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après la capitale, eft la plus confidérable de l'état de Gènes. Elle eft grande & bien bâtie; les rues font affez larges, & la plupart droites & bordées de belles maifons, entre lesquelles il y a des hôtels, qu'on nomme palais en ce pays, qui font d'une architecture très-belle, auffi-bien au-dedans qu'au dehors. Le tonnerre fit fauter il y a cinquante à foixante ans le magafin à poudre qui étoit au milieu de la ville, & renverfa tout un quartier. Il a été rebâti : & on que cet accident a rendu la ville plus belle, en ce qu'il avoit donné occafion de faire les rues plus larges & plus droites. Il y a un grand nombre d'églife, propres & bien ornées. Le marbre n'y eft pas épargné, non plus que les ornemens de stuc, & les dorures: presque tous les ordres religieux y ont des couvens, ou des mailons riches pour la plûpart, & bien bâties.

dit

Les des pas portes, les marches des escaliers, les pieds droits & jambages des portes & des fenêtres, & les couvertures des maifons font faites la plupart d'une pierre bleue obscure, qui fe trouve en quantité dans tout ce pays, qui fe leve ailément par planche, de telle épaiffeur qu'on juge à propos : c'est une espéce d'ardoife, mais qui ne fe délite pas comme l'ardoife. Cette pierre fe taille aifément & n'eft pas chere. On la trouve belle dans le pays par ces endroits; mais il femble qu'elle rend les entrées des maifons & des fenêtres trop triftes. On l'appelle Lavagna.

Il y a des manufactures de foie à Savone. Outre celle qui vient dans le pays, on en tire beaucoup du Piémont, de la Sicile, du royaume de Naples & du Levant. On y fait auffi beaucoup de confitures. Les environs de la ville font extrêmement bien cultivés. Les fruits de toutes espéces y viennent en perfection & en quantité, les limons furtout, les limes & les bergamotes.

La ville paroît avoir été autrefois plus forte qu'à préfent. Elle eft commandée de tous côtés. Il couteroit beaucoup pour remédier à cet inconvénient. Elle a eu un port qui étoit bon, & qui attiroit le commerce. La république l'a détruit, afin que tout le négoce allât à Gènes, & afin le duc de Savoye, à préfent roi de Sardaigne, qui y a de grandes prétentions, ne fongeât plus à s'emparer d'une place, qui ne lui feroit d'aucune utilité. Il ne refte plus à préfent qu'une flaque d'eau, où les barques peuvent être à flot; elle fe gare & fe remplit de jour en jour.

que

Il y a une citadelle qui défendoit le port, quand il y en avoit un; elle fert à préfent à défendre la rade, & à empêcher qu'on ne puisse infulter la ville du côté de la

mer.

Ce fut dans Savone, que fe fit l'entrevûe de Louis XII, roi de France, & de Ferdinand roi de Naples; entrevûe qui fut remarquable par leur confiance réciproque. Louis entra dans les galeres de Ferdinand, fans armes & fans gardes; & Ferdinand demeura plufieurs jours dans une ville appartenante à Louis, qu'il venoit de chaffer du royaume de Naples, après l'avoir défait dans une bataille.

Savone a été la patrie des papes Sixte IV & Jules II, tous deux de la maifon de la Rovere. Quelques-uns difent pourtant que ces deux papes étoient natifs d'Albizola, bourg fitué à une lieue de cette ville.

1. SAVONIERES Saponaria, lieu anciennement mémorable, à une ou deux lieues de Toul, fur le chemin de Foug. Au bas de la montagne où l'on tourne pour aller de Toul à Commerci. On croit que les rois de la feconde race y ont eu un palais, parce qu'il s'y eft tenu l'an 859 un concile auquel affifterent les évêques de douze provinces des Gaules & de Germanie, avec trois rois. Le roi de France y fut qualifié de roi très-chrétien, mais cette qualification ne devint propre à nos rois qu'en 1469, fous le regne de Louis XI. On ne voit plus en ce lieu qu'une petite églife du titre de faint Michel, que l'on dit avoir été la paroiffe des habitans qui fe font retirés à Saint-Germain fur Meufe. Le terrein où étoit le palais, s'appelle encore aujourd'hui la Sale. D'autres difent que Savonieres dépendoit du monaftère de faint Germain, qui en étoit voifin, lequel étoit fous l'invocation de l'évêque d'Auxerre, dont Héric, auteur du neuviéme fiécle, rapporte un miracle arrivé en ce lieu. Le fond du lieu de Savonieres, appartient aux moines de faint Evre de Toul, felon le diplomatique; peut-être que l'églife de faint Germain étoit dès lors de leur dépendance, puisque dans un diplome du même livre, pag. 548, l'abbaye de faint Evre eft dite

fancti Apri, fandi Germani & fancti Martini: ce titre eft de l'an 874. Il y a un autre Savonieres au même diocèfe de Toul, dans le duché de Bar, dont l'églife dite faint Calixte, eft à la présentation de l'abbé de faint Miel. Voyez fur l'abbaye de faint Germain, au diocèse de Toul, un titre de l'an 900 au premier tome du tréfor des anecdotes de D. Martene, p. 60.

2. SAVONIERES, bourg de France, dans la Touraine, à deux lieues de Tours. Il y a auprès de ce lieu, des cavernes fameufes par leur congellation. On les appelle les gouttieres de Savonieres, parce qu'il en dégoute continuelle ment de l'eau, qui forme des ruiffeaux, fe congele, & avant de les former, même dans les plus grandes chaleurs de l'été, & dans leurs congellations, elles forment différentes figures curieufes. C'eft apparemment comme les grottes d'Arcy en Bourgogne, proche Vermanton. La paroille de Savonieres dépend de l'abbaye de Tous Saints d'Angers.

1. SAVOIE, duché fouverain d'Europe, entre la France & l'Italie. Du côté du nord, il eft féparé de la Suiffe par le lac de Genève : les hautes Alpes le féparent de la vallée d'Aofte, & du Piémont vers l'orient: une branche des mêmes Alpes le borne au levant d'été, où il confine avec le Vallais; il a le Dauphiné au midi, & à l'occident le Rhône, qui le fépare du Bugey & du gouvernement de Bourgogne.

