples qui étoient diftingués l'un autre par un nom particulier, & qui néanmoins veent tous des Sabins. Ces peuples étoient:

I. PICENTES, dont le pays nommé Picenum, comprenoit une partie de la Marche d'Ancone, & une partie de l'Abruzze. On y ajoute l'Ager Palmenfis, le pays autour d'Ascoli; le Pratutianus Ager, le pays autour de Teramo; & l'Adrianus Ager, le pays autour d'Atri.

II. VESTINI, dont le pays répondoit à cette partie de l'Abruzze ultérieure, entre le fleuve de la Piomba & la Pescara.

III. MARRUCINI; leur pays eft aujourd'hui le territoire de Chiéti, dans l'Abruzze citérieure.

IV. FRENTANI; leur pays eft aujourd'hui une partie de l'Abruzze citérieure, & une partie de la Capitanate. Leurs rivieres étoient le Sangro, le Trigno, le Tiferno & le For

tore.

V. PELIGNI, dont le pays répondoit à la partie de l'Abruzze citérieure qui eft autour de Sermona, entre, la Pescara & le Sangro.

VI. LES MARSES, dont le pays comprenoit une partie de l'Abruzze ultérieure, autour du lac de Celano, le Fucinus Lacus des anciens.

VII. LES SAMNITES, proprement dits, dont nous marquerons le pays dans leur article particulier.

VIII. Enfin HIRPINI, dont le pays répondoit à la principauté ultérieure.

On peut voir ce qui regarde ces peuples dans leurs articles particuliers.

2. SAMNITES (les) proprement dits ou les vrais Samnites,
occupoient la partie de l'Abruzze fupérieure, tout le comté
de Moliffe, avec des parties de la Capitanate & de la terre
de Labour. Ils avoient les Peligni & les Frentani au nord,
la Pouille Daunienne au levant, les Hirpini & la Campa-
nie au midi, & les Marfi au couchant. Le pays fitué entre
ces peuples étoit le vrai Samnium, & étoit partagé entre
les Caraceni, à qui Prolomée, l. 3, c. 1, attribue la ville
ďAufidena & les PENTRI au midi, dont parle Tite-Live,
qui dit que leur capitale étoit nommée BOVIANUM, 1.9,
C. 31. Inde victor exercitus Bovianum ductus ; caput hoc erat
Pentrorum Samnitium longe ditissimum atque opulentiffimum
armis virisque.

3. SAMNITES (les) furent nommés Sabelli: comme
de Scamnum on fait Scabellum, de même Sabelli eft venu de
SAMNITES. Voyez Sabins & SABELLI. Strabon dit formel-
lement que les Picentes & les Samnites tiroient leur origine
des Sabins; le corps de ceux-ci fut partagé en deux; la
partie établie à l'occident garda le nom de Sabins: celle
qui s'étendit à l'orient s'appella d'abord Zaßira, enfuite
Σάβνιται,
dont les Grecs firent Zavira, fur quoi les Ro-
mains les ont appellés Samnites. Pline, 1. 3, c. 12, dit que
les Samnites étoient nommés Saunites par les Grecs. Aufi-
dena Samnitium quos Sabellos & Graci Saunitas dixerunt
colonia. Le nom de Sabelli a été employé par Tite-Live,
par Virgile, par Horace, & par d'autres écrivains de bonne
latinité, qui ont entendu par ce mot les Samnites, foit fans
étendue, foit dans le fens propre.

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Je m'étonne qu'entre les villes des Samnites, il n'ait pas mis Sapinum ni Tuticum, qui eft l'Equoruticum de Cicéron, que les interprétes de Ptolomée expliquent par Trivetto. Mais ce pere met pour cette derniere place Equus Tuticus, (il la nomme ainfi, & lui donne pour nom moderne Ariano,) il la place chez les Hirpini, quoique Ptolomée donne Sapinum & Tuticum aux Samnites.

SAMNONIUM PROMONTORIUM, promontoire de l'ifle de Créte, dans fa partie orientale, felon Corneille. Mais Ortelius & Ptolomée difent SAMONIUM. Voyez ce

mor.

SAMO. Voyez SAMOS.

SAMOEN, village de Savoye, dans le haut Foucigni, entre les montagnes & la riviere. On y tient un marché fameux. Son fromage nommé Vacherine eft excellent, & fe diftribue aux nations étrangeres. L'abbaye de Six n'eft pas loin delà.* Corn. Dict. & Davity.

mais

SAMOGIA, village d'Italie, dans la Lombardie, entre Bologne & Modene, à trois lieues de l'une & de l'autre de ces deux villes. Miffon obferve dans fon voyage d'Italie, qu'à l'entrée de la nuit on voit autour de ce village la campagne toute couverte de mouches luifantes, qu'on appelle Lucioles, qui font de la forme d'un hanneton, bien plus petites. Elles ont le bas du corps rempli d'une matiere presque liquide & de couleur de citron, & à chaque coup d'aile que donnent ces mouches, cette matiere jette un trait de feu qui reffemble à l'étincellement d'une étoile.