2. SAVOIE. Ce mot vient du latin Sapaudia, qu'on ne trouve point en ufage avant le quatriéme fiécle, "Ammien Marcellin, eft le premier qui ait marqué le pays de Sapaudia, par lequel, comme par celui des Séquaniens, le Rhône paffoit en fortant du lac Leman, Longuerue Defcr. de la France, part. 2, p. 317, 115.

*

On appelloit Sapaudia la partie feptentrionale du terri toire des Allobroges. Avuus évêque de Vienne témoignant dans une lettre quelque mécontentement de Sigifmond roi des Bourguignons, dit qu'il avoit évité à detfein de paffer à Vienne, en allant de Savoye, de Sapaudia, en Provence, in Provinciam ; car anciennement la Provence s'étendoit depuis la riviere d'Ifére jufqu'à la mer : & les Bourguignons ont tenu durant quelque tems tout ce qui est entre l'ifère & la Durance.

La Savoye, Sapaudia, s'étendoit au-delà du Lac de Genève, hors des limites des Allobroges, comprenant le pays de Vaud, dont la plus grande partie appartenoit à la Belgique & à la province nommée Maxima Sequanorum. C'est ce que nous apprenons de la foixante-cinquiéme fection de la notice des dignités de l'empire, où il eft fair mention du commandant de la flote des bateliers, qui étoient à Iverdun en Savoye: Barcariorum Ebreduni Sapaudia. Quelques-uns ont voulu qu'Ebredunum marqué dans la notice, fut la même ville qu'Embrun en Dauphiné; mais il n'eft pas poffible que les Romains ayent établi une flote de barques à Embrun qui eft dans les Alpes, & n'a d'autre riviere que la Durance, qui par-tout n'eft pas propre à porter bateau; ce que les anciens ont bien reconnu: car Tite-Live, au premier livre de la troifiéme, dit que cette riviere n'eft point navigable, non navium patiens eft ; & Silius Italicus dit que la Durance ne porte pas même les bateaux plats même les bateaux plats, patulis non pupibus aquus; de forte qu'on ne doit pas chercher cette flotte de barques, ailleurs qu'au lac d'Iverdun. Dans la fuite le p de Sapaudia fut changé en b & le nom corrompu en Saboia & Sa. baugia.

La Savoye fut anciennement habitée d'une partie des Allobroges, des Centrons, des Nantuates, des Garocelles, des Veragres & des Salaffes; les Allobroges occupoient le pays qui eft entre le Rhône, au fortir du lac Leman, les Nantuates, les Centrons, & l'Isére ; c'eft cette ifle dont parle Tite-Live, où Annibal s'arrêta avant de paffer les Alpes, elle renfermoit partie du Dauphiné, le duché de Savoye, le Folligny & le Génevois : les Centrons demeuroient dans les vallées des Alpes grecques qui forment à prefent la Tarentaife les Garocelles habitoient aux environs du Mont-Cenis. Vigenere, Marlian, Simler & le P. Monet les placent dans la Maurienne, qui fur felon d'autres, la demeure des Brannoviciens, les Nantuates confinoient felon Strabon & Pline, avec les Veragres, les Séduniens & le lac Leman, & leur pays comprenoit le Chablais, & le territoire de S. Maurice; les Veragres étoient entre les Nantuades, & les Salaffes, dans cette

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partie du Valais où eft Martigni ; & les Salaffes dont Strabon parle, occupoient les vallées des Alpes qu'on nomme aujourd'hui le Val d'Aofte, bornées des terres des Veragres au nord des Lepontiens à l'orient, des Ségufiens au midi, & des centrons au couchant: tous ces peuples furent vaincus par Augufte, à la réferve des Salalles que Terentius Varro fubjugua; ils furent compris dans la Gaule narbonnoife les Allobroges furent placés dans la troifiéme narbonnoife; les Veragres & les Salaffes dans la cinquiéme qu'on nommoit autrement la province des Alpes grecques. Leur pays étant devenu la proye des Barbares, après la chute de l'empire, fut occupé tantôt par les uns, & tantôt par les autres; les Bourguignons en demeurerent les maîtres, & l'incorporerent au royaume qu'ils formerent d'une partie de la Gaule celtique, & de la Gaule narbonnoife. Bofon comte d'Ardenne qui avoit époufé Ermengarde fille de Louis II, empereur d'Italie, fe fit élire roi de Provence par les états du pays, aflemblés à Mentale au mois d'octobre 879. Louis fon fils fut aufli roi d'Italie; Berenger lui fit crever les yeux comme il alloit prendre poffeffion de ce royaume; il lailla d'Adelaïs Charles Conftantin prince de Vienne, qui eut de Theberge, Ané pere de Humbert aux blanches mains, chef de la maifon de Savoye, dont l'origine a été recherchée par tant d'écrivains, avec fit peu de fuccès.

Humbert fut comte de Savoye & de Maurienne. L'empereur Conrad le Salique lui donna les feigneuries de Chablais, & de Valais avec la propriété de faint Maurice, en recompenfe des fervices qu'il lui rendit contre Eudes, comte de Champagne, fon compétiteur au royaume de Bourgogne ; il mourut l'an 1046, laillant d'Ancilie, Amé I, qui fut marié avec Adée ou Adalelgide, dont il eut un fils nommé Humbert mort avant lui. Odon fon frere lui fuccéda l'an 1047, il époufa Adelaide de Sufe, fille de Mainfroid, marquis de Sufe, & de Berthe d'Yvrée, & veuve d'Herman duc de Suabe, lequelle lui porta en dor le marquifat de Sufe, le Val d'Aofte & le duché de Turin, avec plufieurs autres terres fur la côte de Genes; de ce mariage vinrent Pierre de Savoye, marquis de Suse, & Amédée II, comte de Savoye. Le premier mourut l'an 1078, & n'eut que deux filles d'Agnès de Guienne, Agnès qui fut mariée avec Fréderic de Montbelliard comte de Luxembourg, & Alix femme de Boniface, marquis de Saluces. Amé II acquit le Bugey par conceffion de l'empereur Henri III: il mourut vers l'an 1090, & laiffa d'Adele fille de Gerard I, comte de Genève, Humbert II, furnommé le Renforcé, qui conquit la Tarantaise à la follicitation d'Heraclius archevêque de Tarentaife, pour le délivrer des invafions d'Aymery, feigneur de Briançon; il prit le prenier la qualité de comte de Piémont, comme héritier d'Adelaide de Sufe, fon ayeule paternelle. Sa mort eft marquée en 1103. Il époufa Gifle fille de Guillaume II, dit Tête bardie, comte de Bourgogne, de Vienne & de Mâcon, & de Gertrude de Limbourg, dont il eut Amé III, que l'empereur Henri IV créa comte de l'Empire l'an 1107, ou 1111, felon d'autres ; il eut quelque différends avec le roi Louis le Jeune, qui furent terminés par Pierre le vénérable, abbé de Cluny. Il mourut l'an 1149, & eut de Mahaut fille de Guy VI, comte d'Albon & de Grenoble, & d'Agnès de Barcelone, Humbert III, furnommé le Saint. Ce prince fit de grandes libéralités à plufieurs églifes: il prit le parti du pape Alexandre V, contre l'empereur Frédéric Barberouffe, qui, pour s'en venger, donna aux évêques de Turin, de Maurienne, de Tarentaife, de Genève & de Bellai, la temporalité de leurs diocèfes, & les déclara princes de l'Empire. Humbert mourut en odeur de fainteté à Chambery, le 4 mars de l'an 1188: il n'eut point d'enfans de Faydide fille d'Alphonfe I, comte de Toulouse, mais il eut de Germaine fille de Bertold IV, duc de Zernigen, Agnès de Savoye ; & enfuite de Beatrix fille de Gerard comte de Vienne & de Mâcon qu'il épousa en troifiémes nôces, Tomas I, qui régna après lui. L'empereur Philipe de Suéve donna à celui-ci l'inveftiture de tous les états qu'il poffédoit avec les villes & châteaux de Quiers & de Teftonne en Piémont, & le château de Modon dans le pays de Vaud: Amé feigneur de Pontverre lui céda tout ce qui lui appartenoit depuis Laufane jufqu'au mont faint Bernard: l'empereur Frédéric II le fit vicaire de l'Empire dans le Piémont, & dans la Lombardie: les villes de Savone & d'Albenga fe mirent fous fa protec

tion, & promirent de lui remettre toutes leurs terres fur la riviere de Genes, ce qui caufa quelques brouilleries entre lui & la république de Genes: il acquit de Berlion, vicomte de Chambery tous les droits qu'il avoit fur la ville & fur le territoire de Chambery, & enfuite il fit de cette ville la capitale de fes états déçà les monts; il mourut à Aofte le 20 janvier 1233. Il laiffa de Marguerite de Foucigny fille unique & héritiere de Guillaume feigneur de Fouci gny, Amé IV, qui remit à fon obéiffance la ville de Turin, laquelle s'en étoit fouftraite durant le regne de fon pere, & par le même traité, Boniface marquis de Montferrat lui céda tous les droits qu'il pouvoit avoir fur cette ville. Il acquit la feigneurie de Rivoles l'an 1236, & deux ans après l'empereur Frédéric II. érigea en fa faveur les feigneuries d'Aofte & de Chablais en duchés. Il mourut au château de Montmelian, le 24 juin 1253, lailfant d'Anne fille d'André de Bourgogne, dit Dauphin, comte de Vienne, de Gap & d'Albon, qu'il époula en premiere nôces, Beatrice & Marguerite, & de Cecilie de Beaux, furnommée Pafle-Rofe, à caufe de fon excellente beauté, fille de Barral, premier feigneur de Beaux & de Venaillin, & vicomte de Marseille; Boniface qui lui fuccéda, & qui, après avoir remporté une victoire fignalée, près de Rivoles, for Charles d'Anjou, comte de Provence, & fur Guillaume de Montferrat, mourut de déplaifir d'avoir été. battu par ceux d'Aft, dans la plaine de Turin. Comme il ne lailla point de poftérité, fes fœurs Beatrix, Conftance & Léonor prétendirent lui fuccéder; mais elies en furent exclues par la loi falique, & Pierre de Savoye, comte de Romond fon oncle, fut déclaré fon fucceffeur préfomptif, même au préjudice des enfans de Thomas, comte de Maurienne & de Flandre, fon frere aîné, parce que le droit de primogéniture n'étoit pas encore établi dans la maifon de Savoye. Ce prince fe rendit maître de Turin, malgré la réfiftance des habitans : il repaffa en Angleterre, où l'empereur Richard fon neveu lui donna l'inveftiture des duchés de Chablais & d'Aofte, & lui confirma le titre de vicaire de l'Empire; & en 1218, après la mort de Berthold V, dernier duc de Zeringen, il acquit la feigneurie de Vaud, dont il poflédoit déja la plus grande partie. La ville de Berne fe mit fous fa protection Fan 1266, contre Everard d'Hafbourg, comte de Lauffemberg, qui vouloit l'envahir, & ce fut en exécution de ce traité que Rodolphe, feigneur de Stralinguen, lui fit hommage dans l'églife de cette ville : fa mort arrivée le 7 juin 1268, fir paffer la couronne de Savoye à Philippe fon frere; parce qu'il ne laiffa d'Agnès de Foucigny, qu'une fille nommée Béatrix, qui époula en premieres nôces Guy Dauphin de Viennois, & en fecondes Gafton, vicomte de Bearn. Philippe fit d'abord la guerre à Guy Dauphin fon neveu; mais elle fut terminée par la médiation de Marguerite, reine de France; les Bernois le reconnurent pour protecteur, erfuite pour feigneur fouverain, par acte du 8 feptembre 1268, lui remettant les péages, la monnoie & la juftice de la ville pour en jouir avec la même autorité que les empereurs & les rois des Romains. Il fit lever le fiége de Neuchâtel à Rodolphe, comte d'Hafbourg, & après cette expédition la ville de Nyon fe donna à lui. Il mourut le 17 novembre 1285, & choifit pour fon fucceffeur Amé de Savoye fon neveu, feigneur de Brefle & de Baugé, fecond fils de Thomas de Savoye, comte de Flandre, & de Béatrix de Fiesque, qu'il avoit épousée en fecondes nôces. Ce prince qu'on furnomina le Grand, à caufe de la valeur, acheta la feigneurie de Revermond de Robert, duc de Bourgogne. Il affifta ceux de Fribourg contre les Bernois. L'empereur Henri VII le créa en 1310, lui & fes fuccesfeurs, prince de l'Empire, en reconnoiffance d'avoir beau