à

SAMOGITIE, en latin Samogitia, province de la Pologne. Elle a la Curlande au feptentrion, la Lithuanie l'orient, la mer Baltique à l'occident, & la Pruffe royale au midi. Elle a foixante-dix lieues de longueur, & environ cinquante de largeur. Les Eftici qui firent long-tems tête aux Venédes, partagés en diverfes nations, habiterent anciennement cette province. Ces peuples haïffoient beaucoup les chrétiens. Ils pouffoient l'idolatrie jusqu'aux derniers excès. Ils avoient un nombre infini de dieux. Le plus grand de tous étoit Auxcheias Viffagiflis, le roi tout-puiffant, & ils appelloient les autres Zemopacii, ou dieux de la terre. Ils adoroient le foleil, les autres aftres, les eaux, les ténébres, & chaque espéce d'animaux avoit encore fon dieu tutelaire. Jagellon, étant devenu roi de Pologne, convertit Ce peuple étoit extrêmement belliqueux, & l'un des plus une partie de ce peuple en 1413, & fit un fiége épiscopal braves d'Italie. Les Romains ne les fubjuguerent que fort en la ville de Midnick: après avoir éteint le feu facré difficilement. Florus les accufe d'avoir immolé des victimes qu'ils entretenoient fur le haut d'une montagne, auprès du humaines, pour engager les dieux à la deftruction de Rome. Heuve Neviasza, il fit couper les arbres des forêts qu'ils Ils combattoient avantageufement dans les montagnes de adoroient, & tuer tout le gibier & les bêtes qui étoient l'Apennin, dont leur pays eft hériffé. On fut cinquante ans dedans, & qu'ils tenoient dignes de vénération. Après la (Tite- Live dit foixante-dix) à les réduire, & l'on fit un fi mort du roi Jagellon, les chevaliers Teutoniques acquirent grand ravage dans leur pays, on leur démolit tant de villes, la Samogitie du roi Cafimir, en 1446 ; & enfin, Albert que le Samnium, fi puitfant au commencement de cette de Brandebourg, grand maître de leur ordre, s'étant emguerre, n'étoit plus reconnoiffable. Ils fournirent aux géné- paré de la Pruffe, cette province fut incorporée au royaume Taux de Rome la matiere de quatre triomphes. On peut voir de Pologne. Son nom en langue du pays fignifie TERRE dans Tite Live, & plus brièvement dans Florus, quelle BASSE, non pas qu'il n'y ait des forêts & des r fut leur destinée. Leurs villes, felon le pere Briet, Parall. mais parce qu'elle est à l'extrémité de la Lithuanie. Le part. 2, l. 5, c. 7, n. 7, p. 615 & 621, dont je me fers eft bon, mais de peu de rapport en grains, parce que les beaucoup en cet article, étoient

Beneventum, aujourd'hui Benevent.
Aufidena, aujourd'hui Alfidena.
Triventinum, aujourd'hui Trivento.
Bɔvianum, aujourd'hui Boiano.
Triventum, aujourd'hui Melice.

montagnes ›

pays

habitans ne font occupés que de leur miel & de leurs troupeaux. Ils fe foucient peu de fer, & ne s'en fervent ni à leurs charrues, quoique la terre foit forte, ni aux chariots qui font tous chévillés & accommodés de bois. Leur façon de vivre a long-tems tenu des Tartares, la plûpart étant errans dans les bois avec leurs troupeaux & leurs familles, jusqu'au regne de Sigismond Augufte, qui cut peine à

leur perfuader de bâtir des maifons & de vivre en fociété. Ces mailons font un méchant toit de terre, de paille & de claye. Le feu fe fait au milieu, & la fumée fort par une Ouverture qui eft en haut. Le meurtre, le larcin, la paillardife font fort rares parmi eux. Les filles font élevées dans le menage, & marchent la nuit avec une torche à la main, & deux fonnettes à la ceinture, afin que le pere foit averti de ce qu'elles font: leur tempérance fait que plufieurs pasfent trente ans ainfi. Ils ne marient ordinairement leurs enfans, fils ou filles, qu'à cet âge. La Samogitie eft entrecoupée de bois & de montagnes presque inacceffibles, & produit des chevaux admirables par leur légéreté. On trou ve dans les forêts toutes fortes de bêtes fauves, & particulierement des élans. La province eft divifée en trois gouvernemens, qui tirent leur nom des villes de Rofienie, fur la riviere de Dubifle, de Midnick, fur le Wirvits & de Poniewicfs. Elle a un ftarofte pour le temporel : il a rang parmi les grands fénateurs. Quant à ce qui regarde le fpirituel, elle cft gouvernée par un évêque, qui fait fa réfidence à Midnick, autrement Warmie. Il eft fuffragant de l'archevêque de Gnesne.

umes après les autres, jusqu'à ce qu'ils meurent : lorsqu'ils en font attaqués, ils ne cherchent aucun reméde, & fe voyent mourir tranquilement. Ils vivent fous des hutes qu'ils transportent dans les forêts pei dant l'hiver, parce qu'ils fe nourriffent alors de challe; pendant l'été, ils les transportent fur des rivieres pour être à portée de la pêche. Les peaux de poiffon font leur habillement d'été ; & les peaux d'élan & de rennes, font celui d'hiver. L'..ic, la Héche, un couteau, une hache & une marmite, tout au plus, font toutes leurs richelles. Les raclures d'un certain bois leur tiennent lieu de lits; les rennes & les chiens leur fervent de chevaux. Ils payent leurs tributs à la Rutlie en pelleteries. Hift. généalogique des Tatars, p. 485 & fuiv.

Depuis les voyages d'Olearius & de le Brun, la plûpart des Samoiedes ont recu le baptême, par les foins de Pierre le Grand, & de l'impératrice Catherine fa femme.

SAMONIUM PROMONTORIUM, promontoire de lifle de Créte, dans fa partie orientale, felon Ptolomée, 1. 3, c. 17, qui met de ce côré là deux promontoires, dinoROSIENNE, en latin Rofienia, eft une petite ville capi- nium & Zephyrium Eauxcov. Strabon, 1. 10, l'appelle tale du pays. MEDNICY, OU MIDNICK, OU WARMIE, eftir Zapovov, Samonium orientale. Pomponius Miela écrit de une autre petite place, fiége & réfidence de l'évêque de Samogitie. BIRZE OU BIRSEN, eft une ville aux frontieres de Curlande. La Samogitie fe partageoit autrefois en douze petits bailliages, mais on n'y connoît plus d'autre divifion que celle des trois gouvernemens dont on a parlé.