coup

contribué à fon élection, & deux ans après, la ville d'Yvrée le reconnut pour fon fouverain, par la négocia tion d'Albert de Gonzague, qui en étoit évêque; il fut arbitre des différends des rois de France & d'Angleterre, & cimenta cette paix par le mariage de Marguerite de France, fœur de Philippe le Bel, avec Henri d'Angleterre. Il mourut le 16 octobre 1323. Edouard fon fils, furnommé le Libéral, lui fuccéda. Son regne ne fut que de fix ans ; on l'accufe d'avoir fait un notable préjudice à fa maison, en donnant la liberté à ceux de Berne, qu'il affranchit de la fouveraineté des comtes de Savoye. Aymon fon frere, lui fuccéda. Ce fut un prince fort fage, aimant la juftice & ne s'appliquant qu'à maintenir la paix dans fes états. Iĺ

eut de grands différends avec le dauphin de Viennois: il époufa Yoland de Montferrat, fille de Théodore Paleologue, marquis de Montferrat, & il fut ftipulé dans le contrat, que fi Théodore ou fes descendans venoient à mourir fans mâles, Yoland ou fes fucceffeurs hériteroient du Montferrat, à la charge de payer aux filles leur dor en argent. Aymon mourut le 24 juin 1343, & inftitua fon héritier univerfel Amé VI, fon fils aîné, fi connu fous le nom du comte Verd. Comme il n'avoit que dix ans, il demeura fous la tutelle de Louis de Savoye, feigneur de Vaud fon oncle, & d'Amé, comte de Genève, fon coufin: il prit fouvent les armes contre Hunibert, dernier dauphin de Viennois, croyant obliger ce prince foible & timide à le faire fon héritier; mais il fut fupplanté par le roi Philippe de Valois, dont il redouta la puiffance. Catherine de Savoye, comteffe de Namur, lui vendit l'an 1359, par contrat du mois de juillet la baronnie de Vaud, & les terres qu'elle poffédoit dans le Bugey & le Valromey, pour foixante mille florins; à condition qu'elles demeureroient unies inféparablement à la Savoye. L'empereur Charles IV lui céda tous les droits de l'Empire fur le marquifat de Saluces, ce qui fut le levain d'une méfintelligence continuelle entre les comtes de Savoye & les marquis de Saluces, ceux-ci ne prétendant qu'être vaffaux des dauphins de Viennois. Louis, duc d'Anjou, fe départit en la faveur l'an 1387, (par lettres patentes du 19 février) de toutes les prétentions que les comtes de Provence fes prédécesfeurs pouvoient avoir fur le comté de Piémont ; la ville de Cony fe donna à lui l'an 1382, & presque dans ce même tems le pape Clément VII, (par acte du 10 avril ) lui fit donation du château de Dian, en récompenfe des fervices qu'il avoit rendus au faint fiége; il mourut de la pefte l'année d'après. Il inftitua l'ordre du collier, qui a depuis été appellé l'ordre de l'Annonciade, & il établit par fon teftament du 27 février 1383, le droit de primogéniture dans fa maifon; il avoit époufé Bonne de Bourbon, fille de Pierre, duc de Bourbon, & d'Ifabelle de Valois, dont il cut Amné VII, furnommé le Rouge, qui fut un des plus fages & des plus vaillans princes de fon fiécle; il foutint avec beaucoup de vigueur les droits de fon domaine contre le marquis de Saluces & le feigneur de Beaujeu. Il fit la guerre aux Valaifans pour les intérêts d'Edouard de Savoye fon parent, évêque de Sion: ceux des comtés de Nice & de Vintimille, prélfés par les partifans de la maifon d'An jou, & ne pouvant être fecourus par Ladiflas,fils de Charles de Duras, fe founirent à lui l'an 1388, par acte du mois de février; ceux de Barcelonnette & des vallées voisines, en firent autant, il en reçut le ferment de fidélité, par acte du mois de mai, après quoi la fouveraineté lui fut confirmée par deux déclarations, l'une du 2 août 1388, & l'autre du 28 feptembre de la même année; il tomba de cheval & mourut de fa chute, en pourfuivant un fanglier aux environs de Ripaille le 1 novembre 1591. Amé VIII fon fils n'avoit que huit ans; la régence fut disputée entre Bonne de Berri fa mere,& Bonne de Bourbon fon ayeule,mais celle-ci l'emporta & eut l'adminiftration des états de Savoye jusqu'en 1398 qu'Amé fut majeur. Odon de Villars, comte de Genè ve, lui remit le comté de Genève par acte du 5 août 1401, avec tous les droits que les comtes de Genève avoient dans le Daupiné,le Viennois & le Graifivodan;& le prince lui donna en récompenfe quarante cinq mille francs d'or, avec la feigneurie de Château-neuf en Valromey. Il envoya du fecours au duc de Bourgogne contre les Liégeois, qui avoient chaflé Jean de Baviere, leur évêque, & enfuite il eut quelques différends avec Louis, duc de Bourbon, pour les hommages de la feigneurie de Dombes ; & après que cette affaire eut été terminée, il vint à Paris l'an 1410, à la priere du roi, qui lui donna la vicomté de Maulévrier. De retour dans les états, il accompagna l'empereur Sigismond en Italie, auquel il fit de fi grands honneurs, que Sigismond en reconnoiffance érigea le comté de Savoye en duché, par les lettres patentes datées de Chambery le 19 février 1416. Il fit la guerre aux Valailans, en faveur des barons de Rarons, qui étoient autrefois les plus puiflans seigneurs du haut Valais : il acquit le Mondovi, ancienne dépendance du Montferrat, comme fuccefleur préfomptif d'Amé de Savoye, prince d'Achaye & de Louis de la Morée fon frere; & après la mort de celui-ci, qui arriva l'an 1418, il hérita du comté de Piémont. Yoland d'Aragon, mere & tutrice de Louis III, roi de Naples & de Sicile,