1. SAMOIEDES, (les) peuple de l'empire Ruffien dont il occupe la partie feptentrionale, depuis les bords occidentaux de la Guba Tallavkoya, jusqu'aux environs de la ville d'Archangel & la riviere de Dwina.* Hift généalogique des Tatars, p. 485.

2. SAMOIEDES, ou mieux SAMOYEDES, (les) peuple de la Sibérie, qui habite entre l'Oby & la Lena. On les nomme Samoyedes Mantzela, pour les diftinguer de ceux qui font dans la Ruffie, desquels il eft parlé dans l'article précédent. Ceux de la Sibérie font extrémement pauvres, & fingulièrement ftupides & pefans. Leur extérieur tient beaucoup de celui des Callmoucks, fi ce n'eft qu'ils ne font ni fi bien faits ni fi grands; ils ont la bouche vilaine, les levres pendantes. Ils descendent des anciens habitans du pays, ainfi que les autres peuples de la Sibérie, qui font paiens. Leur religion confifte en quelques honneurs qu'ils rendent au foleil, à la lune, & dans le culte de leurs idoles, dont ils ont deux espéces : les publiques, qui font en vénération à tout le peuple; & les particulieres, que chaque pere de famille fait lui-même pour leur adreffer fes prieres & fes vœux. Les publiques & les particulieres, ne font communément que des buches arrondies, au bout desquelles on a formé une espèce de tête, avec un nez, une bouche, & des yeux fort grafliérement faits. Leurs idoles publiques font un peu mieux faites : ils en ont quelques-unes de fonte, qui leur font, fans doute, venues de la Chine ou de quelqu'autre peuple policé. Lorsque les Samoyedes croyent que , leurs idoles particulieres ne prennent pas allez d'intérêt à ce qui les regarde, ils les attachent à une corde, les trainent par la boue, fouvent les jettent dans le feu ou dans la riviere. Mais lorsqu'ils croyent avoir à fe louer de la protection de ces idoles, ils leur font toutes fortes d'honneurs à leur maniere : ils les couvrent de peaux de renards noirs & de zibelines, les placent à l'endroit le plus honorable de leurs cabanes, leur frotent la bouche avec la graiffe de poillon, & leur préfentent le fang de quelque bête fraichement tuée, comme pour leur fervir de boiffon. Ce qu'on a tépandu au fujet du commerce qu'ils ont avec le diable, n'eft fondé que fur leur ignorance & ieur ftupidité. Il est vrai qu'il s'en trouve parmi eux qui prennent le nom de forciers; mais ce font des fourbes qui abufent de la fimplicité de leurs compatriotes. Ces peuples n'ont d'autres loix que celles que leur prescrivent leurs peres: ils prennent autant de femmes qu'ils en peuvent nourrir & ne se mettent guères en peine du lendemain Ils acquittent cependant foigneufement leurs dettes, ne font mal qu'à ceux qui commencent à leur en faire, rendent avec fcrupule les honneurs & devoirs à leurs morts, & font d'une grande réfignation fur les accidens de la vie. Comme leur nourriture eft très mal faine, & ne confifte, pour la plûpart, qu'en viande ou poiffon crus, ils font tourmentés de maladies fcorbutiques, qui infectent les parties de leurs corps les

même Samonium, mais Pline écrit Sammonium, par deux mm. Ce redoublement de l'm eft fondé, la premiere tient la place de l': on a dit Salmonium, puis Sammonium, & Samonium. Denis le Periegete, v. 110, dit le promentoire

SALMONIDE.

Μακρὸν ἐπ ̓ ἀντολίκτ, Σαλμωνίδος άχρι καρήνει,
Ην Κρήτης ἐνέπεσιν ἑώιον έμμεναι άκρην.

C'est à dire, bien avant vers l'orient jusqu'au promontoire Salmonide, qui paffe pour être le cap le plus oriental de ille de Créte. Dans les voyages de faint Paul, il est fait mention de ce cap, au fujet de fa navigation à Rome, & il palla tout auprès. Les actes des Apôtres la nomment fimplement SALMONE: Uλeuraμer Tv Epúzпv xaτà Zanuari, nous paflames au-deffous de l'ifle de Crete, auprès de Salmone, Ce même cap a été nommé le CAP SALMONE, & avec le tems, de bonnes gens ont cru que ce mot étoit abrégé de Salomon, cette idée, quoique fans fondement, n'a pas laille de produire un ufage aflez fuivi, & on dit aujourd'hui le CAP SALOMON, lorsqu'on parle de ce cap.

1. SAMOS, ifle de la mer Méditerranée, fur la côte de l'Afie mineure, entre l'Ionie à l'orient, & lule d'Icarie aujourd'hui Nicarie au couchant, au midi du golfe d'Ephefe. On la nomme encore aujourd'hui SAMO. Elle eft préfentement fous la domination du Turc, & eft féparée de la Natolie, par le détroit de Mica.es. Du tems de la Gréce floriffante, cette ifle étoit fort peuplée & cultivée. On voit encore au plus haut des montagnes, de longues murailles faites pour arrêter les terres. je ne crois pas qu'il y ait préfentement dans Samos, plus de de douze mille hommes tous du rite grec. Il n'y a que trois maifons de Turcs: celle du cadi, celle de l'aga, qui demeurent tous deux à CORA, & celle d'un fubdélégué de l'aga, qui fait fa résidence à CARLOV ASSI, cu au VATI, féjour du vice-conful de France. L'aga proprement n'eft qu'un vaivode envoyé pour lever la taille réelle. * Tournefort, Voyage, t. 1, p. 157.

Tous les ans on établit un adminiftrateur ou deux dans chaque village, excepté à Cora, au Vati & à Carlovasfi, où l'on élt, deux papas & quatre bourgeois: à leur défaut des patrons de caiques, ou des laboureurs. Les papas mêmes ne font que des pay fans promus aux ordres, fans autre mérite que d'avoir appris la melle par cœur. Il y en a plus de deux cents, & le nombre des caloyers est encore bien plus grand : ainfi les gens d'égite font les maîtres de l'ifle. Ils y poffedent fept monaftères, NotreDame de la Ceinture, Havaya lalovy. Notre Dame du Tonnerre, Пavaya Bovde, la grande Notre-Dame, пavayla μɛychy. S. Hélie, Ayos Hasa, le couvent de la Croix, Erfœupes. faint George, Ayios Fewpyros, & faint Jean, Ayios

Θεολόγος.

Il y a quatre couvens de religieufes dans Samos; l'un a faint Hélie, l'autre proche la grande Notre-Dame, le troifiéme à Bavonda, & le dernier au monastère de la Croix; de plus on nous affura que l'on y comptoit plus de trois cents chapelles particulieres.

L'évêque de cette ifle, qui l'eft auffi de Nicaria, réfide à Cora, & jouit d'environ deux mille écus de rente. Outre les biens de l'églife, il tire un revenu confidérable de la bénédiction des eaux & des troupeaux, qui fe fait au commencement de mai. Tous les laitages & les fromages, qui fe font le jour de la bénédiction, appartiennent à l'évêque: on lui donne auffi deux bêtes de chaque trou

peau.

pas

Les Samiens vivent affez heureufement, & ne & ne font maltraités des Turcs. L'ifle doit payer niille deux cents quatre-vingt-dix billets de capitation à cinq écus le billet: ce qui fait fix mille quatre cents cinquante écus. L'aga qui met fon cachet fur chaque billet, exige encore un écu, & les papas qui fe mêlent de tout, & qui font la répartition des billets, retirent dix fols par billet; de forte que les particuliers payent fix écus dix fols deux timins. La douane de l'ifle ne s'afferme que dix mille écus on croit que l'aga qui en exige les droits, y gaghe bien autant: quand un Grec meurt fans enfans mâles, l'aga hérite de tous les champs labourables : les vignes, les champs plantés d'oliviers, & les jardins appartiennent aux filles, & les parens ont le droit de rétention, lorsque les terres fe vendent. L'aga profite auffi de quatre ou cinq cents livres de foye; cette marchandise paye encore d'ailleurs quatre pour cent à

la douane.

Les Femmes de cette ifle font mal faites, mal propres : elles ne prennent de linge blanc qu'une fois le mois. Leur habit confifte en un doliman à la turque, avec une coëfe rouge, bordée d'une trefle jaune ou blanche, qui leur tombe fur le dos, de même que leurs cheveux qui le plus fouvent font partagés en deux treffes, au bout desquelles pend quelquefois un trouffeau de petites plaques de cuivre blanchi, ou d'argent bas, car on n'en trouve guères de bon aloi dans ce pays.

La taille réelle de Samos eft d'environ douze mille écus. On prend le dixiéme de toutes fortes de grains & de fruits, fur les oignons & les calebaffes; on y recueille beaucoup de melons & de pafteques, de feves, de lentilles, de haricots. Les muscats font les plus beaux & les meilleurs fruits de l'ifle : dans le tems qu'ils font murs, les vignes font remplies de monde, chacun en mange autant qu'il veut, & choifit. Le vin en feroit bon, fi on favoit le faire & le mettre dans des futailles; mais les Grecs font malpropres, & d'ailleurs ils ne peuvent s'empêcher d'y mettre de l'eau. Néanmoins j'ai bu de fort bon vin muscat à Samos, qu'on avoit fait avec foin pour nos marchands de Smyrne; mais il fentoit moins le grain que le muscat de Frontignan. On recueille environ trois mille barrils de muscat à Samos. Chaque baril pese cent cinquant huit livres, cinquante oques quatre onces, & la charge de ce vin, qui eft un baril & demi, fe vend fur les lieux, depuis quatre francs jusqu'à fept livres dix fols; celle de vin rouge ne vaut que quatre francs ou cent fols: ce vin eft foncé & feroit bon, s'il n'étoit pas mêlé d'eau ; on le porte à Scio, à Rhodes & à Napoli de Romanie. Les Grecs qui achetent le vin dans l'ifle payent quatre ou cinq pour cent de droit de fortie, fuivant le caprice du douanier : les François n'en payent que la moitié : le vin ne doit aucun droit au grand feigneur; mais chaque pièce de vigne Espos, de cinquante pas de long, fur vingt de large, lui doit quarante fols par an, une ifolote.

On leve fur l'huile une taille réelle fur le pié du dixiéme. Les Grecs doivent pour le droit de fortie de cette marchandise quatre pour cent, & les François deux pour cent; mais la récolte ne paffe guères huit ou neuf cents barils, qui pefent cent cinquante- huit livres.

On charge ordinairement dans cette ifle, tous les ans, trois barques de froment pour France, chaque barque contient huit ou neuf cents mefures faifant foixante mille ou foixante-fept mille cinq cents pefant, car chaque mefure eft de foixante-quinze livres. La mefure s'appelle un quilot. Le quilot eft de trois panaches, chaque panache de huit oques, & les oques de vingt-cinq livres. Outre les grains ordinaires, on feme dans Samos beaucoup de gros millet blanc, qu'ils appellent Chiori. Millium arundinaceum plano alboque femine. C. B. Les pauvres gens, pour faire du pain, mêlent une moitié de froment avec l'autre d'orge & de millet blanc; quelques uns ne mêlent que le millet & l'orge, qui viennent affez abondamment dans l'ifle.

On ne feche des figues dans Samos, que pour l'ufage

du pays: elles font fort blanches, & trois ou quatre fois plus groffes que celles de Marseille, mais moins délicates. On ne pratique pas la caprification dans cette ifle, auffi les figuiers y fructifient moins que dans les autres. Le fromage de Samos ne nous parut pas des meilleurs : on le met tout frais dans des outres avec de l'eau falée, & on le laiffe égouter & fécher à loifir : la coutume eft d'en charge tous les ans une barque pour France; cent livres ne coutent que deux écus ou un fequin.