& comte de Provence, lui céda tous les droits que fon fils pouvoit avoir fur le comté de Nice & fur la principauté de Barcelonette, & il lui quitta en échange la fomme de cent foixante mille francs d'or, avec les intérêts, que le comte Verd avoit dépensée en Sicile & dans la Pouille, au secours de Louis I, roi de Naples & comte de Provence. Ce traité fut fait à Chambery le s octobre 1419. Louis de Poitiers, comte de Valentinois, & de Dios, l'appella à fa fucceffion par fon teftament, fi Charles Dauphin de Viennois, qu'il avoit inftitué fon héritier, n'en exécutoit pas toutes les conditions; comme il arriva par le traité d'accommodement, que le dauphin fic avec Louis de Poitiers, feigneur de Saint-Valier, contre la volonté du testateur, ce qui obligea le duc de Savoye d'en prendre poffesfion, par des députés qu'il y envoya le 24 aoû: 1422. Louis de Châlons, prince d'Orange, lui intenta procès pour le comté de Genève, qu'il prétendoit lui devoir appartenir du chef de Jeanne de Genève fon ayeule maternelle; mais il en fut débouté par arrêt de l'empereur Sigismond, rendu à Bâle le 29 mai 1424. Ce prince ayant enfuite renoncé à fes états, fans qu'on ait pu découvrir la véritable raison, fe retira à Ripaille, fur le lac de Genève, & quelque tems après il fut élu pape par le concile de Bâle, & prit le nom de Felix V.

;

Comme fon élection caufoit un fchisme, il confentit à fa dépofition, & conferva le titre de cardinal avec la prérogative de porter les ornemens pontificaux; il mourut à Genève le 7 janvier 1451. Il eut de Marie de Bourgogne, fille de Philipe le Hardi, & de Marguerite comrelle de Flandre, Amé & Louis: le premier étant mort le 2 août 1431, Louis lui fuccéda. Il termina les différends qu'il avoit avec le duc de Bourbon, au fujet des fiefs de la feigneurie de Dombes; il fit enfuite une ligue avec le duc de Bourgogne, & s'accommoda avec le dauphin touchant ses prétentions fur les comtés de Valentinois, & de Dyois : le traité fut conclu à Bayonne le 3 avril 1445, & en récompenfe Louis, dauphin de Viennois, lui céda la feigneurie directe & l'hommage du Foucigny; le roi Charles VII ratifia ce traité à Chinon, & le confirma par un autre conclu à Genève le 1 mai 1446. (Cette déclaration fut faite à Genève le 22 avril 1445) Après cet accord, le duc de Savoye, convaincu que les partages ruinent ordinairement les maifons des princes, déclara le domaine de Savoye inaliénable George & Charles marquis de Carreto, lui firent donation (4) des feigneuries & château de Zucarello, Bardinet, Château-Blanc, & Stevalet, & quelque tems après ceux de Fribourg abandonnés par Albert duc d'Autriche, & craignant d'être attaqués par ceux de Berne, le reconnurent pour leur fouverain, (cette reconnoiffance fe fit le 10 juin 1450,) à condition qu'il conferveroit leurs priviléges. Comme il avoit beaucoup contribué au mariage de Charlotte de Savoye a four avec le dauphin, qui l'avoit fait fans le confentement du roi, Charles VII lui déclara la guerre l'an 1452 : néanmoins elle fut terminée fur la fin de l'année, & par le traité de paix, ce prince s'obligea de fervir le roi, avec quatre cents lances à les dépens, envers tous, excepté le pape & l'empereur. La néceffité où il étoit alors d'avoir de l'argent, l'obligea de vendre la baronnie de Gex, à Jean d'Orléans, comte de Dunois & de Longueville, à faculté de rachat. Il mourut à Lyon le 29 janvier 1465, laiffant d'Anne fille de Janus, roi de Cypre, & de Charlotte de Bourbon, Amé IX, furnommé le Bienheureux. Ce prince fe déclara pour Louis XI, contre le duc de Bourgogne,& lui envoya des troupes,mais une longue & fâcheufe maladie l'ayant rendu incapable du gouvernement, les états du pays défererent la régence à la duceffe Yoland. Les princes de Savoye outrés de ce qu'elle l'avoit emporté fur eux, leverent des troupes, & voulurent foutenir leurs droits par les armes : le cointe de Genève furprit Montmélian, & fe faifit du duc Amé qu'il fit conduire à Chambery; mais Louis XI ayant envoyé une armée au fecours de la ducheffe fa fœur, il le tint une conférence à la Perouse, où la querelle fut appaifée; après quoi le duc de Savoye passa les monts, & vint à Verceil, où il mourut la veille de Pâques 1472.Philibert I, qu'il eut d'Yolan de France, lui fuccé da: le regne de ce prince fut déchiré par des guerres civiles qui faillirent à ruiner la Savoye. Comme il n'avoit que

ans

fix

quand fon pere mourut, les comtes de Romont, & de Breffe, & l'évêque de Genève fes oncles, ne purent fuppor. ter que la ducheffe leur cut été de nouveau préferée pour la

régence: ils fe faifirent de ce prince & contraignirent la mere de fe retirer en Dauphiné: Louis XI pacifia les troubles, à condition que la ducheffe demeureroit régente, mais elle ne fut pas long-tems paisible dans le gouvernement; le duc de Bourgogne la fit enlever, & la retint prifonniere dans le château de Rouvre; cette violence obligea les états de Savoye à fe mettre fous la protection du roi, il donna le gouvernement des pays deçà les monts à l'évêque de Genève, & celui de Piémont au comte de Breffe, on lui remit la garde de Chambery, & de Montmélian, & il prit foin des jeunes princes qu'il fit venir en France. Pendant ce tems, la ducheffe se sauva de fa prifon, & retourna dans fes états, où elle mourut l'an 1478. Sa mort excita de nouveaux troubles, parce que le prince n'étoit pas encore majeur. Le roi choifit douze perfonnes pour compofer le confeil d'état, & pour prendre connoiffance de toutes -les affaires; & il donna le gouvernement de la Savoye & du Piémont au comte de la Chambre. Philibert ne furvêquit pas long-tems à fa majorité ; il mourut à Lyon fans enfans. *(a) L'acte de cette donation eft du 11 mars 1448.