Les pins, qui font au nord de l'ifle, donnent environ trois ou quatre cents quintaux de poix. Elle vaut un écu le quintal, & paye quatre pour cent à la douane. On charge dans cette ille des velanides dans cette ille des velanides pour Venife & pour Ancone; c'eft une espéce de gland que l'on réduit en poudre pour taner les cuirs. La grande quantité de chênes, dont Samos étoit autrefois couverte, lui avoit fait donner le nom de l'ifle aux chênes, Aura Steph.

La foie de cette ifle eft fort belle. Elle vaut dix-huit ou vingt timins, quatre livres dix ou cent fols la livre, & on en fait tous les ans un commerce d'environ vingt og vingtcinq mille écus. Le miel & la cire y font admirables: on y donne cinquante livres de miel pour un écu; la cire y vaut neuf ou dix fols la livre. On y recueille plus de deux cents quintaux de miel : mais la cire ne pafle guères cent quintaux: le quintal pefe cent quarante livres, de même que dans tout le refte de la Turquie.

Les anciens ont admiré la fertilité de l'ifle de Samos. Strabon, l. 4, y trouvoit tout excellent, excepté le vin : mais apparemment il n'avoit pas gouté du muscat de cette ifle, ou peut-être on ne s'étoit pas encore avifé d'en faire. Athénée après Ethlius, l. 14, rapporte que les figuiers, les pommiers, les rofiers & la vigne même de Samos portoient des fruits deux fois l'an. Pline, l. 13, c. 19, parle des grenades de cette ifle, dont les unes avoient les grains rouges & les autres blancs. L'ifle eft pleine aujourd'hui de gibier, de perdrix, de bécaffes, de bécaffines, de grives, de pigeons fauvages, de tourterelles, de becfigues. La volaille y eft excellente; les francolins n'y font pas communs, & ne quittent pas la marine entre le petit Bogas & Cora, auprès d'un étang marécageux; on les appelle perdrix de prairies. Il n'y a point de lapins dans Samos, mais beaucoup de lievres, de fangliers, de chevres fauvages & quelques biches. On y nourrit de grands troupeaux, mais plus de chevres que de moutons. Les François y chargent une barque de laine par an; on en donne trois livres deux onces pour quatre ou cinq fols.

Les mulets & les chevaux de l'ifle ne font pas beaux ; mais ils marchent affez bien; & quoiqu'on les laiffe paître à l'aventure, fans les enfermer dans des clos, ils ne s'écartent point des maisons de leurs maîtres. On nourrit assez de bœufs dans cette ifle; mais on n'y connoît pas les buffles. Les loups & les chacals y font quelquefois de grands défordres. Il y paffe quelques tigres, qui viennent de terre ferme par le petit Boghas.

Les mines de fer ne manquent pas dans Samos ; la plûpart des terres font de couleur de rouille. Tous les environs de Bavonda font pleins de bol rouge foncé, fort fin, fort fec, & qui s'attache à la langue. Le bol eft un fafran de mars naturel, dont on retire le fer par le moyen de l'huile de lin. (2) On faifoit autrefois d'excellente poterie à Samos, & c'étoit peut-être avec la terre de Bavonda. (b) Selon Aulu-Gelle, 1.5, les Samiens furent les inventeurs de la poterie; mais perfonne ne s'en mêle aujourd'hui, & on s'y fert de la fayence d'Ancone: les cruches où l'on tient l'eau-de-vie & le vin, viennent de Scio. Pour peu qu'on voulut fe donner de peine, on trouveroit à Samos ces deux fortes de terre blanches, que les anciens employoient en médecine; mais perfonne ne s'intéreffe pour pareilles recherches, non plus que pour la pierre famienne, (©) qui non-feulement fervoit à polir l'or, mais qui étoit d'un grand ufage pour les remedes. * (a) Samia vafa etiamnum in esculentis laudantur. PLIN. Hift. nat. (b) Nos Samio delectamur, Cic. in Verrem. (c) Diosc. ibid. cap. 173. Plin. Hift. nat. l. 36, c. 21.

L'émeril n'eft pas rare dans cette ifle. L'ochre y eft commune du côté de Vati: elle prend un affez beau jaune quand on la met dans le feu, & devient d'un rouge brun fi on l'y laiffe long-tems; cette terre n'a point de goût, & teint naturellement en feuille morte. On trouve autour de Carlovaffi une terre très-noire & très-fine; mais tout-à-fait

infipide, qui ne paroît participer du vitriol, qu'en ce qu'elle fert à teindre en noir le fil à coudre.

Toutes les montagnes de l'ifle font de marbre blanc. On remarque fur le chemin de Vati an petit Boghas une colonne affez belle, attachée encore à fa carriere. On m'asfura qu'il y avoit de beau jaspe du côté de Platano. Ces montagnes font affez fraîches, pleines de fources, couver vertes de bois, & fort riantes. Les ruiffeaux les plus confidérables font celui de Metelinous, & celui qui coule audelà des ruines du temple de Junon.