Charles I fon frere regna après lui; fon regne fut court, mais glorieux par les avantages qu'il remporta fur fes ennemis, & particulierement fur le marquis de Saluces, qu'il chassa de les états. Il prit la qualité de roi de Cypre, en qualité d'héritier préfomptif de Charlotte de Lufignan reine de Cypre; il mourut à Pignerol le 13 mars 1489, à la vingt-uniéme année de fon age, laiffant de Blanche de Montferrat Charles II qui demeura fous la tutelle de fa mere, malgré les prétentions des comtes de Genève & de Breffe. Ce prince étant mort le 16 avril 1496, Philippe de Savoye, comte de Breffe fon grand oncle, lui fuccéda; mais il ne regna qu'un an. Philibert II, dit le Beau, qu'il avoit eu de Marguerite de Bourbon, fille de Charles, duc de Bourbon, & d'Agnès de Bourgogne fa premiere femme, lui fuccéda. Il affista l'empereur Maximilien contre les Florentins, & fe ligua avec Louis XII, pour le recouvrement du duché de Milan : il le reçut à Turin, avec une magnificence extraordinaire, & enfuite il alla à Rome pour confé rer avec le pape Alexandre VI fur la croifade qu'il lui avoit propofée : l'empereur Maximilien lui donna l'hommage des comtés de Radicata & de Coconat par fes lettres patentes datées d'Anvers le 1 avril 1503, pour en jouir avec les mêmes droits que les empereurs ; & par d'autres lettres du Is octobre de la même année, il lui quitta tous les droits impériaux fur les terres que le duc de Bourbon poffédoit entre les rivieres de Sône & d'Ains, avec les hommages & la jurisdiction temporelle fur les villes & diocèfes de Sion, de Laufanne, de Genève, d'Aofte, d'Yvrée, de Turin, de Maurienne, de Tarantaife, de Verceil, & de Mondovy, & fur-tout ce qui dépendoit de ceux de Lyon, de Mâcon & de Grenoble dans fes états, conformément à la conceffion que l'empereur Charles IV en avoit faite au comte Verd. Ce prince mourut au pont d'Ains le 10 feptembre 1504, fans avoir de poftérité d'Yolan de Savoye, fille de Charles I, duc de Savoye, & de Blanche de Montferrat, ni de Marguerite d'Autriche fille de l'empereur Maximilien, & de Marie de Bourgogne qu'il époufa en fecondes no

ces.

Charles III fon frere dit le Bon, lui fuccéda; fon regne fut long, pénible & malheureux, & il eut le déplaifir de voir fon pays devenir le théatre de la guerre entre François I & Charles-Quint. Il fuivit d'abord le parti de la France; mais les prospérités de Charles-Quint l'ayant ébloui, il fe déclara pour la maifon d'Autriche, ce qui obligea le roi de lui faire la guerre, qui fut terminée par l'entremise des Suifles, avec lesquels ce prince s'étoit allié. Il affifta au couronnement de Charles-Quint, qui donna à Béatrix de Portugal, que Charles avoit épousée, le comté d'Aft, pour elle & pour fes descendans; & par d'autres lettres datées de Malines, le 20 novembre 1531, il lui donna la fouveraineté & le vicariat de l'Empire fur ce comté & fur le marquifat de Ceve; il attaqua enfuite ceux de Genève, qui s'étoient fouftraits de fon obéiffance. Ce qui occafionna une guerre avec ceux de Berne en 1536. Ils prétendoient qu'il avoit contrevenu au traité d'alliance, en infultant leurs alliés & combourgeois : ils s'emparerent du pays de Vaud, chafferent l'évêque de Lausanne de la ville, & fe rendirent maîtres du pays de Gex, du Genévois, & du Chablais, jusqu'à la riviere de Dranfe, & en même-tems les Valaifans envahirent le refte du Chablais, & ceux de Fri

bourg fe faifirent du comté de Romont. Il étoit impoffible au duc de Savoye de s'oppoler à ces conquêtes. François I, dont il avoit abandonné les intérêts, l'avoit attaqué avec des forces confidérables, & l'avoit dépouillé de tous les états; la reftitution en fut ftipulée par le traité de Crepy en Laonnois, qui fut conclu entre le roi & l'empereur le 15 octobre 1544, mais quelque difficultés l'ayant empêché, ce prince en mourut de regret à Verceil le 16 septembre 1553, avec les fentimens d'un véritable repentir touchant fa mauvaise conduite envers le roi, & convaincu qu'il méritoit le traitement qu'il s'étoit attiré en manquant à sa parole. Le roi lui avoit fait propofer l'an 1539, de lui céder le comté de Nice avec les appartenances & les dépendances, & qu'il lui donneroit en échange vingt mille écus de rente, dans quelque endroit du royaume qu'il voudroit choifir pourvu qu'en même tems il lui remit en dépôt Turin, Moncalier, Pignerol & Savillon, jusqu'à ce qu'il eût fait la paix avec l'empereur : cette propofition fut fort examinée dans fon conseil; la plûpart de ses miniftres lui confeilloient d'accepter cette offre, fur le danger qu'il y avoit à s'y oppofer, d'autant qu'il avoit offert à l'empereur de lui céder tous les pays qu'il poffédoit deça les monts, depuis Nice jusqu'à Valais, en échange d'autres terres, dans la Lombardie; il fut d'un fentiment contraire, gagné par les pensionnaires d'Espagne, qui en le piquant d'honneur, le jetterent dans l'embarras, dont il ne put plus fe retirer.