Le port du Vati, qui regarde le nord-oueft, est le meilleur de l'ifle. On y donne fond, à droite, dans une espéce d'anfe formée par une colline avancée en maniere de crocher. Ce port, qui peut contenir une grande armée, avoit donné lieu d'y bâtir une ville, dont les ruines paroiffent d'une grande étendue, quoique fans magnificence; on l'a abandonnée depuis long tems, pour fe mettre à couvert des infultes des corfaires, & l'on s'eft retiré fur la montagne. Pour faire le tour de l'ifle, tirant de ce port vers l'oueft, on rencontre la plage de Carlovatli, qui n'eft bonne que pour des caïques ou de gros bateaux, encore faut il les tirer à terre. Le port Seitan, en langue turque, fignifie le diable. SEITAN eft à neuf milles de Carlovafli ; mais c'eft le plus méchant port de l'ifle, & la tramontagne y fait échouer la plupart des bâtimens. Au-delà de Seitan, l'ifle fe termine par par la montagne de Catabate, qui fait le cap de Samos, & le cap forme un des côtés du grand Boghas: quand on eft menacé de quelque tempête, il faut fe retirer dans quelqu'un des ports des ifles de Fourni à la droite. Après avoir doublé le cap de Samos, on trouve la plage de MARATROCANPO. On paffe enfuite entre l'ifle de SAMAPOULA & le cap Colonne, nommé cap de Junon, à caufe du temple de cette Déeffe, dont il étoit proche. De ce cap on entre dans un port allez commode pour les voyageurs; mais trop expofé au Siroc; c'eft pour cela que les anciens, pour mettre à couvert leurs galeres, avoient bâti fur la plage de Cora, vis-à-vis la même ville de Samos, un beau mole, que l'on nomme aujourd'hui le port de TIGANI, à cause de fa rondeur; car en grec vulgaire, Tigani fignifie un GATEAU ROND.* Ripara Plin. Hift. nat. To Hpatov. Strab. on l'appelle ani, cap de Cora, & cap Blanc, Aperabo.

Dans le petit Boghas, vis-à-vis la montagne de Samfon, eft une retraite pour les vailleaux, appellée le port des Galeres, autour duquel nous découvrimes les ruines d'une ancienne ville, & les reftes des deux temples marqués chacun par cinq ou fix colonnes renverfées. L'un étoit fur une éminence & l'autre dans un fond. Les ruines de la ville. font pleines de briques entremêlées de quelques piéces de marbre blanc à groffes taches. A la pointe du port, dans l'endroit le plus étroit du Boghas, on trouve les fondemens d'une ancienne tour de marbre : les gens du pays prétendent que l'on y tendoit des chaînes pour fermer le Détroit, & affurent que l'on voit de l'autre côté, qui eft en terre ferme, de gros anneaux de bronze deftinés pour cet ufage. Le dernier port de l'ifle eft celui de PRASONISI, qui eft derriere un écueil du même nom entre le Boghas & le port de Vati. Avant de découvrir ce port, on paffe auprès de trois ou quatre écueils, dont le principal s'appelle DIDASCALO ou DASCALIO, à une portée de fufil de l'ifle on affure que c'étoit autrefois le collége de tout le

pays.

L'ancienne ville de Samos s'étendoit depuis le port de Tigani, qui eft à trois milles de Cora, jusqu'à la grande riviere, qui coule à cinq cents pas du temple de Junon : le même auteur affure que Timbrio & Proclès après lui firent bâtir Samos. On a traduit Patroclès; mais il y a bien plus d'apparence que ce foit le roi Proclès. Vitruve prétend que la ville de Samos & les treize villes d'Ionie, étoient l'ouvrage d'lon l'Athénien, qui donna le nom à l'Ionie. * O In Spatos Toraμés Strab. 1. 14. Meyañónscaμós Grec. vulg. Archit. 1. 4, c. I.

Quoique Samos foit entierement détruite, on la peut divifer en haute & baffe pour en bien entendre le plan. La ville haute occupoit la montagne au nord, & la balfe regnoit le long de la marine, depuis le port Tigani, jusqu'au de Junon. Tigani, qui eft le port des galeres des anciens, comme je l'ai déja dit, eft en croiffant, & regarde le fud eft: fa corne gauche eft cette fameufe jettée qu'Hérodote, 1. 3, comptoit parmi les trois merveilles de Samos: cette jettée étoit haute de vingt toifes, & avançoit

cap

plus de deux cents cinquante pas dans la mer : un ouvrage fi rare dans ce tems, prouve l'application des Samiens à la marine: auffi reçurent-ils à bras ouverts Aminoclès Corinthien, le plus habile conducteur de vaiffeaux, qui leur en fit quatre, environ trois cents ans avant la fin de la guerre du Peloponnéfe. Ce fut les Samiens qui conduifirent Batus à Cyréne, plus de fix cents ans avant Jefus-Chrift ; enfin, fi nous croyons Pline, Hift. nat. ils inventerent des vailleaux propres à transporter la cavalerie. * Thucyd.

liv. 1.

Nous montâmes du port de Tigani, fur une éminence chargée de tombeaux de marbre, fans fculpture & fans inscriptions. Delà en tirant au nord, commencent les reftes des murailles de la ville haute, fur le penchant d'une montagne aflez rude. Cette enceinte fe continuant jusqu'au fommet, formoit un grand angle vers le couchant, après avoir régné tout le long de la côte de la montagne. Les reftes de ces murailles font fort beaux : elles avoient dix pieds d'épaiffeur, & même douze en quelques endroits, étoient bâties de gros quartiers de marbre, taillés la plûpart à tablettes ou facettes, comme les diamans. Nous n'avons rien vû de plus fuperbe dans le Levant : l'entredeux étoit de maçonnerie; mais les tours, qui les défendoient, étoient toutes de marbre, & avoient leurs fauffes portes.

La croupe de la montagne, du côté du midi, étoit couverte de maifons en amphithéâtre, & regardoit fur la mer. Vers le bas de la même croupe, fe voit encore la place d'un théâtre, dont on a emporté les marbres pour bâtir Cora. Il étoit fitué au-dellous, & à droite d'une chapelle appellée Notre-Dame de mille Voiles, ou NotreDame de la Grotte, à caufe d'une fameufe grotte remplie de congelations. Les environs de la chapelle font couverts de colonnes de marbre, les unes rondes, & les autres à pans.