Emmanuel Philibert, qu'il avoit eu de Béatrix de Portugal, commandoit l'armée de l'empereur en Flandre, lorsqu'il apprit la nouvelle de la mort de fon pere: comme il ne fuccédoit alors qu'aux titres de les ancêtres, il conferva le commandement de l'armée, & remporta fur le connétable de Montmorency la célébre victoire de Saint-Quentin ; il fut rétabli dans les états par le traité du Câteau-Cambrefis, & pour profiter de la méchante politique de fon pere, il époufa Marguerite de France, fœur du roi Henri 11 & s'attacha fortement à fes intérêts, comme le plus fûr moyen de regner tranquillement, & de fe mettre à couvert des infultes de les ennemis. Ses premiers foins, après son rétablissement, furent de corriger les abus qui s'étoient glisfés dans l'adminiftration de la juftice; enfuite il envoya fes députés à Lyon, où les ambassadeurs du roi devoient fe trouver pour éclaircir avec eux les droits qu'il avoit fur la Savoye; mais cette affemblée se sépara fans rien conclure, & le roi lui fit rendre les villes de Turin, Quiers, Chivas & Villeneuve d'Aft; les Bernois lui rendirent en exécution du traité de Laufane, du 30 octobre 1564, le pays de Gex, & tout ce qu'ils tenoient aux bailliages de Chablais, de Ternier & de Gaillard; mais ils retinrent le pays de Vaud; les Valaifans relâcherent auffi par le traité du 4 août 1569, tout ce qui eft au deçà de la riviere de Morges, jusqu'à la Dranfe; mais ceux de Fribourg s'opiniâtrerent à garder le comté de Romont. Il échangea l'an 1575, avec Renée de Savoye, comteffe de Tendes, veuve de Jacques marquis d'Urfé, le comté de Baugé, dans la Breffe, & la feigneurie de Rivoles en Piémont, pour les feigneuries de Marro & de Prelle, & tout ce qu'elle poffédoit à Oneille Vintimille, Pornaix & Carpas, de la fucceffion d'Honoré de Savoye, comte de Tende fon frère; Belle Ferrero, marquis de Mafferan, lui céda par le traité du mois de décembre 1576, les feigneuries de Saint-Balarin, Lombardore, Montanara & Falet, avec le droit de patronage de l'abbaye de faint Benigne, & il lui donna en échange le marquilat de Crevecœur. Il renouvella l'alliance avec les cantons catholiques en 1577, & il acquit en 1579, d'Henriette de Savoye, marquile de Villars, les droits qu'elle avoit fur le comté de Tende, & fur Oneille, Vintimille, Marro & Prelle, Jérôme Doria lui avoit déja remis la feigneurie d'Oneille avec toutes les dépendances, pour les feigneuries de Ciriez & de Cavallimours qu'il lui donna, à la réferve de l'hommage & de la fouveraineté.

Charles - Emanuel, qu'il eut de Marguerite de France, lui fuccéda l'an 1580. Il fut un des plus grands princes de fon tems, habile dans le cabinet, favant dans le métier de la guerre, & connoiffant parfaitement bien fes intérêts; les électeurs fe déclarerent en fa faveur pour le vicariat de l'Empire, & il fut décidé qu'il précéderoit tous les princes d'Italie à la cour de l'empereur, & par-tout ailleurs. Il fe faifit du marquifat de Saluces durant les guerres civiles de France, l'an 1588, & profitant des troubles du royaume après la mort de Henri III, il conquit la plus grande partie

de la Provence : mais il en fut chaffé, & Henri IV le força de lui céder en échange du marquifat de Saluces, la Breffe, le Bugey, le Valromey, & le pays de Gex.

Après l'exécution de ce traité, le duc de Savoye forma une entreprise fur Genève; mais elle ne réuffit pas mieux que celle qu'il tenta quelque tems après fur le royaume de Cypre. Ce fut alors que pour fatisfaire fon ambition, & pour diffiper les foupçons que le roi avoit de fon attachement pour la maifon d'Autriche, il lui fit repréfenter que la conjoncture étoit favorable pour se rendre maître du Milanez, tant par la néceffité où les Espagnols étoient réduits, que par le peu de troupes qu'il y avoit dans les principales places de ce pays, & par les dispofitions qu'il y avoit parmi le peuple à fecouer le joug de leur domination. Il eft certain que cette affaire entra dans les vaftes projets qu'Henri IV avoit formés contre la maifon d'Autriche; mais la mort renverfa tous fes deffeins, & le duc de Savoye ne fongea plus qu'à fe prévaloir de la mort du duc de Mantoue, pour s'emparer du Montferrat, fur lequel il avoit de grandes prétentions. Il déclara la guerre au cardinal de Mantoue, de qui le roi prit le parti; mais comme le fecours qu'on lui avoit promis étoit encore incertain, ce prince fe mit sous la protection des Espagnols, qui envoyerent des troupes dans le Montferrat, ce qui détermina le duc de Savoye de confentir au traité de paix, qui fut conclu à Milan. Comme il ne fut pas exécuté de bonne foi de la part du duc de Mantoue, & que les Espagnols, au lieu d'évacuer le Montferrat, mettoient des garnifons dans les places, il négocia une alliance avec la France, qui promit de joindre fes troupes aux fiennes, fi les Espagnols refu. foient d'accepter la paix qui venoit d'être arrêtée par l'entremise de fes ambaffadeurs, de ceux d'Angleterre & de Venife. Ce traité fut conclu à Aft; mais il furvint de fi grandes difficultés touchant l'exécution, que la guerre fe ralluma de part & d'autre. Le roi fe déclara pour le duc de Savoye, après la prife de Verceil, qui découvrit affez les intentions des Espagnols. Le maréchal de Lesdiguieres commanda l'armée qui paffa les monts; mais pendant ce tems, ce qui fut arrêté à la cour de France par le nonce du pape & par les ambaffadeurs de Venife, ayant été ratifié par le roi d'Espagne, il y eut une conférence à Pavie, après laquelle le duc de Savoye accepta le traité d'Aft, & ce fut en exécution de ce traité qu'il licencia la plus grande partie de les troupes, après quoi le prince de Piémont époufa madame Chriftine, fœur du roi.