En descendant du théâtre vers la mer, on ne voit dans les champs, que colonnes callées & quartiers de marbre: la plupart des colonnes font cannelées ou à pans : quelquesunes rondes, d'autres cannelées fur les côtés avec une platebande fur le devant & fur le derriere, comme celles du frontispice du temple d'Apollon à Delos. Il y a auffi plufieurs autres colonnes à différens profils fur quelques terres voilines: elles font encore dispofées en rond ou en carré, ce qui fait conjecturer qu'elles ont fervi à des temples ou à des portiques. On en voit de même en plufieurs endroits de l'ifle.

Les ruines des maifons, parmi lesquelles on laboure préfentement, font de maçonnerie ordinaire, mêlée de briques, & de quelques piéces de marbre ornées de moulures, ou fimplement écarries. Nous n'y trouvâmes aucunes inscriptions. Celles des premiers tems de la belle Grece, font britées, ou fi effacées, qu'on ne peut les déchifrer.

La ville occupoit une partie de cette belle plaine, qui vient depuis Cora jusqu'à la mer, du côté du midi, & du côté du couchant, jusqu'à la riviere qui coule au-delà des ruines du temple de Junon. Les eaux de la riviere venoient à la ville bafle, & au quartier du temple par un aqueduc, dont on voit encore quelques arcades fur le chemin de Miles à Pyrgos, & dont la fuite fe trouve au port de la ferme du grand couvent de Notre-Dame; mais dans cet endroit ce n'eft plus qu'une muraille fort longue, & allez baffe, qui, peut-être, ne fupportoit qu'une partie des canaux, lesquels étoient d'une excellente brique de la terre de Bavonda, & s'emboettoient fort proprement les uns dans les autres: on en voit encore plufieurs piéces à Cora, fervant à vuider les eaux des terraffes.

Outre cet aqueduc, les eaux qui viennent de Metelinous fe déchargent à l'entrée de la ville baffe, après avoir patlé fous les arches d'un aqueduc à travers le vallon, qui méne de Cora au Vati, quand on ne veut pas pafler par Metelinous. A droite de ce vallon eft la montagne fur laquelle la ville haute eft bâtie. On paffe ce petit ruitfeau le long de la marine, en allant de Tigani aux ruines du temple; & l'on voit encore dans ces quartiers les ruines d'une églife des chrétiens, qui paroît avoir été confidérable. Au-delà de ce rniffeau on en traverse un autre qui vient droit de Cora, & qui, felon les apparences, étoit deftiné pour la ville haute. La direction de quelques arches couvertes de terre, dont la file tire vers Cora, montre bien que ces eaux étoient conduites à la ville; car elles pren

nent

nent le tour de la montagne par un canal encore affez fenfible.

Sur la gauche du vallon dont je viens de parler, affez près de l'aqueduc qui le traverfe, fe voyent des cavernes ; l'entrée de quelques-unes a été taillée au marteau avec beaucoup de foin.

pas

Il y a beaucoup d'apparence que quelques-unes de ces cavernes, taillées au marteau, font le reite d'une de ces merveilles qu'Hérodote dit que l'on regardoit comme les plus grands ouvrages de toute la Grece. Eupaline, architecte de Mégare, avoit eu la conduite de celui-ci. Les Samiens, pour me fervir des termes d'Hérodote, percerent une montagne de cent cinquante toifes de haut, & pratique rent dans cette ouverture, qui avoit huit cents foixante-quinze de longueur, un canal de vingt coudées de profondeur, fur trois pieds de large, pour conduire à leur ville les eaux d'une belle fource. On voit encore l'entrée de cette ouverture; le refte s'eft comblé depuis ce tems. La fource, qui avoit fait entreprendre un fi grand ouvrage, eft fans doute celle de Metelinous, dont je parlerai en fon lieu; car ce village eft ficué de l'autre côté de la montagne percée. Au fortir de ce merveilleux canal, l'eau paffoit fur l'aqueduc, qui traverse le vallon, & fe rendoit à la ville par un conduit, qui prenoit le même tour que le canal de Cora. La profondeur du canal, qui traverfoit la montagne, eft furprenante; mais on avoit peut-être été contraint de lui donner cette profondeur , pour conferver le niveau de la fource. Il femble que du Ryer n'ait pas entendu cet endroit d'Hérodote; car, fuivant la traduction, la fontaine devoit paffer fur la montagne percée ; au lieu que la montagne n'avoit été percée que pour la conduite de la fontaine.

Environ à cinq cents pas de la mer, & presqu'à pareille distance de la riviere Imbrafus, vers le cap de Cora, font les ruines du fameux temple de Junon la Samienne, ou la protectrice de Samos. Les plus habiles papas de l'ifle connoiffent encore ce lieu fous le nom de temple de Junon.

A un quart de lieue des ruines du temple, eft la ferme du grand couvent de la Vierge, dans une plaine où l'on ne voit que vignes, oliviers, meuriers & orangers, fur-tout aux environs de Miles, qui n'eft qu'à deux milles de la ferme. Le grand couvent eft à dix milles de la ferme, & fitué à mi-côte de montagnes agréables, couvertes de chê nes verds, de pins à pignons, de pins fauvages, de philaria & d'adrachne. Il vient auffi dans le même quartier une belle espéce de germandrée à feuilles de bétoine. Afept lieues delà eft le village de Pyrgos, dont tous les environs font pleins d'une belle espéce de Cachrys. Platano eft à huit milles de Pyrgos, & le couvent de faint Elie à quatre milles de Platano: près delà eft Necorio, qui eft un des trois villages qui forment la ville de Carlovaffi à deux milles de la mer.

La grande montagne de Catabate, eft à l'extrémité de l'ifle; à huit milles de Carlovaffi eft Marathrocampo, & un peu plus loin de la ferme de Saint-George, appartenante au couvent de faint Jean de Patmos ; il n'y a plus que trois ou quatre cellules inhabitées autour de la chapelle de cette ferme.

A quatre milles delà, dans un fond, eft l'hermitage de Notre-Dame de belle apparence. Il eft commandé par des rochers effroyables. La folitude eft belle, & la chapelle eft à l'entrée d'une caverne affreuse: on y monte par un escalier tout droit, formé par environ trente marches étroites, & fans appui du côté du précipice. Il y a encore une autre folitude plus affreufe que la pren.iere, que l'on a nommée fort à propos Notre-Dame du mauvais chemin. Pour y aller de Marathrocampo, il y faut traverser bien des montagnes couvertes de pins, de bruyeres & d'arboufiers. La chapelle eft auffi dans une caverne, où l'on ne peut entrer que par une espèce de trape taillée dans le roc.

A un mille en deçà de Carlovalli, il y a une chapelle grecque, qu'on appelle Notre-Dame de la Riviere: elle eft comme abandonnée; cependant on y voit quatre belles colonnes de marbre grifâtre, dont les chapiteaux font à double rang de feuilles d'achanthe. Il faut que ce foit les reftes de quelqu'ancien temple; on peut le conjecturer par les vieux marbres des environs, & entr'autres pièces, par un architrave de jaspe rouge & blanc; peut-être étoit-ce le temple de Mercure, que les Samiens honoroient particulierement, & dont ils avoient fait frapper une médaille, qui d'un côté repréfente le génie de leur ville, & de l'autre

ce dieu des filous, tenant une bourfe de la main droite, & le caducée de la gauche.

A dix milles de Carlovaffi, il y a un village nommé Vourlotes, qui eft à deux milles de la mer, au pied des montagnes les plus froides de l'ifle. En fuivant la côte du Nord, on y voit d'allez belles plantes. * Relat. des voyages de M. de Breves.

Le couvent de Notre Dame du Tonnerre n'eft qu'à une lieue de Vourlotes. Du tems que Tournefort y étoit, le vent du fud y fit un étrange ravage. De Tournefort y vit le doyen du genre-humain; c'étoit un bon caloyer, âgé de cent vingt ans, qui s'amufoit encore à couper du bois, & qui prenoit foin du moulin; on affuroit qu'il n'avoit bu de fa vie que du vin pur & de l'eau-de-vie. Autour du couvent on voit quelques belles espéces de renoncule à fleur bleue, & quelques autres plantes affez femblables à celle que l'on appelle la Tartonraire à Marseille, & que les habitans du pays appellent l'herbe aux balais.* Thymelaa feu Tartonraire, lini foliis argenteis. Coroll. Inft. rei. herb. 41.

Souvent en hiver on ne voit découler que des ruiffeaux des montagnes, qui dans toute autre faifon paroiffent comme calcinées, c'est ce qui avoit fait donner à cette ifle le nom de Samos, comme qui diroit une terre feche & sablonneufe.

Metelinous eft à deux milles de Cora; il a pris fon nom de l'ifle de Metelin, parce qu'il fut bâti ou plutôt rétabli par une colonie des habitans de cette ifle, que l'on y fit paffer après que fultan Selim eut donné Samos au capitan Pacha Ochiali. Depuis la mort de cet amiral, le revenu de Samos eft affecté à une mosquée qu'il avoit fait bâtir à Topana, l'un des fauxbourgs de Conftantinople. * Relat. des voyages de M. de Breves.

Au coin de l'églife de Metelinous, devant la fontaine de même nom, on a enchâssé à hauteur d'appui un ancien bas-relief de marbre, parfaitement beau, qu'un papas découvrit il y a quelques années en labourant un champ: ce marbre a deux pieds quatre pouces de longueur fur quinze ou feize pouces de hauteur; l'épaiffeur eft de trois pouces; mais comme il n'eft pas fort élevé de terre, têtes en font maltraitées. Le bas-relief contient sept figures & représentent une cérémonie faite pour implorer le fecours d'Esculape, dans la maladie de quelque perfonne de confidération.

les

Le malade eft dans fon lit, la tête & la poitrine élevées, tenant un vafe par les deux anfes: le dieu de la médecine paroît à fa gauche, vers le pied du lit, fous la figure d'un ferpent; la table, qui eft vis-à-vis le malade, foutenue par trois pieds, terminés en pied de chevre, eft chargée d'une pomme de pin, de deux flaccons & de deux corps, qui finiffent en pyramide, placés à chacun des bouts. Sur la droite du malade eft affife une femme dans un fauteuil dont le doffier eft fort élevé : cette figure eft bien drappée, & les manches font aflez ferrées; fon visage eft de front, & il femble qu'elle ordonne quelque chofe à un jeune esclave qui eft tout auprès, & qui a une espéce de cafaque fur fa vefte. Au pied du lit eft une autre femme affife fur un tabouret couvert & drappé; elle eft vêtue de même que celle qui eft dans le fauteuils mais on ne la voit que de côté, & fon vifage eft presque de profil: c'eft peut être la femme du malade, car on voit à fes genoux un jeune enfant debout & tout nud, qu'un petit chien femble caresfer une jeune esclave eft encore placée derriere cette femme, & eft vêtue d'un cafaquin fans manches, fous lequel tombe une espéce de jupon pliffé; elle appuye fa main gauche fur fa poitrine, & de la droite qui est élevée, elle tient un cœur dont la pointe eft en haut. On voit plus loin, tout à l'extrémité du bas-relief un autre esclave tout nud, qui d'une main prend des drogues dans un mortier, pour les mettre dans une taffe, qu'il tient de l'autre main, & à qui il femble qu'Esculape ait donné ordre de les aller verfer dans le vafe que le malade tient par les anfes Sur le haut du bas-relief regne une espéce de bordure caffée, partagée en quatre carrés longs: dans le premier eft repréfentée une très-belle tête de cheval; le fecond renferme deux flammes, le troifiéme eft orné d'un casque & d'une cuiraffe; le quatrième eft caffé, & ne laiffe voir que le bord d'un bouclier. On a voulu fans doute faire connoître par ces attributs les inclinations & les emplois que le malade avoit eus.

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