Ce mariage ne fut qu'un effet de fa politique; il avoit de grandes vûes qu'il ne pouvoit faire réuffir que par l'appui de la France: la politique éclata dans la guerre qu'il fit au duc de Mantoue. Car dès que ce prince eut recherché la protection du roi, il fe ligua avec les Espagnols; cet engagement obligea de faire entrer des troupes dans fes états, les barricades de Sufe furent forcées malgré toutes fes précautions, & il fut contraint de figner le traité de même nom, qui fut arrêté le 11 mars 1629, par lequel il accorda non-feulement le paffage pour les troupes, mais encore il promit de fournir abondamment à leur fubfis. tance, & de ravitailler Cafal. Comme il n'avoit pas moins d'éloignement pour l'exécution de ce traité, que les Espagnols d'intérêt à l'empêcher, il manqua à la plupart des articles; le cardinal de Richelieu s'avança à la tête de l'armée, il voulut amufer ce grand homme, en temporifant, dans l'espérance de gagner par ce retardement, il tint la même conduite avec les Espagnols; mais en croyant se rendre néceflaire aux deux partis, il fe rendit fufpect à l'un & à l'autre, fe vit à la veille de perdre tous les états, & de fe perdre lui-même. Le cardinal de Richelieu qui l'avoit pénétré, lui faifoit donner le change par des négociations, & dans le tems qu'il l'amufoit fur de vains prétextes, il voulut le faire enlever à Rivoles, ce qui feroit arrivé, fi celui qui en étoit chargé, & à qui il en couta cher depuis, n'en eût fait avertir ce prince, qui de rage de s'être abufé, & d'avoir couru un fi grand risque, fe déclara entierement pour la maifon d'Autriche, à laquelle il tenoit naturellement ; le roi fe rendit maître de la Savoye, le prince de Piémont fut défait à Veillane par le maréchal de Montmorency, & le duc de Savoye qui s'attendoit à la victoire, en mourut de chagrin à Savillan le 26 juillet 1630, laiffant de Catherine-Michelle, infante d'Espagne, Victor Amédée, prince de Piémont, Maurice, cardinal de Savoye, & Thomas-François, Prince de Carignan.

Victor Amédée hérita de toutes les vertus de fon pere, & répara par fa prudence le mauvais état où étoient fes affaires. Le cardinal Mazarin, qui n'étoit alors que miniftre du pape, propofa une treve qui fut acceptée de part & d'autre; mais le tems en étant expiré, l'armée françoise marcha au fecours de Cafal; & comme elle arrivoit à Canet, on reçut la nouvelle du traité de paix conclu à Ratifbonne, les Espagnols refuferent de figner, & le maréchal de Schomberg ne promit de l'exécuter qu'en ce qui concernoit le duc de Savoye; il s'avança au-delà du torrent de la Gattola, & y mit l'armée en bataille, les Espagnols étoient dans leurs retranchemens, réfolus de fe défendre jusqu'à l'extrémité, le canon commençoit à tirer, & l'avant-garde françoife fe dispofoit à l'attaque des lignes, lorsque Mazarin, s'avançant vers le camp, cria que la paix étoit faite; les généraux confentirent à une fuspension, & enfuite le maréchal de Toiras & le fieur de Servien fe rendirent à Querasque, où le baron Galas fe trouva de la part de l'empereur, le préfident Benzo pour le duc de Savoye, & le chancelier Guiscardi pour celui de Mantoue. Le traité fut figné le 6 Avril 1631, par la médiation de Pancirole & de Mazarin, miniftre de S. S. & on convint que les dix-huit mille écus de revenu, que le duc de Savoye devoit avoir dans le Montferrat, avec la ville de Trin, feroient réduits à quinze mille, qu'il payeroit à l'acquit du duc de Mantoue, à l'infante Marguerite, ducheffe douairiere de Mantoue fa fœur, cent mille écus pour fa dot, augment, bagues & autres prétentions, & que pour fureté du payement il lui remettroit trois terres proche de Cafal, favoir la Motte, les Rives & Conftanzano de trois mille écus d'or de revenu, qu'il pourroit racheter, & dont il conferveroit la fouveraineté; & que le droit de patronage de l'abbaye de Lucedio avec la fouveraineté des terres & dépendances enclavées dans celles qu'on lui donnoit, appartiendroit au duc de Mantoue & à fes fuccesfeurs, ducs de Montferrat: l'exécution en fut faite le même jour, & il fut ratifié le 26 du même mois, par le duc de Savoye. Comme il reftoit encore quelques difficultés touchant l'évacuation des places, il fut ftipulé par un fecond traité du 30 du même mois, que le roi feroit rendre au duc de Savoye le 4 juin les villes & châteaux de Saluces Ville-Franche & Vigon, avec toutes celles qu'il avoit delà les monts, à la réferve de Sufe, Pignerol, Briqueras & Veillane; pour ce qui regardoit l'article fecret du premier traité, dont les Espagnols avoient conçu de l'ombrage, il fut expliqué par un nouveau traité du 19 juin d'une maniere qui diflipa tous leurs foupçons, & le duc de Feria, gouverneur du Milanez, en jura l'observation au nom du roi d'Espagne, ce qu'il confirma par sa déclaration datée de Pavie du 28 juin.

Les Espagnols avoient eu quelque vent de l'affaire de Pignerol, & quelques proteftations que le duc de Savoye leur fit faire, ils croyoient que cette place n'étoit plus en fon pouvoir. Pour mieux entendre cette affaire, il faut obferver que le roi étoit perfuadé que les Espagnols feroient toujours les maîtres en Italie, tant qu'il ne contrebalanceroit pas leur puiflance par le moyen d'une place, qui, lui facilitant l'entrée au-delà des Alpes, lui donnât le moyen de pouvoir fecourir les princes que la maison d'Autriche vouloit opprimer. Cette maxime avoit été négligée par fes prédéceffeurs : Henri IV en avoir reconnu l'importance, & c'étoit la raifon qui lui faifoit fouhaiter avec tant d'empreflement la reftitution du marquifat de Saluces: Louis XIII, pour réparer cette faute, & pour s'oppofer avec plus de facilité aux conquêtes que les Espagnols méditoient en Italie, & particulierement celle du Montferrat, qui leur ouvroit en même-tems le paffage de la mer du côté de Final & celui des Alpes, fit demander Pignerol au duc de Savoye : ce prince témoigna d'abord de la répugnance, dans la crainte de fe rendre les Espagnols irréconciliables, fit naître des difficultés pour en éluder la négociation; mais étant convaincu que l'intention du roi ne regardoit que le bien de l'Italie, qu'il feroit le premier à en tirer de l'avantage, il lui remit cette place par le traité du 30 mars 1630, avec Rive avec Rive, Baudenasco, Biacosco Supérieur, Cofta grande, le finage de Pignerol, les villages de l'Abbaye, le Valdelemie, le village & fort de la Peroufe, Villars les-Portes, le grand & le petit Diblon leurs finages & autres terres fituées dans la vallée de Peroufe, qui font fur la gauche, tirant de Pignerol à Pra

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